Le comportement alimentaire humain

Transcription

Le comportement alimentaire humain
Le comportement
alimentaire humain
Approche scientifique
MONOGRAPHIES DE LA CHAIRE DANONE
1. TOMÉ, Daniel. Des macro-nutriments alimentaires à la santé de l’homme.
1995, 106 p.
2. ALLISON, Simon Philip. Nutrition in Medicine : A Physician’s View. 1996,
153 p.
3. CUMMINGS, John Hedley. The Large Intestine in Nutrition and Disease.
1997, 155 p.
4. SCHAAFSMA, Gertjan. The Western Diet, with a Special Focus on Dairy
Products. 1997, 124 p.
5. ROZIN, Paul. Towards a Psychology of Food Choice. 1998, 265 p.
6. BRIEND, André. La malnutrition de l’enfant. Des bases physiopathologiques à
la prise en charge sur le terrain. 1998, 163 p.
7. BELLISLE, France. Le comportement alimentaire humain. Approche
scientifique. 1999, 138 p.
Le comportement alimentaire
humain
Approche scientifique
France BELLISLE
Cours dispensé dans le cadre de la Chaire Danone 1998
Publié par l’INSTITUT DANONE en 1999
© Institut Danone
rue du Duc, 100
B-1150 BRUXELLES (Belgique)
e-mail: institut [email protected]
http://www.danone-institute.be
http://www.danone-institute.com
D/1999/7468/1
ISBN 2-930151-08-0
Page de couverture : Thierry De Prince
Table des matières
Avant-propos
Préface
Remerciements
Résumé
VII
IX
XI
XIII
Introduction
1
1 – Le comportement alimentaire et ses déterminants
3
1-1
1-2
1-3
1-4
L’homéostasie
L’organisation chronologique de la prise alimentaire
Trois mécanismes déterminants
1-3-1 Le mécanisme de faim-satiété
1-3-2 Le rassasiement
1-3-3 Le mécanisme d’apprentissage alimentaire
• Les lois de l’apprentissage alimentaire
• L’inné et l’acquis
Les conditionnements
1-4-1 L’apprentissage et la sélection des aliments
1-4-2 La phase céphalique de la digestion
1-4-3 Le conditionnement instrumental
1-4-4 Paramètres du renforçateur
1-4-5 Relations entre réponse et renforcement
1-4-6 Renforcement et homéostasie
1-4-7 Déclenchement du comportement
2 – Description des comportements alimentaires
2-1 La distribution circadienne de la prise alimentaire
2-2 Les choix alimentaires au cours de la vie
2-2-1 Stade fœtal
2-2-2 Le nourrisson
2-2-3 Les goûts de l’enfant
2-2-4 La consommation alimentaire spontanée de l’enfant
2-2-5 La consommation apprise
2-2-6 L’aliment-récompense
2-3 Fonctions sensorielles et goûts alimentaires
2-3-1 Psychophysique de la stimulation alimentaire
2-3-2 Les préférences alimentaires
2-4 Le goût sucré
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3 – Les hommes et les femmes devant l’alimentation
3-1 Perception des goûts alimentaires
3-2 Capacité de régulation dans des conditions changeantes
3-3 Résultats d’enquêtes
3-4 Le «semainier» alimentaire
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65
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4 – Les aliments nouveaux
4-1 Les édulcorants intenses
4-1-1 La compensation
4-1-2 Aspartame : effets sensoriels et métaboliques
4-1-3 Utilisation courante
4-1-4 Conclusions concernant les édulcorants intenses
4-2 Lipides et allégés en matières grasses
4-2-1 L’offre d’aliments allégés en lipides
4-2-2 Sécurité alimentaire
4-2-3 Propriétés organoleptiques
4-2-4 Régulation énergétique et compensation
4-2-5 Étude de consommation
4-2-6 Vitamines liposolubles
4-3 Les nouveaux additifs alimentaires
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5 – L’obésité
5-1 Première hypothèse : l’obèse mange trop
5-2 Deuxième hypothèse : l’obèse choisit mal ses aliments
5-3 Troisième hypothèse : le comportement alimentaire de l’obèse
est anormal
5-3-1 Thérapie comportementale
5-4 Quatrième hypothèse : l’obèse mange pour de mauvaises raisons
5-5 Contribution de l’environnement
5-6 Conclusions sur l’obésité
91
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95
98
104
105
105
109
6 – Les troubles des comportements alimentaires
111
Conclusions
115
Bibliographie
117
Index
137
Avant-propos
L’INSTITUT DANONE est une association regroupant des scientifiques,
spécialistes de l’alimentation et de la nutrition. Il a pour vocation d’établir un lien
entre la communauté scientifique et les professionnels de la santé et de
l’éducation. C’est dans cette perspective que l’Institut a créé la CHAIRE DANONE.
La CHAIRE DANONE a pour objet l’exposé d’acquisitions récentes dans le
domaine de la nutrition humaine. Chaque année, une université francophone et
une université néerlandophone belges organisent sous leurs auspices un
enseignement dispensé par un savant belge ou étranger. Cet enseignement, destiné
à un public universitaire multidisciplinaire, comprend une leçon inaugurale suivie
de 15 heures de cours. L’ensemble des conférences fait l’objet d’une publication
intégrée dans une série de monographies éditées par l’INSTITUT DANONE.
Le Dr France Bellisle, chercheur auprès de l’INSERM, a été titulaire de la
CHAIRE DANONE attribuée à la Faculté universitaire des Sciences agronomiques
de Gembloux pour l’année académique 1997-1998. La monographie “Le
comportement alimentaire humain. Approche scientifique” reprend le contenu des
cours qu’elle a donné dans ce cadre.
L’INSTITUT DANONE témoigne sa vive reconnaissance au Dr France Bellisle
pour un enseignement dont la richesse a laissé un souvenir vivace auprès de ceux
et celles qui l’ont suivi. Il remercie le Professeur Claude Deroanne, Recteur de la
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, et le Professeur
André Théwis, pour leur précieuse contribution à l’organisation de la Chaire
Danone. Madame Micheline Populer, responsable des Presses Agronomiques de
la Faculté de Gembloux, poursuit avec un enthousiasme qui ne se dément pas
l’édition de la collection “Monographie CHAIRE DANONE”. La qualité de son travail
éditorial contribuera certainement à assurer à la monographie du Dr Bellisle le
succès qu’elle mérite.
Prof. Dr Kenny DE MEIRLEIR
Prof. Dr André HUYGHEBAERT
Président du
Conseil Scientifique
Président du
Conseil d’Administration
VII
Préface
Née à Lauzon au Québec, le docteur France BELLISLE a débuté ses études
universitaires en psychologie expérimentale à l’Université McGill à Montréal.
Après avoir obtenu son masters dont le sujet concernait le substrat neuronal de la
motivation à manger chez le rat, elle vient poursuivre ses travaux dans le
laboratoire de Jacques LE MAGNEN au Collège de France. Elle y travaille au
développement de méthodes d’étude du comportement alimentaire humain en
laboratoire. Elle étudie expérimentalement la stimulation à manger chez l’homme
sain, stimulation produite par des facteurs sensoriels tels que le goût des aliments
ou systémiques tels que la phase céphalique de la digestion ou encore la sécrétion
d’hormones pancréatiques. Ces travaux aboutissent en 1984 à la présentation
d’une thèse de Doctorat d’État brillamment réussie. Parallèlement, à travers des
études épidémiologiques longitudinales, elle s’intéresse à l’alimentation du jeune
enfant et ses répercussions sur l’obésité future.
Elle séjourne ensuite un an à l’École de Médecine de Prague où elle se
consacre à l’enseignement et à la recherche.
En 1985, elle entame sa carrière de chercheur au CNRS. Elle est affectée à
l’Unité 341 de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
(INSERM), Unité de Génie biomédical et Diabète sucré, et travaille dans le service
de Médecine et Nutrition de l’Hôtel-Dieu de Paris.
Actuellement, France BELLISLE poursuit ses travaux de recherche au sein de
cette Unité au titre de chargée de recherche de première classe. L’étude scientifique
quantitative du comportement alimentaire humain constitue toujours la base de ses
recherches. Au cours de ses travaux, elle décortique les mécanismes et les lois qui
commandent la consommation alimentaire chez l’humain, recherches difficiles car
les facteurs impliqués dans le comportement alimentaire sont multiples et variés.
Ses thèmes de recherche actuels concernent le comportement alimentaire humain
vis-à-vis des nouveaux aliments, en particulier les allégés, le pouvoir rassasiant et
satiétogène de diverses protéines, de repas traditionnels ou de fast foods, la
palatabilité et la stimulation de la prise alimentaire, l’alimentation des personnes
âgées hospitalisées, les cycles quotidiens, hebdomadaires et saisonniers de la
consommation alimentaire chez les sujets sains, obèses ou diabétiques.
Le docteur F. BELLISLE est auteur ou coauteur de très nombreuses publications
de haut niveau, mais également d’articles de vulgarisation. Elle a acquis une
réputation internationale non seulement dans le milieu scientifique mais
également dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire.
La Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux est très
honorée d’avoir accueilli le docteur France BELLISLE en sa qualité de titulaire de la
CHAIRE DANONE.
IX
L’importance du public présent à l’occasion de la leçon inaugurale et à
chacun des cours témoigne tant de l’intérêt pour le thème choisi que de la qualité
de l’orateur. La rigueur de la démarche scientifique, la clarté des exposés, l’écoute
du docteur BELLISLE à l’égard des hommes et des femmes face à leurs problèmes
nutritionnels, sa passion pour le travail et l’étendue de ses connaissances ont été
appréciées de tous.
Mais à côté de la scientifique de haut niveau, ce fut un plaisir pour nous de
côtoyer la femme agréable et affable qu’est le docteur F. BELLISLE.
Que l’INSTITUT DANONE trouve également ici l’expression de nos sincères
remerciements pour la persévérance avec laquelle il soutient l’organisation de
telles Chaires. Que les succès rencontrés depuis la création des premières CHAIRES
DANONE durant l’année académique 1993-1994, l’importance de la nutrition pour
la santé humaine et les progrès constants des connaissances scientifiques dans le
domaine, constituent un encouragement à la poursuite de cette heureuse initiative.
X
Prof. A. THÉWIS
Prof. C. DEROANNE
Unité de Zootechnie
Faculté universitaire des
Sciences agronomiques
de Gembloux
Unité de Technologie des
Industries agro-alimentaires
Recteur de la Faculté universitaire
des Sciences agronomiques
de Gembloux
Remerciements
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Monsieur Jacques LE MAGNEN,
Directeur de Recherche au C.N.R.S., auprès de qui j’ai appris des concepts qui
m’ont guidée dans tout mon parcours scientifique. Il n’y a pas une page de cette
monographie qu’il n’ait inspirée, directement ou indirectement. Ses travaux
pionniers éclairant les mécanismes de l’homéostasie alimentaire chez l’animal ont
déterminé chez moi, et bien d’autres, la conviction que le comportement humain,
si complexe soit-il, peut être appréhendé de façon heuristique par la démarche
scientifique.
Cette démarche, en ce qui me concerne, a été accompagnée par de très
nombreux collaborateurs de grande valeur, parmi lesquels Pierre AIMEZ, Arnaud
BASDEVANT, Dominique BLAZY, Francis BORNET, Michèle CHABERT, Élisabeth CONTOUR,
Anne-Marie DALIX, Anne-Marie DARTOIS, John DE CASTRO, Michèle DEHEEGER,
Françoise DEMOZAY, Martine DOASSANS, Adam DREWNOWSKI, Fabienne ELGRABLY,
Ismène GIACHETTI, Serge HERCBERG, Vincent LANG, Christiane LARUE-ACHAGIOTIS,
Michèle LE BARZIC, Valérie LEHNERT, Jeanine LOUIS-SYLVESTRE, François LUCAS,
Christine MARTIN, Mounir MESBAH, Marie-Odile MONNEUSE, Jean-Michel OPPERT, Jana
PARIZKOVA, Catalina PEREZ, Marianne POUILLON, Miroslav PROKOPEC, Bertrand SAMUELLAJEUNESSE, Michel SEMPé, Yves SIMON, Tatjana SOLTYSOVA, Stephen SPECTER, Andrew
STEPTOE, Jane WARDLE et tant d’autres. Qu’ils soient remerciés chaleureusement.
Des remerciements particulièrement affectueux vont à ma complice de
prédilection, Marie-Françoise ROLLAND-CACHERA, dont les écrits et les trouvailles de
génie sont abondamment cités dans cette monographie. Je lui suis infiniment
redevable d’une joyeuse stimulation de tous les instants.
Plusieurs grands esprits scientifiques contemporains méritent ma gratitude
pour l’apport important qu’ils ont fait à notre champ d’étude. Leurs noms
apparaissent dans la bibliographie de cet ouvrage. Je dois beaucoup à Leann
BIRCH, John BLUNDELL, David BOOTH, Claude BOUCHARD, Arthur CAMPFIELD, Marc
FANTINO, Harry KISSILEFF, Barbara ROLLS, Paul ROZIN, Anthony SCLAFANI, Albert
STUNKARD, Angelo TREMBLAY. Puisqu’ils sont aussi d’excellents amis, je leur adresse
toute mon affection reconnaissante.
Les Professeurs Bernard GUY-GRAND et Gérard SLAMA, qui m’accueillent à
l’Hôtel-Dieu de Paris depuis 1992, méritent ma gratitude respectueuse, de même
que le Docteur Gérard REACH, Directeur de l’Unité INSERM 341 dont je fais partie.
Grands chercheurs eux-mêmes, ils sont de ces trop rares médecins convaincus de
l’intérêt de la démarche scientifique dans l’étude du comportement humain. Grâce
à leur générosité et à leurs conseils, j’ai pu continuer à expérimenter dans ce
domaine et prolonger ainsi les travaux initiés autrefois sous l’impulsion de Jacques
LE MAGNEN.
XI
Je remercie enfin le Professeur André THÉWIS, qui a proposé ma candidature
à l’INSTITUT DANONE, et les membres de cet Institut qui l’ont acceptée. Grâce à eux,
j’ai eu la chance d’enseigner à Gembloux, devant un auditoire enthousiaste et
chaleureux. Madame Fabienne TRINON a été tout simplement parfaite à toutes les
étapes de cette aventure qui se termine aujourd’hui par la publication d’une
monographie. Je n’aurais sûrement pas trouvé l’énergie de la rédiger sans
l’initiative de mes amis de l’INSTITUT DANONE de Belgique. Je leur exprime toute ma
gratitude.
Dr France BELLISLE
XII
Résumé
Le comportement alimentaire humain est un objet de science. Il est
le versant comportemental de mécanismes de régulation énergétique et
nutritionnelle agissant pour assurer l’homéostasie de l’organisme. Les concepts et
les connaissances tirés de la recherche animale sont à l’origine d’hypothèses
concernant les mécanismes d’action de la régulation nutritionnelle chez l’homme.
À partir de telles hypothèses, l’action des mécanismes de faim, de satiété, de
rassasiement, et celle des apprentissages alimentaires sont étudiées dans les
conditions spécifiques de la vie humaine.
L’origine des choix alimentaires de l’enfant puis de l’adulte, le
développement de préférences et d’aversions, les différences comportementales
entre hommes et femmes, les capacités d’adaptation de l’alimentation dans des
conditions changeantes (apparition de nouveaux aliments, diminution de la
dépense énergétique, etc.) sont discutés à partir de travaux scientifiques, réalisés
en laboratoire ou sur le terrain.
L’obésité de l’adulte et celle de l’enfant ont suscité de très abondants
travaux. Les corrélats comportementaux de ce grave problème de santé publique
sont abordés, de même que les stratégies comportementales qui peuvent
contribuer à le limiter. Enfin, les troubles des comportements alimentaires sont
décrits.
Cette monographie propose une revue actuelle, et donc datée, des
connaissances acquises grâce à l’étude scientifique du comportement alimentaire
humain. Elle précise ses hypothèses et ses méthodes, elle souligne ses apports et
fait entrevoir le domaine immense qui demeure encore inconnu.
XIII
Introduction
Le comportement alimentaire humain est un objet de science; il est le sujet
d’une abondante recherche scientifique. Bien que les facteurs qui le déterminent
soient multiples et appartiennent à des domaines très disparates, il est possible et
fructueux d’étudier les lois qui gouvernent ce comportement. Ici comme ailleurs,
la démarche scientifique a pour but d’expliquer, de comprendre et de prédire, en
utilisant les outils de la méthode expérimentale. La physiologie, la psychologie, la
science du comportement et les mathématiques, entre autres, jouent un rôle
incontournable dans notre compréhension des déterminismes qui aboutissent à ce
comportement complexe consistant à rechercher des substrats alimentaires dans
l’environnement et à les ingérer.
Dans les pages qui suivent, nous verrons comment les besoins définis par le
maintien des fonctions vitales commandent l’exécution du comportement. La
manière dont le comportement est exécuté dépend de multiples conditions de
l’environnement. Il est clair que les qualités sensorielles des substances
disponibles ont un impact décisif sur le choix des aliments et la quantité qui en est
ingérée. De plus il ne faut pas négliger, parmi les nombreux facteurs de
l’environnement, les circonstances sociales du repas.
De nombreux outils méthodologiques sont disponibles pour révéler les
actions et interactions qui déterminent le comportement alimentaire chez
l’homme. Dans le texte qui suit, plusieurs seront décrits. Les divers événements de
la vie alimentaire seront expliqués, compris, et même prédits grâce aux efforts
menés depuis des décennies pour appliquer les principes de la méthode
scientifique au comportement humain.
1
1 – Le comportement
alimentaire
et ses déterminants
1-1 L’homéostasie
Le concept d’homéostasie, en d’autres termes, la constance du milieu
intérieur, constitue le point de départ de notre propos. Tout organisme vivant doit,
pour mener une vie indépendante, maintenir la constance de certains paramètres
de son milieu intérieur [BERNARD, 1856]. Tous les paramètres concernés sont loin
d’être compris ou même connus. Nous savons cependant que les besoins en
oxygène, en liquide et en énergie sont continus. À chaque moment de sa vie,
l’animal ou l’homme doit pouvoir disposer de ces substrats pour l’entretien de ses
fonctions vitales.
Nous respirons constamment. Plus précisément, l’alternance entre
inspiration et expiration se fait avec une fréquence telle que les besoins en
oxygène du corps sont comblés sans interruption. La respiration est compatible
avec toutes les activités animales, en particulier le sommeil. Il n’est donc pas
nécessaire de constituer des réserves d’oxygène dans l’organisme.
L’organisme vivant perd ses liquides corporels continûment. Pendant la
respiration, de l’eau est expirée avec l’air rejeté par les poumons ; la transpiration
nous prive elle aussi d’une partie de nos réserves liquidiennes ; enfin le rein filtre
les liquides corporels sans interruption et produit une urine plus ou moins diluée
dont l’excrétion permet l’élimination des substances rejetées par le système rénal.
On ne peut pas boire tout le temps. Un animal qui vit en milieu naturel ne se
trouve pas tout le temps à proximité d’une source d’eau, et même si c’était le cas,
il lui faudrait aussi consacrer une partie de son temps à d’autres activités : le
sommeil, la recherche de nourriture, le soin des petits, etc. ; pour une personne
vivant en société, les activités déterminées par la vie en groupe font qu’on ne peut
pas boire à tout moment de la journée. De plus, que l’on soit animal ou personne,
on ne boit pas pendant son sommeil.
Les réserves liquidiennes de l’organisme sont très importantes. Elles
constituent près de 65 % du poids corporel. Lorsque leur niveau commence à
baisser significativement et que, par exemple, le maintien de la pression artérielle
3
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
de l’organisme est menacé, se mettent en action plusieurs mécanismes totalement
intérieurs à l’organisme, impliquant plusieurs hormones et plusieurs organes.
Cependant ces mécanismes ne peuvent, au mieux, que freiner la perte de liquide
entraînée par le jeu des fonctions vitales et en aucun cas ne peuvent augmenter les
réserves disponibles. L’évolution des espèces a sélectionné des réponses à ce
problème. Dans le cas des animaux supérieurs, en particulier dans le cas de
l’homme, c’est le comportement qui prend la relève de la physiologie. La régulation
des réserves de l’organisme a un versant physiologique et elle a aussi un versant
comportemental. Ce versant comportemental permet à l’organisme de s’approprier
les ressources de son environnement et de les faire passer dans le milieu intérieur,
afin de couvrir ses besoins pendant un certain temps [ROLLS, ROLLS, 1982].
Une fois ingérées les ressources de l’environnement, disons en eau,
l’organisme doit les conserver dans des compartiments multiples qui seront ensuite
mobilisés pour faire face aux besoins à mesure qu’ils se produiront. Les réserves
de l’organisme en eau, malgré leur importance, ne sont que de quelques jours. Par
conséquent, le comportement dipsique doit être mobilisé fréquemment afin de les
renouveler de manière adéquate.
4
La prise alimentaire est le versant comportemental de la régulation des
réserves d’énergie et de nutriments dans l’organisme. Il existe un versant
physiologique fort important et complexe dont les différents mécanismes ont pour
fonction la digestion, l’utilisation et le stockage des nutriments. L’organisme utilise
de façon continue des sources d’énergie, des acides aminés pour la synthèse des
protéines, et du glucose pour le métabolisme cellulaire. Les dépenses énergétiques
de base ne sont pas inférieures à 1200 kcal par jour chez l’adulte ; s’y ajoute
l’énergie nécessaire à l’activité physique. On estime les besoins protéiques à 1 g
par kg de poids corporel chez l’adulte [DUPIN et al., 1992]. Le cerveau humain a
besoin de 100 g de glucose par jour pour assurer son fonctionnement [BLUNDELL,
TREMBLAY, 1995].
Des réserves de protéines existent dans le corps humain ; elles sont stockées
dans l’organisme, au niveau des muscles essentiellement. Les réserves de sucres,
stockées sous forme de glycogène hépatique et musculaire, sont très limitées. Les
réserves en graisses peuvent varier énormément entre individus dans l’espèce
humaine et peuvent suffire pour maintenir l’organisme en vie pendant un à deux
mois. Cependant, l’envie de manger se produit bien avant cet intervalle et le
comportement alimentaire est organisé, une ou plusieurs fois par jour, dans toutes
les sociétés disposant de vivres en abondance.
1-2
L’ORGANISATION CHRONOLOGIQUE DE LA PRISE ALIMENTAIRE
1-2 L’organisation chronologique
de la prise alimentaire
La figure 1 représente en quelques traits plusieurs notions fondamentales
pour comprendre la prise alimentaire. Il s’agit d’une courbe cumulative correspondant aux ingesta d’un rat dans sa cage, pendant une période de 24 heures.
L’examen de multiples tracés tels que celui-ci a permis à l’équipe de Jacques LE
MAGNEN [1992], au Collège de France, de mettre en évidence plusieurs relations
entre les événements alimentaires qui y sont représentés. Il apparaît nettement que
l’animal dont le comportement est enregistré est sensible à l’éclairage de son
environnement. Le tracé montre que le rat mange surtout pendant la phase
d’obscurité du nycthémère, et ne mange presque rien pendant la phase de lumière.
Le rat est un animal nocturne et son activité, en particulier alimentaire, est surtout
abondante la nuit. Nous voici devant un premier cycle d’activité (veille-sommeil)
qui détermine profondément la prise alimentaire et qui est synchronisé par
l’alternance des jours et des nuits.
Chez l’homme, animal surtout diurne, l’essentiel de l’activité, en particulier
alimentaire, est observé le jour. Il peut paraître étonnant que, jusqu’aux travaux
classiques de LE MAGNEN réalisés dans les années 60, les chercheurs étudiant la
Prise alimentaire (g)
Nuit
Jour
0
12
Temps (h)
24
Figure 1 — Courbe cumulative représentant la prise alimentaire d’un rat nourri ad libitum,
enregistrée sur 24 heures consécutives. D’après LE MAGNEN [1992].
5
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
prise alimentaire ne se soient souciés que des rations de 24 heures, sans aucune
notion d’une différence des comportements entre le jour et la nuit.
Nous verrons plus loin que ce cycle circadien est très important pour
permettre l’ajustement de la consommation alimentaire aux besoins de
l’organisme. Chez l’obèse animal ou humain, il existe souvent une perturbation
plus ou moins importante de cette alternance des deux phases.
La figure 1 montre aussi que même pendant la période d’activité, l’animal
ne mange pas tout le temps. Contrairement aux idées reçues, le rat n’est pas un
grignoteur chronique. Le tracé montre clairement qu’il fait des repas plus ou moins
abondants, et qu’entre ces repas, la courbe est tout à fait horizontale, c’est-à-dire
que l’animal ne mange pas. Il se livre pendant ce temps à d’autres activités : se
laver, explorer son environnement, dormir, etc. La courbe cumulative révèle que
tout repas est précédé et suivi de périodes de temps marquées par une absence de
consommation alimentaire. Voici un deuxième cycle de comportements : l’animal
va vers sa mangeoire, se nourrit, ingère une certaine quantité de nourriture, puis il
s’arrête et cet arrêt dure plusieurs minutes ou plusieurs heures.
6
LE MAGNEN et son équipe ont mis en évidence que des relations
mathématiques existent entre les divers événements de la journée alimentaire du
rat dans sa cage. Dans un article classique publié en 1971, LE MAGNEN décrit ces
relations complexes et en déduit un ensemble de concepts qui expliquent le
décours chronologique des événements. Durant la période d’activité, chez le rat
qui se nourrit ad libitum, la taille du repas est corrélée positivement à la durée de
l’intervalle qui suit le repas. Il semble donc que l’animal épuise avant de
recommencer à manger le stock de nutriments qu’il a ingéré au repas précédent.
Il n’existe pas de corrélation entre la taille du repas et la durée de l’intervalle qui
le précède. Autrement dit, la taille du repas n’est pas déterminée par l’amplitude
d’un “besoin” qui serait ressenti par l’animal. La taille du repas est affectée par des
facteurs de l’environnement, et en particulier par les qualités sensorielles des
substances alimentaires offertes. Lorsque le rat est soumis à un programme
d’activité où, comme l’homme, il est restreint à trois repas par jour à heures fixes,
la corrélation entre taille du repas et intervalle qui suit disparaît dans un premier
temps, puis reparaît après que l’animal s’est familiarisé avec son nouvel horaire.
L’animal apprend à manger assez pour ne pas avoir faim dans l’intervalle qui suit
son repas et qui lui est imposé par l’expérimentateur. Pendant la phase inactive de
l’animal, les corrélations observées sont plus faibles ou absentes.
Dans des situations expérimentales où les conditions du bilan d’énergie
changent, par exemple lorsque la densité énergétique de l’aliment est modifiée,
l’animal réagit d’abord en ajustant le nombre de ses repas pendant sa période
d’activité. Si on lui présente un aliment dilué, il doit manger plus en quantité pour
maintenir le niveau de ses apports énergétiques. Sa réponse immédiate à ce
1-3-1
LE MÉCANISME DE FAIM-SATIÉTÉ
traitement est de manger plus souvent tout en consommant des repas de taille
inchangée. Au bout de quelques jours de ce régime, l’animal commence à
augmenter la taille de ses repas et en diminue le nombre. Si au contraire on lui
présente soudain une nourriture plus riche en énergie, il doit manger moins en
quantité afin d’ajuster ses ingesta à ses besoins. Il commence par manger moins
souvent, les périodes entre les repas deviennent plus longues. Puis, progressivement, il diminue la quantité de nourriture ingérée au cours de ses repas. Les
changements du nombre des repas quotidiens sont pour l’animal le moyen le plus
rapide d’ajuster ses ingesta au contenu énergétique de l’aliment. Au bout de
quelques jours, une autre stratégie se développe, qui consiste à modifier la taille
des repas.
À partir de ces observations répétées chez des centaines d’animaux et sur
des centaines de jours, trois mécanismes différents furent proposés pour expliquer
les paramètres quantitatifs et chronologiques de la prise alimentaire.
1-3 Trois mécanismes déterminants
1-3-1 Le mécanisme de faim-satiété
Le premier de ces mécanismes règle la durée des intervalles entre les repas,
et donc l’alternance des phases de consommation et de satiété. La satiété est ici
définie comme un état de non-faim qui s’étend sur une durée proportionnelle à la
ration énergétique consommée dans le repas précédent. Lorsque la réserve de
nutriments constituée par le repas a été totalement utilisée par l’organisme, la faim
revient. C’est alors qu’un ensemble de mécanismes physiologiques se mettent en
œuvre pour conserver l’énergie de l’organisme et que le cerveau perçoit des
signaux qui le mènent à organiser et à commander le comportement de recherche
de nourriture.
La nature du signal qui indique au cerveau qu’il est temps de se nourrir a
été l’objet de nombreuses recherches. Leur examen détaillé dépasse le cadre de ce
texte. Notons cependant les travaux décisifs de CAMPFIELD et SMITH [1986 ; 1990]
(Figure 2) qui ont montré chez l’animal en cage, de même que chez l’homme
privé de repères chronologiques, que la démarche d’aller vers la nourriture, ou de
commander son repas, suit dans presque tous les cas une légère baisse (autour de
7 %) du niveau de glycémie. Cette légère baisse se produit après l’épuisement de
la ration constituée par le repas précédent, ou encore à la fin d’un jeûne de
plusieurs heures observé pendant la phase circadienne d’inactivité spécifique de
l’espèce. Elle se poursuit pendant environ vingt minutes. On voit alors se produire
7
Fluctuations de la glycémie (%)
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
0
Repas
-2
-4
-6
-8
-10
-12
-12
8
-8
-4
0
Temps (min)
4
8
12
Figure 2 — Fluctuations de la glycémie enregistrées avant l’initiation d’un repas et pendant
les premières minutes de ce repas. D’après CAMPFIELD et SMITH [1986].
un effet de redressement induit par les mécanismes physiologiques de régulation.
Avec un court retard par rapport au début du redressement de la glycémie, le
comportement alimentaire se déclenche : l’animal dans sa cage va vers sa
mangeoire et consomme, l’homme observé en laboratoire commande son repas.
C’est un signal qui fonctionne en tout ou rien.
Nous voyons ici clairement le fonctionnement du mécanisme de régulation
chez les animaux supérieurs, avec son versant métabolique qui se déclenche
rapidement, et son versant comportemental composé de séquences intégrées et
complexes d’actions motrices.
