JUGEMENT EN RÉFÉRÉ DU 19 AVRIL 2016 ANAH / CNBF
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JUGEMENT EN RÉFÉRÉ DU 19 AVRIL 2016 ANAH / CNBF
TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS N° RG : 16/51930 BF/N° : 1 Assignation du : 10 Février 2016 1 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 19 avril 2016 par Nicole COCHET, Premier Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Brigitte FAILLOT, faisant fonction de Greffier. DEMANDEURS Association NATIONALE DES AVOCATS HONORAIRES 4 Place de la Sorbonne 75005 PARIS Monsieur Bernard DE TORRES 19 rue Vanczak 66330 CABESTANY Monsieur Philippe ESCHASSERIAUX 12 rue du Chateau 34370 MAUREILHAN représentés par Me Françoise TOUBOL FISCHER, avocat au barreau de PARIS - #B0585 DÉFENDERESSE CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANÇAIS 11 boulevard de Sébastopol 75001 PARIS représentée par Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS - C1357 Copies exécutoires délivrées le: Page 1 DÉBATS A l’audience du 31 mars 2016, tenue publiquement, présidée par Nicole COCHET, Premier Vice-Président, assistée de Noémie DUGAY, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, Par assignation en date du 10 février 2016, l’ Association nationale des Avocats honoraires -ci après l’ANAH -, M. De TORRES et M.ESCHASSIERIAUX ont fait appeler la Caisse Nationale des Barreaux Français - ci après CNBF - en référé devant le Président du tribunal de grande instance, aux fins de lui voir ordonner de convoquer MM. DE TORRES et ESCHASSERIAUX, en même temps que les autres membres ayant voix délibérative, aux réunions de son conseil d’administration et de son bureau jusqu’au 31 décembre 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, le juge saisi se réservant la liquidation de cette astreinte, et de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile. Au soutien de leur prétention, les demandeurs excipent d’une transaction régularisée le 1er décembre 2012 entre l’ANAH et la CNBF, dûment enregistrée, qui mettait un terme à une réclamation de l’ANAH contre les élections des délégués de la CNBF en 2010, transaction par laquelle le CNBF s’engageait notamment “pour la durée de la mandature actuelle”, à “inviter deux membres de l’ANAH à chaque réunion de son conseil d’administration et de son bureau avec voix consultative, choisis par la CNBF sur une liste de quatre noms proposés par l’ ANAH”, ainsi qu’à “convier un membre de l’ANAH ....à chaque réunion du groupe de travail sur la retraite complémentaire et à celui sur la réforme de la gouvernance”. Ils font valoir : - qu’en exécution de cet accord, approuvé par le conseil d’Administration de la CNBF, le bâtonnier de TORRES et M. ESCHASSERIAUX ont été choisis comme les représentants de l’ANAH dans les instances visées, aux réunions desquelles ils ont été régulièrement convoqués à partir de 2013 ; - que cependant, aucune convocation ne leur a été adressée pour la réunion du bureau du 25 septembre 2015, et M. de TORRES, qui a pris l’initiative de s’y rendre, s’est vu enjoindre de quitter les lieux au motif qu’il n’était ni élu, ni invité, une lettre du 20 novembre 2015 ayant ensuite avisé le président de l’ANAH que ses représentants ne seraient désormais plus conviés à participer à ces réunions ; - que cette décision constitue une violation manifeste des termes du protocole à laquelle il doit être mis un terme. Page 2 Dans les conclusions en réponse qu’elle développe oralement à l’audience, la CNBF invoque en premier lieu l’incompétence du juge judiciaire, dès lors que la question soulevée par les demandeurs touche à sa gouvernance, et qu’eu égard à ses missions de service public, qu’elle exerce sous la tutelle du ministère des Affaires sociales, cette gouvernance relève de la compétence administrative. Subsidiairement, elle soutient que MM. de TORRES et ESCHASSERIAUX sont dépourvus de qualité pour agir, n’étant pas liés par la transaction dont l’inexécution fonde la demande, et souligne le défaut d’urgence et, partant, le défaut de justification d’une action en référé. Enfin, sur la demande elle-même, elle indique que certains membres de l’ANAH ont mené à l’encontre de la CNBF des actes de belligérance interdisant la poursuite de l’exécution du protocole, faute qu’elle soit menée de bonne foi par la partie aujourd’hui demanderesse, qui n’en a respecté ni la lettre ni l’esprit. Elle en conclut qu’étant seul auteur du conflit dont elle se plaint, l’ANAH soit être déboutée de sa demande, sauf à ce qu’elle propose