Ce que j`appelle oubli

Transcription

Ce que j`appelle oubli
Ce que j'appelle oubli
« je sais bien que je fais le mort mieux que personne,
mais je ne me plains pas parce que, l'amour,
je l'ai fait si souvent,je l'ai rencontré si souvent,
des visages et des prénoms, des voix et des mains »
Synopsis
« ...et ce que le procureur a dit, c'est qu'un homme ne doit pas mourir pour si peu […]
pas maintenant, pas comme ça, pas maintenant »
Une canette de bière contre une vie. Un tee-shirt sale contre une chemise blanche. Un
paumé contre des gens rangés. Une tête de bavure contre des têtes brûlées.
Ce que j'appelle oubli met en scène un fait divers. En décembre 2009, dans un
supermarché, quatre vigiles tabassent à mort un jeune homme pour avoir volé et bu une
bière. De ce fait barbare, l'écrivain Laurent Mauvignier a tiré un monologue tressé de
multiples voix - celles de la victime, de son frère, du narrateur - qui se télescopent.
C'est une seule et longue phrase ; pour dire les détails de cette mort, ce qui a pu se
passer dans la tête de l'homme, et aussi dans celle des vigiles - si c'est possible.
Pour retracer quelques éléments de la vie, de l'errance, des rencontres ; avant ce jour-là.
NOTE D'INTENTION
Je suis comédien.
Animé depuis un moment du désir de mettre en scène.
Il y a huit ans, j'ai présenté au théâtre des Bernardines à Marseille « Et jamais nous ne
serons séparés », une pièce de Jon Fosse, dans le cadre du festival les Informelles.
J'ai ensuite cherché un autre texte contemporain.
J'ai lu des romans surtout, les journaux beaucoup, du théâtre aussi.
A chaque sortie d'un nouveau livre de Laurent Mauvignier, je me précipitais chez mon
libraire.
Je sentais une grande proximité avec son écriture.
Qu'il évoquât des jeunes gens ayant traversé des événements qui font partie de ma
mémoire (« Dans la foule » sur le drame du Heysel), ou des époques que je n'ai pas
connues (« Des hommes » - la guerre d'Algérie), il soulevait des interrogations sur la
violence, la famille qui moi aussi pouvaient me hanter !
Mais la matière était jusqu'alors trop littéraire.
Il y a trois ans, paraît « Ce que j'appelle oubli ».
Un format (texte court-monologue) qui s'impose tout de suite, au carrefour du théâtre et
de la littérature.
Lecteur intense de la presse écrite, et je l'avoue, assez fasciné par les faits divers, j'ai
trouvé dans ce récit un questionnement très émouvant autour de la perte.
Comment évoquer un lien, un manque ?
Qu'est-ce qu'il reste de celui qui n'est plus là ?
Car ici c'est d'abord une histoire de famille dont il s 'agit.
D'un lien, celui de deux frères.
D'une disparition.
D'une mort inutile.
Stephen Butel
NOTES DE MISE EN SCENE
La langue de Laurent Mauvignier est incroyablement précise et concrète.
Mais elle est également musicale.
Pour aller plus loin qu'une lecture, pour faire du théâtre, il y a une faille à trouver, à
creuser.
Celle d'une famille, d'une fratrie.
Nous sommes chez le frère de la victime.
Il est seul, sur scène.
Il écoute de la musique.
Il regarde la télévision. On ne voit pas l'image, mais on entend les voix – les protagonistes
du fait divers : le juge, l'avocat, le frère de la victime, le procureur. .
Nous, spectateurs, sommes plongés dans son univers.
Par le dispositif mis en place (peu de spectateurs, très proches), nous sommes témoins de
ses pensées, de ses rêves, de sa vie qui s'écoule comme tous les jours.
Le téléphone sonne.
On entend les mots de la fin, les derniers mots du texte : « pas maintenant, pas comme
ça, pas maintenant ».
L'annonce de la mort du frère.
Suivront cinquante-cinq minutes, ponctuées par un morceau de Léonard Cohen (« Hey,
that's no way to say goodbye ») qui revient, en boucle, à satiété, calme, puis saturé, le
temps d'une longue phrase qui nous parle de cette vie perdue, de ce que j'appelle oubli.