Chez le volontaire humain isolé dans un laboratoire et privé de tout repère
chronologique, la commande d’un repas est faite quelques minutes après un tel
signal glycémique. Cependant, dans la vie de tous les jours avec ses exigences
sociales, le consommateur humain n’a pas toute liberté de répondre à ce signal. Il
en est souvent empêché par l’activité qui l’occupe et qu’il ne peut pas ou ne veut
pas interrompre pour aller se procurer de la nourriture. Le mécanisme de faimsatiété, qui déclenche périodiquement la prise de nourriture en réponse à une
séquence d’événements glycémiques ne peut donc pas fonctionner lorsque l’heure
des repas est fixée par des règles sociales et qu’il existe peu de possibilités de se
procurer de la nourriture en dehors des moments prévus pour les repas. Cette
1-3-2
LE RASSASIEMENT
dernière situation était jusqu’à ces dernières années celle des sociétés
européennes où trois repas par jour étaient prévus, plus une collation ou un
apéritif en fin d’après-midi. On peut ici émettre l’hypothèse que les consommateurs, comme les rats soumis à un programme de trois repas par jour, avaient
appris à manger assez pour ne pas avoir faim jusqu’au repas suivant. Nous verrons
plus bas que cette hypothèse a été testée chez des consommateurs de plusieurs
pays [DE CASTRO et al., 1997].
D’autres hypothèses existent quant à la nature du signal de faim, c’est-à-dire
celui qui, une fois perçu par le cerveau, déclenche la séquence d’actions
organisées qui aboutit à la consommation alimentaire. La baisse des réserves en
acides aminés, l’inversion du métabolisme hépatique, ou peut-être un signal
émanant des réserves lipidiques de l’organisme sont des candidats possibles.
Chacun suscite beaucoup de recherche expérimentale à laquelle il est impossible
de rendre justice dans le cadre de ce texte. Il n’est pas possible actuellement
d’exclure l’action et même l’interaction de plusieurs facteurs capables d’inciter le
cerveau à déclencher l’acte alimentaire.
1-3-2 Le rassasiement
On vient de voir que la cinétique de la glycémie chez un organisme
disposant d’aliment ad libitum produit un signal que le cerveau interprète comme
une baisse des substrats à laquelle il faut répondre métaboliquement d’une part, et
par le comportement d’autre part.
Une fois le repas déclenché, la prise alimentaire se poursuit pendant une
durée variable (quelques minutes et le plus souvent moins d’une heure) et s’arrête
après l’ingestion d’une quantité variable de nourriture. Un ensemble de facteurs
de stimulation et d’inhibition du comportement alimentaire détermine la durée et
la taille du repas. Chez le sujet dont le déficit en nutriments n’est pas énorme,
comme c’est le cas dans les sociétés développées ou comme chez le rat disposant
de nourriture ad libitum, l’état de relatif besoin nutritionnel préalable au repas a
peu d’effet sur la taille du repas. L’action des facteurs de stimulation alimentaire
prédomine au début du repas ; ils sont représentés par l’ensemble des qualités
sensorielles des aliments, surtout leur goût et leur arôme, mais aussi leur aspect
visuel, leur texture, leur température, etc. Le nombre et la variété sensorielle des
aliments contribuent à la stimulation [BELLISLE, LE MAGNEN, 1980 ; 1981 ; ROLLS et
al., 1981b ; 1983]. Cette stimulation se manifeste par le rythme d’ingestion qui est
rapide au début du repas. Au fur et à mesure que l’ingestion se poursuit, un
ensemble de signaux émanant du tractus digestif se développe. Des récepteurs
spécialisés situés au niveau des parois de l’œsophage et de l’estomac informent le
cerveau du passage de nutriments [MEI, 1990] ; l’estomac gonfle sous la
9
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
pression du bol alimentaire, ce qui est également signalé au cerveau ; des
hormones sont sécrétées, en particulier le glucagon [GEARY, 1990]. Cette
configuration de divers signaux nerveux et hormonaux exerce une influence
inhibitrice croissante sur la consommation. Cette influence inhibitrice se traduit
par un ralentissement du rythme d’ingestion [MEYER, PUDEL, 1972 ; BELLISLE, LE
MAGNEN, 1980 ; 1981 ; KISSILEFF, THORNTON, 1982] et finalement par la fin du repas.
L’arrêt de la consommation, la fin du repas, est ce que LE MAGNEN appelle le
rassasiement.
Les facteurs sensoriels qui sont déterminants dans la stimulation à manger
exercent aussi une grande influence sur le développement du rassasiement en
cours de repas et sur la satiété qui le suit. Les repas où sont présentés plusieurs
aliments aux caractéristiques sensorielles variées sont plus abondants que ceux qui
ne comptent qu’un aliment unique, même si cet aliment est très apprécié du
mangeur [BELLISLE, LE MAGNEN, 1980 ; 1981 ; ROLLS et al., 1981b] (Figure 3). Au
cours de la consommation d’un repas varié se développe un rassasiement qui est
spécifique de l’aliment qui a été consommé et qui diminue le pouvoir de cet
400
1 saveur
10
4 saveurs
Consommation (g)
300
200
100
0
0
16
24
Temps (min)
32
Total
Figure 3 — Des repas de 32 minutes sont partagés en quatre services de 8 minutes chacun.
Il est servi soit une seule variété de sandwiches au cours des quatre services, soit
quatre variétés successivement (jambon, œuf, fromage ou tomate). Les
consommations de 36 volontaires apparaissent dans ces deux conditions. La
variété des saveurs stimule la prise alimentaire. D’après ROLLS et collaborateurs
[1983].
1-3-3
LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE
aliment de stimuler l’ingestion. Cependant, les aliments qui n’ont pas été
consommés gardent une appétibilité relativement intacte. Au fur et à mesure que
divers aliments sont ingérés et qu’un rassasiement sensoriel spécifique se produit
pour chacun d’eux, un rassasiement plus général, non spécifique, dû sans doute
aux effets gastriques (distension, vidange) et post-gastriques (absorption) se
développe et finalement, provoque la fin du repas.
Après la fin d’un repas, le caractère agréable des aliments consommés au
cours du repas est diminué en comparaison de ce qu’il était avant le repas. Les
aliments qui n’ont pas été ingérés n’ont pas perdu leur appétibilité après ce repas
[ROLLS et al., 1981a] (Figure 4). Cet effet de rassasiement spécifique dépend des
caractéristiques sensorielles des aliments et non de leur contenu nutritionnel. Des
aliments de saveurs différentes de ceux qui constituent un repas sont capables de
relancer la consommation après l’arrêt de la consommation chez un mangeur
rassasié. Les desserts sucrés sont particulièrement efficaces pour rétablir la
stimulation à manger chez la majorité des humains.
Le signal qui déclenche le début du repas est donc différent de ceux qui
stimulent la consommation une fois le repas commencé et de ceux qui font ralentir
et cesser la consommation après ingestion d’une certaine quantité de nourriture.
Les relations existant entre les facteurs qui influencent les paramètres de la prise
alimentaire pendant le repas ont été étudiées et des équations expliquent
l’évolution du comportement entre le début et la fin du repas [KISSILEFF et al., 1982]
(Figure 5).
Chez l’homme qui vit en société, la composition et la taille des repas sont
en grande partie fixées par des normes sociales, tout comme l’horaire des repas.
Selon la culture du consommateur, chaque repas de la journée est non
seulement prévu à une certaine heure, mais il comprend certains aliments
préparés et servis en quantités convenues : les qualités sensorielles et la variété
des aliments dépendent de l’approvisionnement mis en place au sein d’une
société. Par conséquent, le mécanisme de rassasiement, que nous pouvons
observer au mieux chez l’animal de laboratoire nourri ad libitum, est restreint
dans son action chez le consommateur humain vivant dans une société
organisée.
1-3-3 Le mécanisme d’apprentissage alimentaire
Le mécanisme de faim-rassasiement et le mécanisme de rassasiement sont
complétés par un mécanisme d’apprentissage qui permet à l’animal d’adapter son
comportement devant un nouvel aliment, en fonction des propriétés
nutritionnelles de cet aliment.
11
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
Changements de cotation
+0,4
0
-0,4
-0,8
Repas saucisses
-1,2
-1,6
biscuits
banane
raisins
pain
noix
poulet
saucisse
aliments
goûtés
fromage
-2,0
12
Changements de cotation
+0,4
0
-0,4
-0,8
Repas fromage et crackers
-1,2
-1,6
goût
-2,0
quantité
Figure 4 — Changements des cotations accordées par des volontaires à huit aliments avant
et après un déjeuner composé soit de saucisses (en haut), soit de fromage sur
crackers (en bas). La barre noire indique le changement du plaisir ressenti à
goûter chaque aliment et la barre grise montre le changement de la quantité de
chaque aliment que les volontaires se disent disposés à consommer. La satiété
est spécifique de l’aliment consommé. D’après ROLLS et collaborateurs [1981].
Vitesse (g/min)
1-3-3
LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE
dérivée
(b+2ct)
100
0
Consommation attendue (g)
600
400
t)
n (b
o
i
t
ula
stim
t2 )
(bt+c
e
m
som
200
0
inhib
ition
(+ct 2
)
-200
13
-400
0
2
4
6
Temps (min)
Figure 5 — Courbes théoriques représentant une fonction quadratique dont les
composantes sont identifiées : stimulation (bt) et inhibition (ct2). Les valeurs
utilisées sont b = 100 g/min et c = - 5 g/min2. À la partie supérieure : dérivée
mathématique de la fonction quadratique, qui donne la vitesse d’ingestion à
chaque moment du repas. Les projections en pointillés indiquent l’évolution
des courbes au-delà du point où la stimulation et l’inhibition s’annulent,
correspondant à la fin du repas. D’après KISSILEFF et THORNTON [1982].
Lorsqu’un animal ou un humain ingère pour la première fois une substance
alimentaire, deux séries de stimulations se produisent dans l’organisme : d’abord
une configuration de messages sensoriels définissant ce que l’on appelle la
“flaveur” de l’aliment, c’est-à-dire l’ensemble de ses caractéristiques
organoleptiques ; ensuite, entre quelques minutes et quelques heures après la
consommation, un ensemble de messages nerveux entéroceptifs signalant
l’assimilation des nutriments contenus dans le repas. Une association automatique
et inconsciente se produit chez le consommateur entre ces deux ensembles de
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
signaux. On peut décrire cette association dans les termes de l’apprentissage, ou
conditionnement, classique ou pavlovien [PAVLOV, 1927]. Le passage de nourriture
dans le tractus digestif est un stimulus non conditionné complexe qui entraîne une
cascade de réponses non conditionnées, dont plusieurs sécrétions endocrines et
exocrines. Les qualités sensorielles d’un aliment déjà ingéré au moins une fois sont
associées pour le mangeur aux répercussions métaboliques qui suivent l’ingestion
de cet aliment ; en d’autres termes, les qualités sensorielles de l’aliment deviennent un stimulus conditionné complexe qui est associé au stimulus non conditionné complexe que sont les effets métaboliques du repas. En conséquence de cet
apprentissage, le stimulus conditionné acquiert le pouvoir de déclencher des
réponses conditionnées de même nature ou de nature différente que les réponses
non conditionnées.
14
Parmi les réponses conditionnées déclenchées par la perception sensorielle
d’un aliment, notons plusieurs réponses enregistrées à différents niveaux du
tractus digestif, entre la bouche (sécrétion salivaire) [PANGBORN et al., 1979] et le
pancréas endocrine (sécrétion d’insuline) [BELLISLE et al., 1985 ; LUCAS et al.,
1987 ; TEFF et al., 1991 ; 1993 ; 1995] et exocrine [SARLES et al., 1968 ; NOVIS et
al., 1971]. D’autres réponses conditionnées, et non des moindres en ce qui
concerne le contrôle de la prise alimentaire, sont l’appétit et le rassasiement
conditionnés. Une personne ou un animal, dès sa première expérience
alimentaire, apprend à associer à tout un ensemble de stimulations sensorielles
qui définissent un aliment, un ensemble d’effets métaboliques positifs ou négatifs,
puissants ou modestes. Un répertoire se constitue ainsi qui permet au mangeur de
savoir, en percevant tel ou tel aliment, s’il faut en manger ou non, s’il faut en
manger beaucoup ou peu, pour répondre à la situation alimentaire et aux besoins
actuels ou anticipés.
Un tel apprentissage, une telle association, peuvent être réalisés à la suite
d’une seule expérience d’un aliment si l’ingestion en a été suivie d’un malaise
digestif ; l’aliment sera refusé à la prochaine présentation [GARCIA et al., 1961 ;
SMITH, ROLL, 1967 ; ROZIN, KALAT, 1971]. Chez l’homme, l’aversion alimentaire
conditionnée fait partie de l’expérience de la plupart des gens. Rozin [1986] a
montré que la nausée était un élément crucial de l’ensemble des effets
métaboliques incriminés pour créer l’aversion. Fort heureusement, la
consommation alimentaire est peu souvent suivie de malaise digestif. Au contraire,
ses effets sont positifs et consistent dans différents aspects nerveux et hormonaux
de l’état de satiété. Le plus souvent, plusieurs répétitions de l’association entre
qualités sensorielles et effets métaboliques positifs sont nécessaires [DOMJAN,
BRUKHARD, 1982] afin de modeler le comportement et de l’ajuster aux besoins.
Cet apprentissage permet au comportement de s’ajuster non seulement en
tout ou rien (consommer ou ne pas consommer tel aliment), mais aussi de façon
sélective (choisir tel aliment plutôt qu’un autre) et de façon quantitative (ingérer
1-3-3
LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE
moins d’un aliment qui produit une satiété importante que d’un aliment qui
produit une satiété très modeste).
Dans la situation du consommateur humain vivant dans une société
organisée, ce mécanisme permettant d’ajuster les ingesta aux besoins est d’une très
grande importance puisque, comme nous l’avons vu plus haut, l’horaire et la
composition des repas sont essentiellement fixés par des règles sociales.
• Les lois de l’apprentissage alimentaire
Pour comprendre le comportement alimentaire humain, il est essentiel de
bien connaître les lois biologiques qui permettent cet apprentissage. Bien que
l’énoncé des divers éléments de la théorie de l’apprentissage qui se rapportent à
l’alimentation soit quelque peu fastidieux, il est crucial d’approfondir ces notions
afin de comprendre pourquoi et comment s’effectuent les ajustements du
comportement alimentaire en fonction des besoins et en fonction des conditions
de l’environnement.
Il est généralement admis que les goûts alimentaires d’un adulte sont appris.
Comment s’effectue un tel apprentissage? On n’apprend pas n’importe quoi,
n’importe quand, n’importe comment. L’apprentissage a ses règles, ses lois, ses
mécanismes dont l’étude constitue une discipline féconde de la psychologie
expérimentale.
D’abord sa définition : l’apprentissage est un changement durable dans le
mécanisme d’un comportement, qui résulte de l’expérience de certains
événements de l’environnement [DOMJAN, BRUCKHARD, 1982]. Ainsi défini, il
n’implique pas la conscience ; il peut demeurer totalement automatique et
inconscient. Son champ d’application dépasse naturellement celui de la
consommation alimentaire. Il englobe tous les rapports de l’animal avec les objets
et les conditions de son environnement.
Depuis les découvertes historiques de PAVLOV [1927], les notions de
conditionnement et d’apprentissage n’ont pas cessé d’évoluer. Le terme de
conditionnement est dû à PAVLOV lui-même et le choix de ce terme n’était pas
indifférent. Dans les premières années du XXe siècle, PAVLOV étudiait la salivation
chez le chien au moment de la présentation d’un morceau de viande dans la
bouche de l’animal. PAVLOV s’aperçut bientôt que les chiens salivaient déjà au
moment de l’arrivée de l’animalier qui devait leur présenter l’aliment. Un
stimulus arbitraire, le son d’une clochette, fut ensuite systématiquement associé
à la présentation de la nourriture et, comme chacun sait, les chiens apprirent à
saliver en réponse au son de cette clochette. À la différence des réponses non
conditionnées ou non conditionnelles (RNC), ici la réponse obligatoire des
glandes salivaires induite par la présence de la viande dans la bouche de
l’animal, la salivation induite par le son de la clochette, avait un caractère
15
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
imprévisible, plus ou moins reproductible, plus ou moins intense. Bref, ces
réponses étaient “conditionnelles” (RC), c’est-à-dire qu’elles se produisaient sous
certaines conditions et non de manière obligatoire. Un stimulus appelé lui aussi
“conditionnel” (SC) ou “conditionné” acquiert son pouvoir de produire la réponse
à la faveur de son association avec un stimulus “non conditionnel” ou “non
conditionné” (SNC). La simplicité et l’élégance de la démonstration pavlovienne
sont si grandes qu’elles ne laissent pas soupçonner la richesse, la portée, la
complexité des notions d’apprentissage telles que nous les utilisons aujourd’hui.
Le concept de comportement induit, lui aussi hérité de PAVLOV qui parlait de
“réflexe” conditionnel, est central dans la théorie de l’apprentissage : le
comportement se produit en réponse à un stimulus, c’est-à-dire un signal émanant
de l’environnement. Le modèle de l’arc réflexe qui servit à PAVLOV pour décrire
une simple réponse de salivation s’est aujourd’hui considérablement enrichi. Ce
modèle s’applique à la transformation de comportements très complexes induits
par des signaux sensoriels multiples, impliquant des relais nombreux au niveau du
système nerveux central et un ou plusieurs programmes moteurs.
16
• L’inné et l’acquis
Quelques heures après la naissance, et avant toute expérience alimentaire,
les nouveau-nés humains manifestent tous un répertoire de réponses physiques à
la présentation de stimuli sapides [STEINER, 1977]. Une goutte de liquide sucré
placée sur la langue est acceptée et avalée, pendant que la mimique du nourrisson
se détend et parfois manifeste un sourire. Une goutte de liquide acidulé placée sur
sa langue induit une contraction du visage. Une goutte de liquide amer entraîne
un ensemble de réponses faciales manifestant un rejet violent : grimaces, large
ouverture de la bouche, crachotement, plissement des yeux, etc. Ces “réflexes
gusto-faciaux” sont universels et immuables. Des nouveaux-nés hydrocéphales ou
anencéphales, affectés de graves malformations du système nerveux central, les
expriment [STEINER, 1977]. Quelle que soit la culture de l’enfant ou le régime de la
mère pendant la grossesse, le même répertoire de réponses à la stimulation
gustative est observé.
Nous savons maintenant grâce aux progrès de l’imagerie médicale que le
fœtus, dont les bourgeons du goût sont fonctionnels au cours du troisième
trimestre de la grossesse, exprime sur son visage et par son comportement sa
perception du goût changeant du liquide amniotique. Lorsque la mère reçoit une
perfusion de glucose, on peut observer que l’enfant déglutit avec une fréquence
accrue, et qu’il esquisse parfois un sourire. Les réponses innées sont donc
préparées par l’expérience intra-utérine. Leur caractère universel suggère
cependant qu’elles ont une origine génétique très forte et qu’elles doivent peu au
milieu intra- ou extra-utérin.
1-4
LES CONDITIONNEMENTS
À partir de sa naissance, chaque enfant fait l’expérience de l’ingestion de
nombreuses substances que son milieu culturel met à sa disposition. Le lait
maternel d’abord, composé surtout de lipides et d’un peu de sucres et de
protéines. Au bout de quelques mois, l’alimentation se diversifie progressivement.
Chez l’homme, les attitudes devant les aliments passent d’une uniformité
universelle à la naissance à une diversité considérable des goûts et des dégoûts
observée chez l’adulte. Privilège de notre espèce, on voit même apparaître chez
les humains des goûts pour des substances qui à l’origine sont aversives, par
exemple les épices, le poivre, le café, l’alcool, etc.
Comment le passage se fait-il entre l’uniformité absolue chez le nouveauné et l’extrême diversité observée chez l’adulte? Par les divers mécanismes de
l’apprentissage. Les goûts sont appris, l’appétit et le rassasiement sont des réponses
apprises, le plaisir à manger est appris.
1-4 Les conditionnements
17
Les premiers travaux ont été réalisés chez l’animal, surtout le chien [PAVLOV,
1927], ou le pigeon [SKINNER, 1938]. Les premiers principes de la théorie de
l’apprentissage ont été proposés comme des moyens de modeler les conduites
animales ou humaines. Des progrès notables de la théorie de l’apprentissage ont
été réalisés grâce à l’intégration de notions tirées de l’éthologie, de la théorie de
l’évolution et de la sélection naturelle. Ces notions permettent de préciser le cadre
où agissent les mécanismes de l’apprentissage et partant, de mieux délimiter leur
portée réelle.
On distingue deux types de conditionnement. Le premier, appelé
conditionnement classique ou pavlovien, concerne surtout la mise en place de
réponses involontaires sous l’effet d’un stimulus arbitraire, “conditionnel”,
associée à un stimulus déclenchant une réponse réflexe de manière obligatoire,
non conditionnelle. À la suite de cet apprentissage, un “réflexe conditionnel”
apparaîtra. Les termes “conditionnel” et “conditionné” sont équivalents, de même
que “non conditionnel” et “non conditionné”.
Le second type d’apprentissage est appelé instrumental ou skinnérien,
d’après B.F. SKINNER [1938], son plus illustre théoricien. Ici, l’organisme apprend à
émettre ou à inhiber un comportement volontaire, en réponse à l’apparition dans
l’environnement d’un stimulus discriminatif qui le renseigne sur la disponibilité
d’une récompense ou d’un renforçateur. Le comportement est instrumental dans
l’apparition de cette récompense (Tableau I).
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
Tableau I — Présentation schématique des conditionnements ou apprentissages
1) CONDITIONNEMENT CLASSIQUE OU PAVLOVIEN
Première phase
Stimulus non conditionnel
——> Réponse non conditionnelle
Stimulus conditionnel
——> X
Associations répétées : stimulus conditionnel + stimulus non conditionnel
Seconde phase
Stimulus conditionnel
——> Réponse conditionnelle
2) CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL OU SKINNÉRIEN
Première phase
Stimulus conditionné +
Réponse
——> Renforcement
L’obtention répétée du renforcement dans ces conditions renforce le lien entre le
stimulus et la réponse
Seconde phase
Stimulus conditionné +
18
——> Réponse
Un organisme qui ne pourrait produire que des réponses innées,
stéréotypées, aux sollicitations de son environnement serait dans l’incapacité de
s’adapter à des situations nouvelles pour lesquelles aucun mécanisme biologique
n’aurait pu être sélectionné dans l’histoire antérieure de l’espèce. Le mécanisme
mis en place par l’Évolution pour assurer l’adaptation aux situations nouvelles est
précisément l’apprentissage [ROZIN, SCHULL, 1984 ; ROZIN, ZELLNER, 1985]. Les
individus et les espèces capables de transformer leur comportement en fonction
des exigences du milieu ont les meilleures chances de survivre et de se reproduire.
Pour répondre aux conditions particulières d’un milieu donné, il faut d’abord
savoir établir des relations entre les événements de cet environnement, en particulier des relations de cause à effet. L’animal peut ainsi anticiper l’effet quand il
perçoit la cause et déterminer son comportement en fonction de cette prédiction.
Le mécanisme le plus simple grâce auquel les organismes apprennent à
exécuter de nouvelles réponses à certains stimuli est le conditionnement classique.
Cet apprentissage permet à l’animal de tirer avantage d’une séquence prévisible
d’événements. Dans l’expérience classique de PAVLOV sur la salivation [1927], le
chien apprenait une relation entre le son d’une clochette et la présentation de son
repas. Puisque chaque sonnerie de la clochette prédisait l’imminence du repas et
la présence d’aliments dans la bouche (stimulus non conditionné, SNC), induisant
la salivation obligatoire (réponse non conditionnée, RNC), le comportement
du chien s’est transformé de sorte que la clochette est devenue un stimulus
conditionné (SC) induisant une réponse conditionnée (RC) appropriée aux
circonstances : la salivation.
1-4
LES CONDITIONNEMENTS
Temps
SC
Conditionnement simultané
SNC
SC
Conditionnement à court délai
SNC
SC
Conditionnement trace
SNC
SC
Conditionnement à long délai
SNC
SC
Conditionnement inversé
SNC
Figure 6 — Cinq méthodes fréquemment utilisées pour produire un conditionnement
classique ou pavlovien. D’après DOMJAN et BURKHARD [1982].
SC = Stimulus conditionné.
SNC = Stimulus non conditionné.
19
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
L’apprentissage pavlovien repose sur l’apprentissage de relations de
dépendance entre un événement et un autre. Pour que cette relation soit perçue
par l’organisme, il doit s’écouler un certain délai entre le premier et le second
événement (Figure 6). Dans la plupart des circonstances, le délai le plus efficace
est court (entre quelques secondes et quelques minutes) mais dans certains cas,
une association peut être apprise entre deux stimuli présentés à plusieurs heures
d’intervalle. C’est le cas dans ce que l’on appelle “l’aversion gustative
conditionnée” [GARCIA et al., 1961]. Dans ce paradigme, un animal (ou un humain)
consomme un aliment nouveau ; peu de temps après l’ingestion, il éprouve un
malaise digestif ; ce malaise peut être induit expérimentalement par irradiation ou
injection de chlorure de lithium à l’animal. Après une seule expérience de ces
événements, l’animal évitera de consommer de nouveau l’aliment concerné. Chez
l’homme, le malaise digestif accompagné de nausée, qui suit parfois fortuitement
l’ingestion d’un aliment, suffit à produire une aversion pour cet aliment qui est
souvent nouveau, inhabituel et de caractéristiques sensorielles nettes, à tel point
100
•
80
Préférences (%)
20
simulation
• •
(2)
•
•
•
•
60
(1)
•
40
irradiation
20
• • •
0 ••
0 1
3
•
6
12
Intervalle SC-SNC (h)
24
Figure 7 — Pourcentage de préférences exprimées par un animal pour une saveur associée
à un stimulus conditionné (une solution de saccharine), dans deux conditions.
Dans un cas (1), la première ingestion de ce stimulus conditionné par l’animal
a été suivie d’un malaise digestif induit par irradiation réalisée à des intervalles
variables après la consommation. Dans le deuxième cas (2), aucun malaise
digestif n’a été induit après la première ingestion (simulation). Les préférences
sont clairement différentes dans ces deux conditions, en particulier si
l’irradiation (et le malaise digestif) a suivi la première consommation de six
heures ou moins. D’après SMITH et ROLL [1967].
1-4-1
L’APPRENTISSAGE ET LA SÉLECTION DES ALIMENTS
que la seule évocation du nom de cet aliment suffira parfois à induire la nausée.
Dans ce type d’apprentissage, un malaise digestif survenant jusqu’à 12 heures
après l’ingestion peut susciter la création d’une aversion. Cependant, l’efficacité
maximale est limitée aux six heures qui suivent le repas (Figure 7) [SMITH, ROLL,
1967]. L’aversion conditionnée est un processus très puissant et très résistant. On
peut même produire chez le rat de laboratoire une aversion puissante et durable
pour un goût qu’il apprécie beaucoup à l’origine : le goût sucré de la saccharine.
L’aversion alimentaire conditionnée est aujourd’hui considérée comme un
exemple extrême des conditions où s’établit habituellement l’apprentissage
pavlovien [DOMJAN, BRUCKHARD, 1982]. Celui-ci se réalise le plus souvent après
plusieurs répétitions de la paire SC-SNC, et le délai optimal entre ces deux stimuli
varie entre quelques secondes et plusieurs heures. Le mécanisme de création d’aversions alimentaires conditionnées est biologiquement utile. Puisque l’animal qui, par
accident, ingère un produit toxique n’en ressentira les mauvais effets que quelques
heures plus tard, il est avantageux pour lui que l’apprentissage puisse s’établir sur de
longs intervalles. C’est ainsi qu’à partir de son expérience, il transformera son
comportement à l’avenir et évitera de reconsommer le produit toxique.
On appelle “extinction” la présentation expérimentale d’un SC sans celle du
SNC, par exemple la clochette sans la viande. Dans cette situation, le sujet
apprend une nouvelle relation de dépendance entre ces stimuli et transforme
progressivement son comportement en fonction de cette nouvelle connaissance :
la RC disparaît.
1-4-1 L’apprentissage et la sélection des aliments
Le tableau II montre comment l’ensemble des qualités sensorielles d’un
aliment se constituent en un SC complexe qui, par l’apprentissage pavlovien,
acquiert la capacité de stimuler une chaîne complexe de réponses associées à la
digestion.
Tableau II — Mécanisme de conditionnement alimentaire.
STIMULUS CONDITIONNEL
Caractéristiques
sensorielles des
aliments
—->
STIMULUS NON CONDITIONNEL
Conséquences
physiologiques de
l’ingestion
+
Capacité innée à associer des caractéristiques sensorielles à des signaux
physiologiques qui suivent la consommation alimentaire.
21
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
Le conditionnement classique joue un rôle capital dans l’adaptation du
comportement alimentaire aux besoins de l’organisme. Les caractéristiques
sensorielles des aliments tiennent le rôle de SC qui, dans une relation de
dépendance étroite, prédisent les SNC que sont les conséquences physiologiques
de l’ingestion. Cette association guide le comportement alimentaire et lui permet
de s’ajuster aux besoins présents ou anticipés [BOOTH et al., 1976 ; BOOTH, 1977 ;
ROZIN, 1990]. Cet apprentissage est facilité par une très grande capacité innée à
associer les caractéristiques sensorielles d’une substance ingérée aux signaux
physiologiques qui suivent l’ingestion.
À la suite d’une enquête chez 110 personnes, Rozin [1986] a montré que
chez la plupart des gens, il existe au moins une aversion alimentaire, apparue
brutalement au moment où l’aliment fut associé à un malaise gastro-intestinal
survenu après plusieurs heures. Bien mieux, dans 21 % des cas, les personnes
interrogées savent que le malaise n’a pas été causé par l’aliment, montrant ainsi
que l’aversion alimentaire conditionnée est indépendante de la pensée rationnelle.
22
Les patients cancéreux soumis à la chimiothérapie ont parfois des nausées
qui provoquent chez eux des aversions alimentaires plus ou moins généralisées.
Ces aversions contribuent à faire diminuer l’appétit de ces patients. Les
connaissances acquises sur les mécanismes de l’aversion alimentaire ont permis
de contrer cet effet néfaste de la chimiothérapie. Avant leur séance de
chimiothérapie, des patients cancéreux sont invités à consommer en laboratoire
un aliment à saveur nouvelle. La chimiothérapie a lieu ensuite, et
malheureusement, entraîne des sensations nauséeuses chez plusieurs patients.
Cette nausée est associée automatiquement au goût de l’aliment nouveau
consommé en laboratoire, qui devient aversif. Chez ces patients, l’aversion
n’affecte pas les aliments du régime habituel, qui ne deviennent pas aversifs
[BROBERG, BERNSTEIN, 1987 ; MATTES et al., 1987].
Le même mécanisme fonctionne pour mettre en place les goûts, les
préférences alimentaires. Les caractéristiques sensorielles des aliments deviennent
dans ce cas un stimulus conditionnel qui prédit des conséquences métaboliques
positives : le rassasiement énergétique ou encore le rassasiement d’un besoin spécifique [MEHIEL, BOLLES, 1984 ; 1988 ; SCLAFANI, 1991a, b].