de nouveaux noms pour remplacer les personnes que la CNBF ne veut plus voir la représenter ; elle demande, enfin, la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile. En réplique, tant dans ses écritures qu’oralement à l’audience, l’ANAH tout en maintenant sa demande, soutient que la CNBF est un organisme de droit privé dont le fonctionnement relève de son juge naturel, qui est le juge judiciaire. SUR QUOI Sur la compétence Il n’est pas douteux que la CNBF soit investie de missions de service public, et que tout en fonctionnant comme un organisme de droit privé dans ses rapports avec ses assurés, elle puisse voir soumettre celles de ces décisions qui ont le caractère d’actes administratifs, susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir, à la compétence du juge administratif. Tel n’est assurément pas le cas du point de savoir si deux membres de l’ANAH peuvent ou doivent, ou non, être invités aux réunions des instances de la CNBF et si, leur ayant été accordé, l’accès à ces réunions peut leur être refusé, ou doit leur être maintenu. Il échet d’ailleurs d’observer que c’est par un simple protocole d’accord conclu entre le CNBF et l’ANAH que la décision d’admettre MM. de TORRES et ESCHASSERIAUX a été fixée en son principe, puis mise en oeuvre durant trois années, en sorte que la question aujourd’hui posée n’est que celle de la poursuite ou non de l’application de ce protocole de pur droit privé, qui relève, à l’évidence, de la compétence du juge judiciaire. L’exception d’incompétence invoquée sera donc rejetée. Page 3 Sur l’intérêt pour agir de MM. ESCHASSERIAUX et de TORRES L’un comme l’autre de ces deux co-demandeurs sont membres de l’ANAH, et à ce seul titre, leur présence aux débats est sans utilité au soutien des intérêts de l’association, qui se suffit à assurer sa propre représentation en justice. Il résulte cependant très clairement des observations de la CNBF, et des propositions qu’elle formule, que la question posée n’est pas tant celle du principe de la présence de représentants de l’ANAH dans les instances de la CNBF, que celle de la personne même des membres qui l’y représentent, considérée, à tort ou à raison, comme non conforme à la lettre et à l’esprit du protocole. Elle ne peut d’ailleurs, sans une certaine contradiction, vouloir les tenir à l’écart des débats tout en les contestant , au moins implicitement, dans leur mandat de représentants de l’ANAH. Dès lors, MM ESCHASSERIAUX et DE TORRES ont un intérêt au moins moral à soutenir à titre personnel, aux côtés de l’ANAH, l’action engagée, en sorte que l’exception d’irrecevabilité soulevée à leur encontre sera écartée. Sur l’urgence En application du protocole du 1er décembre 2012, la présence de membres de l’ANAH dans les instances de la CNBF - Conseil d’administration, bureau, et commission de réflexion sur le régime des retraites - devait se poursuivre jusqu’aux élections suivantes de fin 2016. L’urgence à examiner la demande - quoi qu’il en soit par ailleurs de son bien fondé - apparaît caractérisée, dès lors qu’elle perdrait nécessairement son objet - assurer la participation de l’ANAH aux réunions restantes - si elle n’était pas jugée avant que ne survienne cette échéance de la fin de l’année courante. Sur le terrain d’urgence, il y a donc lieu à référé. Sur la demande elle-même Aux termes du protocole du 1er décembre 2012, les deux membres que la CNBF s’engage à inviter à chaque réunion de son conseil d’administration et de son bureau avec voix consultative sont deux personnes choisies par la CNBF sur une liste de quatre noms proposés par l’ANAH. Le choix de MM. de TORRES et ESCHASSERIAUX a été notifié au Président de l’ANAH par le président de la CNBF le 19 décembre suivant, avec ceux de M. FAVRE, pour assister aux discussions de la commission des réformes et de la gouvernance, et de M. CAILLAT pour la commission de pilotage du régime. Conçu dans une optique de conciliation, pour éviter la prolongation du contentieux électoral opposant les parties, cet arrangement a été remis en cause par M. FAVRE qui, motif pris de ce que la réforme des structures élues de la Caisse était écartée du programme de la commission au sein de laquelle il siégeait, a annoncé “suspendre temporairement sa participation... tant que la modification des règles électorales de la Caisse ne serait pas remise à l’ordre du jour de manière à permettre son application aux élections de 2016". Page 4 Il n’est cependant pas établi que cette décision soit une position de