Visite d`aptitude au sport chez le rhumatologue Aptitude for sport and
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Visite d`aptitude au sport chez le rhumatologue Aptitude for sport and
Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Visite d’aptitude au sport chez le rhumatologue Aptitude for sport and rheumatology Pierre Rochcongar Unité de biologie et médecine du sport, CHU de Rennes, 35033 Rennes cedex 09, France Reçu le 3 janvier 2007 ; accepté le 15 février 2007 Disponible sur internet le 30 avril 2007 Mots clés : Aptitude ; Sport Keywords: Aptitude; Sport 1. Introduction Les bienfaits d’une activité physique et sportive régulière, sont maintenant clairement reconnus comme faisant partie intégrante, non seulement de la prévention, mais aussi de la prise en charge thérapeutique des maladies chroniques, et tout particulièrement des atteintes de l’appareil locomoteur [1]. Cette pratique, lorsqu’elle est encadrée ou organisée, ce qui est fortement recommandé, est soumise à une stricte réglementation. Celle-ci impose un certain nombre de contraintes valables pour tout docteur en médecine avec, comme nous le verrons, des particularités dans le domaine de l’exercice de la rhumatologie. Dans tous les cas, la responsabilité du médecin est clairement engagée lors de la visite d’aptitude au sport [2]. 2. Quel est le contexte législatif et réglementaire ? Les lois du 16 juillet 1984, du 23 mars 1999 (intégrée au code de santé publique) et du 5 avril 2006 (intégrée au code du sport) imposent la délivrance d’un certificat médical (Annexe A ; voir le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article) pour la participation à une Adresse e-mail : [email protected] (P. Rochcongar). compétition ou la signature d’une licence sportive. Par ailleurs, de nombreuses institutions privées ou associations, dans un but d’assurance, demandent aussi la production de ce certificat médical. Il est, en général valable un an, et doit donc être le plus souvent régulièrement renouvelé. Lors de cette visite, le médecin doit s’assurer de l’absence de contre-indication temporaire ou définitive à la pratique d’un sport, en tenant compte notamment, de l’intensité et du niveau de pratique. Dans certains cas, selon les recommandations des commissions médicales des fédérations sportives, le certificat médical demandé peut conduire à l’autorisation d’un surclassement (junior jouant dans la catégorie d’âge supérieur). Tout médecin peut signer ce surclassement, à l’inverse du double surclassement (football, volley-ball, handball…), voire du triple surclassement (tennis…), qui sont réservés, après un examen clinique standardisé, aux médecins reconnus, de part leurs compétences particulières, par la fédération concernée (médecins fédéraux), voire aux médecins du sport (donc titulaires du CES, de la capacité de médecine du sport et, maintenant du DESC de médecine du sport). Dans le même ordre d’idée, certains sports sont considérés comme sports à risque (Arrêté du 28 avril 2000) (« Sports de combat pour lesquels la mise "hors de combat" est autorisée : alpinisme de pointe, sports utilisant des armes à feu, sports mécaniques, sports aériens, à l’exception de l’aéromodélisme, sports sous-marins »). Seuls les médecins agréés par la fédéra- 1169-8330/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2007.02.026 542 P. Rochcongar / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 tion concernée sont alors autorisés à signer le certificat, selon un protocole parfois strict, dépendant du niveau de pratique, comme c’est le cas pour la fédération française des sports sous-marins, par exemple. Deux catégories particulières de sportif doivent retenir l’attention du médecin lors de la visite médicale d’aptitude : les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels. Les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou dans les filières d’accès au haut niveau, sont répertoriés chaque année par le ministère de la Jeunesse, de Sports et de la Vie associative (MJSVA), sur proposition des directeurs techniques nationaux des fédérations. Ils doivent bénéficier d’un suivi particulier (Arrêté du 11 février 2004, modifié le 16 juin 2006 — publié au J.O. du 15 août 2006). Un examen médical annuel doit, notamment être réalisé par un médecin du sport et des examens cardiologiques (épreuve d’effort, échocardiographie) doivent être réalisés dans les six mois qui précèdent l’inscription sur les listes de haut niveau. Les sportifs à statut professionnel sont le plus souvent pris en charge dans des structures où exercent un ou plusieurs médecins spécialistes. Outre la réglementation inhérente à la fédération et à la ligue professionnelle concernées (cyclisme, football, basket-ball, rugby), les codes du travail, de santé publique, du sport et de déontologie doivent être respectés, ce qui peut mettre parfois ces médecins en difficulté. Des avancées récentes ont permis, via le Conseil national de l’ordre (CNO) des médecins, de clarifier cette situation en proposant des schémas de contrat (téléchargeables sur le site de CNO), dans le but de protéger le médecin dans son exercice, tout en lui permettant d’obtenir une couverture assurance en