Jukka Havu
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Jukka Havu
Jukka Havu Professeur de la langue française Institut des études de langues, littérature et traduction 33014 Université de Tampere Finlande [email protected] Codification du finnois Le finnois moderne est le produit d’une évolution historique assez particulière. Pendant presque 600 ans, le pays fut une province suédoise (à partir du XIIe siècle jusqu’en 1809). En 1809, la Finlande fut annexée par l’Empire russe en tant que Grand-duché autonome. La Proclamation de l’indépendance eut lieu en 1917. Le finnois était une langue minoritaire dans le Royaume de Suède avant 1809 ; les locuteurs du finnois ne représentaient qu’environ 25 % de la population totale de l’État. Or, après l’annexion à l’Empire russe, la situation changea d’une façon considérable. Le finnois devint largement majoritaire au Grand-duché qui fut doté d’une autonomie politique très étendue. Cependant, le finnois n’acquit le statut de langue co-officielle qu’en 1882. Jusqu’à la fin du XIXe siècle et malgré l’intense activité culturelle en langue finnoise, le suédois resta la langue des élites sociales et économiques du pays. Vers la fin du XVIIIe, le mouvement romantique contribua à la découverte des traditions et mode de vie populaires et suscita un nouvel intérêt pour la population finnophone et la langue finnoise. En même temps, une nécessité impérieuse de moderniser le finnois se fit sentir grâce à la nouvelle situation politique du pays. Le corpus de codification consista en : 1. la vieille langue littéraire (basée essentiellement sur les dialectes de l’Ouest du pays et utilisée surtout dans des textes religieux à partir de la moitié du XVIe siècle) ; 2. les dialectes finnois (les dialectes de l’Est acquirent un nouveau prestige grâce à la publication de l’épopée nationale, Le Kalevala) ; 3. la structure interne de la langue (le riche système de dérivation permettait d’enrichir le vocabulaire à partir d’éléments « autochtones ») ; 4. les langues étrangères (calques, emprunts, etc.) Le choix de la base grammaticale et lexicale de la future langue normative, les préférences dialectales, le purisme « autochtonisant », etc. provoquèrent des débats parfois même violents parmi les militants de la cause du finnois. Le travail de codification aboutit à un artefact, une langue de compromis construite sur la base de la vieille langue littéraire, enrichie de quelques éléments lexicaux et morphologiques provenant des dialectes orientaux. Cette langue ne fut jamais parlée de façon spontanée mais c’est une forme langagière neutre accessible à tous les finnophones. Une des conséquences du processus de codification et de normalisation de la langue est l’écart considérable entre la langue normative et l’usage. La principale institution normative, l’Institut de recherche sur les langues de Finlande (KOTUS), a réagi à la réalité sociolinguistique de la seconde moitié du XXe siècle en proposant une norme plus flexible. Bibliographie sélective Havu, Jukka &, Carita Klippi (2007), « Finnois, Finlande, une langue, une nation. Contexte et corpus de codification du finnois moderne », Histoire, Epistémologie, Langage XXVIII, 2 « Hyperlangues et fabriques de langues », p. 81-120. Auroux, Sylvain (1997). « La réalité de l’hyperlangue », Langages 97, 1, p. 110-121. Auroux, Sylvain (1998). La raison, le langage et les normes, Paris, Presses Universitaires de France. Huumo, Katja, Lea Laitinen & Outi Paloposki (2004). Yhteistä kieltä tekemässä.Näkökulmia suomen kirjakielen kehitykseen 1800-luvulla, Helsinki, Suomalaisen Kirjallisuuden Seura. (Faire une langue commune. Points de vue sur l’évolution du finnois littéraire au 19e s.) Häkkinen, Kaisa (1994) Agricolasta nykykieleen: Suomen kirjakielen historia. Porvoo: WSOY. (De la langue d’Agricola à la langue contemporaine: Histoire du finnois littéraire) Klippi, Carita (2006). « Vox populi, vox Dei : The ’People’ as an agent of linguistic norm », Language & Communication 26, p. 356-368. Nieminen, Hannu (2006). Kansa seisoi loitompana. Kansallisen julkisuuden rakentuminen Suomessa 18091917, Tampere, Vastapaino. (Le peuple resta à une distance respectueuse. La construction de l’espace public en Finlande entre 1809 et 1917) Punttila, Matti & Issakainen, Touko (2003). « Kalevala, kansanrunous ja kirjakieli », Virittäjä 2. (Le Kalévala, la poésie populaire et la langue littéraire), p. 226–245.