l’ANAH plus qu’une position personnelle de M. FAVRE, et elle ne suffit pas à elle seule à justifier l’omission d’inviter les représentants de l’ANAH à la réunion de bureau du 15 septembre 2015 et aux réunions suivantes des instances de la CNBF. En fait, le courrier du Bâtonnier GONELLE au Président de l’ANAH, en date du 29 octobre 2015, laisse entendre que le conflit entre les deux entités est en cours de réactivation, grief étant fait à l’ANAH de vouloir présenter ses candidats propres aux prochaines élections à la CNBF alors que, selon ce courrier, - mais sans cependant que le protocole du 1er décembre 2012 fasse état d’un tel engagement - il était prévu une présentation et un choix communs des candidats pour le renouvellement des délégués retraités en 2016. Effectivement, le constat d’huissier du 14 mars 2016 produit par la CNBF, qui comporte des captures d’écran effectuées sur le site internet de l’ANAH et rapporte leur contenu , établit l’existence d’une stratégie électorale de cette nature, dans la mise en place de laquelle sont impliqués MM de TORRES et ESCHASSERIAUX, et ce dès avant le refus de les accueillir à la réunion du 15 septembre 2015, qu’elle peut donc expliquer, puisqu’elle est évoquée dans une vidéo de l’assemblée générale de l’ANAH du 27 mars 2015, présente sur le site. De tout ceci résulte, plus que la démonstration flagrante d’une mauvaise foi unilatérale de l’ANAH dans l’exécution du protocole, qui légitimerait l’exception d’inexécution que prétend appliquer la CNBF, celle d’un conflit de personnes dont l’origine est mal définie, mais auquel il est urgent de trouver une issue qui évite autant que possible aux parties de retomber dans un nouveau contentieux électoral. Il y a lieu, à cette fin, sans que la présente décision vaille de quelque manière imputabilité fautive à MM. de TORRES et ESCHASSERIAUX de la situation constatée, mais pour tenir compte de la disposition du protocole laissant à la CNBF une certaine discrétion dans le choix des représentants de l’ANAH dans ses instances, de considérer satisfactoire la proposition de celle-ci de les rouvrir à de nouveaux représentants que l’ANAH lui proposera dans les termes prévus par le protocole - soit une liste de quatre noms ne comportant pas ceux des deux précédents représentants - , ce dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance, à charge pour la CNBF de proposer elle-même à la désignation des deux nouveaux représentants dans les huit jours de la fourniture de cette liste. En tant que de besoin, il sera enjoint à la CNBF, conformément à son offre, d’inviter les représentants ainsi désignés aux réunions de son bureau et de son conseil d’administration à venir jusqu’à fin 2016. Il n’y a pas lieu, en l’état, d’assujettir ces invitations ou injonctions d’une astreinte, les parties étant seulement invitées à nous saisir de nouveau en cas de difficulté d’exécution. L’équité n’appelle pas l’application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile. Eu égard à la succombance partielle de chacune des parties, chacune d’elles conservera la charge de ses propres dépens. Page 5 PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à contradictoirement et en premier ressort, disposition au greffe, Nous déclarons compétente pour connaître du litige ; Constatons l’intérêt pour agir de MM de TORRES et ESCHASSERIAUX, et les disons en conséquence recevables aux côtés de l’Association nationale des Avocats Honoraires ; Invitons l’Association nationale des Avocats Honoraires, avec injonction de ce faire en tant que de besoin, à proposer à la Caisse Nationale des Barreaux Français une liste de quatre noms de ses membres, hors ceux de ses deux précédents représentants, dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance ; Invitons la CNBF, avec injonction de ce faire en tant que de besoin, à procéder à la désignation des deux nouveaux représentants de l’Association nationale des Avocats Honoraires dans ses instances, dans les huit jours de la fourniture de cette liste ; Invitons la CNBF, avec injonction de ce faire en tant que de besoin, à appeler les représentants ainsi désignés aux réunions de son bureau et de son conseil d’administration, à venir jusqu’à fin 2016 ; Disons qu’il nous en sera de nouveau référé en cas de difficulté ; Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile ; Disons que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens. Fait à Paris le 19 avril 2016 Le Greffier, Le Président, Brigitte FAILLOT Nicole COCHET Page 6