Espagne : la dualité persistante du marché du travail
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Espagne : la dualité persistante du marché du travail
Espagne La dualité persistante du marché du travail ■ L’emploi temporaire était largement utilisé par les entreprises lorsque la crise a éclaté. ■ L’Espagne a souhaité réduire la dualité du marché du travail notamment en augmentant l’indemnisation versée en cas de rupture d’un contrat à durée déterminée. ■ Toutefois, les réformes semblent avoir, jusqu’à présent, peu d’effets sur le comportement d’embauche des entreprises. Les emplois temporaires plébiscités Part des emplois salariés temporaires dans l’emploi salarié du secteur (moyenne mobile sur quatre trimestres) (%) ▬ Total ; — Secteur manufacturier ; - - - Construction ; - - - Services Les réformes du marché du travail, mises en œuvre pour l’essentiel à partir de 2012, visaient notamment à offrir davantage de flexibilité interne aux entreprises et à réduire la dualité du marché. Leur mise en œuvre a accompagné le retour de la croissance et des créations d’emplois à partir de 2014 (+938 000 depuis le T4 2013). Celles-ci, conjuguées à la diminution de la population active, fruit de l’émigration et du vieillissement de la population, ont permis au taux de chômage de diminuer à partir de l’été 2013 (à 20,4% en mars). Toutefois, malgré cette embellie, le marché du travail reste fragmenté entre, d’un côté, les emplois permanents et, de l’autre, les emplois temporaires. inclut une période d’essai d’un an et bénéficie d’un régime social et fiscal avantageux. Promotion des contrats à durée indéterminée Les contrats temporaires toujours convoités L’emploi temporaire était une forme d’emploi largement usitée par les entreprises lorsque la crise a éclaté. La proportion de salariés en emploi temporaire dans l’emploi salarié total était de 31,5% en 2007, contre 16,4% à la même date au sein de la zone euro. Les emplois temporaires ont ainsi été la principale variable d’ajustement lorsque l’activité s’est effondrée. Près de 60% des 3,7 millions d’emplois détruits entre fin 2007 et fin 2013 étaient des emplois temporaires. La proportion de salariés en emploi temporaire dans l’emploi salarié total restera vraisemblablement en deçà de celui observé avant la crise en raison du changement de structure de l’économie espagnole. En effet, le poids du secteur de la construction (6% de l’emploi total en 2015 contre 13,3% en 2007), particulièrement friand de tels contrats (près de 40% des emplois de la construction en 2015), restera vraisemblablement durablement inférieur à celui observé en 2007. En effet, la politique économique des autorités vise surtout à privilégier des secteurs à plus forte valeur ajoutée. Les procédures de licenciement des emplois permanents ont été assouplies. La notion de licenciement économique a été revue. Les entreprises qui enregistrent des pertes ou observent une diminution de leurs revenus ou recettes, durant trois trimestres d’affilée par rapport à l’année précédente, peuvent désormais recourir à un licenciement économique. Dans le cas d’un licenciement injustifié, le montant de l’indemnisation est plafonné à 33 jours par année d’ancienneté, et à 24 mois de salaire (au lieu de 45 jours par année d’exercice et un plafonnement à 42 mois auparavant). L’autorisation administrative n’est par ailleurs plus requise en cas de licenciement économique collectif. Parallèlement, les réformes ont eu pour ambition de limiter le recours aux emplois temporaires en augmentant l’indemnisation versée en cas de rupture de contrat (douze jours de salaire par année d’ancienneté à partir du 1er janvier 2015). Les entreprises bénéficient par ailleurs d’une diminution des cotisations patronales lors de la transformation d’un contrat de formation et d’apprentissage en contrat permanent. Un nouveau type de contrat permanent, à destination des entreprises de moins de 50 salariés, a également vu le jour. Ce contrat encore appelé « contrat d’appui aux entreprises» economic-research.bnpparibas.com Graphique 1 Source : Eurostat Toutefois, les réformes semblent avoir, jusqu’à présent, peu d’effet sur le comportement d’embauche des entreprises. La hausse de l’emploi salarié à partir du troisième trimestre 2013 est en effet allée de pair avec celle de l’emploi temporaire. Près de 60% des emplois salariés crées depuis cette date sont temporaires (cf. graphique 1). La part de ce type de contrats dans l’emploi salarié total a ainsi progressé de près trois points depuis le printemps 2013 (à 25,7% au T4 2015). En outre, le taux de transition d’un emploi temporaire vers un emploi permanent reste faible (12% en 2014 contre 29,7% en 2006 selon Eurostat). La dualité du marché du travail risque donc de continuer à porter préjudice à l’économie espagnole. Les salariés en emploi temporaire sont en effet moins rémunérés. Ils sont également davantage exposés au travail à temps partiel, et bénéficient de temps de formation inférieurs à celui accordé aux salariés employés à durée indéterminée. Ce manque de formation nuit à son tour à leur employabilité, et accroît le risque d’exclusion du marché du travail. Catherine Stephan 13 mai 2016 – 16-18 4