le Spartak Moscou, le club le plus rock`n`roll d`Union soviétique. Un

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le Spartak Moscou, le club le plus rock`n`roll d`Union soviétique. Un
Hors-Série SF72-10
11/12/09
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SO FOOT
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POLITIQUE
Spartak
attaque
Les frères Starostin étaient quatre. Quatre garçons dans le vent qui ont
révolutionné un football russe ultrapolitisé en créant la première ONG du pays:
le Spartak Moscou, le club le plus rock’n’roll d’Union soviétique. Un avantgardisme que Lavrenti Beria, un des bouchers de Staline, a pourtant bien tenté
de foutre en l’air. Par Gauthier de Hoym / photos: DR
“Nikolaj n’aurait
jamais accepté de
poste de haut
fonctionnaire dans
un quelconque
ministère
‘militaire’: il avait
une aversion pour
les uniformes et
les saluts avec les
talons tapant sur
le sol (sic)”
Curletto, auteur d’un livre
sur le Spartak
i
Lavrenti Beria est géorgien. Il est aussi patron
des services secrets russes depuis 1938 (il le
sera jusqu’en 1953, ndlr), connu pour avoir été
le chef d’orchestre d’une partie des purges
staliniennes. En ce jour de septembre 1939, il
en a après les frangins Starostin –Nikolaj, Aleksandr,
Andrej et Petr– et leur fichu Spartak. On est le 30 du
mois, et l’on rejoue la demi-finale de la coupe de
Russie. “Rejoue” car, en fait, le Spartak Moscou a
remporté la compétition quinze jours plus tôt, et il faut
être honnête: ça n’a pas plu, mais alors pas plu du tout,
à Beria. Il a donc usé de son influence pour convaincre
le Comité de la culture physique de revenir sur sa
décision –ce dernier avait pourtant validé la victoire du
Spartak–, sous prétexte qu’en demi-finale, le but victorieux du club moscovite ne serait pas totalement rentré
dans les cages du Dinamo Tbilissi, son adversaire.
Deux points importants à évoquer alors: évidemment,
rien ne prouve que le fameux ballon ne soit pas rentré,
et, surtout, Beria est un supporter fidèle de Tbilissi,
équipe dans laquelle il effectua, lui-même, ses premiers
pas de footballeur. De ses nombreux souvenirs de
vestiaire, un seul reste pourtant gravé dans sa
mémoire: l’humiliation que lui a fait subir Nikolaj,
l’aîné des quatre Starostin, sur le terrain, lors d’un
match disputé dans les années 20 –genèse de sa haine
envers les frères “Spartacus”.
Logiquement, le remake de la demi-finale est la copie
conforme de l’originale. Et le Spartak s’adjuge, au bout
du compte, la coupe de Russie. Furieux, Beria quitte le
stade avant même la fin de la partie, jurant qu’il finirait
par avoir la peau de ces renégats.
Aversion pour les uniformes et les saluts
militaires
Sa frustration est d’autant plus vive que le Spartak
martyrise aussi le Dinamo
de Moscou. Un club dont il est, depuis 1938… président
honoraire! La fonction de chef du NKVD (futur KGB)
allant de pair avec la présidence du Dinamo. Pire: le
club, pourtant champion en 1936 et 1937, se fait damer
le pion par le Spartak depuis que Beria est à sa tête.
Avec deux doublés consécutifs (1938 et 1939), le
Spartak Moscou rafle toutes les mises, alors qu’il n’est
pas issu du sérail gouvernemental. “Le Spartak était un
modèle d’entreprise sportive alternatif, dynamique et
beaucoup plus démocratique que le Dinamo de Moscou,
soutenu par les services secrets, ou le CSKA, soutenu
par l’armée. Contrairement à ces équipes, il n’était pas
lié à des hauts fonctionnaires militaires mais était
dirigé uniquement par des athlètes”, explique
Alessandro Curletto, auteur italien de Spartak Mosca,
Storie di calcio e potere nell’URSS di Stalin. Un postulat
auquel les Starostin ne veulent en aucun cas déroger
lorsqu’ils décident de fonder le club en 1922 sous le
nom de MKS (1).
Il sera une émanation de la Société des sports des
volontaires. En creux, une institution civile qui prend
ses distances avec un pouvoir qui a tendance à se
croire partout chez lui. “Nikolaj n’aurait jamais accepté
de poste de haut fonctionnaire du ministère des Sports
ou de fonction dans un quelconque ministère ‘militaire’.
Ses mémoires témoignent d’ailleurs d’une aversion pour