Chez des modèles animaux, une aversion apparaît pour le goût
arbitrairement donné à un régime carencé en vitamines, en acides aminés ou en
minéraux [ROZIN, 1967 ; ROZIN, KALAT, 1971]. Les caractéristiques sensorielles
distinctes de ce régime sont associées par conditionnement classique aux
conséquences nutritionnelles de l’ingestion, c’est-à-dire une carence spécifique.
Cet état de carence motive l’aversion. Si l’on donne à l’animal le choix entre
plusieurs aliments, différemment odorisés, dont l’un est susceptible de corriger la
carence expérimentalement induite, l’animal apprend à consommer
1-4-1
L’APPRENTISSAGE ET LA SÉLECTION DES ALIMENTS
spécifiquement l’aliment dont il a besoin. De plus, il développe un goût pour les
caractéristiques sensorielles de cet aliment, goût qui persiste bien après la
disparition de la carence induite. On parle dans ce cas “d’appétit spécifique”
[RICHTER, 1947 ; ROZIN, 1965 ; 1967]. Ces appétits sont présents également chez
l’homme et guident les choix alimentaires [BOOTH, 1989].
La rapidité de l’apprentissage dépend de l’intensité et de la nouveauté des
stimuli, de même que de la relation entre les SC et SNC. Un stimulus est conditionné
d’autant plus facilement qu’il est nouveau et qu’il est intense, et qu’il est associé à
un SNC lui-même nouveau et intense. L’apprentissage est plus lent si l’un ou l’autre
des stimuli est familier. En effet, dans ce dernier cas, le consommateur a déjà appris,
par l’expérience, que les stimuli concernés sont inoffensifs.
La quantité de tel ou tel aliment que le mangeur consomme est elle aussi
déterminée par l’apprentissage. Il existe de nombreuses démonstrations de ce
phénomène chez des sujets humains, enfants, adolescents ou adultes. Les
humains, comme les animaux, apprennent progressivement à manger davantage
d’un aliment dont la densité énergétique est faible, et moins d’un aliment dont la
densité énergétique est forte (Figure 8) [BOOTH, 1972]. Cet ajustement de la
consommation en fonction des conséquences métaboliques de l’ingestion se
23
▼
aliment dilué
(concentration 10%)
▼
▼
▼
10
▼
aliment concentré
(concentration 50%)
▼
Taille du repas (ml)
▼
▼
15
5
1
2
3
4
5
Repas successifs
6
7
8
Figure 8 — Un rat apprend à consommer plus d’un aliment très dilué (10 %) que d’un
aliment dense (50 %) en énergie au cours de repas successifs. D’après BOOTH,
[1972].
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
poursuit tout au long de la vie. La capacité d’adapter son comportement
alimentaire aux effets nutritionnels des aliments varie beaucoup d’une personne à
l’autre. Certains sont de bons “régulateurs” : ils modifient rapidement leur
comportement et l’ajustement de la ration permet de faire face aux besoins de
façon efficace. D’autres sont de moins bons, ou même de mauvais “régulateurs” :
leur consommation s’adapte lentement et imparfaitement.
L’équipe de BIRCH aux États-Unis a montré que le jeune enfant (3–5 ans)
possède une capacité à ajuster son ingestion en fonction du contenu nutritionnel
de ses aliments. Cette capacité agit de manière non conditionnée (ajustement
immédiat) ou de manière conditionnée (ajustement qui se met en place après
plusieurs expériences) [BIRCH, DEYSHER, 1985 ; 1986].
24
La sensibilité de jeunes enfants à la densité énergétique de leurs aliments a
été confirmée au cours d’une expérimentation consistant à consommer un repas à
deux plats. Des jours différents, le premier plat est soit riche soit pauvre en énergie.
L’enfant en consomme une part fixe. Le second plat consiste en un menu
sélectionné par l’enfant lui-même, et la consommation est mesurée [BIRCH et al.,
1990]. Les enfants mangent plus dans la seconde partie du repas quand la
première est peu énergétique. Ils ajustent leurs ingesta du second plat pour
compenser les variations d’énergie du premier.
Chez l’enfant de trois à cinq ans, BIRCH et DEYSHER [1985] ont mesuré la
consommation spontanée au cours d’un goûter qui suivait l’ingestion d’une
collation (une crème dessert) soit très calorique, soit peu calorique. On voit à la
figure 9 que les enfants mangent plus au goûter après la collation peu calorique
qu’après la collation très calorique. Pour chaque enfant, les deux crèmes
présentées avant le goûter avaient des flaveurs clairement discriminables. Au cours
de six jours d’expérience avec ces aliments, chacune des deux crèmes fut
présentée trois fois avant le goûter à chaque enfant. L’enfant a ainsi eu l’occasion
d’associer, inconsciemment bien sûr, des caractéristiques sensorielles précises à
des effets post-ingestifs précis. Il a donc appris à reconnaître les deux parfums de
ces crèmes et à modifier sa consommation en réponse au stimulus qui la précédait.
Ensuite, au cours de deux tests de cet apprentissage, l’enfant consomme avant son
goûter des crèmes de valeur énergétique identique, mais aromatisées aux deux
parfums conditionnés préalablement. On voit clairement, figure 9, que les enfants
se comportent alors comme ils ont appris à le faire pendant la phase de
conditionnement : leur comportement alimentaire au goûter est déterminé par la
flaveur de la crème dessert et non pas en fonction de sa valeur énergétique réelle
(augmentée ou diminuée comparativement à la phase de conditionnement).
Les enfants peuvent réguler leurs apports énergétiques sur 24 heures. Les
coefficients de variation pour l’énergie ingérée au cours de plusieurs jours sont de
10 % environ, alors que pour les repas observés pendant ces mêmes jours, ils
1-4-2
LA PHASE CÉPHALIQUE DE LA DIGESTION
400
pré-charge à forte teneur en énergie
Consommation (kcal)
pré-charge à faible teneur en énergie
300
200
100
0
1
2
Conditionnement
3
1
Extinction
Paires d’essais
Figure 9 — Consommation par un groupe d’enfants, au cours de collations précédées de
l’ingestion soit d’une pré-charge de forte teneur énergétique soit d’une précharge de faible teneur énergétique. Les deux pré-charges avaient des parfums
différents. Les deux dernières colonnes représentent les ingesta dans la
condition d’extinction, c’est-à-dire lorsque les deux pré-charges consommées
avant la collation avaient la même teneur énergétique, mais des parfums
différents. D’après BIRCH et DEYSHER [1985].
atteignent 40 %. C’est une compensation d’un repas sur le suivant qui produit ces
effets [BIRCH et al., 1991 ; 1993]. Cependant, il existe de larges différences
individuelles dans la compétence des enfants à réguler leurs apports [JOHNSON,
BIRCH, 1994] : les enfants gros sont moins habiles et les garçons sont meilleurs que
les filles. Les enfants de parents très autoritaires en matière alimentaire sont les
moins compétents de tous.
Chez l’adulte, les capacités d’adaptation sont plus limitées en fonction de
facteurs encore imparfaitement connus. HERMAN et POLIVY [1980] ont montré que
les personnes qui restreignent leur alimentation de façon chronique (régimes
restrictifs) présentent une capacité d’adaptation particulièrement faible.
1-4-2 La phase céphalique de la digestion
La consommation alimentaire est un comportement privilégié pour
l’apparition de conditionnements classiques. En effet, l’odeur, l’aspect, le goût et
25
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
l’arôme d’un aliment sont autant de stimuli qui se prédisent entre eux et qui
prédisent l’arrivée de nutriments dans l’oesophage, l’estomac et l’intestin. Le
mangeur commence ainsi à saliver avant l’arrivée de l’aliment dans la bouche. Il
peut aussi commencer à digérer le repas avant que celui-ci parvienne
effectivement dans le tractus digestif. C’est ce que l’on appelle la “phase
céphalique de la digestion”. Le mot “céphalique” est tiré du grec et signifie “de la
tête”. Les récepteurs céphaliques impliqués ici sont donc les récepteurs sensoriels
situés au niveau de la tête : visuels, olfactifs, gustatifs, thermiques, entéroceptifs, et
même auditifs (le craquement d’une pomme dans la bouche, le crépitement d’un
biscuit, etc.).
26
Depuis PAVLOV et tout au long du XXe siècle, des recherches multiples ont
confirmé l’évocation de réponses appartenant aux processus de la digestion,
lorsque des récepteurs sensoriels de la tête sont stimulés par des objets
alimentaires ou des stimuli associés à l’acte de s’alimenter. La digestion
commence donc par l’activation de réponses sensorielles céphaliques,
annonciatrices de l’arrivée imminente d’aliments dans le tractus digestif. Les
réponses digestives de la phase céphalique sont des réflexes conditionnés, au sens
pavlovien du terme. Elles sont apprises par l’association entre primo, un stimulus
conditionnel analogue aux clochettes de PAVLOV (les caractéristiques sensorielles
elles-mêmes le plus souvent) et secundo, un stimulus non conditionnel (l’aliment
dans le tractus digestif). Après plusieurs associations entre cette paire de stimuli
complexes, le stimulus conditionnel seul devient capable d’évoquer une réponse
conditionnelle qui ressemble à la réponse non conditionnelle produite par le
passage de l’aliment aux différents niveaux du processus digestif. Comme toutes
les réponses “conditionnelles”, celles de la phase céphalique sont fragiles, plus ou
moins reproductibles et souvent de faible amplitude. Néanmoins, elles peuvent
agir de manière significative sur la prise alimentaire, la nutrition et même le poids
corporel.
La stimulation sensorielle amorce une cascade d’événements dont l’effet
global semble être de préparer l’organisme à l’absorption et l’utilisation des
nutriments. C’est ainsi que la stimulation chimiosensorielle et trigéminale
enregistrée par les récepteurs de la tête est rapidement suivie de réponses
conditionnées impliquant plusieurs niveaux du tractus digestif. Une exagération
des réflexes digestifs déclenchés au cours de la phase céphalique a même été
incriminée dans le développement de l’obésité [POWLEY, 1977].
La sécrétion de salive augmente en réponse à une stimulation olfactive ou
gustative. Parallèlement, la salive devient plus riche en enzymes (lipase). Cet effet
varie en fonction de l’état de faim chez le consommateur et du caractère agréable
de l’aliment ingéré [PANGBORN et al., 1979 ; TEPPER, 1992]. La réponse
conditionnée salivaire contribue à rendre le bol alimentaire plus fluide et à faciliter
son transit dans le pharynx et l’œsophage. Comme l’a montré PAVLOV, les
1-4-2
LA PHASE CÉPHALIQUE DE LA DIGESTION
sécrétions gastriques (gastrine, acide gastrique) augmentent en réponse à la
perception d’un stimulus associé à l’aliment. La vue, l’odeur ou même l’évocation
mentale d’un aliment agréable sont capables de déclencher une réponse gastrique
[JANOVITZ et al., 1950 ; FELDMAN, RICHARDSON, 1981 ; 1986]. Cependant le stimulus
le plus puissant est gustatif. La faim, le bon goût de l’aliment et les attentes du
mangeur modulent l’amplitude des réponses conditionnées. La sécrétion gastrique
est encore observable 45 minutes après la fin de la stimulation céphalique. On
croit que la réponse gastrique est susceptible d’agir sur la nutrition en favorisant la
sécrétion et l’activation d’enzymes digestifs (pepsine, chymotrypsine, lipase,
trypsine, amylase) et d’hormones (sécrétine, pancréozymine, gastrine) dans le
tractus digestif [NOVIS et al., 1971].
Le pancréas exocrine produit des sécrétions abondantes, concentrées,
riches en enzymes (trypsine, lipase, amylase) facilitant la digestion des protéines,
des lipides et des glucides. Une brève stimulation céphalique trigéminale,
olfactive, visuelle, mais surtout gustative, entraîne une réponse prolongée (une
heure) du pancréas exocrine [SARLES et al., 1968 ; NOVIS et al., 1971]. L’heure de
la journée, le bon goût de l’aliment, les préférences alimentaires du consommateur
modulent la réponse [BEHRMAN, KARE, 1968].
Les réponses endocrines du pancréas à la stimulation céphalique sont bien
étudiées. Une sécrétion d’insuline qui peut atteindre quatre fois le niveau de base
a été mise en évidence en réponse à la stimulation visuelle, olfactive, gustative
produite par un aliment agréable ou encore suggérée sous hypnose. La figure 10
montre une telle réponse produite au tout début d’un repas (4 minutes de latence),
alors que la glycémie contemporaine ne varie pas encore. Cette réponse est le type
parfait du réflexe conditionné pavlovien. Difficile à mesurer, cette réponse est
difficile à produire, à reproduire, et son amplitude semble presque imprévisible.
Toutefois, plusieurs facteurs l’affectent : le bon goût de l’aliment, la sensibilité
individuelle du mangeur, son âge, sa corpulence [SJOSTROM et al., 1985 ; LUCAS et
al., 1987 ; TEFF et al., 1991 ; 1993 ; 1995]. Une décharge d’insuline peut être
observée en l’absence de tout aliment, en mettant simplement les volontaires dans
un endroit où ils ont mangé plusieurs fois : la réponse d’insulinosécrétion paraît
conditionnée aux stimuli arbitraires entourant habituellement le repas (lieu,
horaire, activité de l’entourage, etc.) [LUCAS et al., 1987].
L’amplitude de la phase céphalique de sécrétion d’insuline est
négativement corrélée à la vitesse de perte de poids chez des femmes obèses au
régime, ce qui suggère une contribution de cette réponse au poids corporel
[KROTKIEWSKI et al., 1980]. La décharge d’insuline en phase céphalique est souvent
associée à des changements du taux d’acides gras, ce qui indique un effet sur le
métabolisme énergétique.
27
Vitesse (g/min)
1-3-3
LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE
dérivée
(b+2ct)
100
0
Consommation attendue (g)
600
400
t)
n (b
o
i
t
ula
stim
t2 )
(bt+c
e
m
som
200
0
inhib
ition
(+ct 2
)
-200
13
-400
0
2
4
6
Temps (min)
Figure 5 — Courbes théoriques représentant une fonction quadratique dont les
composantes sont identifiées : stimulation (bt) et inhibition (ct2). Les valeurs
utilisées sont b = 100 g/min et c = - 5 g/min2. À la partie supérieure : dérivée
mathématique de la fonction quadratique, qui donne la vitesse d’ingestion à
chaque moment du repas. Les projections en pointillés indiquent l’évolution
des courbes au-delà du point où la stimulation et l’inhibition s’annulent,
correspondant à la fin du repas. D’après KISSILEFF et THORNTON [1982].
Lorsqu’un animal ou un humain ingère pour la première fois une substance
alimentaire, deux séries de stimulations se produisent dans l’organisme : d’abord
une configuration de messages sensoriels définissant ce que l’on appelle la
“flaveur” de l’aliment, c’est-à-dire l’ensemble de ses caractéristiques
organoleptiques ; ensuite, entre quelques minutes et quelques heures après la
consommation, un ensemble de messages nerveux entéroceptifs signalant
l’assimilation des nutriments contenus dans le repas. Une association automatique
et inconsciente se produit chez le consommateur entre ces deux ensembles de
1-4-3
LE CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL
digestif (voir figure 10) pourrait faire croire que leur effet est modeste. Toutefois,
les travaux de CAMPFIELD et SMITH [1986 ; 1990] confirment que de très modestes
fluctuations du niveau de glycémie constituent un signal responsable du
déclenchement des repas chez l’homme comme chez l’animal de laboratoire. Par
conséquent, les signaux sensoriels susceptibles de modifier, même de façon brève,
les hormones de glucorégulation peuvent exercer sur le comportement alimentaire
une influence dont il reste à préciser les limites.
La stimulation orale ralentit la vidange gastrique : en effet, la même charge
alimentaire délivrée directement dans l’estomac s’évacue plus vite que lorsqu’elle
est ingérée par voie orale [KAPLAN et al., 1993]. De plus, la stimulation céphalique
entraîne une thermogenèse dont l’amplitude est sensible au bon goût de l’aliment
[BRONDEL, FANTINO, 1994]. Cet effet pourrait être dû à un mécanisme cholinergique.
Cette cascade d’effets déclenchés par une stimulation sensorielle a
d’importantes implications nutritionnelles et cliniques. Lorsqu’un aliment liquide
est introduit dans l’estomac via un tube naso-gastrique, sans passer par la cavité
buccale et donc sans avoir déclenché de phase céphalique de la digestion, des
volontaires humains ressentent un rassasiement moins satisfaisant pour une même
quantité d’aliment [JORDAN, 1969]. Cependant, lorsque ces volontaires doivent se
nourrir exclusivement par voie naso-gastrique, ils réussissent à s’auto-administrer
une quantité de l’aliment liquide à peu près semblable à la quantité qu’ils
consomment spontanément par voie orale pendant un repas.
Des enfants prématurés sont parfois nourris par tube naso-gastrique.
Lorsque leur nourriture est associée à une stimulation sensorielle [MAONE et al.,
1990], les fonctions gastro-intestinales de l’enfant s’améliorent, la prise de poids
s’accélère et l’autonomie nutritionnelle est avancée de plusieurs jours [MEASEL,
ANDERSON, 1979 ; FIELD et al., 1982]. Ces effets cliniques suggèrent que la
stimulation alimentaire céphalique facilite l’utilisation de l’énergie et des
nutriments.
1-4-3 Le conditionnement instrumental
Dans bien des circonstances, les événements sont un résultat du
comportement individuel. Les réponses comportementales sont un instrument
pour obtenir certaines conséquences. C’est pourquoi l’apprentissage de ce type de
réponses est appelé instrumental. Les conséquences que le sujet veut obtenir sont
le “renforcement” de son comportement.
THORNDIKE [1898] énonçait ainsi la loi de l’effet : “Si une réponse faite en
présence d’un stimulus est suivie d’un événement satisfaisant, l’association entre
le stimulus et la réponse est renforcée. Si la réponse est suivie par un événement
insatisfaisant, l’association est affaiblie.”
29
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
La conséquence, positive ou négative, n’est pas impliquée dans l’association ;
elle sert simplement à renforcer ou à affaiblir le lien, l’association entre stimulus et
réponse (Tableau I, p. 18). Chacun connaît les travaux de B.F. SKINNER [1938],
l’inventeur de la boîte qui porte son nom et dans laquelle un animal peut obtenir
une récompense en appuyant sur un levier. Le comportement à apprendre, appelé
“opérant”, est modelé progressivement. Pour ce faire, l’expérimentateur “renforce”
(attribue une récompense après) des approximations successives de l’opérant. Quel
que soit cet opérant, il aura une certaine probabilité d’être exécuté par hasard : c’est
la fréquence de base de l’opérant. Lorsque la réponse opérante se produit par
hasard, l’expérimentateur la renforce systématiquement, c’est-à-dire qu’il présente
une récompense pour chaque exécution de la réponse. Très souvent, des
récompenses alimentaires sont utilisées dans des protocoles expérimentaux
d’apprentissage pour renforcer certaines réponses chez des animaux à jeun. On voit
alors la fréquence de l’opérant augmenter considérablement puis se stabiliser.
30
Après avoir renforcé chaque exécution de la réponse (renforcement
continu), l’expérimentateur peut passer à un programme de renforcement partiel
où il ne renforcera plus qu’une réponse sur trois, dix, cinquante ou plus ; c’est ce
qu’on appelle “quotient fixe”. Le programme de renforcement à “quotient
variable” consiste à accorder le renforcement après un nombre variable
d’exécutions de la réponse, constituant des séries dont la valeur moyenne est fixée.
On peut aussi choisir de renforcer la réponse après un certain intervalle : dans ce
cas, c’est la première réponse exécutée après expiration du délai qui entraîne le
renforcement. Cet intervalle peut être fixe (trois secondes, soixante minutes, etc.)
ou il peut être variable (un renforcement est administré après divers intervalles
dont la moyenne est trois secondes, soixante minutes, etc.). Les programmes de
renforcement partiel ont des effets très différents sur le comportement. Les
programmes à renforcement variable provoquent une fréquence de réponse
uniforme, alors que les programmes de renforcement partiel fixe font apparaître
des pauses dans l’activité du sujet immédiatement après l’obtention du
renforcement. L’apprentissage sur programme de renforcement partiel est plus lent
que sous renforcement continu ; cependant les réponses apprises sont plus
résistantes à l’extinction.
La résistance à l’extinction observée pour les comportements renforcés de
façon partielle vient probablement du fait que dans ces conditions, la discrimination
par le sujet entre situation de renforcement ou de non renforcement est difficile à
réaliser. L’animal habitué à une situation où il n’est renforcé que rarement, met
longtemps à comprendre que le renforçateur n’est plus jamais disponible.
Dans les exemples donnés plus haut, à chaque fois, la relation de
dépendance entre réponse et renforcement était toujours positive : l’exécution de
la réponse en présence du stimulus approprié entraîne la récompense. On appelle
cette méthode de conditionnement instrumental “renforcement positif”. L’adjectif
1-4-3
LE CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL
“positif” fait référence à la nature de la relation de dépendance et non pas à la
nature du stimulus renforçateur. D’autres types de conditionnement instrumental
existent. Ils sont présentés au tableau III. Si l’exécution de la réponse entraîne un
stimulus désagréable, on parle de “punition”. Si la relation de dépendance entre
réponse et renforcement devient négative, on parle de “renforcement négatif”.
C’est le cas lorsque l’exécution de la réponse comportementale élimine ou
empêche l’administration d’un stimulus désagréable. L’animal et l’homme peuvent
apprendre à supprimer certains comportements lorsque l’exécution de ces
comportements, dans une relation de dépendance négative, empêche ou élimine
la présentation d’un stimulus récompensant.
Tableau III — Méthodes de conditionnement instrumental.
Nom de la méthode
Effet de la réponse instrumentale
Renforcement positif
La réponse produit un stimulus appétitif
Punition
La réponse produit un stimulus aversif
Renforcement négatif
(fuite ou évitement)
La réponse élimine ou empêche la
présentation d’un stimulus aversif
Omission
La réponse élimine ou empêche la
présentation d’un stimulus appétitif
On peut traduire ces divers modes de conditionnement instrumental en
termes alimentaires. Il est courant que les parents tentent d’influencer le
comportement alimentaire de leurs enfants en utilisant des relations de
dépendance semblables à celles qui sont décrites dans ce chapitre. Lorsqu’on
utilise un aliment particulier comme récompense d’un comportement, on constate
bien sûr que la fréquence de ce comportement augmente, mais aussi que la valeur
affective de l’aliment utilisé comme renforçateur augmente également. C’est ainsi
que bonbons, chocolats, gâteaux deviennent encore plus désirables [BIRCH et al.,
1980 ; 1982]. Lorsqu’on récompense l’enfant pour avoir consommé un aliment
(“mange tes petits pois, tu auras du dessert”), l’aliment dont l’ingestion est
renforcée (ou simplement “forcée”) sera peut-être consommé davantage mais il
risque de devenir de plus en plus aversif [BIRCH et al., 1984b].
Lorsque l’enfant est puni pour ne pas avoir mangé comme le désirent ses
parents (“mange tes petits pois”, “finis ce qu’il y a dans ton assiette”), son
comportement ne se modifie pas favorablement. La punition est généralement
considérée comme un moyen peu efficace de modifier un comportement. En
31
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
revanche, le renforcement négatif favorise l’établissement de réponses parfois peu
désirables. Si l’enfant pleure et que ce comportement lui évite de devoir manger
un aliment qu’il aime peu, il apprendra à le reproduire souvent. Certaines
anorexiques ont développé tout un répertoire de comportements qui ont le
pouvoir de faire disparaître de leur environnement les stimuli alimentaires qu’elles
évitent. Par exemple, le fait de se déclarer “végétariennes” leur évitera d’avoir à
consommer des plats de viandes sans susciter d’insistance de la part de leur
entourage. Enfin, les consommateurs, en tous cas les femmes, apprennent souvent
à ne pas consommer (à omettre) certains aliments (les biscuits apéritifs, les entrées)
afin de se garder de l’appétit pour des aliments plus convoités comme les desserts.
C’est la stratégie de celui ou celle qui ne met pas de sucre dans son café afin de
pouvoir s’accorder une gâterie dans l’après-midi. C’est ce que les parents
souhaitent inculquer à leurs enfants en leur disant : “Ne mange pas de bonbons
avant le repas, tu n’auras plus d’appétit.” Cet apprentissage est difficile et long à se
mettre en place, mais nous en voyons tous les jours des effets multiples dans le
comportement alimentaire de consommateurs de tous les âges.
32
Comme dans le conditionnement classique, l’expérimentateur focalise son
observation sur un comportement particulier qui l’intéresse (l’opérant) et qu’il veut
faire apprendre par le sujet, mais cet opérant n’est qu’un aspect de ce qui arrive
au sujet au cours de cet apprentissage. Bien d’autres comportements sont modifiés
que le seul opérant défini par l’expérimentateur. Parmi ces derniers, citons les
comportements “accessoires” qui apparaissent sous programmes de renforcement
partiel. Ces comportements se développent à la faveur d’un programme de
renforcement intermittent, mais ils ne sont aucunement impliqués dans l’obtention
du renforcement. Ils paraissent souvent excessifs : chez des animaux amaigris mais
non privés d’eau qui obtiennent leur nourriture sur programme de renforcement
partiel, on constate une consommation effrénée de boisson pendant que le
renforcement alimentaire est indisponible. L’intensité de cette polydipsie dépend
de l’intervalle entre les présentations d’aliments. Elle peut atteindre jusqu’à dix fois
la consommation d’eau normale [FALK, 1961]. Chez l’homme, des situations
diverses (écrire un long texte, préparer un exposé, attendre) reproduisent des
programmes où le renforcement du comportement est retardé. Souvent dans ces
circonstances, on voit apparaître des comportements accessoires importants parmi
lesquels ceux de manger, boire ou fumer sont fréquents.
1-4-4 Paramètres du renforçateur
La quantité aussi bien que la qualité du stimulus renforçateur agissent sur
l’efficacité de l’apprentissage. Des effets de contraste peuvent apparaître :
l’exécution de la réponse instrumentale augmentera soudain si la valeur du
1-4-5
RELATIONS ENTRE RÉPONSE ET RENFORCEMENT
renforçateur est augmentée ; elle baissera si la valeur du renforçateur est diminuée.
Une fois l’effet de contraste passé, le comportement se stabilise à un niveau
intermédiaire entre celui qui précède et celui qui suit immédiatement le contraste.
Un exemple de cet effet est connu chez le rat de laboratoire. Cet animal
nourri ad libitum d’un aliment standard uniforme se nourrit suffisamment pour
couvrir ses besoins énergétiques. Si on lui présente soudain un aliment plus appétitif
(sucré par exemple), le rat fait dans un premier temps des repas plus abondants.
Ensuite, il s’adapte à ce nouvel aliment et sa consommation se stabilise à un niveau
correspondant à ses besoins. Cependant, si des aliments nouveaux et agréables lui
sont présentés ad libitum chaque jour, la consommation demeure à un niveau élevé
et l’animal peut devenir obèse [SCLAFANI, SPRINGER, 1976 ; ROLLS, ROWE, 1977]. On
a appelé “régime cafétéria” ce mode d’alimentation qui ressemble beaucoup à celui
des consommateurs humains. Une différence cependant existe : l’homme qui
dispose des mêmes aliments ne peut pas, du moins en théorie, manger n’importe
quand, ni n’importe où. Sa prise alimentaire est limitée par des contraintes sociales.
La disparition progressive des structures traditionnelles des repas et l’omniprésence
d’aliments divers disponibles à toute heure dans notre environnement risquent de
rendre l’homme semblable à la bête, en l’occurrence : obèse.
33
1-4-5 Relations entre réponse et renforcement
De même que les rapports de contiguïté et de dépendance entre stimuli jouent
un rôle important dans le conditionnement classique, ces rapports influent également
sur la réalisation du conditionnement instrumental. L’apprentissage est rapide s’il y a
un délai très bref entre réponse et renforcement et si le renforcement est administré
pour chaque exécution de la réponse instrumentale (quitte à passer, dans une phase
ultérieure, à un programme de renforcement partiel). Dans ces conditions,
l’apparition dans l’environnement du stimulus discriminatif signalant la disponibilité
du renforcement acquerra rapidement le pouvoir de déclencher la réponse.
Les organismes sont sensibles aux relations de causalité qu’ils détectent
entre un comportement et les effets que celui-ci entraîne. Bien souvent, dans les
situations expérimentales et dans la vie, certains effets suivent fortuitement certains
comportements, ce qui n’empêche pas l’auteur du comportement de percevoir
une relation causale entre ces événements. C’est ainsi que sont appris les
comportements superstitieux : un comportement qui se trouve accidentellement
renforcé, c’est-à-dire qu’il est suivi fortuitement d’un effet positif lorsqu’il est
accompli dans un environnement donné, se répétera dans ces mêmes conditions
de l’environnement. Le renforcement fortuit a le même effet que s’il s’agissait
d’une relation causale authentique et donc, augmente le lien entre les stimuli
discriminatifs de la situation et la réponse. Un comportement superstitieux est
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
renforcé accidentellement de temps à autre ; il se maintient donc sur un programme de renforcement partiel et devient ainsi très résistant à l’extinction.
1-4-6 Renforcement et homéostasie
Selon la théorie de HULL [1930 ; 1931], le renforcement équivaut à un
processus homéostatique. Claude BERNARD [1856] avait déjà énoncé que la
constance du milieu intérieur est nécessaire à la vie autonome. Le comportement
est motivé par le maintien de cette constance, ou homéostasie, et donc par la
réduction des besoins. Des stimuli biologiquement importants, notamment la
boisson ou la nourriture, sont souvent utilisés comme renforçateurs dans
l’expérimentation animale. Les animaux sont d’abord privés d’une substance, puis
le retour de cette substance peut servir de renforcement à l’exécution d’un opérant
sélectionné par l’expérimentateur. Privation et renforcement sont des processus
opposés qui transforment l’état physiologique. La privation crée un manque ; le
renforcement survient et rétablit l’équilibre interne. Tous les stimuli de
l’environnement susceptibles de contribuer à l’équilibre homéostatique sont
potentiellement des renforçateurs efficaces : eau, nourriture, température, oxygène.
34
La motivation à exécuter la réponse dépend de l’état de besoin. Les stimuli
correspondants à un besoin biologique (eau, nourriture, etc.) sont appelés
“renforçateurs primaires”, pour les distinguer des “renforçateurs secondaires”,
c’est-à-dire ceux qui ont acquis leur pouvoir renforçateur par association avec les
renforçateurs primaires (l’homme et ses animaux familiers se contentent parfois de
paroles comme renforcement de leur conduite). Les qualités du renforçateur
contribuent aussi à la motivation, indépendamment de l’état physiologique. Ces
deux sources de motivation se complètent en situation alimentaire. Des rats
nourris par sonde gastrique sont motivés à travailler pour obtenir leur nourriture ;
cependant, ce renforcement est moins puissant que celui procuré par l’aliment
présenté dans la bouche [MILLER, KESSEN, 1952]. Normalement un aliment participe
des deux sources de motivation : il est potentiellement capable de réduire le
besoin et de plus, ses qualités sensorielles induisent une stimulation plus ou moins
grande de la consommation.
