Vers une lumière plus citoyenne

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Vers une lumière plus citoyenne
Solutions
LUMIÈRE
Lormont
et Bassens
Dans le cadre d’un appel à
projet lancé par EDF et la DIV,
Lormont et Bassens, deux
communes de l’agglomération
bordelaise, ont mis en place
une démarche globale,
pluridisciplinaire et concertée
pour développer un plan
lumière au sein de leurs
quartiers d’habitat social.
C
OMME il paraît loin le temps où Stendhal louait les charmes
de cette « colline vis-à-vis, à une demi-lieue au-delà de la
Garonne, sur la rive droite » et qui « vient se terminer au
fleuve, au village de Lormont, à l’extrémité nord de cet admirable demi-cercle ». Accrochée aux coteaux qui plongent sur
la Garonne et surplombent Bordeaux, la commune de
Lormont a connu, comme beaucoup d’autres agglomérations situées en
périphérie des grandes villes, les avatars urbanistiques des Trente
Glorieuses. Le petit village bucolique construit au fil des siècles autour
d’une rue principale qui se déroule d’est en ouest, subit en effet dès le
milieu des années 60 les contrecoups très déstructurants de l’arrivée des
grands ensembles. A cette époque, une ZUP émerge ainsi au gré des
barres et des tours destinées à accueillir quelque 10 000 habitants, soit
la moitié de la population actuelle de la commune. « On a alors une
série de coups de hache orientés nord-sud et on se retrouve avec des
phénomènes d’enclavements de quartiers et un territoire complètement
stigmatisé », note Jean-Claude Margueritte, architecte-urbaniste et
directeur des services techniques et de l’urbanisme à Lormont. Une
situation que connaît, dans une moindre mesure, la commune voisine
de Bassens (7 500 habitants) où une cité de 200 logements vient
perturber le tissu d’habitat pavillonnaire qui caractérise le centre-bourg.
Dans les deux villes, l’état de l’éclairage urbain reflète ces incohérences
urbaines. « On s’est retrouvé au bout de 30 ans avec des candélabres
en béton ou métalliques de plusieurs types, placés à de mauvais
endroits au regard des profils de voies appelés à changer et avec toutes
sortes de lampes, au sodium, au mercure, etc., qui ont fini par donner
des couleurs de lumière et des niveaux d’éclairement disparates puis
rendre la ville illisible », déplore Jean-Claude Margueritte. Constat quasiment identique du côté de la Cité du Bouquet (ou Bousquet ?) de
Bassens où l’hétérogénéité des installations débouche aujourd’hui sur
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Vers une lumière
plus citoyenne
Avenue de
la Libération,
dans le
quartier des
Concomittants
un éclairage public inadapté et déficient, explique
pour sa part Kathy Adamski, architecte-urbaniste
pour le compte d’Aquitanis, l’office public propriétaire
de la résidence : « Nous avions un éclairage de type
routier, absolument pas adapté aux piétons et pas du tout sécurisant.
Il y avait vraiment une coupure avec le centre-bourg et rien n’était fait
pour donner envie de rejoindre les infrastructures – mairie, bibliothèque, salle des fêtes... – situées à proximité. »
Instiller une plus grande cohérence
Lorsque EDF et la Délégation interministérielle de la ville lancent en 2001
un appel à projet pour la mise en lumière et le développement durable des
quartiers situés en priorité dans les territoires inscrits aux Grands Projets
de Ville (GPV), les communes de Lormont et Bassens ont déjà entamé une
réflexion sur la recomposition de leur éclairage public. La première a
profité de l’arrivée du tramway le long d’un axe nord-sud traversant les
grands ensembles pour donner un coup d’accélérateur à l’élaboration des
grandes orientations d’embellissement prévues par son Projet de Ville
(volets paysages, lumière et couleurs-design), tandis que Bassens
cherche à enclencher une véritable réflexion sur l’éclairage urbain à
l’occasion d’une vaste opération de rénovation de la Cité du Bousquet
destinée à remplacer la majeure partie des immeubles par de l’habitat
individuel. Pour les deux municipalités de l’agglomération bordelaise,
l’appel à projet relatif à la lumière représente une occasion unique d’instaurer une démarche cohérente en terme d’éclairage public. EDF entend
promouvoir, pour sa part, l’idée d’un éclairage dépassant le simple aspect
fonctionnel pour créer un sentiment d’identité et de sécurité accru et
restaurer un lien souvent détérioré dans les quartiers d’habitat social.
« Cette opération consistait à dire qu’EDF, entreprise citoyenne, pouvait
parfaitement contribuer à la redéfinition des ambiances nocturnes dans
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Château d’eau
de toute la cité,
une des toutes
premières
mise en lumière
qui va être
réalisée.
ces quartiers et permettre ainsi à l’habitant de se réapproprier l’espace
public Il s’agissait aussi d’appuyer des initiatives axées sur les trois critères
du développement durable que sont l’équité sociale, la prudence environnementale, par le biais d’équipements possédant une plus grande durée
de vie, et l’efficacité économique, en participant à la redynamisation
d’une vie commerçante dans un quartier », souligne Bernard Larrieu, du
Réseau EDF d’experts lumière (REEL).