responsabilité par son employeur. Le médecin en charge du sportif au quotidien (médecin du club) est donc considéré comme médecin de soins (et n’est pas obligatoirement le médecin traitant du patient). Il ne peut être, en conséquence, le médecin expert pour ce même sportif, et donc décider seul de l’aptitude au sport. Il devra s’appuyer sur l’avis d’autres experts (locomoteur, cardiologie, médecine du sport…) qui feront la synthèse de l’aptitude éventuelle. Secondairement le médecin du club pourra signer la licence (certificat médical de non contre indication). Reste que, s’agissant d’un sportif professionnel, celuici devra être examiné par le médecin du travail de l’entreprise, seul habilité à décider d’une aptitude ou d’une inaptitude au poste de travail. L’inobservance de cette règle (heureusement de moins en moins fréquente), conduirait le président du club, en cas d’accident, à répondre de sa responsabilité devant les tribunaux. Au total, et quelle que soit la catégorie de sportif concernée, le médecin sera amené à rédiger un certificat de non-contreindication apparente à la pratique d’un sport donné. Il l’aura rédigé après un examen clinique détaillé et orienté, complété si nécessaire, par des examens complémentaires. Il aura, par ailleurs, clairement informé son patient des risques éventuels d’aggravation de telle ou telle pathologie, en fonction de la discipline sportive. Cela n’est pas anodin. En 2006, un médecin a été condamné à 10 000 euros d’amende pour ne pas avoir informé, lors de la visite d’aptitude, une patiente souffrant d’une myopie, des risques potentiels de perte de vision, liés à la pratique de la boxe anglaise, et cela en dehors de toute recommandation formelle de la fédération concernée ! 3. Spécificités de l’examen vu par le rhumatologue Elle concerne les aspects spécifiques de l’appareil locomoteur. Dans le cadre de son exercice, le rhumatologue peut être confronté à trois types de situation : ● l’aptitude en fonction du sport et de l’âge ; ● l’aptitude en fonction d’une pathologie inflammatoire ou dégénérative ; ● l’aptitude au décours d’une blessure. 3.1. Aptitude en fonction du sport et de l’âge D’un point de vue général un examen complet de l’appareil locomoteur s’impose, orienté vers le sport pratiqué, à la recherche d’anomalies du morphotype [3], d’antécédents traumatiques. Un genu valgum prononcé, une dysplasie de hanche avérée doivent rendre prudent vis-à-vis des sports en charge comme la course à pieds. Une instabilité rotulienne fera discuter la pratique (intensive) de la gymnastique sportive, de la danse, du basket-ball et du volley-ball notamment. La constatation d’une cyphoscoliose chez un adolescent, nécessitera une attention particulière, quand on sait que celle-ci est plus fréquemment retrouvée dans certaines disciplines comme la gymnastique sportive [4]. La décision finale d’aptitude reste directement dépendante de la législation et des règlements fédéraux. En ce qui concerne les sportifs de haut niveau, en application des textes déjà cités, « un examen IRM du rachis cervical doit être réalisé dans les six mois qui précèdent l’inscription sur les listes pour le football américain, le plongeon de haut vol, le rugby à XV (uniquement pour les postes de première ligne à partir de 16 ans), et le rugby à XIII (uniquement pour les postes de première ligne) ». Par ailleurs, « une information des sportifs est à prévoir lors de l’examen médical quant au risque de développer ou d’aggraver (si préexistant), un canal cervical étroit lors de la pratique des disciplines déjà citées ou des pathologies du rachis lombaire, notamment une lyse isthmique avec ou sans spondylolisthésis lors de la pratique de certaines disciplines » (en tout premier lieu la gymnastique sportive et le plongeon). Très récemment encore, les recommandations étaient en faveur de l’examen radiologique (uniquement conservé à ce jour par la Fédération française de gymnastique, pour le rachis lombaire (un seul examen à l’entrée) et uniquement pour les athlètes engagés dans les filières de haut niveau). L’évolution du code de santé publique (Section 6. Articles R133-55/57), concernant la protection des personnes exposées aux rayonnements ionisants, à des fins médicales et médicolégales, justifie cette évolution du texte. P. Rochcongar / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 L’attention du spécialiste de l’appareil locomoteur doit être tout particulièrement attirée sur les règlements édictés par la Fédération française de rugby (Annexe B). En effet, l’incidence des traumatismes cervicaux graves, notamment chez les avants, est particulièrement bien documentée [5]. De nombreuses études cliniques et radiologiques font références [6]. La fédération impose donc, pour tout licencié de plus de 15 ans, un certificat médical spécifique, autorisant la pratique en première ligne sans risque. Par ailleurs, toute blessure entraînant une incapacité permanente ou temporaire, doit conduire à une réévaluation de l’aptitude. Il s’agit donc, dans tous les cas, d’une décision médicale très lourde de conséquence éventuelle pour le praticien. L’enfant en croissance, quelle que soit la discipline sportive, doit faire l’objet