1-4-7 Déclenchement du comportement
Pour réaliser un conditionnement instrumental, il faut trois éléments : les
stimuli ambiants (S) en présence desquels la réponse instrumentale (R) est exécutée
et la conséquence de cette réponse, ou renforçateur (S R +). Dans cette perspective,
des stimuli ambiants acquièrent le pouvoir de déclencher (ou d’inhiber) le
comportement. Or un environnement n’est jamais composé d’un seul stimulus. Au
1-4-7
DÉCLENCHEMENT DU COMPORTEMENT
contraire, l’environnement est composé d’éléments multiples, eux-mêmes
complexes, dont certains seulement acquièrent ce pouvoir de déterminer le
comportement. Comment ces éléments deviennent-ils des S+, des stimuli
déclenchants, alors que d’autres demeurent des S-, des stimuli sans effet?
Le premier facteur important est l’expérience du sujet dans l’environnement. Les stimuli particulièrement nouveaux ou intenses sont plus
facilement intégrés au mécanisme du conditionnement. Ils pourront même faire de
l’ombre à d’autres stimuli, moins saillants, qui n’acquièrent aucun contrôle sur la
réponse. Les apprentissages préalables dans cet environnement jouent un rôle
pour faciliter ou inhiber un nouvel apprentissage en fonction de la compatibilité
des réponses déjà acquises avec celle qui doit être apprise.
Des stimuli de l’environnement peuvent déclencher la prise alimentaire
même chez des animaux rassasiés [WEINGARTEN, 1984 ; 1985 ; CORNELL et al.,
1989]. BIRCH et son équipe [1990] ont travaillé chez de jeunes enfants passant
leur journée à la crèche. Au moment de la collation, un stimulus discriminatif
audiovisuel (SC+ : une lampe allumée plus une mélodie) apparaissait dans
l’environnement. Un autre stimulus audiovisuel discriminatif (SC- : une lumière
de couleur différente plus une autre mélodie) apparaissait parfois dans
l’environnement, mais jamais en association avec des aliments. Après plusieurs
présentations de ces stimuli aux enfants, le test suivant fut réalisé : juste après le
600
500
200
400
150
300
100
Latence (s)
Consommation ad libitum (kcal)
250
200
50
0
100
SC+
SCSC+
Condition du test
SC-
0
Figure 11 — Consommation alimentaire (quantité et latence) chez l’enfant rassasié dans
une condition de SC+ et dans une condition de SC-, après plusieurs jours de
conditionnement. D’après BIRCH et collaborateurs [1989].
35
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS
déjeuner, alors que les enfants étaient rassasiés, les aliments habituels du goûter
étaient présentés soit accompagnés du SC+, soit accompagnés du SC-. Les
résultats sont présentés à la figure 11. En présence du SC+, les enfants se mirent
à manger après une latence très brève, et mangèrent plus que lorsque le SC- était
présenté.
Les personnes qui s’astreignent à des régimes restrictifs sévères et prolongés
sont très sensibles aux incitations venant de l’environnement [HERMAN, POLIVY,
1980]. Leur comportement peut subir une “désinhibition soudaine” en réponse à
certaines situations (stress, incitation sociale, consommation d’alcool, etc.), ce qui
se traduit par un accès d’hyperphagie. La figure 12 montre la consommation d’un
groupe de personnes qui restreignent leur prise alimentaire de façon chronique,
comparée à celle d’un groupe de personnes qui mangent sans restriction, dans
trois conditions expérimentales. Dans la première, une collation est servie et les
230
Groupe témoin sans restriction
36
Consommation (g)
200
170
140
110
Groupe avec restriction
80
0
0
1
Pré-charge (milk-shake)
2
Figure 12 — Consommation au cours d’une collation chez deux groupes de personnes
dans trois conditions : 0 = aucune pré-charge ingérée avant la collation ; 1 =
milk-shake consommé avant la collation ; 2 = une double part de milk-shake
consommée avant la collation. Un groupe de personnes qui s’astreignent à
une restriction alimentaire chronique se comporte de manière opposée au
groupe témoin composé de personnes qui ne restreignent pas habituellement
leur prise alimentaire. D’après HERMAN et POLIVY [1980].
1-4-7
DÉCLENCHEMENT DU COMPORTEMENT
volontaires mangent ad libitum. Dans la deuxième, une pré-charge (un milk-shake)
est consommée avant la collation. Dans la troisième, une double part de milkshake doit être consommée avant la collation. Les volontaires sous restriction
alimentaire chronique se conduisent d’une façon opposée au comportement des
témoins. Ces derniers mangent le plus lorsque la collation est servie sans précharge, et mangent le moins lorsque la pré-charge est importante. La
consommation des personnes sous restriction est faible lorsque la collation est
servie sans pré-charge et augmente de façon importante avec la taille de la précharge. Leur comportement est apparemment inhibé dans la première condition,
alors qu’ils semblent perdre tout contrôle dans la troisième.
37
2 – Description
des comportements
alimentaires
2-1 La distribution circadienne
de la prise alimentaire
Le recueil et le dépouillement de milliers de tracés montrant la prise
alimentaire d’animaux de laboratoire ont permis à l’équipe de LE MAGNEN [1992]
de quantifier plusieurs paramètres de la consommation et de détecter les relations
mathématiques existant entre eux. C’est ainsi que la corrélation entre la taille des
repas et la durée de l’intervalle qui les suit a été mise en évidence de même que
l’absence de corrélation entre la taille des repas et la durée de l’intervalle qui les
précède. On peut déduire de ces observations que l’animal en situation ad libitum
ne mange pas parce qu’il a faim mais parce qu’il vient d’épuiser les réserves
énergétiques et nutritionnelles constituées par son précédent repas. La taille de
chaque repas dépend de l’heure de la journée (ou de la nuit) et surtout des
propriétés sensorielles des aliments disponibles. L’intervalle qui suit un repas est
d’autant plus long que ce repas est abondant.
La quantification des paramètres de la journée alimentaire permet de
comprendre la motivation à manger chez l’animal. Et chez l’homme, est-il
possible de quantifier les paramètres importants, de telle sorte que l’on puisse
comprendre la motivation à manger? Sur le modèle des travaux de LE MAGNEN, DE
CASTRO [1987 À 1997 ; DE CASTRO et al., 1985 à 1991] a développé une
méthodologie originale qui a déjà produit des résultats précieux concernant
l’alimentation de milliers de Nord-Américains.
Le semainier alimentaire (Figure 13) est un carnet où le volontaire note
toutes les consommations d’une semaine, de même que de nombreuses
indications concernant le temps, le lieu, et les circonstances psychologiques et
sociales entourant chaque consommation. Un programme informatique quantifie
les paramètres de chaque événement alimentaire de la semaine et calcule ses
relations avec tous les autres événements relevés dans le semainier.
39
40
Figure 13 — Une page du “semainier alimentaire”.
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
Mauvais-Bon
Rassasié-Affamé
Désaltéré-Assoiffé
Déprimé-Joyeux
Calme-Anxieux
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
JourMauvais-Bon
- Lu Ma Me Je Ve SaRassasié-Affamé
Di
Heure - Début_______
Fin_____ Déprimé-Joyeux
Repas_______ Collation_________
Désaltéré-Assoiffé
Calme-Anxieux
Nombre
1 2 3 de
4 personnes
6 5 7 présentes:
1 2 3 4 6Hommes__________
5 7 1 2 3 4 6 Femmes__________
5 7 1 2 3 4 6 5Relation:
7 1 2___________
3 4 6 5 7
Lieu: _____________________________
Niveau
d’activité
physique:
➝
Légère
1
2
3
4
5
6 7 Intense
Jour - Lu Ma Me Je Ve Sa Di
Heure - Début_______ Fin_____ Repas_______
Aliment ou boissonCollation_________
Quantité
Mauvais - Bon
Nombre de personnes présentes: Hommes__________ Femmes__________1 2Relation:
3 4 5 6 7
___________
1 2 3 4 5 6 7
Lieu: _____________________________ Niveau d’activité physique: ➝ Légère1 12 23 344 55 66 7
Intense
1 2 3 4 5 6 7
1Mauvais
2 3 4 5- Bon
6 7
Aliment ou boisson
Quantité
11 22 3 34 45 56 76
Rassasié-Affamé
Désaltéré-Assoiffé
Déprimé-Joyeux
Calme-Anxieux
7 Mauvais-Bon
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 2 3 4 6 5 7
1 12 23 3
4 64 55 76
7
1 2 3 4 5 6
2-2-1
STADE FŒTAL
Dans l’alimentation nord-américaine, il existe une corrélation entre
l’intervalle qui précède un repas et la taille de celui-ci. Le contenu de l’estomac
avant le repas et les sensations de faim ressenties par le volontaire avant le repas
sont également corrélés à la taille du repas. En revanche, la corrélation entre taille
du repas et intervalle post-prandial est faible et n’est pas toujours significative. Une
des révélations importantes de ce travail est la force d’une stimulation sociale à
manger [DE CASTRO et al., 1990]. Le facteur le plus fortement associé à la taille des
repas est le nombre de convives qui le partagent (Figure 14). La facilitation sociale
de la prise alimentaire se vérifie en tous lieux, à toutes heures, pour les repas comme
pour les collations, pour les repas pris chez soi ou à l’extérieur. Elle est indépendante
des effets enregistrés sur la durée des repas. Les membres de la famille et les amis
produisent une plus grande stimulation à manger que les autres personnes.
DE CASTRO et KREITZMAN [1985] font l’hypothèse que, en présence des
contraintes écologiques spécifiques de la consommation humaine, la régulation
énergétique et nutritionnelle s’effectue en ajustant la taille des repas en fonction
des facteurs pré-prandiaux plutôt qu’en ajustant la durée des intervalles de satiété
en fonction de la taille des repas. Ce mode de régulation contraste fortement avec
celui que LE MAGNEN [1992] a décrit chez l’animal.
Une étude réalisée avec cette méthode chez des jumeaux identiques ou
fraternels a révélé que la séquence de consommation quotidienne, la fréquence
des repas et les apports en macronutriments, en alcool et en eau ont une
héritabilité importante [DE CASTRO, 1993].
2-2 Les choix alimentaires
au cours de la vie
2-2-1 Stade fœtal
Le fœtus dispose de chimiorécepteurs fonctionnels dans les dernières
semaines de la grossesse. Il peut percevoir l’odeur et le goût du liquide
amniotique, un environnement très complexe sur le plan chimique. À 18 semaines
de gestation, 400 composés distincts ont été identifiés dans le liquide amniotique
[ANTOSHECHKIN et al., 1989]. De plus, la composition de ce fluide est changeante
en fonction des apports nutritionnels de la mère (épices par exemple) et du flux
urinaire du fœtus lui-même [SCHAAL, 1995]. Après la naissance, le nourrisson de
quelques heures manifeste une reconnaissance et un intérêt pour l’odeur de son
propre liquide amniotique [SCHAAL et al., 1995]. L’impact de la stimulation
41
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
800
Taille du repas (kcal)
Contenu gastrique
Protéines
600
Lipides
400
200
Glucides
a
2
Convives
1
b
0
0,6
Score Z moyen
42
Nombre
de convives
0
0,4
Corrélation
0,2
c
0
Petit déjeuner
Déjeuner
Dîner
Figure 14 — Les contenus de plusieurs petits déjeuners, déjeuners et dîners sont donnés en
a de même qu’une évaluation du contenu gastrique au début de chaque repas.
Le graphique b donne le nombre de convives partageant chaque repas. Le
graphique c montre les corrélations significatives entre taille des repas et
nombre de convives. D’après DE CASTRO et collaborateurs [1990].
2-2-3
LES GOÛTS DE L’ENFANT
chimiosensorielle intra-utérine sur le développement des préférences alimentaires
est probable, mais seules des observations réalisées chez l’animal sont disponibles
aujourd’hui : des préférences pour l’ail, le genièvre ou l’alcool ont été observées
[HEPPER, 1988 ; ALTBÄCHER et al., 1995 ; MOLINA et al., 1995].
2-2-2 Le nourrisson
Des nouveau-nés de quelques heures, avant toute expérience alimentaire,
répondent de manière totalement prévisible, stéréotypée, au dépôt sur la langue
de quelques gouttes de liquide sucré, acide ou amer. Le sucré est accepté, avec
une physionomie caractérisée par la détente des muscles faciaux, le relèvement
des angles de la bouche, des léchages, des succions et parfois avec un sourire. Le
goût acidulé provoque une grimace alors que l’amertume est violemment rejetée
avec des mimiques qui évoquent le dégoût : dépression des angles de la bouche,
saillie des lèvres et de la langue. Ces réponses, les “réflexes gusto-faciaux”, sont
innées et se retrouvent chez tous les nourrissons humains. Elles constituent en
quelque sorte l’équipement de base, un répertoire très sommaire qui permet au
petit enfant d’accepter les solutions sucrées, qui dans la nature sont souvent
associées à des sources de glucides et d’énergie, et de rejeter des produits amers
potentiellement toxiques.
Des enfants de deux semaines, nourris au biberon depuis leur naissance,
montrent plus d’intérêt pour l’odeur du sein d’une femme allaitante (qui n’est donc
pas leur mère) que pour l’odeur du lait dont ils sont nourris [PORTER et al., 1991].
On pourrait postuler, après STEINER, l’existence d’un mécanisme cérébral,
génétiquement programmé, qui contrôlerait la réactivité hédonique du nouveauné aux stimulations chimiques.
2-2-3 Les goûts de l’enfant
Ces réponses sommaires exprimées par le nouveau-né ne sont pas des goûts
alimentaires et les solutions qui les déclenchent ne sont pas non plus des aliments.
Les goûts se développent à partir de ces attitudes innées et évoluent pendant
l’enfance et l’âge adulte.
Des goûts différents et même complètement opposés se mettent en place au
sein d’une même culture ou d’une même famille. Les facteurs de formation des
goûts sont si puissants qu’ils peuvent aller jusqu’à inverser les attitudes innées :
privilège de l’espèce humaine, certaines personnes se délectent de boissons
amères (bière, café), de plats très épicés, ou encore n’aiment pas du tout le sucre.
La formation des goûts dépend de facteurs purement biologiques
(maturation des organes du goût, par exemple) et surtout de l’expérience du
43
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
mangeur, son “vécu” dans un contexte social et culturel particulier. À partir d’un
aliment unique, le lait, qui est celui de tout nourrisson, l’enfant doit apprendre à
intégrer les composantes d’un régime varié.
Qu’advient-il des attitudes innées pendant l’enfance? Le goût pour le sucré
demeure très puissant. Des études longitudinales ont montré que la consommation
de produits sucrés varie énormément entre les âges de deux et huit ans [DEHEEGER
et al., 1996]. Contrairement à ce qui se passe pour les protéines, la ration de
produits sucrés à deux ans ne prédit aucunement la ration de produits sucrés chez
le même enfant à quatre, six ou huit ans. Cependant peu d’enfants se montrent
non-consommateurs de saccharose et il faut suspecter dans ces cas soit une
prohibition parentale soit un problème de santé (les enfants insuffisants rénaux
aiment peu le sucré). Le goût pour les fortes concentrations de sucre est vif chez
les jeunes garçons. Il s’estompe avec l’âge. Chez les filles, les concentrations de
sucre les mieux appréciées sont modestes (autour de 10 %) et ressemblent à celles
qu’apprécient les femmes adultes [MONNEUSE et al., 1991].
44
À la naissance, une solution salée n’évoque aucune réaction. Cette
indifférence se maintient à six mois, alors que de 18 mois à trois ans se développe
une aversion pour les solutions salées. Cependant, l’enfant qui rejette une solution
de NaCl demeure capable d’apprécier le sel présenté dans un potage ou sur des
légumes, par exemple [BEAUCHAMP, MORAN, 1984 ; BEAUCHAMP et al., 1994]. Cette
observation met en évidence le rôle du contexte alimentaire. À cet âge, l’enfant a
pris l’habitude de consommer de véritables aliments et sa réaction devant une
sensation gustative dite “pure” (sucrée, salée, acide ou amère) ne nous informe en
rien sur ses goûts.
Les enfants mangent ce qu’ils aiment, laissent ce qu’ils n’aiment pas, sont
totalement indifférents aux considérations qui affectent les adultes : taux de
lipides, de cholestérol, coût et temps de préparation [BIRCH, 1998]. Le jeune enfant
est conservateur, il aime se sentir en sécurité, spécialement en matière alimentaire.
Aussi manifeste-t-il ce que l’on appelle la “néophobie”, c’est-à-dire l’évitement
actif de ce qui est nouveau. Chaque petit enfant passe par une phase plus ou moins
longue de néophobie pendant laquelle il refuse les aliments inconnus. Cette phase
est tout à fait normale. Il est important de ne pas la contrarier.
La familiarité qui résulte de la présentation répétée d’un aliment est le
meilleur antidote à la néophobie [BIRCH, MARLIN, 1982 ; PLINER, 1982 ; PLINER et al.,
1986 ; 1993 ; SULLIVAN, BIRCH, 1990]. Un aliment qui a été présenté 5 à 10 fois,
voire jusqu’à 20 fois au minimum, est de mieux en mieux accepté par l’enfant
(Figure 15). La familiarité de l’aliment, ou la somme d’expériences positives avec
cet aliment, peut aller jusqu’à renverser des goûts préexistants. Dans une
expérience menée chez des enfants américains (3–5 ans), trois versions d’un même
aliment inhabituel (tofu) sont proposées : nature, sucré ou salé [SULLIVAN, BIRCH,
Échelle d’acceptabilité de THURSTONE
2-2-3
LES GOÛTS DE L’ENFANT
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0
5
10
15
Nombre de présentations
20
Figure 15 — Acceptabilité de divers aliments en fonction du nombre de présentations à
l’enfant. Les résultats de trois expérimentations sont montrés. L’ordonnée
représente une échelle croissante d’acceptabilité. D’après BIRCH et MARLIN
[1982].
1990]. Naturellement les enfants préfèrent spontanément le produit sucré au début
de l’expérience. Pendant neuf semaines, l’une des trois versions est offerte à trois
groupes d’enfants au moment du goûter à la crèche. Au bout de ces neuf semaines
d’entraînement, l’acceptabilité de la version habituelle a augmenté et dépassé celle
des deux autres versions. Tout se passe comme si le produit consommé habituellement devenait progressivement meilleur. C’est comme si l’enfant avait appris
qu’il pouvait faire confiance à cet aliment. Toutefois, cet apprentissage est
spécifique de l’aliment familiarisé. Il n’est pas généralisable à d’autres aliments. Par
exemple, si au bout de neuf semaines on présente aux enfants des trois groupes de
cette expérience trois variétés de ricotta : nature, sucré ou salé, les enfants qui ont
appris à préférer le tofu nature ou salé auront néanmoins une préférence pour le
ricotta sucré. Par son expérience avec un aliment, l’enfant a appris que le tofu se
mange salé, ou bien nature ou bien sucré ; pour un autre aliment, l’apprentissage
est à refaire. L’enfant, comme l’adulte, apprend à associer certaines stimulations
sensorielles au contexte alimentaire où elles sont “appropriées”.
Il n’existe actuellement que peu de démonstrations d’effets génétiques sur
les préférences alimentaires [ANLIKER et al., 1991 ; DREWNOWSKI, ROCK, 1995].
L’enfant comme l’adulte apprend à aimer le goût des aliments qui exercent un effet
45
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
post-ingestif bénéfique, ce qui est le cas pour tous (ou presque tous) les aliments
sélectionnés par les parents dans un contexte socioculturel donné. Cet effet est soit
le rassasiement énergétique, soit le rassasiement spécifique d’un besoin particulier
(en nutriments, en vitamines, par exemple). Toutes choses étant égales par ailleurs,
un aliment plus rassasiant, plus dense en énergie et donc plus satisfaisant pour le
mangeur, devient progressivement préféré à un aliment qualitativement semblable
mais moins dense en énergie [JOHNSON et al., 1991].
46
Chez l’enfant [BIRCH et al., 1990], ce phénomène a été démontré en
présentant deux boissons nouvelles. L’une des boissons avait un goût d’orange
chocolatée, l’autre un goût proche de celui des chewing-gums. Ces deux parfums
sont très inhabituels dans une boisson, même pour de petits Américains. Les
enfants n’avaient donc aucun a priori à leur sujet et, à la première présentation des
boissons, elles paraissaient également agréables. Le contenu énergétique de ces
boissons pouvait être manipulé : il était soit de 3 kcal soit de 155 kcal par verre de
150 ml. La moitié des enfants a reçu la boisson chocolatée à 155 kcal et la boisson
au goût de chewing-gum à 3 kcal ; pour l’autre moitié des enfants, c’est la boisson
chocolatée qui contenait 3 kcal et la boisson au goût de chewing-gum 155 kcal.
Après plusieurs semaines d’apprentissage (ou de conditionnement), au cours
desquelles les enfants consommaient plusieurs fois chaque boisson, les enfants
avaient appris à préférer la boisson la plus énergétique, quel que soit son parfum.
Lorsqu’on leur donnait le choix, les enfants consommaient davantage de la
boisson la plus calorique. Dans ce cas, ils compensaient en mangeant moins au
repas suivant. Cet apprentissage est qualitatif (apprendre à préférer tel ou tel
aliment) aussi bien que quantitatif (apprendre à manger plus ou moins de tel ou tel
aliment pour atteindre le rassasiement).
Il a été récemment montré que le goût des enfants pour les aliments riches
en graisses est fortement corrélé avec l’Index de masse corporelle des parents. Cet
index, aussi appelé Index de QUÉTELET [1871], est calculé par la formule : Poids
(kg)/ [Taille (m)]2. La consommation de lipides alimentaires par l’enfant est elle
aussi corrélée à l’Index de QUÉTELET des parents. Bien que l’importance d’une
transmission génétique des préférences alimentaires reste à déterminer, il est
probable que ces préférences et ces comportements sont appris au sein de la
famille [FISHER, BIRCH, 1995].
2-2-4 La consommation alimentaire spontanée
de l’enfant
Dès sa première expérience alimentaire, qu’il soit allaité par sa mère ou
nourri au biberon, l’enfant s’engage dans le comportement alimentaire en
interaction avec une autre personne. Dans l’allaitement, la dyade mère-enfant
2-2-4
LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE SPONTANÉE DE L’ENFANT
assure une réponse plus précoce à l’expression du désir de nourriture par l’enfant,
par opposition à la présentation d’un biberon. Le comportement alimentaire
commence dès cet âge à prendre de la distance par rapport aux besoins de
l’enfant. Cette distance s’accentue lors du passage à l’alimentation solide, lorsque
l’enfant est convié à participer aux repas familiaux.
La spontanéité de l’expression des besoins alimentaires chez le nourrisson
évolue donc progressivement vers l’acceptation et l’intégration d’un mode de
consommation fondé sur des coutumes familiales et ethniques. L’enfant doit
apprendre à remplacer sa spontanéité par un ensemble de règles déterminées par
son milieu de sorte que ses besoins nutritionnels soient couverts par trois repas (et
accessoirement une collation) consommés à heures relativement fixes. Comment
ce passage s’opère-t-il?
Les difficultés sont nombreuses, ainsi que l’a fait remarquer Hilde BRUCH
[1984] qui voit l’origine des troubles du comportement alimentaire (anorexie
mentale, boulimie) dans l’incapacité de la mère à distinguer les besoins
alimentaires des autres besoins (tendresse, sommeil, etc.) exprimés par l’enfant.
D’après Hilde BRUCH, certaines mères répondraient à toutes les demandes de
l’enfant par la présentation de nourriture.
Au début du siècle, Clara DAVIS [1928] a montré que le tout jeune enfant (à
partir de 6 mois) peut sélectionner et ingérer un régime alimentaire varié, si on lui
laisse une liberté totale de choisir entre plusieurs aliments. Contrairement aux
craintes de certains parents, les enfants dans cette situation ne se contentent pas
d’ingérer seulement un ou deux aliments agréables au goût, mais font spontanément
ce que les diététiciennes conseillent, c’est-à-dire manger un peu de tout en quantités
raisonnables. Les travaux de DAVIS ont été beaucoup critiqués depuis lors. En effet,
s’il est incontestable que les enfants se sont composé un régime équilibré, ils ne
pouvaient guère faire autrement puisque les aliments mis à leur disposition avaient
été préalablement sélectionnés par l’expérimentatrice pour leur bonne valeur
nutritionnelle. De plus, aucun des aliments présentés dans ces expériences n’était
sucré. Les conclusions de DAVIS sont néanmoins considérées aujourd’hui comme
valides et sont intégrées dans les théories des experts contemporains.
Les abondants travaux expérimentaux de Leann BIRCH [BIRCH, 1980 ; 1985 ;
1990 ; 1998 ; BIRCH et al., 1980-1991 ; KERN et al., 1993 ; SULLIVAN, BIRCH, 1994],
réalisés auprès de jeunes (4–5 ans) enfants américains, confirment qu’il existe une
part quantifiable de spontané dans le comportement alimentaire des enfants de cet
âge. Par exemple, les enfants sont capables d’ajuster leur consommation
alimentaire en fonction de la taille d’une pré-charge (boisson, glace, etc.) ingérée
avant le repas. Chez l’adulte cette adaptation est plus difficile, en particulier chez
les personnes qui s’astreignent à une restriction alimentaire chronique. Pour BIRCH,
cette capacité repose sur une bonne sensibilité de l’enfant à des signaux physiques
47
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
internes. Avec la socialisation de l’enfant, le pouvoir que possèdent les signaux
physiologiques de faim et de satiété de commander la consommation alimentaire
diminue progressivement pour être remplacé par des impératifs socioculturels.
Lorsque les parents insistent pour que l’enfant vide systématiquement son assiette,
indépendamment des besoins qu’il ressent, ils favorisent la perte d’attention aux
signaux internes (qui n’ont plus d’importance) et augmentent l’influence de
facteurs externes, sociaux, qui a priori n’ont rien à voir avec les besoins actuels de
l’enfant. Apprendre à manger aux heures des repas, et non pas à chaque fois qu’on
a un “petit creux”, et surtout apprendre à avoir faim à l’heure des repas, sont des
étapes importantes dans la socialisation de l’enfant. Ainsi le comportement
alimentaire de l’enfant devient-il de moins en moins spontané. La régulation
nutritionnelle repose de plus en plus sur des mécanismes socioculturels de
maîtrise du comportement alimentaire. La société met en place des coutumes, des
traditions, qui paraissent souvent absurdes mais qui reposent parfois sur des
mécanismes nutritionnels très sages [ROZIN, 1982]. Il semble malheureusement
que les sociétés d’aujourd’hui n’assurent plus les limites de la consommation
alimentaire aussi bien qu’autrefois et laissent plus facilement prise à l’obésité
[ROLLAND-CACHERA et al., 1993a].
48
LESTRADET et DARTOIS [1992] ont republié intégralement un article paru pour
la première fois 30 ans plus tôt, intitulé “L’alimentation spontanée de l’enfant”. Les
auteurs insistent sur deux observations frappantes : d’une part, il existe une diversité
importante des habitudes alimentaires selon les régions et d’autre part, les
prescriptions diététiques faites aux enfants sont d’une extrême précision. Or, ces
prescriptions ne sont fondées sur aucune étude scientifique mais plutôt sur des
impressions ou des hypothèses. Si on laisse aux enfants un libre accès aux aliments,
le comportement observé est très différent de celui que prescrivent les différentes
écoles pédiatriques. Lorsque l’enfant est libre de s’alimenter quand et comme il le
veut, les variations du comportement alimentaire d’un jour à l’autre sont
importantes. Les choix alimentaires, et donc les apports, sont variés. Si un effort
physique survient, le comportement alimentaire n’est pas augmenté
immédiatement, mais deux jours plus tard. L’enfant répartit sa consommation
quotidienne en plusieurs (entre 4 et 8) petits repas. La raison profonde de ces
oscillations du comportement nous échappe. Cependant, conseillent les auteurs, il
faut introduire dans nos habitudes de pensée, de calcul et de prescription, la notion
de variations autour d’une moyenne. Chez l’adulte, dont la spontanéité alimentaire
est moindre que celle de l’enfant, on retrouve néanmoins une importante variation
des apports énergétiques quotidiens, mesurés sur un an [TARASUK, BEATON, 1992].
Une enquête alimentaire longitudinale, menée chez 112 enfants entre les
âges de dix mois et huit ans, appuie cette notion de variation “spontanée” de la
prise alimentaire, en énergie ou macronutriments [DEHEEGER et al., 1996]. Bien que
la ration moyenne augmente avec l’âge, il arrive que certains enfants mangent
2-2-5
LA CONSOMMATION APPRISE
moins alors qu’ils avancent en âge, c’est-à-dire au moment de la plus tardive de
deux mesures successives. La même chose se vérifie pour les apports en protéines.
La variabilité d’un âge à l’autre est spécialement grande pour les apports en lipides
et en glucides (amidons surtout). Les auteurs proposent l’hypothèse que ces
variations reflètent l’action de processus régulateurs pendant la croissance. Cette
hypothèse reste évidemment à étayer. Elle appuie le conseil donné par LESTRADET
et DARTOIS [1992], à savoir qu’il faut observer et respecter les changements
d’appétit, de préférences et de comportements alimentaires chez l’enfant, chez
l’adolescent et même chez l’adulte, dans la mesure où ils ne sont pas
manifestement aberrants.
La souplesse alimentaire n’est pas l’anarchie. En grandissant, l’enfant doit
progressivement participer davantage à l’activité sociale, d’abord à l’école, puis
dans le monde du travail. Il doit donc apprendre à se plier à des horaires exigeants.
Ses besoins physiologiques d’une ou plusieurs collations en cours de journée
devraient cependant pouvoir être respectés, en particulier si son activité sportive
est importante.
Jusqu’à aujourd’hui, les structures imposées par la vie en société
imposaient des limites à la prise alimentaire (horaire, cadre, menu des repas,
etc.). Or, il semble maintenant que ces structures cèdent de plus en plus devant
la prolifération d’un mode d’alimentation dite “rapide”, qu’il s’agisse de produits
tout préparés à consommer chez soi, ou de “repas” dans des lieux spécialisés. La
contribution de ces changements à l’augmentation de la prévalence de l’obésité
reste à quantifier.