Les projets présentés par Lormont et Bassens ont été primés en 2003
pour avoir satisfait aux critères exigés par EDF et la DIV, et notamment
pour leur approche innovante et globale. « Il nous fallait créer un
nouvel imaginaire à partir de l’analyse historique, géographique et
sociale de notre territoire », explique Jean-Claude Margueritte. Lormont
s’oriente donc vers un schéma directeur lumière global s’attachant à
donner une homogénéité et une
identité à chacun des grands axes
structurants de la ville, à
commencer par la voie nord-sud
transformée par l’arrivée d’un
tramway qui n’attend pas et qui
se voit équipée de plus de
200 candélabres d’une hauteur
Sur les 79 dossiers reçus dans le
de 8 m, avec des lampes iodures
cadre des deux appels à projet lancés
métalliques à brûleurs cérapar EDF et la DIV et clôturés le
miques de 150 W, amenant une
4 février 2004, 51 portaient sur la mise
couleur de lumière blanche et
en lumière, 24 sur le développement
chaude (3 000 K). Espacés de
durable et 4 sur les deux volets.
30 m et placés en bilatéral, les
Au total, 39 projets ont été primés.
candélabres permettent d’obtenir
Lormont et Bassens ont ainsi bénéficié
un niveau moyen d’éclairement
d’une aide financière d’EDF
d’environ 30 lux.
(l’enveloppe globale de l’entreprise
pour ces appels à projet s’élevant à
Associer la population
quelque 3 millions d’euros) et d’un
Outre les avancées constatées en
appui technique de la part du Réseau
terme de confort visuel (caractéd’experts lumière d’EDF, notamment
risé en particulier par l’absence de
dans le montage du dossier. Cette
opération était également soutenue par zones d’ombres), la mise en place
d’un système de gestion centrade nombreux partenaires, à l’exemple
lisée (optimisation des durées
de l’Agence de l’environnement et de
d’allumage, régulation des flux
la maîtrise de l’énergie (ADEME), de
l’Association française pour l’éclairage lumineux selon des tranches
horaires, repérage en temps réel
(AFE) ou encore de la Caisse des
des dysfonctionnements sur le
dépôts et consignations.
réseau…) apporte en outre des
avancées notables en matière
d’économie d’énergie et de maintenance. Les voies transversales, disposées selon un axe est-ouest, ont commencé à être équipées d’une trentaine de luminaires d’une même hauteur et possédant des lampes
sodium haute pression de 150 W offrant un niveau d’éclairement
comparable à celles installées sur le parcours du tramway. Pour
compléter ce plan lumière, les cheminements piétonniers d’une part et
les espaces publics (squares, places…) de l’autre, doivent également
faire l’objet d’un traitement spécifique, avec des lanternes pouvant fonctionner en éclairage direct ou indirect, installées sur des mâts de 4 à 5 m
de haut et dotées de lampes iodures métalliques à brûleurs céramiques
de 70 W et de 150 W pour un éclairement moyen de 15 lux.
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Une aide
financière
et technique
La cohérence de cette opération, qui doit s’étaler sur plusieurs années, a
été renforcée par le mariage du plan lumière avec le plan couleur, comme
le montrent les candélabres qui « se sont vu attribuer une tonalité particulière, du bleu rappelant le rapport au fleuve pour les axes est-ouest,
à un pourpre tirant sur le rouge pour les axes nord-sud, pour que
chacun puisse se situer de jour comme de nuit. De plus et au delà de
l’éclairage, une incitation à la valorisation par la lumière est encouragée
au gré des différentes opérations privées ou publiques sur l’ensemble
des secteurs majeurs de la commune », précise Jean-Claude
Margueritte. Une recherche de cohérence et d’esthétique qui a également
prévalu dans les options retenues par les responsables de Bassens, à
l’image de la vingtaine de candélabres destinés à la première tranche
d’aménagement de la Cité du Bousquet. « Ce sont des lanternes dont la
vasque plane réduit les éblouissements et qui sont équipées de lampes
iodures métalliques de 70 W. Avec la ville, on a choisi un design vraiment contemporain pour coller au style architectural des maisons qui
ont été construites », note Kathy Adamski, avant de souligner l’importance de la notion de concertation contenue dans les appels à projet.
Depuis juin 2004, des ateliers sont en effet organisés pour sensibiliser les
habitants de Bassens à tout ce travail entamé sur l’espace public et
l’éclairage, tandis qu’à Lormont un bus a été aménagé pour mener une
démarche similaire auprès de la population. « Tous les partenaires soutenant ces appels à projet ont estimé que les opérations de ce type ne
pouvaient plus être le fait que du seul concepteur lumière et qu’il fallait
une équipe pluridisciplinaire comprenant par exemple un architecteurbaniste ou encore un historien
local pour entamer une réflexion
et la faire valider par les habitants », rapporte Bernard Larrieu,
avant de noter que l’exemplarité de
Pour le plan d’embellissement de la ville
de Lormont et son schéma directeur
cette approche servira à l’avenir de
lumière :
référence sur la région Sud-Ouest.
Les intervenants
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HENRI CORMIER
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Place
des Iris.
Le long du
tramway.
IMaîtrise d’ouvrage : ville de Lormont,
Direction des services techniques et
d’urbanisme (DSTU)
IMaîtrise d’œuvre : ville de Lormont,
Direction des services techniques et
d’urbanisme : Jean Claude Margueritte,
architecte-urbaniste, chef de projet
IFournisseurs principaux:
– Mâts : Petitjean, GHM
– Luminaires: Ludec, Comatelec, Thorn,
Bega.
– Système GTC : BH Technologies.