d’une attention particulière. Si les radiographies destinées à préciser l’âge osseux, en dehors de tout contexte pathologique sont interdites, pour les raisons réglementaires déjà exprimées, il faudra apporter une attention toute particulière au développement pubertaire, plus qu’à l’âge civil. Le risque avant la soudure des cartilages de croissance est en effet, bien particulier. Les lésions musculaires intrinsèques, tendineuses, voire ligamentaires [7] sont rarissimes. En revanche, les lésions aiguës ou chroniques des cartilages prédominent [8], en particulier les ostéochondroses [9,10]. Elles doivent être repérées par la palpation et la contraction contre résistance du complexe muscle–tendon, déclenchant une douleur élective et, le plus souvent, confirmées par une simple radiographie standard. Elles conduisent le plus souvent à un arrêt de quelques semaines de l’activité sportive en cause. Les enfants pratiquant les sports collectifs, la gymnastique, la danse notamment, sont les plus fréquemment concernés. Cette attitude justifie par ailleurs, l’interdiction de la musculation lourde avant la puberté et la surveillance renforcée de sports pratiqués de manière intensive chez les adolescents (gymnastique, danse…) [11]. 3.2. Aptitude dans le cadre d’une pathologie inflammatoire ou dégénérative Un certain nombre de situations cliniques sont largement abordées par ailleurs, dans cette monographie. Quelle que soit la situation, l’inaptitude totale et définitive au sport reste exceptionnelle. À l’inverse, l’inaptitude temporaire et partielle est fréquente, d’autant plus que le sportif avance en âge. Le rhumatologue sera donc conduit à rédiger une véritable « prescription d’activité physique », en tenant compte des désirs, de la motivation du patient, des conditions de pratique (l’isolement est souvent source d’échec), du traitement, voire des périodes d’activité en fonction des poussées inflammatoires 543 par exemple. Il faudra aussi ne pas négliger les antécédents sportifs. En effet, il a été parfaitement démontré que la motivation à reprendre une activité physique est directement dépendante du passé sportif [12], cela d’autant plus que les anciens pratiquants semblent présenter un seuil de perception de la douleur supérieur à des sédentaires [13]. 3.3. Aptitude au décours d’une blessure Même si les connaissances actuelles des modes de cicatrisation musculaire, tendineuse et ligamentaire nous permettent d’affirmer que l’immobilisation totale et prolongée a un effet délétère sur ces structures [14] ; même si parallèlement les progrès dans le domaine du diagnostic [15] de la chirurgie [16] et de la rééducation [17], ont permis de réduire considérablement la durée de l’arrêt sportif, il n’en reste pas moins vrai que les temps minimums de cicatrisation doivent être strictement respectés. En effet, de nombreuses études réalisées chez des sportifs de haut niveau principalement, ont bien mis en évidence que le risque majeur que représente la récidive, est directement lié à une reprise trop précoce de l’entraînement ou de la compétition. Cela est particulièrement vérifié pour les lésions de l’appareil locomoteur, et concerne donc en premier lieu le rhumatologue [18,19]. Le risque potentiel majeur étant l’évolution vers l’arthrose précoce, avec ses conséquences à moyen et long terme, on peut fortement craindre, dans les années à venir, une mise en cause des praticiens notamment, pour les sportifs jeunes (et de haut niveau), arguant d’une perte de chance, et de moyens. L’autorisation de reprise (si nécessaire, donnée de façon collégiale) doit donc être parfaitement argumentée, programmée dans le temps, et le patient informé des risques potentiels de récidive ou de complications. 4. Conclusion La visite d’aptitude au sport chez le rhumatologue est un acte important qui, comme tout certificat, engage la responsabilité de celui qui le rédige et le signe. Au cours de cette visite, plus particulièrement orientée dans ce cas vers l’appareil locomoteur, le praticien devra tenir compte de l’âge, des antécédents, du type de sport (voire du poste occupé), du niveau de pratique. Cet examen donnera l’occasion d’informer le patient des bienfaits réels et prouvés des activités physiques, mais aussi des risques éventuels liés à une pratique trop intensive, mal encadrée, voire sans respect des temps de cicatrisation après la survenue d’une blessure. 544 Annexe A. Certificat médical général P. Rochcongar / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 P. Rochcongar / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 545 546 P. Rochcongar / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 541–546 Annexe B. Données supplémentaires Du matériel complémentaire (Figs. S1,S2) accompagnant cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com, doi: 10.1016/j.rhum.2007.02.026. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] Petersen BK, Saltin B. Evidence for prescribing exercise as therapy in chronic disease Scand. J. Med Sci Sports 2006;1(suppl):3–63. Clément R, Rodat O. Responsabilité médicale et traumatismes sportifs. J Traumatol Sport 2002;19:227–32. Rochcongar P. 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