2-2-5 La consommation apprise
L’apprentissage alimentaire devient de plus en plus complexe au cours de
la vie. C’est ainsi que l’on apprend non seulement quoi manger, en quelle
quantité, mais encore quand il est approprié de manger tel ou tel aliment. Cet
apprentissage inconscient s’exprime par des “préférences” que la personne
manifeste spontanément. Au petit déjeuner, les préférences qui s’expriment ne sont
pas les mêmes que le soir [BIRCH et al., 1984]. Les aliments qui composent les
déjeuners ou dîners au cours d’une semaine changent tous les jours ; pourtant on
peut consommer les mêmes aliments au petit déjeuner pendant des années. Ces
choix sont appris au cours de la vie.
Le vécu de l’enfant en croissance est évidemment plus complexe que
l’expérience physiologique des répercussions de son comportement alimentaire.
L’enfant vit en famille, dans une culture donnée, il a des camarades et des parents
qui contribuent à mettre en place les goûts alimentaires. D’après ROZIN [1990a ;
1990b], le facteur le plus déterminant des choix alimentaires d’une personne est
49
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
la culture dans laquelle elle vit. C’est ainsi que des populations entières acquièrent
des goûts caractéristiques pour des plats très épicés, la cuisine à l’huile, ou encore
les insectes, les termites et autres serpents. La culture est déterminante pour
délimiter le domaine de ce qui peut être mangé, et les conditions de cette
consommation. La culture définit également les limites de ce qui est “dégoûtant”.
Cette catégorie varie énormément d’une culture à l’autre : nous ne mangeons pas
de vers de terre mais nous nous délectons d’escargots, ce qui apparaît comme
répugnant à d’autres. La notion qu’un objet est “dégoûtant” est apprise par l’enfant
avant l’âge de 30 mois alors que la notion qu’un objet est tout simplement
impropre à la consommation se manifeste pleinement beaucoup plus tard (après
l’âge de 60 mois) [ROZIN et al., 1986]. C’est ainsi que les enfants de cinq ans
continuent d’accepter de manger des aliments potentiels que les adultes
refuseraient, comme des biscuits pour chien par exemple. La catégorie regroupant
les stimuli “dégoûtants” s’applique essentiellement à des produits animaux.
50
L’enfant apprend ces catégories au cours de son éducation et s’y conforme
spontanément. L’ingestion d’objets “inappropriés” par de jeunes consommateurs
suggère de graves problèmes psychologiques. Les choix de l’enfant sont également
influencés par ceux de ses pairs. Il est surtout disposé à imiter les choix d’enfants
plus âgés, même si les aliments choisis sont peu appréciés [DAVIS, 1928 ; BIRCH,
BILLMAN, 1986].
2-2-6 L’aliment-récompense
L’influence des adultes sur l’alimentation de l’enfant est très complexe et
souvent source de conflits. Des parents bien intentionnés essaient parfois de forcer
l’enfant à manger un aliment, parfois ils récompensent l’enfant en lui offrant un
autre aliment. Dans ce cas, l’aliment que l’on propose comme récompense
devient de plus en plus apprécié [BIRCH et al., 1982]. Dire à l’enfant: “Mange tes
petits pois et tu auras du gâteau” aboutit à faire adorer le gâteau et peut-être à faire
détester les petits pois. Le contrôle exercé de l’extérieur sur la consommation des
enfants, et qui agit au moyen de récompenses, de pressions, de critères arbitraires
(“Finis ton assiette”), peut affecter les capacités de l’enfant à ajuster sa
consommation en fonction des signaux internes de besoin ou de satiété qu’il
ressent. Ses effets sont potentiellement nocifs, non seulement sur les goûts
alimentaires mais aussi sur la régulation nutritionnelle et le poids corporel [BIRCH
et al., 1980 ; 1987]. Comme dans d’autres aspects du comportement, la contrainte
et la punition sont de mauvais outils pédagogiques.
2-3-2
LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES
2-3 Fonctions sensorielles
et goûts alimentaires
2-3-1 Psychophysique de la stimulation alimentaire
La stimulation chimique procurée aux récepteurs périphériques situés dans
la cavité oro-pharyngée peut être quantifiée de diverses façons. La nature,
l’intensité et la valeur hédonique (le caractère agréable) de cette stimulation
peuvent être quantifiées. Une méthode d’évaluation sensorielle classique consiste
à demander aux dégustateurs de donner une note, située entre deux valeurs
extrêmes, à un ou plusieurs stimuli gustatifs. Le dégustateur peut aussi indiquer
l’intensité du stimulus en traçant une croix le long d’une échelle analogique
visuelle, constituée par une ligne de 10 ou 15 cm marquée à ses extrémités par des
termes indiquant la perception minimale et maximale. La note accordée augmente
et la croix tracée se déplace en fonction de l’intensité du stimulus, ou encore de
son caractère agréable. L’échelle de catégories est une alternative : le volontaire
exprime sa perception (intensité, bon goût, etc.) par un nombre entier situé entre
deux limites (par exemple 1 à 9, 1 à 5, etc.). C’est ainsi qu’il est possible d’obtenir
des cotations pour plusieurs stimuli sucrés et de les comparer chez une même
personne, et avec davantage de prudence, entre personnes différentes.
Il est important de distinguer le “goût de” l’aliment et le “goût pour”
l’aliment. Le “goût de” l’aliment est la perception de ses qualités chimiosensorielles :
leur nature (salé, sucré, etc.) et leur intensité. Un panel d’experts peut se mettre
d’accord sur ces qualités qui décrivent l’aliment. Le “goût pour” un aliment est le
caractère hédonique, agréable, qu’il présente pour un consommateur. C’est son
pouvoir de stimuler l’appétit dans des circonstances particulières. Il peut s’agir de
préférences ou d’aversions relativement stables (par exemple : “J’aime le poisson et
je déteste le fromage”), ou bien il peut s’agir d’attitudes ponctuelles susceptibles de
se modifier en fonction de l’état nutritionnel (par exemple : “J’aime le sucré, mais
pas en début de repas”) ou de facteurs de l’environnement (par exemple : “J’aime
beaucoup prendre l’apéritif en bonne compagnie”). L’aliment a non seulement son
goût, son arôme, sa couleur, etc., il a aussi la propriété d’évoquer chez le
consommateur un affect positif ou négatif. Cet affect détermine le comportement.
2-3-2 Les préférences alimentaires
La sensibilité à l’amertume est une des rares dispositions héritées
génétiquement [DREWNOWSKI, ROCK, 1995]. On distingue trois populations en
fonction des réponses à un test d’évaluation sensorielle : les non-goûteurs qui ont
51
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
une sensibilité faible aux stimuli amers, les goûteurs et les super-goûteurs. Ces
derniers sont susceptibles de rejeter de leur alimentation courante certains
végétaux dont le goût a une composante amère. Les conséquences à long terme
sur la santé d’un tel rejet sont actuellement étudiées.
En général, les préférences alimentaires sont apprises en associant les
caractéristiques sensorielles des aliments aux effets métaboliques qui suivent
l’ingestion. Au cours d’une vie humaine, de nombreux changements sont
enregistrés dans les effets métaboliques et dans la perception des caractéristiques
sensorielles des aliments. Par conséquent, les préférences alimentaires ne sont pas
stables au cours de la vie. Chez l’adulte, une altération des fonctions olfactives et
gustatives peut se produire avec le temps, de la même manière que la vue et l’ouïe
se détériorent. Des prothèses visuelles et auditives existent ; il n’existe actuellement
aucun équipement susceptible de corriger une chimioréception défectueuse.
52
Plusieurs événements de la vie ajoutent leurs effets négatifs à ceux du
vieillissement. Plusieurs pathologies ou accidents peuvent induire des troubles de
la perception du goût ou de l’odorat (Tableau IV). Parmi de très nombreux
exemples, citons la sclérose en plaques, le cancer, le diabète, la rhinite allergique,
l’asthme et la cirrhose du foie. Ces événements perturbent l’acuité sensorielle de
façon brève ou prolongée, voire définitive. À mesure qu’elle avance en âge,
chaque personne est exposée à ces troubles et à leurs conséquences sensorielles
plus ou moins irrémédiables.
Tableau IV — Troubles affectant le goût et l’odorat.
Troubles
Nerveux
Paralysie de BELL
Atteinte à la corde du tympan
Dysautonomie familiale
Traumatisme crânien
Sclérose en plaques
Maladie de PARKINSON
Syndrome paratrigéminal
Nutritionnels
Cancer
Déficience rénale chronique
Cirrhose du foie
Carence en niacine (vitamine B3)
Brûlure thermique
Carence en vitamine B12
Carence en zinc
Goût
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D/A
Odorat
A/D
A/D
A/D
Distorsions
A/D
A/D/A
A/D
A/D/A
A/D/A
A/D
A/D
A/D
A/D
2-3-2
LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES
Tableau IV (suite) — Troubles affectant le goût ou l’odorat.
Troubles
Endocriniens
Insuffisance corticosurrénalienne
Hyperplasie surrénalienne congénitale
Panhypopituitarisme
Syndrome de CUSHING
Crétinisme
Hypothyroïdisme
Diabète mellitus
Syndrome de TURNER
(agénésie ovarienne)
Syndrome de KALLMANN
(hypogonadisme hypogonadotrophique)
Aménorrhée primaire
Pseudohypoparathyroidisme
Locaux
Hypoplasie faciale
Syndrome de SJÖGREN (sarcoïdose)
Hypertrophie adénoïde
Rhinite allergique
Polypose nasale
Sinusite
Asthme bronchique
Lèpre
Rhinite atrophique
Radiothérapie
Goût
Odorat
DARR
DARR
DARR
A/D
A/D (PTC)
A/D/A
A/D (glucose)
A/D/A
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
DA
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D
A/D/A
Viraux et infectieux
Hépatite virale aiguë
Grippe
A/D/A
Autres
Fibrose cystique
Hypertension
Laryngectomie
VI
A/D (sel)
A/D/A
A/D/A
A/D/A
VI
A/D
A/D = absent ou diminué ; A/D/A = absent, diminué ou altéré.
DARR = détection augmentée mais identification diminuée.
PTC = phenylthiocarbamide, un composé au goût amer pour certains sujets mais pas pour
d’autres.
VI = variations individuelles.
D’après SCHIFFMAN [1983].
53
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
Avec l’âge aussi, on a de plus en plus souvent l’occasion ou le besoin de
recourir à un traitement pharmacologique. Plusieurs médicaments ont une
influence néfaste sur l’acuité olfacto-gustative (Tableau V). Il n’est pas rare qu’un
adulte consomme quotidiennement plusieurs médicaments différents. Ils peuvent
être consommés à long terme, en particulier chez des sujets âgés (agents antirhumatismaux, hypoglycémiants, anti-hypertenseurs, atténuateurs de la maladie
de PARKINSON).
Indépendamment des pathologies et de leurs traitements, une détérioration
de la perception de l’aliment est fréquemment observée à cause des altérations du
système olfacto-gustatif associées au vieillissement [COOPER et al., 1958 ;
SCHIFFMAN, 1979 ; WYSOCKI, PELCHAT, 1993]. Plusieurs transformations de l’appareil
sensoriel sont observées chez le sujet âgé [MAC LEOD, SAUVAGEOT, 1986] : le
nombre des bourgeons gustatifs dans une papille gustative décroît de 250 chez le
jeune à 100 environ chez le sujet âgé ; le nombre de papilles gustatives
fonctionnelles baisse, lui aussi ; une importante diminution du nombre des axones
Tableau V — Agents pharmacologiques qui affectent le goût ou l’odorat.
54
Agents antimicrobiens
Agents antiproliférants ou immunosuppresseurs
Agents antirhumatismaux, analgésiques, anti-inflammatoires
Agents antithyroïdiens
Agents d'hygiène dentaire
Agents hypoglycémiants
Agents psychopharmacologiques et antiépileptiques
Agents sympathomimétiques
Amibicides et antihelmintiques
Anesthésiques locaux
Anticholestérolémiants
Anticoagulants
Antihistaminiques
Antiseptiques
Diurétiques et anti-hypertenseurs
Opiacés
Relaxants musculaires et médicaments de la maladie de PARKINSON
Vasodilatateurs
D’après SCHIFFMAN [1983].
2-3-2
LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES
apparaît au sein des glomérules olfactifs, de sorte que l’olfaction est le premier
système sensoriel à décliner avec l’âge. Le cortex olfactif (une structure très
primitive du cerveau) dégénère chez le sujet âgé et des plaques séniles
apparaissent. Le renouvellement cellulaire ralentit. Par ailleurs, le déclin de l’acuité
gustative est favorisé par les problèmes dentaires (perte des dents progressive) et la
modification de la salive qui devient hyperconcentrée et très salée.
La sensibilité gustative pour le sucré, le salé, et l’amer paraît intacte jusqu’à
environ 50 ans et connaît un déclin rapide par la suite ; la sensibilité aux stimuli
acidulés ne décline qu’à partir de 60 ans [COOPER et al., 1958]. Des seuils de
détection élevés ont été décrits chez des sujets âgés pour de nombreuses
substances : quinine, urée caféine, sels, acide citrique, sucres, glutamate
monosodé, etc. [SCHIFFMAN, 1979 ; SCHIFFMAN et al., 1994c]. Les écarts entre
population jeune et âgée (plus de 65 ans) varient selon les substances utilisées: la
sensibilité à l’urée est moins affectée par l’âge que la sensibilité à la quinine
[COWART et al., 1994].
En moyenne, les seuils gustatifs sont de deux à trois fois plus élevés chez les
sujets de plus de 65 ans. Il n’apparaît pas de différence entre hommes et femmes,
non plus qu’entre fumeurs et non-fumeurs. La détection du sel (NaCl) dans un
stimulus complexe tel qu’un potage ou un autre aliment représente une difficulté
particulière [STEVEN, CAIN, 1993]. Ce problème peut survenir à cause de la haute
teneur en sodium de la salive qui baigne en permanence les récepteurs gustatifs,
créant ainsi un effet de masque.
Les seuils de détection olfactive sont augmentés jusqu’à douze fois en
comparaison des seuils mesurés chez des sujets jeunes. Au-dessus du seuil de
perception, le sujet âgé n’a pas la même sensibilité aux changements d’intensité
du stimulus, en comparaison avec des témoins jeunes. La fonction
psychophysique (intensité/perception) est modifiée. Des changements définitifs de
cette fonction surviennent vers 40 ans [WEIFFENBACH et al., 1986]. Chez les sujets
âgés, l’affaiblissement de la perception du différentiel d’intensité entre stimuli de
concentrations différentes est variable selon le stimulus : des pertes importantes de
la sensibilité supraliminaire à treize substances amères ont été enregistrées
[SCHIFFMAN et al., 1994a]. Les sujets qui sont sensibles au phénylthiocarbamide
(PTC) conservent toutefois une acuité meilleure que les personnes non sensibles
au PTC. La perception du goût sucré semble subir un déclin moins important que
celui d’autres qualités gustatives [MURPHY, 1985].
L’identité des odeurs est perçue moins fidèlement chez les personnes âgées
de plus de 65 ans. Dans une étude où 80 odeurs familières étaient présentées à
des concentrations nettement supraliminaires, elles furent moins bien identifiées
par les personnes âgées de 50–70 ans que par des plus jeunes (Figure 16) [MURPHY,
CAIN, 1986].
55
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
L’identification de stimuli mixtes (sucre ou sel dans une solution d’acide
citrique, sucre dans une solution de caféine, etc.) est un problème chez les
personnes de plus de 65 ans. Le goût du mélange sucré + caféine s’altère avec
l’âge, puisque le goût du sucre est relativement épargné alors que celui de la
caféine amère se détériore très tôt. Des aliments mixés sont plus difficiles à
identifier par des sujets âgés que par des jeunes, et par des hommes que par des
femmes [MURPHY, 1985]. Le déficit des personnes âgées est essentiellement dû au
déclin de la fonction olfactive : en effet, des sujets jeunes expérimentalement
privés d’olfaction ne réussissent pas mieux que leurs aînés. Du sel et de la
marjolaine présents dans un potage à des concentrations supraliminaires sont
moins bien perçus par les sujets âgés [STEVENS, CAIN, 1993]. Les personnes âgées
ont souvent une conscience très vive de leur perte olfactive et reconnaissent moins
souvent la diminution de la fonction gustative [BARTOSHUK et al., 1986].
Le goût des aliments se modifie donc avec l’âge : la perception
supraliminaire devient moins intense que chez le sujet jeune et les différentes
composantes du goût caractéristique d’un aliment peuvent être altérées à des
degrés variables. Les préférences pour certains aliments risquent d’être modifiées
à la suite d’altérations de la perception du goût de ces mêmes aliments. La perte
d’acuité olfacto-gustative est un facteur important de la diminution de l’appétit et
56
90
Bonnes réponses (%)
80
•
70
60
••
•
•
•
•
•
••
50
• •
•
•
• •
••
•
••
•
•
••
•
40
•
•
•
•
•
•
30
•
••
•
20
•
•
•
• •••
• •
10
20
30
40
50
Âge (ans)
60
70
Figure 16 — Pourcentage de réponses correctes à un test d’identification de stimuli olfactifs
familiers. D’après MURPHY et CAIN [1986].
2-3-2
LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES
de la consommation alimentaire. Cette baisse de la stimulation à manger résulte
aussi de la baisse de l’acuité visuelle et sans doute du déclin de la perception
thermique et tactile. L’ensemble des éléments qui constituent la “flaveur” (d’après
LE MAGNEN) caractéristique d’un aliment, est altéré. Il en résulte souvent des
changements de la sélection des aliments et des habitudes de consommation.
Les changements des comportements associés à l’alimentation ont été
étudiés chez des personnes de 40 à 60 ans qui ont perdu toute perception
gustative (agueusie) et chez des personnes du même âge qui éprouvent des
distorsions de leurs perceptions gustatives (dysgueusie) [MATTES et al., 1990]. La
figure 17 montre des pertes d’appétit (autour de 40 % des répondants), une très
fréquente diminution du plaisir à manger (près de 80 % des patients), des
changements des choix alimentaires (60 % des patients), l’apparition d’aversions
100
patients dysgueusiques (n=60)
patients agueusiques (n=58)
80
Patients (%)
p < 0,001
60
40
20
ali
me
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r
t
0
Figure 17 — Modifications de la motivation à manger chez deux groupes d’adultes : 60
patients dysgueusiques et 58 patients agueusiques. D’après MATTES et
collaborateurs [1990].
57
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
(45 % environ des dysgueusiques) et des pulsions nouvelles pour un aliment
particulier (chez 20 % des sujets). Ces troubles sensoriels ne sont pas sans
conséquences sur l’ingestion, l’absorption ou la digestion. Le dysfonctionnement
sensoriel trouble la digestion car la stimulation alimentaire affecte les flux salivaire
et pancréatique, les contractions gastriques et la motilité intestinale, entre autres
fonctions [SCHIFFMAN, 1983]. Chez le sujet âgé en particulier, la stimulation
alimentaire diminuée est susceptible de favoriser la sous-nutrition ou des carences
spécifiques. La qualité de la vie en est réduite, ouvrant la voie à la dépression qui,
à son tour, favorise l’anorexie [FERRY, 1996]. En outre, les risques
d’empoisonnement accidentel des personnes âgées qui vivent seules sont accrus à
cause de l’incapacité de détecter une odeur ou un goût inhabituel.
58
Les sujets âgés sont encore sensibles à leur état de besoin nutritionnel et
sont capables d’y répondre par un comportement adapté [MURPHY, 1993]. Les
préférences manifestées pour différentes concentrations d’hydrolysats de caséine
sont augmentées chez le sujet âgé comparé au sujet jeune, ce qui peut être
expliqué par la perte de la perception du goût très amer des protéines. Cependant,
un facteur nutritionnel n’est pas à écarter puisque cette préférence des personnes
âgées est sensible à leur statut nutritionnel. Elle est plus affirmée chez des
personnes âgées présentant une relative sous-nutrition protéique, en comparaison
de sujets du même âge sans sous-nutrition.
BELLISLE et collaborateurs [1991] ont montré une réponse à la manipulation
sensorielle des aliments chez des personnes âgées vivant en résidence spécialisée.
Certains aliments du régime courant ont été additionnés de glutamate monosodé
(MSG), un exhausteur de goût, dans l’espoir d’augmenter la consommation de ces
aliments et d’améliorer ainsi la valeur nutritionnelle des repas. La consommation
spécifique des aliments cibles augmenta. Cependant, l’ingestion des autres
aliments présentés aux mêmes repas était diminuée, de sorte que la ration
énergétique du repas n’était pas modifiée.
MURPHY remarque que le sujet âgé ne présente pas le rassasiement sensoriel
spécifique étudié par ROLLS, ROLLS et ROWE chez des sujets jeunes [1981]. Le “goût
pour” un aliment ne diminue pas chez la personne âgée après consommation ad
libitum de cet aliment. L’avantage adaptatif de cette modulation sensorielle
spécifique de la motivation à manger est évident car elle favorise la recherche et
la consommation d’un régime varié par ses aspects sensoriels et nutritionnels. En
théorie, la pression de la sélection naturelle ne joue pas chez le sujet qui a dépassé
l’âge de la reproduction. À quel moment de la vie et comment le rassasiement
sensoriel spécifique disparaît-il? Seules des études longitudinales difficiles à
réaliser permettraient de répondre à cette question.
La perte de sensibilité peut sans doute expliquer pourquoi le goût pour des
aliments très salés ou très sucrés est augmenté chez le sujet âgé comparé au sujet
2-3-2
LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES
jeune [MURPHY, 1993]. Les préférences alimentaires persistent donc et, dans la très
grande majorité des cas, les personnes âgées aiment à consommer plusieurs
aliments. La perte sensorielle affecte les sensations agréables qui diminuent, mais
le caractère désagréable de bien des aliments (trop amers, trop acides) diminue lui
aussi, de sorte qu’une nouvelle hiérarchie des préférences peut se mettre en place.
Peut-on agir pour remédier aux transformations des perceptions olfactogustatives qui affectent l’appétit des personnes âgées? C’est une entreprise qui a été
menée avec succès par SCHIFFMAN et WARWICK [1988]. Elles ont tenté de compenser
les déficits olfactifs de sujets âgés de 70 à 79 ans en ajoutant des arômes à
plusieurs aliments du régime courant (légumes, viandes, potages). Leurs résultats
sont très nets : les préférences exprimées par les consommateurs allaient
immanquablement vers les aliments rehaussés d’un arôme semblable ou différent
de celui de l’aliment lui-même. C’est ainsi que les sujets préféraient les carottes
quand un puissant arôme de carottes leur était ajouté, et les haricots verts quand
ils étaient servis avec un arôme de viande fumée.
Un travail plus ambitieux des mêmes auteurs [1993] confirme la
modulation des préférences alimentaires par la présence d’arômes qui amplifient
le signal olfactif sans agir sur le goût proprement dit. La consommation de 20 sur
30 aliments à l’arôme renforcé augmente dans une population de résidents
(moyenne d’âge : 85 ans) en foyer spécialisé (Figure 18). Diverses mesures
métaboliques et anthropométriques ont permis de constater une amélioration des
fonctions immunitaires (cellules B et T augmentées) et de la force de préhension
des deux mains, chez les sujets de cette étude après trois semaines de
consommation des aliments à arôme amplifié.
Les raisons de ces améliorations de l’état des consommateurs ne sont pas
claires. Elles ne passent pas par l’intermédiaire de changements dans la
composition nutritionnelle du régime, de la ration énergétique ou du statut
biochimique (somatomédine C, créatinine, transferrine, albumine) qui ne sont pas
affectés par la manipulation. Les auteurs suggèrent l’hypothèse que le statut
immunitaire puisse être amélioré grâce à la sécrétion d’opiacés endogènes
(endorphines), favorisée par la stimulation du système limbique par les arômes.
Cette hypothèse reste à vérifier après confirmation des résultats dans d’autres
contextes.
Ces travaux rappellent celui de BELLISLE et collaborateurs [BELLISLE et al.,
1991] qui utilisait un stimulus gustatif, sans caractère olfactif, pour améliorer la
flaveur de plusieurs aliments. L’ajout de glutamate de sodium (0,6 %) dans des
légumes et des potages a stimulé l’ingestion des aliments concernés chez 100
sujets de 84 ans en moyenne.
59
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
70
60
50
40
30
20
10
ge
ma
Fro
ble
Éra
uf
Bœ
n
co
Ba
n
bo
-20
Jam
-10
R
bœ ôti
uf
0
de
Changement de la consommation
comparée au niveau de base (%)
80
Arôme ajouté
60
Figure 18 — Changements de la consommation de plusieurs aliments chez des personnes
âgées de plus de 70 ans hospitalisées, en fonction de l’arôme ajouté. D’après
SCHIFFMAN et WARWICK [1993].
2-4 Le goût sucré
Le sucré exerce une grande attirance pour les humains comme pour une
grande partie du règne animal. Le sucre est fréquemment soupçonné de favoriser
l’hyperphagie et l’obésité. Nombreux sont les parents qui craignent d’encourager
un goût pour le sucré chez leurs enfants et qui considèrent le sucre comme une
drogue dure capable de créer une assuétude et de pervertir le comportement.
Le goût pour le sucré dans l’espèce humaine est une source potentielle de
surconsommation, c’est pourquoi les industriels, croyant répondre aux attentes des
consommateurs, ont investi des sommes considérables à mettre au point des
édulcorants intenses qui ont un goût sucré mais peu ou pas de calories. Les études
sur la perception du sucré chez l’homme et sur les conséquences de la
consommation de sucre sont très abondantes. Elles suggèrent que le sucre ne
mérite pas la saccharophobie existant depuis de nombreuses années aussi bien
dans le public que chez certains experts en nutrition [FISCHLER, 1987].
La perception du goût sucré varie en fonction de plusieurs facteurs, même
chez des sujets sains. Les sucres, monosaccharides et disaccharides
principalement, ne sont pas tous semblables, leur goût sucré peut varier dans une
marge considérable [FAURION, 1987]. MONNEUSE et collaborateurs [1991] ont
2-4
LE GOÛT SUCRÉ
interrogé 226 enfants ou adolescents des deux sexes sur leurs perceptions de
l’intensité et du caractère agréable de stimuli (fromage blanc) contenant entre 1 et
40 % de saccharose. Les réponses à ce test d’évaluation sensorielle classique ont
montré que tous perçoivent fidèlement l’augmentation de la concentration en
sucre. Le caractère agréable de ces produits dépend de la concentration selon une
fonction en U inversé, avec un optimum à 10 % chez les filles et à 20 % de sucre
chez les garçons. Les mêmes stimuli étaient jugés un peu plus sucrés et un peu
moins agréables après qu’avant le déjeuner.
Chez 112 personnes âgées de 56 à 90 ans vivant chez elles, WALTER et
SOLIAH [1995] ont examiné la capacité à discriminer entre différents agents
sucrants (sucres et édulcorants) dans plusieurs aliments et boissons. Il s’avère que
les personnes de cette tranche d’âge conservent une excellente discrimination des
saveurs différentes des agents sucrants et préfèrent généralement le saccharose aux
autres édulcorants.
Il est bien établi que chez le sujet à jeun, l’évaluation hédonique pour
diverses solutions de saccharose est plus élevée que celle qui est obtenue de la
même personne quelques minutes après l’ingestion de sucre [CABANAC, 1971].
CABANAC a appelé cette baisse du caractère agréable du sucré “alliesthésie
négative”. L’alliesthésie est consécutive à la réponse de chimiorécepteurs sensibles
aux oses situés au niveau des muqueuses gastriques et duodénales [CABANAC,
1977]. Dans l’alliesthésie négative, l’évaluation de l’intensité du stimulus demeure
inchangée.
SCHIFFMAN et collaborateurs [1994b] ont montré des différences entre sucres
et édulcorants intenses dans le degré d’adaptation de la perception au cours de
présentations répétées. Plusieurs sucres (fructose, glucose, saccharose), deux
polyols et divers édulcorants intenses ont été évalués pour l’intensité de leur goût
sucré par un panel d’experts. Quatre concentrations de chaque produit ont été
présentées en ordre d’intensité croissante. L’adaptation dans ce contexte se
manifeste par la diminution de la perception de l’intensité croissante entre le
premier et le quatrième échantillon. Les sucres et les polyols ont montré moins
d’adaptation (la perception de leur intensité n’a pas subi de diminution au cours
des tests) alors que l’acésulfam et la saccharine étaient parmi les produits les plus
affectés par l’adaptation sensorielle. Une telle adaptation peut provenir de la
désensibilisation des récepteurs gustatifs au sucré. Son influence sur les choix
alimentaires n’est pas connue.
L’impact d’un stimulus sucré sur l’alimentation libre de personnes
normopondérales a été examiné dans une étude de REID et HAMMERSLEY [1994]. Un
relevé de toutes les consommations de 24 h fut comparé chez 52 adultes après
l’ingestion d’une boisson à l’orange contenant soit 40 g de saccharose soit 4,34 g
de saccharine. La boisson était ingérée tôt le matin après le jeûne nocturne, à la
61
DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
place d’un petit déjeuner. Cette étude montre que les hommes qui viennent
d’ingérer une boisson au saccharose consomment souvent une autre boisson
calorique (thé ou café avec lait et/ou sucre) avant leur prochain repas, comparés
aux hommes qui viennent d’ingérer une boisson édulcorée. Cet effet n’est dû ni au
poids corporel des volontaires ni aux préférences pour les boissons caloriques ni
aux habitudes de consommation. Cependant, la nature de la boisson n’affecte pas
les rations alimentaires de la journée. Cet effet n’est pas manifesté par les femmes,
dont la consommation n’est pas affectée par le type de boisson présentée en
précharge. L’examen des données suggère un degré de restriction alimentaire
considérable chez les femmes au cours de la journée, malgré l’absence de petit
déjeuner (remplacé par la boisson) le jour du test.
Ce résultat rappelle celui de PEREZ et collaborateurs [1994] (Figure 19).
Après un déjeuner pris en laboratoire, un dessert (fromage blanc) était servi. Le
contenu en saccharose de ce dessert pouvait varier de 0 à 40 %. Après la
consommation du dessert, les volontaires quittaient le laboratoire et devaient noter
scrupuleusement toutes leurs consommations pendant les 24 heures suivantes. Il
hommes
femmes
62
Consommation énergétique (kcal)
2800
}
}
}
2400
(3)
2000
1600
1200
(2)
800
400
(1)
0
0
5
10
20
Sucre (g/100 g fromage blanc)
sur 24 h
jusqu’au
coucher
jusqu’à
19h
40
Figure 19 — Consommation énergétique de sujets humains après un test en laboratoire où
un stimulus alimentaire (fromage blanc plus saccharose) était ingéré ad
libitum. Trois niveaux d’ingesta sont montrés : (1) depuis la fin du test en
laboratoire jusqu’à 19 h ; (2) depuis la fin du test en laboratoire jusqu’au
coucher le même jour ; (3) depuis la fin du test en laboratoire sur une durée
de 24 h. Les données présentées ne comprennent pas les ingesta ad libitum au
cours du test en laboratoire. D’après PEREZ et collaborateurs [1994].