Sur scène, il y aura un frigidaire, un fauteuil, un écran.
Quatre chaises, comme les présences fantômes des vigiles.
Un comédien dans une présence douce.
Il dit. Il tente de comprendre (mais est-ce possible?).
Il réveille les morts, les amours.
Pour approcher la violence des coups, il danse comme Patrice Chéreau et Pascal Grégory
le faisaient « dans la solitude des champs de coton », comme un guerrier Massaï.
La lumière sera tantôt douce, tantôt «pâle comme le reflet d'un tube de néon sur un lame
de couteau ».
EXTRAITS
« ...et les parents-vos parents, il faudra bien qu'on en parle aussi, de ça, tu ne crois pas?
les imaginer, dans leur cambrousse, cernés qu'ils sont par des voisins tremblants et
nerveux comme des vaches à l'abattoir, simplement parce qu'ils n'osent pas leur parler sur
le marché ; ou les clients de votre père, tu les vois ? tu les entends ?...
...et pas d'adieu, pour personne, ni pour vos parents, ni pour toi-non, pour toi non plus,
même s'il aurait aimé que ses derniers mots soient tournés vers ce frère à qui il a pensé si
souvent dans sa vie, eh bien non, pas cette fois, parce qu'il ne savait pas qu'il mourait,
dans les films ils savent toujours qu'ils meurent, mais en vrai ce n'est pas si beau, on ne
meurt pas, on ne fait rien, la vie se fait minuscule et finit par se faire la malle comme un
parasite abandonne une carcasse qui ne lui convient plus, c'est tout, alors pas le temps
pour les belles phrases ni pour les idées généreuses...
...pas de grandes phrases, je regrette, il aurait sans doute aimé te donner des conseils
que tu aurais gardés pour toi pendant des années, secrètement, comme une connaissance
de la vie très calme et paisible pour te consoler de sa mort et de son absence, pour te
dire , je suis là quand même et te répéter qu'avec lui rien ne meurt et que tout continue
pour toi, les mois, les nuages le ciel, la télé, les conneries à payer et le coupe du
monde...des conseils de vieux sage auxquels tu aurais repensé de temps en temps, les
jours de pluie ou de déprime, en te souvenant que tu avais un frère... »
Stephen BUTEL, acteur, porteur de projet
Il suit sa formation d’acteur à l’I.N.S.A.S. de Bruxelles de 1991 à 1994, et la complète avec
Claude Régy, Sotigui Kouyaté, Marc François, Andreï Serban, Anatoli Vassiliev... Il joue à
Bruxelles sous la direction de Jacques Delcuvellerie, Michel Dezoteux, puis avec Joël
Jouanneau, Hubert Colas, Anatoli Vassiliev, Michel Jacquelin, Laurent Gutman, Mathilde
Monnier, Rachid Zanouda, Frédéric Poinceau... Depuis « Le mariage de Figaro » en 1999,
il joue dans les spectacles de Jean-François Sivadier, notamment dans « La vie de Galilée »
de B. Brecht, « La mort de Danton » de Büchner, « Le roi Lear » de W. Shakespeare, « La
dame de chez Maxime », de G. Feydeau, « Noli me Tangere » de J.F. Sivadier, « Le
Misanthrope »et « Dom Juan »de Molière...
L'AUTEUR
Laurent Mauvignier est né en 1967 à Tours.
Après une formation aux beaux-arts, il publie son premier roman « Loin
d'eux » aux éditions de Minuit, 1999.
Suivront sept autres, toujours chez Minuit.
Il a également écrit « Tout mon amour », pour le collectif des possédés, mis
en scène au théâtre Garonne de Toulouse, en 2012.
Sa langue nous parle de l'absence, du deuil, de l'amour, du manque.
« Ce que je fais, c'est seulement accepter les lacunes, les erreurs, les
approximations, un peu comme un peintre ou un sculpteur le fait en
assumant les reliefs, les accidents de la matière qu'il travaille »
CONTACT
Direction artistique
Stephen Butel
06 10 05 13 45
[email protected]