Acte II, scène 6 : Sosie, Charis

Transcription

Acte II, scène 6 : Sosie, Charis
Acte II, scène 6 : Sosie, Charis
Kleist avait modestement donné son Amphitryon comme « une comédie d’après Molière ». De la
traduction s’est échappé un autre Amphitryon : la copie a permis à Kleist la création d’une œuvre
originale et déconcertante.
Ecrit en 1805, par un homme discret à la vie fulgurante et déchirée, cet Amphitryon là joue
quelque chose de nouveau. Kleist a sorti le mythe de la comédie pour le faire résonner dans une
architecture de doute et de passions douloureuses. En ouvrant des gouffres sous nos pieds, il ne perd
rien de la comédie. Sosie demeure le pivot comique.
En travaillant Amphitryon, je crois que l’on touche à une question essentielle du théâtre, à savoir la
confrontation et le dialogue avec le double, avec celui qui est le même que moi. Aucun autre mythe ne
résume aussi bien cette essence du théâtre, preuve en est peut-être la cinquantaine d’Amphitryon qui
peuple le théâtre depuis celui de Plaute.
Avec Kleist, les épiphanies auxquelles on assiste sont un jeu d’apparence diabolique : Jupiter et
Mercure en dieux moqueurs se mettent au pas humain, laissant place sur la scène à l’illusion, à la
rivalité des dieux et des hommes et au tragique qu’augure ce choc. On croit voir un instant Job dans la
figure errante d’Amphitryon, héros de retour de guerre et aussitôt dépossédé de lui-même, ombre
sans nom et au visage usurpateur. Tous les objets sont ici fluctuants. Le divin se fait charnel, et
l’érotisme devient un passage du ciel à la terre. Alcmène est le terrain de cette dispute.
Alcmène, personnage d’infidèle innocente ( on pense à La Marquise d’O), traverse cette confusion
des sentiments sans objet sur lequel s’appuyer : le doute, omniprésente manipulation divine, efface
jusqu’au nom gravé sur le cadeau de l’amant véritable.
Trop de démesure.
Au milieu du tumulte, Alcmène ne pourra conclure que par un Ah, seule réponse possible à cette
double présence indémêlable dont elle est le centre.
L’existence des Dieux n’est pas le sujet de la pièce. Que les dieux jaloux prennent nos masques
pour venir sur terre est acquis.
Cette fable, invraisemblable, opaque comme une énigme, force la curiosité ; de là naît la féerie que
Molière a très bien su attraper. Je crois qu’il y a encore ça dans la version de Kleist, ça et autre chose :
la féerie devient un vertige tragique.
Don Juan, en séduisant Elvire, défiait Dieu. Jupiter inverse les rôles et chez Kleist, ce sont les
dieux qui provoquent les hommes. Jusqu’où pourrons-nous nous hisser ?
Cet Amphitryon demande : où est ma part divine, ma part sublime, moi qui suis homme ?
C’est le jeune Kleist qui cherche à prendre sa place dans l’existence - sur quoi peut-il s’appuyer ? et
ne voit aucun modèle à suivre, aucun étendard à porter ; on croit voir le dieu moqueur de Descartes et
son doute ravageur déferler sur lui.
Toute la pièce repose sur ce soubassement : le désir d’un Dieu. C’est une pièce sur le désir et sur
son origine. Le désir est-il pour nous un outil de perfection, quelque chose qui nous lève vers le ciel,
ou, simplement une confusion dont même les dieux seraient les victimes ?
Le théâtre doit présenter ce doute ; la scène, elle, doit représenter des dieux descendus sur terre.
Entre les deux, ce désir…
Benjamin Moreau, mai 2009
Acte III, scène 11 Alcmène, Amphitryon
Les photographies sont de Laurence Fragnol

Documents pareils

5ème corrigé Hercule

5ème corrigé Hercule Ses parents sont Zeus (Jupiter) et Alcmène. Son frère jumeau s’appelle Iphiclès. Il est le fils d’Amphitryon. 2° Où est-il né ? Il naît à Mycènes, dans le Péloponnèse. 3° Quelle déesse souhaite par...

Plus en détail