2-4
LE GOÛT SUCRÉ
fut observé qu’après ingestion en laboratoire du dessert ayant la concentration
préférée (10 % de sucre), les volontaires hommes consommaient dans l’après-midi
une boisson ou un aliment sucré. Cet effet était absent chez les femmes. La
stimulation de la consommation d’un produit sucré chez les hommes fut attribuée
dans cette étude à la palatabilité optimale du dessert. Chez les femmes, l’absence
d’effet peut être attribuée soit à une restriction alimentaire dominant les effets des
facteurs de stimulation, soit au fait que la palatabilité du dessert était moins élevée
que chez les hommes.
La signification biologique du stimulus sucré dans les deux dernières études
demeure à élucider. Pourquoi l’ingestion d’un stimulus sucré (aliment ou boisson)
et non pas édulcoré, consommé soit à la place du petit déjeuner soit après le
déjeuner, stimule-t-elle la consommation rapide d’une autre boisson ou d’un autre
aliment sucré chez les hommes seulement? Notre hypothèse, qui est loin d’être
vérifiée, est qu’il s’agit d’un effet de palatabilité, de stimulation à manger, qui se
produirait tout aussi bien avec un aliment salé très palatable. L’hypothèse avancée
par REID et HAMMERSLEY [1994] est que la précharge au glucose n’augmente pas la
faim mais interagit avec les habitudes alimentaires pour commander le
comportement. La nature de cet effet “paradoxal” d’une dose de sucre (faire
remanger du sucre rapidement) est énigmatique et mérite d’être approfondie aussi
bien pour en connaître le mécanisme à court terme que pour en évaluer les
répercussions possibles à long terme.
63
3 – Les hommes
et les femmes
devant l’alimentation
En théorie du moins, les mécanismes de régulation et d’apprentissage ont la
même action chez tous les consommateurs. Dans cette perspective biologique,
l’homme est proche du rat et la femme est proche de l’homme. Or, il existe de
nombreuses études démontrant que l’homme et la femme ne sont pas égaux
devant l’alimentation et que le jeu des mécanismes assurant la régulation
énergétique est infléchi par de nombreuses influences, surtout sociales, qui
peuvent en limiter la portée.
Puisque dans une société humaine, les horaires et les contenus des repas
sont fixés par des exigences sociales, le consommateur humain doit surtout
compter sur le conditionnement – l’apprentissage dont nous avons parlé plus haut
– pour ajuster sa prise alimentaire à ses besoins. Ceci suggère un certain délai et
peut-être une moindre efficacité de la régulation chez le sujet humain. Si les
enfants paraissent souvent de bons “régulateurs”, les adultes varient beaucoup
quant à leur compétence régulatrice. Certains répondent rapidement et
efficacement, d’autres sont lents et/ou incapables d’ajuster leur comportement à
de nouvelles conditions nutritionnelles [SPIEGEL, 1973]. L’un des facteurs
importants de cette variabilité pourrait être le sexe du consommateur. Nous avons
vu au chapitre précédent (§ 2-4) que les effets d’une stimulation gustative par un
aliment sucré sont différents chez les hommes et les femmes.
3-1 Perception des goûts alimentaires
La perception de l’intensité du goût de stimuli alimentaires est la même
chez l’homme et chez la femme. Au cours d’un test classique d’évaluation
sensorielle [MONNEUSE et al., 1991], la teneur en sucre et la teneur en matières
grasses de produits laitiers furent évaluées de la même façon par des volontaires
masculins et féminins. Dans ce groupe de 226 Français dont l’âge varie entre 10
et 40 ans, le caractère agréable du produit laitier est une fonction directe de sa
teneur en sucre chez les jeunes garçons (10–13 ans), alors que chez tous les autres
volontaires, cette fonction est en U inversé, avec une concentration optimale de
10 % chez les femmes et de 20 % chez les hommes.
65
LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION
Chez l’homme adulte, le seuil de perception de la saveur sucrée est stable.
Chez la femme, deux études ont récemment décrit les changements de perception
du sucré au cours du cycle menstruel. THAN et collaborateurs [1994] montrent que
les seuils de perception du saccharose s’abaissent chez la femme en période de
préovulation alors qu’ils sont identiques à ceux des hommes pendant les règles et
la période qui suit l’ovulation. Cette sensibilité augmentée en période de
préovulation est attribuée à des facteurs hormonaux (le niveau élevé
d’œstrogènes). Les seuils de perception d’autres substances au goût sucré
demeurent à étudier pendant les phases du cycle ovarien. Les préférences pour
diverses concentrations de saccharose (0 à 20 %) dans un produit laitier varient
chez les femmes en fonction de la phase du cycle : en phases menstruelle ou
lutéale (deuxième partie du cycle), l’évaluation du bon goût des stimuli est plus
élevée que dans la phase folliculaire ou pendant la période d’ovulation (première
partie du cycle) [FRYE et al., 1994].
66
PEREZ et collaborateurs [1994] confirment que les préférences des hommes
et des femmes pour la teneur en sucre d’un produit laitier sont différentes. D’après
des tests d’évaluation sensorielle, la concentration de saccharose dans un fromage
blanc la mieux appréciée par les femmes est de 5 % alors que chez les hommes
elle est de 10 %. L’ingestion d’un dessert sucré varie en quantité en fonction de la
concentration de saccharose dans le produit. Les hommes consomment beaucoup
du produit lorsque la concentration de sucre est de 10 %. Dans les heures qui
suivent cette ingestion, les hommes consomment de nouveau des produits
(boissons ou aliments) sucrés, comme si l’ingestion du dessert sucré n’avait pas
entièrement rassasié la stimulation à manger produite par l’aliment optimalement
sucré. Aucun effet semblable n’est relevé chez les femmes participant au même
protocole.
3-2 Capacité de régulation
dans des conditions changeantes
La capacité à modifier sa prise alimentaire en fonction des conditions
changeantes des paramètres affectant le bilan d’énergie est très étudiée depuis
l’apparition dans le commerce d’aliments dits “allégés”. Ces nouveaux aliments
peuvent être utilisés pour réduire les apports énergétiques si et seulement si le
consommateur ne va pas chercher, consciemment ou inconsciemment, une
compensation calorique qui ramènera les apports au niveau régulé par les
mécanismes sensibles aux besoins nutritionnels. Dans les protocoles les plus
3-3
RÉSULTATS D’ENQUÊTES
souvent réalisés, un aliment ou une boisson est ingéré soit dans sa version
traditionnelle, soit dans une version allégée. Les sensations de faim, l’appétit, le
désir de manger et parfois la consommation dans les heures qui suivent sont
mesurés. Dans ces études, il apparaît que les hommes sont parfois de meilleurs
régulateurs que les femmes. Une étude hollandaise ne rapporte aucune
compensation chez 29 femmes après un petit déjeuner à teneur énergétique
changeante (100, 250 ou 400 kcal) [DE GRAAF et al., 1992]. Six hommes montrent
une bonne compensation ultérieure pour les manipulations expérimentales du
contenu énergétique de leurs aliments [FOLTIN et al., 1992].
3-3 Résultats d’enquêtes
Les motivations, les attitudes, les croyances sont souvent étudiées au moyen
de questionnaires ; cette méthode révèle de très grandes différences entre hommes
et femmes. Dans une étude réalisée en France (Val-de-Marne) par exemple
[BELLISLE et al., 1994], d’importantes différences sont apparues dans la
consommation alimentaire chez les répondants masculins et féminins. En
particulier, la consommation d’aliments allégés en matières grasses (yaourts,
fromages, beurre, crème) était plus fréquente chez les femmes que chez les
hommes. Les consommatrices de ces produits se distinguaient des nonconsommatrices par un grand nombre de mesures anthropométriques et par
différents comportements suggérant un intérêt pour la santé et/ou l’apparence.
Chez les hommes, les rares consommateurs de produits allégés en matières grasses
n’étaient pas différents des autres par l’anthropométrie, mais avaient des choix
alimentaires suggérant une envie de compensation : les consommateurs d’allégés
en matières grasses se permettaient plus souvent du chocolat, du miel et des
biscuits que les non-consommateurs.
Une étude réalisée dans 21 pays d’Europe auprès de 16 000 étudiants
universitaires a confirmé que les connaissances et les croyances alimentaires, de
même que les préoccupations relatives au poids corporel, sont largement différents
entre étudiants et étudiantes [BELLISLE et al., 1995 ; STEPTOE, WARDLE, 1996 ;
MONNEUSE et al., 1997]. Dans ces 21 pays, et malgré un index de masse corporelle
normalement bas correspondant à l’âge des répondants, la proportion de femmes
désireuses de perdre du poids est élevée et de deux à quatre fois supérieure à la
proportion des hommes dans le même cas (en moyenne européenne : 43,8 %
versus 17,4 %). Quatre fois plus de femmes que d’hommes déclarent suivre un
régime. Alors que la moitié des étudiants et des étudiantes croient que leur poids
est normal, l’autre moitié des femmes se trouvent trop grosses et l’autre moitié des
67
LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION
hommes se répartit également entre ceux qui se trouvent trop gros et ceux qui se
croient trop maigres. Les femmes, surtout quand elles se trouvent grosses et font
des régimes, sont susceptibles de sauter des repas, en particulier le petit déjeuner.
Les femmes déclarent consommer de la viande moins souvent que les hommes,
mais plus souvent des fruits. Elles disent faire un effort pour manger des fibres et
éviter les graisses plus souvent que les hommes. Elles consomment moins souvent
de l’alcool. Une analyse de régression multiple montre que le sexe explique 24 %
de la variance des comportements alimentaires et que cette proportion est ellemême largement attribuable aux croyances dans l’impact de ces comportements
sur la santé, qui sont plus marquées chez les femmes que chez les hommes.
Malgré l’extrême variabilité des comportements entre pays européens, le facteur
sexe demeure un déterminant significatif de toutes les variables alimentaires.
Une étude australienne [TURRELL, 1997] confirme les différences de
comportement alimentaire entre hommes et femmes dans un échantillon
représentatif de la population urbaine. Les connaissances alimentaires, l’intérêt
pour la santé et les préférences alimentaires expliquent des proportions
significatives de la variance comportementale entre hommes et femmes.
68
3-4 Le “Semainier” alimentaire
La méthode du semainier alimentaire, développée par DE CASTRO [1987,
1994], permet d’analyser les rythmes d’ingestion des consommateurs. Elle consiste
pour le volontaire à noter toutes ses ingestions d’une semaine sur un carnet
spécialement conçu. L’heure de chaque consommation est notée, de même que le
lieu et les circonstances psychologiques et sociales. Le dépouillement de ces
données permet de quantifier les relations entre divers événements alimentaires
d’une même journée, à peu près comme LE MAGNEN le faisait avec ses rats. Une
étude réalisée chez des volontaires français révèle des différences marquées entre
hommes et femmes [DE CASTRO et al., 1997]. Les femmes mangent moins que les
hommes mais le nombre de repas quotidiens est semblable. La taille des repas est
corrélée à plusieurs paramètres : qualité sensorielle des aliments, sensations de
faim au début du repas, nombre de personnes présentes au repas et durée de
l’intervalle préprandial (Figure 20). Ces corrélations sont plus élevées chez les
hommes que chez les femmes. La durée de l’intervalle postprandial est corrélée
significativement avec la taille du repas et son contenu en macronutriments
(Figure 21). Ici les corrélations sont plus élevées chez les femmes que chez les
hommes. Chez les volontaires français, le contenu énergétique et nutritionnel du
repas est un inhibiteur efficace de la prise alimentaire dans les heures qui suivent.
hommes
femmes
Intervalle postprandial
0,6
0,5
0,4
0,3
0,1
-0,3
-0,4
-0,5
Faim avant le repas
-0,2
Intervalle préprandial
-0,1
Nombre de convives
0
Heure du repas
Corrélation (+SEM)
0,2
Contenu gastrique
avant le repas
LE SEMAINIER ALIMENTAIRE
Changement de la faim
3-4
-0,6
69
-0,7
-0,8
Paramètres corrélés avec la taille du repas
Figure 20 — Corrélations entre plusieurs paramètres quantifiés par la méthode du semainier
alimentaire et la taille des repas, chez les hommes et chez les femmes.
Un tel effet a été décrit par LE MAGNEN chez les rats de laboratoire, mais pas par
DE CASTRO [1987a ; 1987b ; 1988 ; DE CASTRO, KREITZMAN, 1985] chez les jeunes
nord-américains.
Les recherches évoquées ici témoignent de différences de motivations et de
comportements alimentaires entre hommes et femmes. L’impact de ces différences
sur le poids corporel et la santé peut être considérable. L’étude française [DE
CASTRO et al., 1997] montre que les femmes paraissent plus sensibles au pouvoir
satiétogène du repas. Cependant elles paraissent moins aptes, dans des contextes
expérimentaux, à ajuster leurs ingesta à leurs apports antérieurs. Beaucoup de
travail doit encore être réalisé pour nous révéler comment les stratégies
alimentaires mises en oeuvre par les hommes et les femmes dans une société
humaine réussissent à adapter les apports aux besoins.
hommes
femmes
0,4
0,2
0,1
Heure
du repas
-0,4
Protides
Contenu gastrique
postprandial
-0,3
Lipides
-0,2
Glucides
-0,1
Contenu
énergétique
0
Nombre
de convives
Corrélation (+SEM)
0,3
Heures de sommeil
la nuit précédente
0,5
Faim après le repas
LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION
Paramètres corrélés avec l’intervalle postprandial
70
Figure 21 — Corrélations entre plusieurs paramètres quantifiés par la méthode du semainier
alimentaire et la durée de l’intervalle postprandial et établies chez les hommes
et chez les femmes. Le contenu énergétique et nutritionnel d’un repas est
corrélé avec la durée de l’intervalle qui le suit (satiété).
4 – Les aliments nouveaux
Vingt-quatre heures par jour un consommateur est environné de signaux de
toutes sortes dont plusieurs ont une importance alimentaire. Au cours de sa vie, il
a appris à se comporter avec plus ou moins d’efficacité en réponse à la stimulation
qui provient des caractéristiques sensorielles d’aliments familiers. Ces aliments
dépendent de sa culture et de ses ressources économiques. Les réponses acquises
envers chaque aliment sont bien établies. Il existe une hiérarchie de préférences et
d’aversions relativement stables. En général, du moins dans les pays industrialisés,
les aliments traditionnels fournissent les substrats nécessaires à la couverture des
besoins. Nos contemporains vivant dans des sociétés riches et organisées ont une
abondance d’aliments variés à leur disposition. Dans ces conditions, pourquoi
devrait-on introduire des aliments nouveaux ?
Les industriels proposent aux consommateurs des milliers de formulations
alimentaires nouvelles chaque année. Les objectifs sont de répondre à certains
besoins des consommateurs. Il est évident que les aliments tout préparés, qui ne
demandent pas une longue corvée de préparation, sont appréciés par les
consommateurs pressés qui ne peuvent pas consacrer une grande partie de leur
temps aux courses et à la cuisine. La nature de ces aliments n’est pas très éloignée
de celle des aliments traditionnels. On ne peut guère les considérer comme
“nouveaux” sur le plan nutritionnel, bien qu’ils présentent parfois des avancées
considérables sur le plan technologique. Les surgelés et les aliments conservés
sous vide sont de bons exemples de ces nouveautés qui permettent au
consommateur de reproduire une alimentation qui ressemble à celle de son
enfance, même si personne ne passe ses journées entières derrière les fourneaux à
cuisiner.
D’autres types d’aliments nouveaux ont des visées nutritionnelles. Des
aliments arrivent sur le marché accompagnés d’allégations concernant la santé.
On parle aujourd’hui d’aliments “fonctionnels” [BELLISLE et al., 1998] et même de
“nutraceutique”. Tout aliment est fonctionnel, puisqu’il nourrit l’organisme et lui
fournit de l’énergie et des nutriments. Par-delà cette fonction élémentaire, de
nouveaux aliments sont conçus et mis en marché dans le but de répondre à
certaines attentes des consommateurs modernes : rester minces, être en forme,
bien vieillir, etc. C’est le cas des aliments allégés et des produits de substitution à
faible teneur énergétique qui sont proposés au consommateur pour remplacer des
aliments traditionnels qu’on accuse de favoriser l’obésité.
71
LES ALIMENTS NOUVEAUX
4-1 Les édulcorants intenses
72
Le goût du sucre est un puissant stimulant de la consommation chez
l’homme. Il est dû la plupart du temps à un glucide qui apporte 4 kcal au gramme.
Les glucides sucrés les plus courants sont le saccharose (notre sucre blanc
habituel), le fructose, le glucose et le lactose. Leurs goûts, légèrement différents,
ont en commun la caractéristique “perception du sucré”. La charge énergétique
représentée dans l’alimentation par les aliments sucrés peut être importante.
L’industrie alimentaire a développé des substituts des sucres qui apportent
aux aliments la saveur sucrée sans ajouter la charge énergétique des glucides. Un
grand nombre de ces substituts a été proposé au public depuis le début du XXe
siècle : saccharine (découverte dès 1879), acésulfam, cyclamates, aspartame, etc.
[LEMORDANT, 1988].
Ces édulcorants dits “intenses” ont un pouvoir sucrant très supérieur à celui
des sucres (Tableau VI). Des quantités minimes suffisent pour obtenir le goût sucré
dans un aliment ou une boisson, sans augmenter significativement les rations
énergétiques. L’innocuité de ces produits a été vérifiée. Leurs effets biologiques ont
été étudiés de façon approfondie et il a été accordé à chacun une autorisation de
mise en marché pour utilisation par l’industrie alimentaire ou par les
consommateurs.
Tableau VI — Pouvoir sucrant de plusieurs molécules en solution.
Saccharose ..................1
Sorbitol........................0,5
Glucose .......................0,5
Mannitol......................0,7
Sorbose........................1
Xylitol..........................1
Fructose.......................1,7
Cyclamates .................. 15–30
Aspartame ...................150–200
Acésulfam....................200
Saccharine...................300
D’après LEMORDANT [1988].
Les édulcorants intenses ont aussi suscité des interrogations concernant
leurs incidences possibles sur l’appétit, la consommation alimentaire et l’évolution
du poids corporel. Ces produits ont été développés et offerts au public dans le but
de remplacer partiellement ou complètement les sucres dans l’alimentation et
4-1-1
LA COMPENSATION
ainsi de permettre une baisse “sans douleur” de la consommation énergétique. Cet
objectif est toujours celui que propose la publicité, avec la notion qu’il est facile
et agréable de rester mince si on utilise des édulcorants intenses plutôt que de
véritables sucres.
Une controverse a éclaté lorsque des résultats expérimentaux [BLUNDELL,
HILL, 1986 ; ROGERS et al., 1988 ; ROGERS, BLUNDELL, 1989 ; TORDOFF, FRIEDMAN,
1989a-d] ont montré un effet paradoxal de stimulation de l’appétit chez des
animaux et chez des volontaires après l’ingestion d’un produit contenant des
édulcorants intenses (aspartame, saccharine, acésulfam). Cette notion a
rapidement été relayée par la presse grand public et a marqué les consommateurs.
De nombreuses études furent donc mises en œuvre à partir de 1990 afin de
confirmer ou d’infirmer l’effet stimulateur de l’appétit produit par les édulcorants
intenses. En termes scientifiques, un grand nombre de travaux réalisés depuis 1990
avaient pour but de démontrer l’hypothèse nulle, à savoir que les édulcorants
intenses n’ont pas d’effet stimulant sur l’appétit.
4-1-1 La compensation
Une autre source de débat dans la recherche récente trouve son origine
dans la constance relative du poids corporel de l’adulte pendant la vie. Cette
stabilité est dépendante de mécanismes régulateurs de l’appétit, responsables en
particulier de commander la prise alimentaire et de l’ajuster aux besoins
nutritionnels. La stabilité du poids corporel chez l’adulte implique une adaptation
des entrées (alimentation) aux sorties (métabolisme et activité physique) d’énergie.
Les apports doivent correspondre aux besoins de sorte que la consommation d’un
aliment pauvre en énergie devra être plus abondante et celle d’un aliment riche en
énergie plus faible afin de couvrir les dépenses énergétiques. Ce phénomène est
bien décrit chez les animaux de laboratoire qui “apprennent” en peu de temps à
modifier la quantité d’aliments qu’ils ingèrent en fonction de la densité
nutritionnelle de cet aliment [LE MAGNEN, 1957a-b ; 1992]. En d’autres termes, les
animaux “compensent” pour les manipulations expérimentales de leur aliment. La
question est donc posée de savoir si l’homme compensera aussi pour les aliments
allégés, dont la teneur énergétique est diminuée, en consommant plus de l’aliment
allégé lui-même ou plus d’autres aliments disponibles. Cette question continue
d’être débattue par les experts scientifiques. Le grand public a appris avec terreur
le mot “compensation”, comme si l’existence récente d’édulcorants intenses avait
créé une nouvelle situation nutritionnelle où l’équilibre vital serait menacé.
Le problème de la compensation alimentaire dans des conditions
changeantes du bilan énergétique n’est pas limité au cas des édulcorants intenses.
C’est une question fondamentale de physiologie et de science du comportement.
73
LES ALIMENTS NOUVEAUX
David BOOTH [1972 ; 1991] est à l’origine du concept de compensation
énergétique comportementale. Le concept de compensation se rapportait à la
force et la durée des effets de satiété, c’est-à-dire les relations entre taille des repas
et durée des intervalles interprandiaux observées chez le rat nourri ad libitum d’un
aliment standard. Dans ce cadre d’une théorie “énergostatique”, fut démontrée
l’existence d’un mécanisme postgastrique, non osmotique, qui pouvait produire
une compensation complète. Il s’agit donc d’un phénomène biologique de base
qui permet le maintien de l’homéostasie. Bien après les travaux de BOOTH, des
signes de “compensation” ont été recherchés en mesurant le comportement
d’ingestion alimentaire à la suite de pré-charges dont la composition et la teneur
énergétique varient. L’arrivée des “allégés” dans l’alimentation humaine a stimulé
un grand nombre d’études sur ce modèle qui, malgré des protocoles très
semblables, ont produit des résultats tout à fait discordants.
74
Les effets comportementaux des manipulations de la densité en énergie ou
en macronutriments varient selon les études. Par exemple, trois études parues en
1992 montrent des niveaux de “compensation” différents. CAPUTO et MATTES
[1992] ont diminué ou augmenté la densité en lipides et en glucides de déjeuners
servis en laboratoire. Le comportement alimentaire après ces déjeuners était libre
et noté sur des carnets. Les 16 volontaires ont réagi davantage à la dilution des
nutriments qu’à leur concentration, mais n’ont pas réussi à “compenser”
suffisamment pour ramener leur consommation quotidienne au niveau habituel.
Ils ont ainsi ingéré des proportions différentes de leur ration quotidienne habituelle
après des déjeuners riches ou pauvres en glucides : 134 % et 91 %, riches ou
pauvres en lipides : 165 % et 95 % respectivement.
Un protocole semblable utilisé par DE GRAAF et collaborateurs [1992] chez
29 femmes ne montre aucune compensation. Une charge liquide fut présentée à
la place d’un petit déjeuner ; elle contenait une charge variable par son contenu
énergétique (100, 250 ou 400 kcal) et par sa nature nutritionnelle (protéines,
lipides ou glucides). Ces variations n’eurent aucun effet sur le déjeuner consommé
en laboratoire 3 h plus tard. Cependant, les sensations de faim pendant la période
interprandiale variaient en fonction de la teneur énergétique de la charge liquide.
Des manipulations de la teneur (basse, moyenne, élevée) en lipides et en
glucides des aliments ont été pratiquées par FOLTIN et collaborateurs [1992]. Chez
des volontaires (six hommes) hospitalisés pendant deux jours et prenant tous leurs
repas à l’hôpital, ces manipulations ont entraîné une bonne compensation
énergétique mais aucune compensation pour les nutriments.
Ces trois études nous montrent que tous les résultats sont possibles : une
compensation parfaite, imparfaite, ou inexistante. Des différences dans les
protocoles (repas en laboratoire ou à l’extérieur, un ou plusieurs repas manipulés,
horaires de ces repas, durée de l’observation, nature des réponses
4-1-1
LA COMPENSATION
comportementales mesurées, caractéristiques des volontaires, etc.) peuvent être à
l’origine des divergences observées. Le consensus actuel est que la compensation
est, au mieux, imparfaite si les conditions expérimentales permettent de la
manifester [POPPITT, PRENTICE, 1996].
D’autres études ont recherché la “compensation” survenant après
l’ingestion d’aliments contenant des édulcorants intenses, comparés à des aliments
contenant du sucre. Une heure après l’ingestion d’une boisson (eau, boisson
sucrée ou boisson édulcorée), la consommation au cours d’un déjeuner pris en
laboratoire fut comparée chez vingt volontaires dont 18 femmes [CANTY, CHAN,
1991]. La nature de la boisson n’eut aucun effet sur la consommation du déjeuner.
Cependant, la perception de l’état de faim fut plus intense après (15 et 45 min)
ingestion d’eau qu’après ingestion de la boisson sucrée. Les auteurs de ce travail
concluent explicitement que les édulcorants intenses n’augmentent pas la faim ni
la prise alimentaire.
Chez des hommes, BLACK et collaborateurs [1991] rapportent les effets
(perception de la faim, consommation au repas suivant) qui suivent l’ingestion de
boissons (eau minérale ou sodas à l’aspartame, 280 ou 560 ml) consommées à
11 h. Les différentes boissons n’eurent aucun effet sur les sensations subjectives de
l’appétit ni sur la consommation du déjeuner buffet servi à 12 h. Les sensations de
faim à 11 h 05 et à 11 h 30 étaient moindres après consommation de 560 ml de
soda qu’après consommation d’eau ou de 280 ml de soda. Les auteurs de cette
étude concluent en affirmant que l’ingestion de boissons à l’aspartame n’augmente
pas la faim ou la consommation à court terme.
Deux publications de DREWNOWSKI et collaborateurs [1994 a-b] relatent les
comportements alimentaires et la motivation à manger chez des hommes
normopondéraux et des femmes normopondérales ou obèses qui consomment en
laboratoire des petits déjeuners (composés de fromage blanc) dont le contenu en
glucides et en énergie est manipulé par l’utilisation soit de saccharose soit
d’aspartame. Le déjeuner, la collation de l’après-midi et le dîner sont consommés
en laboratoire et mesurés. Les ingesta au déjeuner sont plus importants après les
petits déjeuners moins énergétiques (300 kcal), qu’après les petits déjeuners plus
énergétiques (700 kcal). La présence de saccharose ou d’aspartame, ou l’absence
d’agent sucrant n’affectent pas la consommation au déjeuner ni celle des repas
ultérieurs. Aucune compensation n’est observée au niveau de la consommation
alimentaire totale de la journée qui demeurait la même quel que soit le type de
petit déjeuner présenté.
L’ensemble des études rapportées ici suggère que la compensation est peu
susceptible de se produire lorsque le saccharose, ou un autre sucre, est remplacé
par un édulcorant dans un produit alimentaire, à l’insu du consommateur. Parfois,
chez des volontaires hommes, une certaine modification du comportement peut
75
LES ALIMENTS NOUVEAUX
se produire pour compenser le contenu énergétique de l’aliment allégé mais pas
pour compenser le contenu en glucides diminué.
4-1-2 Aspartame : effets sensoriels et métaboliques
Les édulcorants comme les sucres ont chacun un goût distinct, caractérisé
par une puissante composante sucrée. Ils ont aussi des effets métaboliques
correspondant aux molécules qui les composent. L’aspartame est un produit très
particulier dans cette perspective. Il se compose de deux acides aminés, l’aspartate
et la phénylalanine, dont la conjonction impressionne des récepteurs gustatifs à
l’origine de la perception du sucré [LINDEMAN, 1996]. Ces acides aminés ont aussi
des effets métaboliques. La phénylalanine, en particulier, est un puissant
sécrétagogue de la cholecystokinine, une hormone impliquée dans le rassasiement
(la fin d’un repas). Ce produit est donc susceptible d’agir de deux manières sur le
comportement d’ingestion : en le stimulant par son action sensorielle, et en
l’inhibant par son action post-absorptive.
76
Ce double aspect de l’aspartame a été étudié par des protocoles où l’on
compare l’effet d’une boisson à l’aspartame (effet sensoriel de stimulation de la
consommation) à l’effet de l’ingestion d’une capsule contenant une forte dose
d’aspartame (effet inhibiteur de la consommation). BLACK, LEITER et ANDERSON
[1993] ont étudié ces effets chez 18 hommes jeunes à qui ils demandèrent
d’ingérer cinq types de pré-charges avant un déjeuner buffet pris en laboratoire
(280 ml ou 560 ml d’eau minérale, les mêmes quantités d’eau avec une capsule
contenant 340 mg d’aspartame ; 560 ml de soda à l’aspartame). Ces différentes
pré-charges n’eurent aucun effet sur la consommation du déjeuner servi une heure
plus tard. Des diminutions de l’intensité de l’appétit furent enregistrées dans
l’intervalle interprandial après consommation de 560 ml de liquide. Seules les
différences de volume de la boisson eurent un effet sur les sensations subjectives.
L’aspartame en capsule n’eut aucun effet. Ces conclusions rappellent un travail
plus ancien où l’administration de fortes doses d’aspartame et de phénylalanine en
capsules n’avait produit aucune variation de la prise alimentaire consécutive
[RYAN-HARSHMAN et al., 1987].
ROGERS et BLUNDELL [1992 ; 1993 ; 1994] réaffirment l’effet stimulant de
l’aspartame contenu dans un aliment (et non une boisson), malgré ses possibles
effets inhibiteurs post-ingestifs [RYAN-HARSHMAN et al., 1987]. ROLLS [1991, 1993]
nie que l’aspartame dans un aliment ou en capsule exerce quelque effet que ce
soit (stimulant ou inhibiteur) sur la prise alimentaire ou sur l’appétit. Seule une
recherche plus approfondie arrivera à délimiter jusqu’où l’une et les autres ont
raison ou tort.
4-1-3
UTILISATION COURANTE
4-1-3 Utilisation courante
Il est bien établi à présent que l’utilisation d’édulcorants intenses n’a pas
d’effet magique pour diminuer la ration énergétique et le poids corporel des
utilisateurs. La conclusion de la revue bibliographique publiée par ROLLS dès 1991
est très prudente : “si les édulcorants intenses sont utilisés dans le cadre d’un
programme de contrôle du poids, ils peuvent aider à limiter les apports en
procurant des aliments agréables au goût et allégés en énergie”.
Le rôle capital d’un programme de contrôle du poids corporel ne peut pas
être sous-estimé, que le consommateur choisisse ou non de se servir d’édulcorants
pendant son régime.
Comment les édulcorants intenses cohabitent-ils dans l’alimentation des
consommateurs? CHEN et PARHAM [1991] ont étudié cette question au moyen d’une
enquête dans une population de jeunes Américains des deux sexes (n=195 dont
135 femmes). Chez 31% des hommes et 61% des femmes l’utilisation
d’édulcorants intenses (aspartame et saccharine) coexistait avec la consommation
d’aliments contenant du sucre. Les femmes utilisatrices d’édulcorants consomment
moins de sucre que les non-utilisatrices ; cependant, les apports en sucres étaient
importants dans les deux groupes (17 à 25 parts d’aliments sucrés par semaine).
Chez les hommes, les utilisateurs d’édulcorants intenses ont rapporté plus de
consommations d’aliments contenant du sucre que les non-utilisateurs. Chez les
hommes encore, l’utilisation d’édulcorants intenses est positivement corrélée avec
les apports glucidiques totaux et les apports en sucres simples. L’utilisation
d’édulcorants chez les volontaires de cette étude n’est pas associée à une
restriction alimentaire cohérente, non plus qu’à une réduction biologiquement
importante des apports en sucres. Les utilisateurs d’édulcorants s’accordent parfois
une “récompense” alimentaire pour leurs efforts de régime [MATTES, 1990]. Cette
récompense, qui est souvent un aliment riche en graisses et en sucres, peut
contenir plus de calories que ne représentent les sucres remplacés par des
édulcorants.
Que se passerait-il si un groupe de personnes réussissait effectivement à
faire diminuer ses apports en sucres, peut-être en les remplaçant par des
édulcorants? Quelles seraient les conséquences probables de ce changement sur
l’équilibre alimentaire? Cette question très importante a été traitée par BEATON et
collaborateurs [1992] qui proposent de mettre en équations les effets possibles
d’une diminution de glucides dans le régime courant. Il est possible qu’une part
de l’énergie manquante dans les aliments édulcorés soit rattrapée par le
consommateur, en ingérant davantage de ses aliments familiers. Dans ce cas, le
modèle mathématique proposé suggère que le remplacement des glucides sucrés
par des édulcorants dans des aliments habituels résulterait en une augmentation
77
LES ALIMENTS NOUVEAUX
claire de la part des protéines et des graisses et en une diminution des glucides
dans l’alimentation.
78
À partir d’une étude des ingesta de 29 personnes pendant 365 jours, un
exemple précis est proposé [BEATON et al., 1992] : si 50 g de sucres sont remplacés
par un édulcorant intense non-calorique, alors la charge énergétique diminue de
200 kcal. Cette charge énergétique peut être compensée partiellement ou
complètement ; cependant la compensation n’est pas spécifique du nutriment
allégé, c’est-à-dire le sucre. Une compensation de 100 kcal à partir des aliments
habituels donnerait une diminution nette des glucides de 41 g par jour, mais aussi
une augmentation de 5 g par jour de lipides et une augmentation de 3 g par jour de
protides. Une compensation totale des 200 kcal résulterait dans une diminution de
32 g de glucides par jour, mais aussi dans une augmentation des rations lipidique
(10 g/jour) et protidique (6 g/jour). L’amplitude des changements nets des apports
alimentaires est fonction de l’amplitude de la réduction énergétique entraînée par
l’usage d’édulcorants et du degré de compensation. Une utilisation d’édulcorants
fréquente et abondante pourrait entraîner une diminution importante des glucides
et une augmentation de la part des lipides et des protides de la ration, un effet qui
peut paraître indésirable d’après les recommandations des experts en nutrition. La
question de l’équilibre des apports ne doit pas être négligée, surtout chez des
consommateurs qui ont peu de motivation pour suivre un régime exigeant.
Plusieurs travaux récents affirment que la restriction alimentaire chronique
pourrait produire des effets positifs sur la santé et la longévité [MASORO, 1992]. Les
réductions qui ont montré des effets bénéfiques chez l’animal de laboratoire atteignent jusqu’à 30 ou 50 % de l’énergie consommée par des animaux nourris ad
libitum. Une telle diminution énergétique serait sans doute intenable pour des humains vivant au milieu des tentations alimentaires. LEVIN et collaborateurs [1995]
pensent que l’utilisation d’édulcorants dans les boissons et les aliments pourrait contribuer à faire baisser durablement et insensiblement la ration énergétique. Les effets
d’une sous-alimentation chronique chez l’homme sont loin d’être aussi bien démontrés que chez l’animal. S’ils s’avéraient aussi bénéfiques, on peut se demander si l’utilisation d’un ou de plusieurs édulcorants à la place des sucres contribuerait réellement à maintenir la consommation dans des limites modestes. Rien dans ce que nous
avons vu jusqu’ici ne nous permet de croire que les utilisateurs d’édulcorants ont effectivement des apports en sucres diminués et mangent moins au total que les nonutilisateurs. Manger peu pendant toute sa vie, en espérant en tirer des avantages à très
long terme, ne peut pas être accompli sans une motivation indéfectible. Or, dans la
majorité des cas, les personnes qui utilisent les édulcorants ne sont pas des champions du régime hypocalorique. Peut-être augmentent-ils ainsi leur consommation de
lipides et leur ration énergétique quotidienne. Chez des personnes qui auraient cette
motivation chronique à limiter rigoureusement les apports alimentaires, il demeure à
démontrer que l’existence d’édulcorants ou d’aliments allégés présente un intérêt.
4-2
LIPIDES ET ALLÉGÉS EN MATIÈRES GRASSES
4-1-4 Conclusions concernant les édulcorants
intenses
Chez certains consommateurs, les édulcorants intenses permettent
d’intégrer plus facilement au régime quelques aliments et boissons au goût sucré,
le rendant ainsi moins pénible [KANDERS et al., 1993]. L’utilisation d’édulcorants
intenses sans le régime restrictif n’a pas d’effet pondéral démontré. Il faut
reconnaître aussi, avec de nombreux auteurs, que les édulcorants intenses
n’augmentent pas la faim ni la consommation dans la plupart des situations où ils
sont testés. Le public consommateur continuera donc sans doute à utiliser des
édulcorants, non pas à cause de leurs effets démontrés sur le poids, mais parce
que, dans la lutte désespérée contre les kilos, lucide ou non, cohérente ou non, les
allégés promettent un peu de magie avec le plaisir du sucre.
4-2 Lipides et allégés
en matières grasses
L’ingestion excessive de lipides dans l’alimentation courante est une des
causes possibles de l’obésité. Les lipides alimentaires sont souvent incriminés dans
l’hyperphagie d’une part, dans le stockage des réserves adipeuses corporelles
d’autre part.
Les lipides alimentaires facilitent l’hyperphagie pour deux raisons au moins.
D’abord, ils contribuent de façon importante à la qualité organoleptique des
aliments. Ils sont responsables pour une large part de la texture de nombreux
produits, tels les glaces, les crèmes, les chocolats, les viandes, etc., auxquels ils
confèrent un caractère onctueux, lisse, velouté, crémeux, riche, entre autres
qualités. Ils ajoutent de l’opacité aux fromages et autres produits laitiers, ils
contribuent à la tenue en bouche, à la stabilité, ils agissent comme exhausteurs de
goût. De plus, les aliments riches en lipides libèrent leurs arômes de façon
prolongée (viandes, fromages, etc.). De nombreuses molécules volatiles, solubles
dans les lipides, constituent souvent l’arôme distinctif d’un plat, qui est perçu bien
avant le début de la consommation et qui ouvre l’appétit.
D’autre part, les lipides alimentaires sont très denses en énergie (38
kiloJoules par gramme). Après le contenu en eau, les lipides sont le principal
déterminant de la densité énergétique des aliments. Par conséquent, l’ingestion
d’un petit volume d’aliments riches en lipides représente déjà une charge
énergétique importante [POPPITT, PRENTICE, 1996]. Pour une même ration
79
LES ALIMENTS NOUVEAUX
énergétique quotidienne couvrant les besoins, le choix d’aliments riches en
graisses ne permet qu’une prise alimentaire peu volumineuse, alors que le choix
d’aliments riches en glucides (17 kiloJoules par gramme) permet d’ingérer un
grand volume alimentaire. Le consommateur d’aliments riches en lipides a
l’impression de manger peu, alors qu’il ingère en fait une charge énergétique
facilement excessive [WARWICK, SCHIFFMAN, 1992 ; POPPITT, PRENTICE, 1996].
En dehors de leurs effets sur les ingesta, les lipides alimentaires favorisent
l’accumulation de graisses corporelles. En effet, dans la période post-absorptive,
l’énergie dérivée des lipides alimentaires est plus facilement convertie en masse
corporelle que l’énergie dérivée des glucides [SCHWARTZ et al., 1995]. La
thermogénèse post-prandiale est moindre après l’ingestion de lipides qu’après
celle de glucides [WESTERTERP et al., 1997a]. La satiété induite par l’ingestion
d’aliments riches en lipides est également moindre que celle qui suit l’ingestion de
protides ou de glucides [GREEN et al., 1994 ; PRENTICE, POPPITT, 1996]. À court
terme, une alimentation hyperlipidique entraîne l’hyperphagie et, à long terme, un
pourcentage élevé de lipides dans la ration est corrélé avec une adiposité
corporelle importante, comme le montrent des mesures de plis cutanés [TREMBLAY
et al., 1991 ; ROLLS et al., 1994]
80
Pour toutes ces raisons, les experts en santé publique conseillent de réduire
les apports en lipides de la ration, quoique tous ne soient pas d’accord sur la
contribution maximale des lipides dans une alimentation saine : 35 %, 30 % ou
moins [KRITCHEVSKY, 1998]. Des recommandations récentes conseillent de limiter
la part des lipides à moins de 30 % de la ration [OMS, 1990].
Le public a intégré ces conseils et, dans de nombreux pays, la proportion
des graisses dans le régime a baissé au cours des dernières années [SEIDELL, 1995 ;
ROLLAND-CACHERA et al., 1997], quoiqu’elle demeure au-dessus des
recommandations. La motivation essentielle de bien des consommateurs (et
consommatrices) est de réduire leurs ingesta totaux et de contrôler leur poids
corporel.
4-2-1 L’offre d’aliments allégés en lipides
Certains allégés en matières grasses existent depuis longtemps sur le
marché. En effet, le lait est proposé aux consommateurs soit entier, soit demiécrémé, soit totalement écrémé. Il s’agit ici non pas de remplacer les matières
grasses par un substitut moins énergétique, mais de les éliminer du produit. Ce
même procédé sert à alléger des glaces, des crèmes, des fromages, etc. Dans ce
cas, le produit d’origine subit une certaine transformation de ses qualités
organoleptiques au cours du processus d’élimination des graisses et cette transformation peut être mal acceptée par le consommateur.
4-2-2
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
Pour tenter de remédier à cet inconvénient, les industriels de l’agroalimentaire ont mis au point des substituts des matières grasses qui, ajoutés à
l’aliment, lui restituent une partie de ses qualités sensorielles d’origine, en
particulier sa texture riche et onctueuse. Ces substituts des lipides sont de plusieurs
types. Ils sont soit d’origine glucidique (fibres, amidons modifiés, polydextrose,
gommes, gels, pectine), soit d’origine protidique (protéines du lait, solides du lait,
protéines de blé, gélatine, protéines de soja, etc.) ou encore d’origine lipidique
(émulsifiants, polyester de saccharose, huiles synthétiques et non digestibles). Le
tableau VII [MIRAGLIO, 1995] propose une liste de quelques produits utilisés par
l’industrie comme substituts des lipides, avec leur valeur énergétique. Aucun de
ces substituts ne restitue l’entièreté des qualités sensorielles du produit d’origine et
leur intérêt est essentiellement d’améliorer la texture et l’apparence des aliments
allégés tout en réduisant la charge énergétique totale. D’autres substituts sont
actuellement à l’étude.
Tableau VII — Quelques produits utilisés comme substituts des matières grasses
alimentaires (38 kJ/g).
Substituts des matières grasses alimentaires
Valeur énergétique (kJ/g)
81
Produits tirés des glucides
Amidons modifiés, dextrines, maltodextrines
Gommes et gels (cellulose, pectines, etc.)
Polydextrose (polymère d’amidon)
Fibres (avoine, pois, pomme, cellulose, betterave)
13,9–16,8
0–13,9
4,2
0–11,8
Produits tirés des protides
Solides du lait et concentré de protéines de blé
Protéine de soja
Gélatine
13,0–17,2
11,3–14,3
15,1
Produits tirés des lipides
Émulsifiants
Huiles et lipides synthétiques
Polyester de saccharose
34,0–38,2
0
0
4-2-2 Sécurité alimentaire
Comme celle des édulcorants intenses, l’innocuité des substituts de
matières grasses a été abondamment vérifiée. La plupart de ces substituts dérivent
de produits non-synthétiques, tels que les amidons, les fibres solubles, les
protéines, etc. On les considère donc comme non-toxiques. Une exception à cette
LES ALIMENTS NOUVEAUX
règle est le polyester de saccharose qui soulevait des problèmes importants de
digestibilité et d’absorption des vitamines liposolubles. Après investigation
poussée, ce produit a été autorisé pour usage limité dans les produits du
commerce [LINDLEY, 1993].
Il est nécessaire de demeurer vigilant afin de dépister tout effet nocif ou
toxique consécutif à l’utilisation courante et prolongée de substituts de matières
grasses, en particulier chez des sujets sensibles (personnes âgées, adolescents,
etc.).
4-2-3 Propriétés organoleptiques
Les substituts des matières grasses ont surtout pour fonction de restituer
aux allégés leur texture d’origine [BELLISLE, PEREZ, 1994]. Cet effet n’est
qu’imparfaitement atteint pour les aliments du commerce. L’amélioration
relative de la texture s’accompagne parfois d’un goût parasite, d’une saveur qui
laisse à désirer et qui ne soutient pas la comparaison avec celle de l’aliment non
allégé.
82
La dimension olfactive des allégés en matières grasses n’est restituée par
aucun des substituts proposés jusqu’à présent. Or, il est bien établi qu’une grande
part de l’identification et de l’appréciation des aliments relève de facteurs de
stimulation olfactive. Des progrès demeurent donc encore à réaliser avant que le
consommateur exigeant n’accepte de remplacer ses aliments gras par des allégés.
Les consommateurs habituels de certains produits allégés en matières
grasses, tels que le lait écrémé, finissent par préférer le produit allégé à sa version
non-allégée. Il est donc possible de rééduquer son goût et de modifier ses
préférences alimentaires. Cependant, ce changement exige une grande motivation
préalable et l’habitude exclusive de l’allégé pendant une période plus ou moins
longue, nécessaire à l’établissement d’une nouvelle préférence alimentaire.
On peut aussi se demander si ce changement est souhaitable ou souhaité
par les consommateurs : voulons-nous vraiment nous habituer à accepter des
aliments qui auront perdu une grande partie de leur goût et de leur arôme?
4-2-4 Régulation énergétique et compensation
La question cruciale concernant l’intérêt des substituts de matières grasses
est de savoir si, effectivement, ils pourront permettre aux consommateurs de
réduire leurs ingesta lipidiques et leurs apports énergétiques sur une période de
temps suffisamment longue pour que l’état nutritionnel et/ou le poids corporel en
soient affectés favorablement. Les effets nutritionnels se mesurent à long terme et
4-2-4
RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE ET COMPENSATION
des études réduites à des observations de quelques heures ou de quelques jours
sont d’un intérêt limité.
De nombreuses études sur la question de la compensation énergétique et
nutritionnelle après ingestion d’allégés ont été réalisées aussi bien en laboratoire
que sur le terrain [BELLISLE, PEREZ, 1994]. Plusieurs de ces études visent à établir si
l’ingestion d’un ou de plusieurs aliments allégés en matières grasses sera
“compensée” par une consommation augmentée de ces mêmes produits ou
d’autres aliments disponibles ultérieurement [DE GRAAF et al., 1996 ; POPPITT,
PRENTICE, 1996]. Certaines portent sur l’évolution des sensations de faim, le désir
de manger, la consommation que le mangeur s’estime prêt à faire, après la
consommation d’aliments allégés [BLUNDELL, GREEN, 1996].
Dans les expériences où un seul aliment du régime est allégé, on observe
souvent une compensation importante réalisée par l’ingestion ultérieure d’aliments
plus riches en graisses et en énergie [TREMBLAY et al., 1989 ; ROLLS et al., 1992 ;
POPPITT, PRENTICE, 1996]. Dans des études réalisées sur un à trois jours, des
volontaires humains compensent pour les calories correspondant à un allégement
en lipides [FOLTIN et al., 1990 ; FOLTIN et al., 1992]. Cependant, cette compensation
énergétique ne se fait pas exclusivement à partir de lipides (la ration comporte
aussi des glucides et des protides), de sorte qu’une économie d’apports lipidiques
demeure. MATTES et collaborateurs [1988] manipulent les contenus glucidiques et
lipidiques d’aliments et de boissons du commerce, de sorte qu’ils peuvent
présenter à des volontaires un déjeuner riche en énergie et un déjeuner faible en
énergie. Chaque condition fut répétée pendant 14 jours. Les volontaires se
montrèrent plus capables de compenser pour la dilution énergétique que pour
l’augmentation de la densité. En d’autres termes, les volontaires ont mangé
davantage après un repas allégé, mais n’ont pas mangé moins après un repas
enrichi. Il est donc plus facile de sur-consommer passivement que de sousconsommer. Un excès de calories paraît moins susceptible d’entraîner une
compensation qu’un déficit de calories. Dans une étude réalisée chez des hommes
dont le déjeuner était allégé en lipides grâce à l’utilisation d’une substance noncalorique (Olestra), les apports lipidiques des 24 heures étaient diminués et les
apports en glucides augmentés ; aucune diminution des apports énergétiques des
24 heures ne fut constatée [ROLLS et al., 1997].
Dans les études où plusieurs aliments ou tous les aliments proposés sont
allégés en matières grasses, alors la compensation est faible ou nulle [STUBBS et al.,
1993]. La consommation et le poids corporel furent mesurés chez 24 hommes
hébergés pendant trois périodes de deux semaines dans un laboratoire
expérimental [LISSNER et al., 1987]. Le contenu en lipides des aliments disponibles
pendant ces périodes pouvait être manipulé. Lorsque ces aliments étaient allégés
en lipides (15–20 % de la ration énergétique), les volontaires ont mangé moins en
calories (11,3 %) que pendant la période où le contenu en lipides des aliments
83
LES ALIMENTS NOUVEAUX
était moyen (30–35 % de la ration énergétique). Lorsque les aliments étaient très
riches en graisses (40–45 %), les volontaires ingéraient 15,4 % plus d’énergie que
sous régime moyennement gras. Le poids corporel des volontaires changea en
fonction des rations : pendant les deux semaines de régime pauvre en graisses, les
volontaires maigrirent ; ils grossirent au cours des deux semaines de régime
hyperlipidique. À la fin de ces périodes de deux semaines, aucun changement du
comportement alimentaire ne suggérait une tendance à compenser ou une
adaptation.
Un régime hypolipidique exerce des effets de réduction de la ration
énergétique encore visibles après onze semaines [KENDALL et al., 1991]. Les femmes
participant à cette expérience conservèrent spontanément une ration quotidienne
de poids constant au début de l’étude. Puisque cette ration était moins dense en
énergie, les volontaires perdirent du poids (2,5 kg sur la période de onze semaines).
Le groupe témoin qui consommait une alimentation normalement grasse (35–40 %)
a maintenu des apports stables pendant la période d’observation ; en revanche, le
groupe expérimental a augmenté progressivement sa ration au cours des semaines
et est passé de 7000 kJ à 8100 kJ par jour. Ceci suggère un mécanisme d’adaptation
comportementale lente à la réduction de la charge énergétique.
84
Après vingt semaines d’un régime pauvre en graisses, PREWITT et
collaborateurs [1991] ont observé une réduction du poids corporel (2,8 %) des
volontaires, une diminution de leur masse grasse (11,3 %) et une augmentation de
leur masse maigre (2,2 %). Dans ces conditions, la consommation spontanée avait
augmenté considérablement au cours de la période d’observation et était devenue
plus élevée que celle des témoins consommant une alimentation plus riche en
graisses (37 %). Ce résultat indique que la composition nutritionnelle du régime
pourrait avoir un impact sur la ration énergétique nécessaire au maintien du poids,
peut-être par l’entremise de changements de la composition corporelle.
Des femmes consommant une alimentation allégée en graisses pendant
deux ans ont perdu un peu de poids (3,2 kg) pendant les six premiers mois
d’observation. Au bout des deux ans, cette perte de poids n’était plus que de 1,9 kg
sous le poids de départ. Pourtant l’alimentation à la fin de l’étude n’avait
apparemment que 22,8 % de contenu lipidique [SHEPPARD et al., 1991].
L’ensemble de ces études indique que les volontaires qui consomment des
allégés pendant un ou plusieurs jours ont des rations énergétiques et lipidiques
significativement réduites. Si cette alimentation dure assez longtemps, une perte
de poids est enregistrée [LISSNER et al., 1987 ; DE GRAAF et al., 1996]. L’allégement
en lipides de nombreux aliments courants semble donc exercer un effet
nutritionnel bénéfique de réduction de la ration lipidique et énergétique, sans
entraîner de modification correctrice du comportement, du moins à court terme,
et sans accentuer les sensations de faim ressenties au cours de la journée.
4-2-4
RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE ET COMPENSATION
Bien qu’une certaine compensation énergétique semble se mettre en place
lorsqu’un régime allégé en lipides est maintenu pendant plusieurs mois, il n’est pas
observé de compensation pour les lipides eux-mêmes. Lorsque des volontaires
mangent progressivement plus pour rattraper l’énergie manquante dans un régime
faible en lipides, cette consommation augmentée se distribue sur les trois
macronutriments. Pour une ration énergétique donnée, les économies de lipides
sont donc compensées par des apports aussi bien protéiques, glucidiques que
lipidiques, ce qui a pour conséquence de modifier la contribution relative des
macronutriments à l’alimentation. La contribution des glucides à la ration
augmente, celle des protides paraît régulée à un niveau stable, pendant que celle
des lipides diminue [ROLLS et al., 1991 ; FOLTIN et al., 1992]. D’un point de vue
strictement nutritionnel, l’allégement en matières grasses se solde toujours, du
moins dans un contexte expérimental, par une réduction des ingesta lipidiques, ce
que l’on peut considérer en soi comme un effet positif.
Le phénomène de la compensation est encore imparfaitement compris.
Dans des conditions expérimentales, une compensation énergétique se manifeste
plus souvent chez des volontaires masculins que chez des femmes. Plusieurs
facteurs l’influencent, tels que l’habitude des régimes chroniques (ce que l’on
appelle couramment la “restriction” alimentaire), la durée d’exposition aux
aliments allégés, le fait que l’allégement soit réalisé au cours des repas ou dans les
collations [WESTERTERP-PLANTENGA et al., 1997b]. Le nombre d’allégés et de nonallégés dans l’alimentation quotidienne est également un facteur important
[POPPITT, PRENTICE, 1996]. Le pourcentage de l’énergie éliminée par l’allégement
lipidique peut jouer un rôle, la compensation étant d’autant plus importante que
le déficit est profond [SHEPPARD et al., 1991]. Au-delà de ces quelques éléments de
compréhension, des études doivent encore explorer et rendre plus claires les
conditions de la compensation énergétique et/ou nutritionnelle.
Qu’une compensation se produise ou non lors de l’introduction d’aliments
allégés en matières grasses dans l’alimentation, il reste à savoir si cette
compensation est susceptible de se modifier au cours du temps, à mesure que le
consommateur acquiert de l’expérience avec le produit allégé. Après un certain
délai [PREWITT et al., 1991], une adaptation de la consommation peut se
manifester pour annuler les effets d’un allégement, de telle sorte que le niveau
des apports énergétiques antérieurs soit rétabli. Bien que cette éventualité ne soit
encore qu’imparfaitement étudiée, il semble que peu de modifications du
comportement se développent sur une période de deux semaines [LISSNER et al.,
1987]. Sur un an, il a été observé qu’une alimentation prescrite et faible en lipides
augmente lentement en quantité [SHEPPARD et al., 1991]. Des volontaires qui
consomment pendant six mois un régime hypolipidique prescrit ne perdent de
poids que si les apports énergétiques ont diminué pendant cette période
[WESTERTERP et al., 1996].
85
LES ALIMENTS NOUVEAUX
Tous les procédés d’allégement ne sont pas équivalents : lorsque les lipides
alimentaires sont remplacés par du polyester de saccharose, la compensation
énergétique est inférieure à 50 % chez les hommes, alors qu’elle atteint 66 %
quand les lipides sont remplacés par de l’eau [HULSHOF et al., 1995]. Dans un
protocole de 12 jours, il fut observé que le remplacement de graisses alimentaires
par du polyester de saccharose conduisait à une réduction de la ration lipidique
de 43 % à 32 % et à une perte de poids [DE GRAAF et al., 1996]. La substitution par
du polyester de saccharose des lipides contenus dans des collations conduit à une
réduction des apports énergétiques chez des femmes normopondérales
[WESTERTERP-PLANTENGA et al., 1997]. Cet allégement ne s’accompagne d’aucune
augmentation des sensations de faim ou de satiété.
Ces résultats sont encourageants. Ils suggèrent que dans la plupart des
situations, il y a un bénéfice nutritionnel à pratiquer l’allégement lipidique, avec
ou sans utilisation de substituts. Il reste à vérifier les effets de l’allégement sur
l’évolution du poids corporel et sur le statut nutritionnel au cours des années.
86
À mesure que les allégés de toutes sortes apparaissent sur le marché, il est
probable qu’ils vont coexister avec les aliments traditionnels non-allégés dans
l’alimentation courante. Dans ces conditions, une compensation énergétique peut
se mettre en place. Elle ne sera pas parfaite, elle se répartira sur les trois
macronutriments. Il est douteux que les allégés conduisent à une perte de poids
passive ; leur rôle sera cependant positif dans le cadre de programmes actifs de
contrôle du poids. Leurs effets sur le poids corporel restent à démontrer sur une
période de temps suffisante (plusieurs mois au moins).
4-2-5 Étude de consommation
Une étude concernant l’alimentation et l’anthropométrie a été conduite
dans un échantillon représentatif de la population générale dans la région
française du Val de Marne [BELLISLE et al., 1994]. Les volontaires, hommes et
femmes, adultes et enfants, se sont prêtés à des mesures anthropométriques et ont
répondu à un interrogatoire alimentaire (méthode de l’histoire alimentaire)
pendant l’année 1988. À cette époque, l’utilisation d’édulcorants intenses dans les
aliments et boissons du commerce n’était pas encore autorisée. Cependant, les
ingesta de nombreux produits allégés en matières grasses furent relevés. Une
exploitation spécifique de la base de données fut entreprise pour déterminer chez
les adultes répondants (N=741) quels étaient les corrélats socio-démographiques,
biologiques et nutritionnels de l’ingestion habituelle des produits allégés (lait
écrémé ou demi-écrémé, crème légère, fromages allégés en lipides, beurre allégé,
yaourt allégé). La population fut divisée en consommateurs et non-consommateurs
habituels de ces aliments.
4-2-5
ÉTUDE DE CONSOMMATION
Chez les femmes, les consommatrices d’allégés en matières grasses avaient
une ration énergétique quotidienne inférieure à celle des non-consommatrices ;
cependant les consommatrices d’allégés étaient plus lourdes et avaient un grand
nombre de mesures anthropométriques indiquant une plus grande adiposité
corporelle que les non-consommatrices (circonférences de la cuisse, de la taille et
des hanches). Les paramètres nutritionnels présentaient également de nombreuses
différences entre ces deux groupes de femmes : ration énergétique moindre,
rations glucidique et lipidique moindres en valeurs absolues ; pourcentage de
protéines dans la ration plus important et pourcentage de lipides moins important ;
moins de saccharose ; moins de porc, de pain, de pâtes, de pommes de terre, de
beurre et plus d’eau chez les utilisatrices d’allégés.
Chez les hommes, l’habitude de consommer des aliments allégés en lipides
n’était associée à aucune différence anthropométrique sauf la circonférence des
hanches, plus étroite chez les consommateurs d’allégés. Les rations énergétique,
protéique, glucidique et lipidique étaient les mêmes dans les deux groupes
d’hommes. Les hommes consommateurs d’allégés en lipides consommaient moins
d’alcool, de beurre et de sucre, mais plus de biscuits, de chocolat et de confiture
que les non-consommateurs. Cette étude montre une différence très nette entre la
place des allégés en matières grasses chez les hommes et chez les femmes au sein
d’une même population.
Cette observation nous amène à soulever le problème crucial de la
motivation des utilisateurs d’aliments allégés, et plus particulièrement des
substituts de matières grasses. Le même problème s’est posé, avec quelques
années d’avance, concernant l’utilisation d’édulcorants intenses. Il est vite apparu
que les substituts du sucre ne sont pas des produits miracles qu’il suffit d’intégrer
à son alimentation pour produire une perte de poids. En dehors d’un programme
délibéré de contrôle du poids, les édulcorants intenses ne contribuent pas à
réduire les apports et ne facilitent pas la perte de poids ou son contrôle [ROLLS,
1991].
L’intérêt des allégés en matières grasses est-il limité à un tel contexte de
restriction alimentaire active? On peut craindre que le consommateur moyen
n’espère de ces produits un effet magique d’amaigrissement qui n’est susceptible
de se produire que si la ration énergétique diminue elle aussi [WESTERTERP et al.,
1996]. Chez les hommes de l’étude épidémiologique française, l’utilisation
d’allégés en matières grasses ne s’accompagnait pas d’une réduction de la ration
énergétique, en comparaison de la ration des non-utilisateurs, mais au contraire de
consommations significativement plus élevées de sucre, de biscuits, de chocolats,
de miel, de confiture, etc. Une tendance à s’accorder une “récompense”
alimentaire en contrepartie de la consommation d’aliments au goût peu flatteur
mais “bons pour la santé” a également été mise en évidence chez des volontaires
américains [MATTES, 1990].
87
LES ALIMENTS NOUVEAUX
Pour que les aliments allégés en matières grasses aient un effet nutritionnel
bénéfique sur les ingesta lipidiques et/ou sur le poids corporel, il faudra que les
consommateurs s’en servent dans le cadre d’une alimentation rationnelle [MELA,
SACCHETTI, 1991].
4-2-6 Vitamines liposolubles
Une dernière considération est importante pour l’évaluation des mérites des
substituts lipidiques. La diminution d’une part relativement importante des lipides
de l’alimentation habituelle va entraîner une diminution proportionnelle des
apports en vitamines liposolubles. Des apports correspondants aux besoins
doivent être maintenus à long terme, spécialement chez les sujets sensibles,
comme les enfants ou les personnes âgées. De plus, les régimes faibles en lipides
suivis pendant une longue période ont des effets pervers : par exemple, une
alimentation riche en glucides et faible en graisses produit des altérations du
métabolisme des lipoprotéines [BORKMAN et al., 1991].
88
La digestibilité et la biodisponibilité de ces vitamines ne doivent pas être
compromises par l’utilisation de substituts susceptibles de causer des
malabsorptions. Le nombre d’aliments allégés en matières grasses offerts sur le
marché, leur importance dans l’alimentation courante, le type de substituts
proposés et leurs effets sur la digestion et l’absorption sont des facteurs dont les
effets cumulés et prolongés doivent faire l’objet d’une surveillance continue de la
part des experts en nutrition et en santé publique [BELLISLE et al., 1998].
4-3 Les nouveaux additifs
alimentaires.
Il est possible d’améliorer sensiblement la saveur d’un aliment en y ajoutant
un agent qui en modifiera le goût, l’arôme ou encore la texture. Certains de ces
agents, le sucre par exemple, rendent de nombreux aliments plus acceptables mais
ajoutent de l’énergie à ce qui est consommé. D’autres agents modifient les qualités
sensorielles des aliments sans changer leur valeur nutritionnelle. Un exemple de
tels agents est le glutamate monosodé qui harmonise les saveurs d’aliments variés
sans en changer le goût ni le contenu nutritionnel. Parmi les aliments fabriqués
industriellement, nombreux sont ceux où le fabricant a ajouté un ou plusieurs
agents susceptibles de rendre optimales les caractéristiques sensorielles du
produit. Quels sont les effets de tels ajouts sur les comportements alimentaires et
4-3
LES NOUVEAUX ADDITIFS ALIMENTAIRES
sur la capacité du consommateur à réguler sa consommation? On sait que la taille
des repas est déterminée de façon cruciale par les caractéristiques sensorielles des
aliments offerts. Il existe encore peu de travaux sur cette question importante.
Quelques études ont été réalisées chez des volontaires sains, ou encore des
personnes âgées ou des diabétiques hospitalisés, pour examiner les effets de l’ajout
de glutamate de sodium dans différents aliments. Chez des volontaires sains, il a
été démontré que des aliments nouveaux qui contiennent une quantité sensible de
glutamate de sodium (0,6 %) sont mieux acceptés que les mêmes aliments sans
glutamate [BELLISLE et al., 1991]. Chez des patients hospitalisés, il a été montré que
l’ajout de glutamate à certains aliments présentés dans des repas complexes
favorise l’ingestion de ces mêmes aliments comparativement à l’ingestion des
autres aliments du menu. Aussi bien chez des personnes âgées hospitalisées que
chez des diabétiques insulino-dépendants ou non-insulino-dépendants, la
consommation d’aliments contenant du glutamate (soupes, légumes, féculents) a
augmenté au cours d’un repas et celle d’autres aliments (desserts en particulier) a
baissé, de sorte que le contenu énergétique du repas n’a pas été modifié [BELLISLE
et al., 1991 ; 1996]. L’ajout de glutamate monosodé apparaît donc comme un
moyen de moduler les choix alimentaires au cours d’un repas, en favorisant
l’ingestion de certains aliments tout en ne modifiant pas la taille de ce repas. De
tels effets méritent d’être confirmés dans d’autres populations et sur des périodes
d’observation plus longues.
Les enfants insuffisants rénaux sont très difficiles à nourrir. Leur grave
pathologie impose un régime sans sel. De plus, ces enfants n’ont pas l’appétit pour
le sucré que les enfants en bonne santé manifestent. Les enfants insuffisants rénaux
et dialysés ont une attirance pour le sucré moindre que les enfants sains [BELLISLE
et al., 1990a]. Le mécanisme de ce phénomène n’est pas connu, mais des
observations réalisées chez l’animal suggèrent un problème dans le métabolisme
du saccharose. Ce manque d’appétit pour le sucré constitue un obstacle important
à l’ingestion de rations alimentaires suffisantes. Ce facteur nutritionnel s’ajoute aux
effets de la maladie pour induire d’importants retards de croissance dans cette
population. Il serait donc d’un grand intérêt d’arriver à stimuler l’appétit de ces
enfants. Il a été montré que l’ajout de glutamate de calcium dans plusieurs
aliments en améliore le goût chez ces enfants [BELLISLE et al., 1992] ; les deux tiers
d’un groupe d’enfants insuffisants rénaux ont montré un intérêt à se servir de
sachets de glutamate de calcium pour en saupoudrer leurs aliments [BELLISLE et al.,
1992]. Il n’est pas exclu qu’un exhausteur de goût puisse renforcer l’appétit de
personnes qui n’en n’ont pas assez et même augmenter leur consommation
alimentaire.
Les répercussions à long terme d’une amélioration durable des qualités
sensorielles de nombreux aliments doivent encore être étudiées au niveau du
poids et de la composition corporels.
89
5 – L’obésité
L’obésité est un grave problème de santé publique dans les sociétés
industrialisées. Des données épidémiologiques récentes indiquent que la
proportion d’obèses est en augmentation dans les pays riches, surtout chez les
enfants [ROLLAND-CACHERA et al., 1993 ; SEIDEL, 1995]. Depuis des décennies, les
scientifiques essaient de comprendre les facteurs qui entraînent le
développement et le maintien de l’obésité chez un grand nombre de personnes
de tous les âges. Il existe une bibliographie très abondante à ce sujet, qui dégage
peu de certitudes. Les importantes zones de discordance entre études peuvent
être attribuées à de nombreux facteurs au premier rang desquels la nature
multiforme, multifactorielle de l’obésité. Des experts médicaux parlent d’ailleurs
des obésités (au pluriel) plutôt que de l’obésité (au singulier) [VAGUE, 1991 ;
BASDEVANT et al., 1993b ; GUY-GRAND, 1996].
Voici un aperçu simplifié des multiples sources de divergences dans les
études concernant les populations d’obèses.
Il est difficile d’examiner ouvertement le comportement alimentaire d’une
personne obèse. Que l’étude ait lieu en laboratoire ou sur le terrain, le
comportement de la personne obèse peut être modifié par la présence d’un
observateur ou d’un instrument de mesure. L’obésité et le comportement
alimentaire qui l’accompagne peuvent varier en fonction de multiples facteurs,
parmi lesquels nous citerons les suivants.
• L’étiologie
Elle peut relever de facteurs nutritionnels, génétiques, hypothalamiques,
endocriniens, réactionnels (suite à un stress, un choc, un traumatisme), iatrogènes
(causés par des traitements médicaux), de la sédentarité, etc.
• L’âge du sujet au moment de l’étude
En effet, il est bien démontré que la consommation alimentaire diminue et
se modifie avec l’âge. On peut donc difficilement comparer des études dont les
volontaires sont d’âges différents.
• L’âge du sujet au moment de l’apparition de l’obésité
Certains sont obèses dès la naissance ou le deviennent dans les premières
années de la vie. Chez ces personnes, il semble que des facteurs génétiques soient
très déterminants [PRICE et al., 1990 ; STUNKARD, 1991] alors que les facteurs de
l’environnement n’ont pas encore eu l’occasion d’exercer une influence. Les
travaux génétiques réalisés sur des modèles animaux commencent à fournir des
pistes pour l’identification des gènes responsables de telles obésités souvent
91
L’OBÉSITÉ
massives [FRIEDMAN et al., 1991]. Des études humaines ont prolongé ces pistes par
l’observation de mutations et de leurs effets dans des familles d’obèses humains
[GUY-GRAND, 1996]. D’autres personnes deviennent obèses à l’adolescence, ou
encore au moment de grossesses ou à la ménopause. Certains développent une
obésité progressivement au cours de leur vie. Ils sont normopondéraux dans leur
jeunesse mais leur poids monte insensiblement avec les années. Un jour, ils
atteignent une masse corporelle qui les classe parmi les obèses. En France, les
femmes gagnent en moyenne 8 kg entre les âges de 20 et 60 ans, les hommes en
prennent 12 [ROLLAND-CACHERA, 1988]. Une telle augmentation du poids
représente 250 grammes par an environ et témoigne de la précision extraordinaire
des mécanismes de régulation. Pour gagner 250 grammes de poids par an, il suffit
d’un excès de moins de 5 kilocalories par jour, créé par les apports et/ou par les
dépenses. Chez ceux dont la régulation est un peu moins bonne, l’excès des
apports par rapport aux dépenses, même modeste, explique le développement
progressif des réserves de graisses corporelles jusqu’à l’obésité. Le comportement
d’une personne devenue obèse pendant l’enfance peut être différent du
comportement de celle qui constitue son obésité petit à petit, sur une longue
période de temps.
92
L’obésité chez l’enfant est particulièrement difficile à analyser. L’obésité
de l’enfant peut être transitoire et correspondre à une phase particulière du
développement [ROLLAND-CACHERA et al., 1987 ; PROKOPEC, BELLISLE, 1993]. Chez
l’enfant, l’adiposité corporelle se développe en plusieurs phases. Pendant la
première année de sa vie, elle augmente, si bien que l’enfant normal paraît gros
à un an. L’adiposité décroît ensuite, au cours d’une phase de durée variable, qui
s’achève vers l’âge de six ans. Durant cette phase, l’enfant de corpulence
moyenne paraît plus mince ou même maigre. Après quelques années, vers l’âge
de six ans, se produit un “rebond d’adiposité” [ROLLAND-CACHERA et al., 1984] et
la masse adipeuse de l’organisme augmente par la suite jusqu’à la fin de la
croissance, où elle peut marquer un plateau, et de nouveau jusqu’à la fin de la
vie. L’enfant plus gros que la moyenne à un an ne le sera peut-être plus à six ans
ou à la fin de la croissance. À l’inverse, un enfant qui est encore mince à trois
ou quatre ans peut, à la suite d’un rebond d’adiposité précoce, s’orienter vers
l’obésité, qui ne sera décelable sur la balance que des années plus tard
[ROLLAND-CACHERA et al., 1984 ; 1987 ; 1989 ; 1990 ; PROKOPEC, BELLISLE, 1993 ;
ROLLAND-CACHERA, 1994]. Il est donc important de déterminer si, chez l’enfant
gros, il s’agit d’un surpoids ou d’une maigreur transitoire, qui va régresser vers
la normale avec le temps, ou bien si effectivement l’évolution pondérale révèle
une obésité en formation. La consultation des valeurs de référence peut aider les
parents et les pédiatres à évaluer les situations individuelles.
5-1
L’OBÈSE MANGE TROP
• Le stade de développement de l’obésité au moment de l’étude
Au moment de la constitution de l’obésité, lorsque le poids corporel
augmente rapidement, les apports énergétiques sont très supérieurs aux besoins.
En revanche quand le poids d’un obèse est devenu stable et n’augmente pas, les
apports énergétiques doivent correspondre aux dépenses. Dans le premier cas, la
phase dynamique de constitution de l’obésité, il peut être plus facile d’observer
des comportements aberrants que pendant la seconde phase, appelée phase
statique, où l’obèse a un comportement alimentaire qui ne diffère pas beaucoup
de celui des normopondéraux.
• Le surpoids relatif
Une personne dont l’obésité est modérée (IMC autour de 27) n’a peut-être
pas le même comportement alimentaire qu’une personne très obèse ou
massivement obèse.
• Les régimes suivis antérieurement
Les régimes nombreux auxquels se sont astreints les obèses au cours de leur
vie ont souvent laissé des traces dans l’alimentation et même sur le poids d’un
patient, même après l’abandon de ce régime.
On voit pourquoi il est très difficile de constituer des groupes homogènes
d’obèses au cours d’une même étude et, à plus forte raison, de comparer les
résultats d’études différentes. Cependant, la gravité du problème de l’obésité dans
les sociétés modernes constitue un stimulus inépuisable pour la recherche. La
multitude de travaux à propos de l’obésité s’organise autour d’hypothèses qui
continuent de susciter des polémiques.
5-1 Première hypothèse :
l’obèse mange trop
Les réserves adipeuses de l’organisme sont le résultat d’une simple
soustraction : énergie ingérée (par l’alimentation) moins énergie dépensée (pour le
métabolisme, la thermogénèse et l’activité physique). Si le bilan est négatif,
l’organisme doit puiser dans ses réserves et maigrit. Si le bilan est positif, l’excès
des apports au-delà des dépenses est stocké, essentiellement sous forme de
graisses corporelles. Si ce bilan est positif pendant plusieurs jours, le sujet grossit.
Cette équation n’est contestée par personne. Cependant, il existe des controverses
93
L’OBÉSITÉ
sur chacun des termes qui la composent, autrement dit sur les méthodes de mesure
de la composition corporelle, de mesure des ingesta et de mesure des dépenses.
La majorité des études concernant la quantité d’aliments ingérée concluent
que les obèses ne mangent pas davantage que les personnes de poids normal.
Cette affirmation concerne aussi bien les études expérimentales en laboratoire,
l’observation sur le terrain, les questionnaires alimentaires administrés par une
diététicienne et les auto-questionnaires, les populations d’adultes et d’enfants, les
obèses américains ou européens, etc. Les études épidémiologiques donnent
rarement une corrélation significative entre ingesta et adiposité corporelle et,
lorsqu’elle apparaît, cette corrélation est aussi bien négative que positive. Il est
souvent confirmé que les obèses mangent moins de glucides et de sucre que les
non-obèses. L’adiposité est souvent corrélée positivement avec les ingesta
lipidiques et presque toujours avec les ingesta protidiques [ROLLAND-CACHERA,
1994].
94
Certains spécialistes de l’obésité ont affirmé qu’il existe des obèses
hypophages aussi bien que des normophages ou hyperphages [CREFF, HERSCHBERG,
1979]. En d’autres termes, la variabilité des rations énergétiques est aussi large
dans la population des obèses que dans la population des normopondéraux.
Certaines personnes, surtout des femmes, vivent avec moins de 2 000 kcal par
jour, alors que d’autres en consomment largement plus de 3 000. Ces hypophages
et ces hyperphages peuvent être aussi bien normopondéraux qu’obèses.
Les méthodes de mesure de la dépense énergétique se sont beaucoup
perfectionnées au cours des dernières années. Il est maintenant possible grâce aux
méthodes de calorimétrie directe ou indirecte, à la méthode de l’eau doublement
marquée, de connaître la dépense énergétique d’une personne. De plus, on sait
que les obèses ont non seulement plus de masse grasse que les normopondéraux,
mais encore plus de masse maigre. C’est la masse maigre qui détermine la dépense
énergétique d’un organisme. Plus la masse maigre est abondante, plus la dépense
est grande.
Ces observations incontestables ont mis en doute la validité des études qui
n’établissent pas de différences entre les ingesta des obèses et ceux des témoins.
En effet, si l’obèse a plus de masse maigre, il dépense plus d’énergie, et donc il
doit obligatoirement manger plus pour maintenir son poids. Les enquêtes
épidémiologiques en particulier ont été attaquées à partir de ces observations.
L’argument des experts du métabolisme est le suivant : si ces enquêtes ne trouvent
pas d’hyperphagie, c’est parce que les obèses trichent en déclarant leurs apports
[PRENTICE et al., 1986 ; LISSNER et al., 1989 ; LIVINGSTONE et al., 1990 ; GOLDBERG et
al., 1991 ; FRICKER et al., 1992 ; LICHTMAN et al., 1992 ; BLACK A.E. et al., 1993 ;
HEITMANN, LISSNER, 1995 ; POPPITT et al., 1995]. Consciemment ou inconsciemment, les obèses rapportent des ingesta inférieurs à leur consommation réelle.
5-2
L’OBÈSE CHOISIT MAL SES ALIMENTS
Certaines personnes déclarent des apports si faibles qu’ils ne couvrent même pas
les dépenses minimales estimées pour leur corpulence. Ces sous-rapporteurs
(“under-reporters”), se trouvent en nombre plus important chez les obèses que
chez les normopondéraux. Les travaux épidémiologiques actuels doivent identifier
systématiquement les sous-rapporteurs dans les populations testées. La présence
de nombreux sous-rapporteurs dans une étude est de nature à faire baisser les
ingesta moyens estimés et à induire des conclusions erronées. Cependant, il est
possible d’imaginer d’autres causes à l’observation fréquente d’ingesta identiques
chez les obèses et les témoins. Par exemple, les obèses sont souvent au régime et
une étude de leur consommation peut être faite précisément au moment où ils sont
au régime restrictif. Les apports déclarés seraient donc parfaitement exacts mais
non représentatifs des ingesta à long terme. Les consommations déclarées aux
diététiciennes ou aux médecins par les obèses pourraient être celles des jours de
régime plutôt que celles des jours d’abandon de toute règle diététique. On peut
aussi imaginer que c’est parce qu’ils sont obèses et qu’ils ont suivi de nombreux
régimes que les patients déclarent manger beaucoup de protéines et peu de sucres.
Ces choix alimentaires sont effectivement ceux qui sont le plus souvent conseillés
par les experts de l’amaigrissement depuis près de 40 ans.
Le débat est ouvert et les scientifiques se partagent entre ceux qui ne croient
pas à l’hypophagie des obèses et ceux qui y croient, du moins de manière
transitoire ; entre ceux qui pensent que les obèses mentent ou s’illusionnent quant
à leurs apports réels et ceux qui les croient aussi sincères et compétents pour
évaluer ces apports que les témoins normopondéraux. L’avenir de la recherche
approfondira les deux thèses opposées. Aujourd’hui certains sont prêts à affirmer
que les obèses mangent forcément trop, alors que d’autres croient encore possible
qu’un obèse au poids stable ait une ration énergétique parfaitement semblable à
celle des non-obèses.
5-2 Deuxième hypothèse :
l’obèse choisit mal ses aliments
Contrairement à la croyance populaire, les obèses ne se signalent pas par
un appétit exagéré pour le sucré. Il est bien démontré, aussi bien chez l’enfant
que chez l’adulte, que les obèses sont rarement amateurs de sucre et que les
amateurs de sucre sont rarement obèses [ROLLAND-CACHERA et al., 1993b ;
BOLTON-SMITH, 1996]. Une étude réalisée chez des enfants de 7 à 12 ans montre
des différences considérables dans cette population de 102 enfants pour les
95
L’OBÉSITÉ
ingesta de sucre [ROLLAND-CACHERA et al., 1995]. Les plus petits amateurs de sucré
consomment 31 grammes de saccharose par jour alors que les plus grands
amateurs de sucre en consomment 93 grammes par jour. Cependant, ces derniers
ne sont pas plus gros que les premiers. On peut faire l’hypothèse que les enfants
les plus actifs, ayant besoin d’énergie rapide, la trouvent dans les aliments et les
boissons sucrés.
Parmi les obèses, certains ont un poids stable alors que d’autres s’adonnent
à des régimes restrictifs de façon irrégulière, ce qui mène à des cycles répétés de
perte et de reprise de poids. Le goût pour un aliment sucré (crème glacée) est plus
fort chez les obèses dont le poids corporel fluctue que parmi les obèses au poids
stable. L’attirance pour les desserts est aussi plus marquée chez les femmes obèses
dont le poids fluctue [DREWNOWSKI, HOLDEN-WILTSE, 1992 ; DREWNOWSKI et al.,
1992b]. Ces études ne départagent pas ce qui revient à l’appétit pour les graisses
ou à l’appétit pour les sucres dans l’attirance ressentie pour les desserts.
96
Les personnes obèses ont un appétit prononcé pour les lipides. Enfants,
adolescents et adultes obèses montrent des préférences marquées pour des
produits riches en lipides [DREWNOWSKI, SCHWARTZ, 1990]. Les aliments lipidiques
et sucrés (chocolat, biscuits, gâteaux, etc.) sont spécialement appréciés par les
obèses [DREWNOWSKI, 1985 ; DREWNOWSKI et al., 1985 ; 1992a] de même, il faut le
dire, que par les normopondéraux. En Amérique du Nord, les aliments préférés des
enfants, obèses ou non, sont souvent hypercaloriques [DREWNOWSKI, 1988]. Les
ingesta lipidiques des enfants prédisent leur niveau d’adiposité [GAZZANIGA, BURNS,
1993 ; NGUYEN et al., 1996]. Les enfants gros aiment les aliments très gras, ont une
alimentation riche en lipides et ont des parents gros [FISHER, BIRCH, 1995].
L’environnement alimentaire des enfants gros est systématiquement différent de
celui des enfants plus minces. Chez l’adulte, les études épidémiologiques, celleslà mêmes qui ne trouvent pas de corrélation entre ration énergétique et
corpulence, trouvent parfois des corrélations positives entre apports en lipides et
corpulence.
Les données récentes concernant le métabolisme des graisses soulignent
comment les lipides peuvent facilement favoriser une déposition de graisses
corporelles [FLATT, 1987 ; DREON et al., 1988 ; DATILLO, 1992 ; JÉQUIER, 1992 ;
GAZZANIGA, BURNS, 1993 ; BOLTON-SMITH, WOODWARD, 1994 ; LISSNER, HEITMANN,
1995 ; NGUYEN et al., 1996 ; TREMBLAY, SAINT-PIERRE, 1996].
L’obèse abuse-t-il des protéines alimentaires? Cette hypothèse vient d’être
proposée par ROLLAND-CACHERA [1994]. Les études épidémiologiques mettent
souvent en évidence une corrélation entre apports protéiques et corpulence. Cette
observation pourrait être due au fait que les obèses sous-estiment et sousrapportent leurs ingesta d’aliments “qui font grossir”, c’est-à-dire les lipides et les
sucres. Elle pourrait aussi résulter du fait que les obèses qui sont au régime de
5-2
L’OBÈSE CHOISIT MAL SES ALIMENTS
façon plus ou moins continue depuis des années, ont appris à s’alimenter surtout
d’aliments riches en protéines et à rejeter les graisses et les sucres.
Dans nos pays développés, en Europe et en Amérique du moins, les
apports protéiques sont très supérieurs aux recommandations des experts
nutritionnistes. La ration recommandée représente 12 % de l’énergie totale
ingérée quotidiennement [DUPIN et al., 1992]. Les adultes en consomment plus
de 15 % et parfois jusqu’à 18 ou 20 %. Une étude épidémiologique longitudinale
montre que le rôle de l’excès des protéines alimentaires pourrait être causal dans
le développement de l’obésité, du moins chez l’enfant [ROLLAND-CACHERA, 1995].
Des rations protéiques très élevées à l’âge de deux ans, chez des enfants déjà
obèses ou chez des enfants encore minces à cet âge, sont corrélées à l’adiposité
corporelle à l’âge de huit ans, même après ajustement pour l’IMC de l’enfant à
deux ans et celui de ses parents. Les ingesta énergétiques à deux ans (la ration
calorique quotidienne) ne sont pas corrélés à la corpulence à huit ans, une fois
ajustés pour l’IMC des parents. Les ingesta protéiques à l’âge de deux ans sont
très supérieurs aux recommandations : la moyenne pour l’ensemble de la
population est quatre fois supérieure aux rations recommandées. Chez les enfants
obèses à huit ans, les rations protéiques enregistrées à l’âge de deux ans sont
jusqu’à dix fois supérieures aux recommandations. L’excès protéique peut agir
sur la croissance de l’enfant en modifiant l’état hormonal de façon chronique,
affectant la taille puis la corpulence. Des études expérimentales devront vérifier
cette hypothèse.
Il a été proposé que l’obèse soit exceptionnellement sensible aux qualités
sensorielles des aliments et qu’il abuse des bonnes choses. Une hypothèse
ancienne [SCHACHTER, 1968 ; 1971] affirmait, à partir d’études réalisées sur des
modèles animaux, que les obèses sont prêts à manger beaucoup de ce qui est bon,
qu’ils cèdent facilement à la tentation, mais qu’ils sont très réticents à consommer
des aliments au goût peu flatteur. Inversement, les obèses, toujours d’après cette
hypothèse, seraient moins sensibles que les normopondéraux aux signaux
physiques indiquant la faim ou la satiété. De nombreuses études ont été suscitées
par cette hypothèse. Il en ressort que certaines personnes, obèses ou non, sont
effectivement très sensibles à la stimulation sensorielle et sont facilement
entraînées à manger des aliments agréables même si elles n’ont pas faim. Ce trait
de la personnalité peut sans doute nuire à la conduite d’un régime restrictif.
Cependant, il n’est pas plus fréquent chez les obèses que chez les
normopondéraux. Les nombreuses expériences décrites dans cette monographie
montrent bien qu’il est facile de stimuler la consommation alimentaire même chez
des normopondéraux et que les signaux de faim ou de satiété ont une influence
limitée chez tous les humains, qu’ils soient obèses ou non. L’hypothèse voulant
que ce soit l’abus de bonnes choses, la gourmandise, qui soit à l’origine de
l’obésité, n’est donc pas démontrée.
97
L’OBÉSITÉ
Chez certaines personnes, une consommation importante de boissons
alcoolisées peut conduire à une prise de poids et entraîner l’obésité. L’alcool
contient 7 kilocalories au gramme et représente donc une source d’énergie non
négligeable. Les ingesta d’alcool jouent un rôle complexe dans le bilan d’énergie.
Encore une fois, le problème de la régulation énergétique est posé. Les résultats
expérimentaux ne sont pas clairs. Dans certains cas, les calories tirées de l’alcool
sont compensées par une diminution de la prise alimentaire [FOLTIN et al., 1993].
Dans d’autres cas, ces calories s’ajoutent simplement à la ration quotidienne, sans
aucune compensation [RISSANEN et al., 1987 ; DE CASTRO, OROZCO, 1990]. Les
circonstances qui favorisent une compensation ne sont pas clairement définies.
L’association alcool plus lipides est particulièrement propice à faciliter
l’accumulation de graisses corporelles, même si la densité de l’alimentation est
contrôlée [TREMBLAY, SAINT-PIERRE, 1996].
98
5-3 Troisième hypothèse :
le comportement alimentaire
de l’obèse est anormal
Il est souvent observé que la consommation alimentaire des personnes
obèses, enfants ou adultes, est anormalement distribuée au cours de la journée.
Les obèses mangent peu le matin, moyennement à midi, et beaucoup le soir, dans
la soirée et même pendant la nuit. Les observations recueillies chez des enfants de
7 à 12 ans en France confirment ce déplacement horaire de la consommation
alimentaire des obèses [BELLISLE et al., 1988]. Alors que les petits déjeuners des
enfants obèses représentent 15,7 % de l’énergie ingérée au cours de la journée,
ceux des enfants de corpulence normale représentent 19,2 % de la ration
énergétique. Inversement, le dîner des enfants normopondéraux correspond à
28,7 % de l’énergie quotidienne, et celui des enfants obèses à 32,5 %. Un
syndrome de consommation nocturne (“night eating syndrome”) décrit par
STUNKARD [1955] est parfois observé chez des obèses qui se relèvent la nuit pour
manger.
On peut penser qu’un trouble métabolique (peut-être hormonal) pousse
l’obèse à consommer de nuit comme de jour. Chez les obèses humains, l’habitude
des régimes peut renforcer l’habitude de manger tard dans la journée : en effet la
personne au régime est pleine de courage le matin et peut se priver de manger ; à
mesure que la journée avance, la faim se fait sentir de plus en plus fortement ; avec
la fatigue de la journée, il devient de plus en plus difficile de résister à la faim, si
5-3
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL
bien que le grignotage commence dans l’après-midi et que la résistance
psychologique s’effondre dans la soirée, ce qui explique l’importance du dîner et
la consommation devant la télévision.
Chez les modèles animaux de l’obésité, causés par une lésion cérébrale, par
l’administration d’insuline, ou encore par des manipulations du régime
alimentaire, l’une des premières manifestations de l’obésité en train de se
développer est une altération de l’alternance jour/nuit entre une période d’activité
où l’animal mange et boit, et une période de repos où l’animal dort et réduit son
activité au minimum [LE MAGNEN, 1992]. Les animaux en train de devenir obèses
mangent jour et nuit. Pendant leur période d’activité, ils consomment comme leurs
pairs non-obèses ; ces derniers ne mangent pas pendant la période de repos et
dépensent les calories accumulées pendant la période d’activité précédente alors
que les animaux obèses continuent leur consommation. Ce cycle comportemental
perturbé chez l’obèse s’accompagne d’une altération du cycle neuro-endocrinien
qui commande la lipogenèse pendant la phase active et la lipolyse pendant la
phase de repos. Les traitements expérimentaux qui rendent les rats obèses ont
souvent pour effet de faire disparaître ou d’atténuer considérablement la lipolyse
diurne et, sur le plan comportemental, de faire manger l’animal le jour comme la
nuit. Au lieu d’une alternance lipogenèse-lipolyse qui assure l’équilibre circadien
du bilan d’énergie, l’animal fait de la lipogenèse continue.
Cette observation a fait dire à LE MAGNEN [1988] que l’obèse n’est peut-être
pas tant celui qui grossit mais plutôt celui qui ne maigrit pas. De multiples
observations réalisées chez des modèles animaux suggèrent que les perturbations
neuro-endocriniennes sont “premières” dans l’instauration du déséquilibre
métabolique conduisant à l’obésité, par rapport aux troubles comportementaux
qui apparaissent comme “secondaires”.
En plus de l’horaire de la consommation, il se peut que les obèses mangent
moins souvent que les témoins de poids normal [FABRY, TEPPERMAN, 1970 ; GATENBY,
1997]. Des études publiées par FABRY et ses collaborateurs montraient que des
hommes adultes ingérant un petit nombre de repas par jour (trois ou quatre,
comprenant collations et autres casse-croûte) étaient plus adipeux (selon des
mesures de poids et de plis cutanés) et avaient un quotient cholestérol/
phospholipides sériques élevé, en comparaison avec des hommes consommant
cinq ou six repas quotidiens [FABRY et al., 1964 ; HEJDA et al., 1964].
Chez 226 enfants de 6 à 16 ans, pensionnaires dans trois établissements
scolaires différents, une intervention d’une année a consisté à servir l’alimentation
quotidienne soit en trois, soit en cinq, soit en sept repas. Le poids rapporté à la
taille est plus élevé au bout de cette année chez les élèves de l’école où l’on sert
trois repas par jour, en comparaison de celles où l’on en sert cinq ou sept [FABRY
et al., 1966].
99
L’OBÉSITÉ
100
Des enquêtes plus récentes ont reproduit les observations de FABRY [METZNER
et al., 1977 ; CHARZEWSKA et al., 1981 ; DALASSO et al., 1982 ; KANT, 1995 ;
SUMMERBELL et al., 1996 ; ANDERSON, ROSSNER, 1996]. Ces études ont été critiquées
pour leur méthodologie qui laisse une large place à la sous-déclaration des ingesta
de la part des obèses [BELLISLE et al., 1997]. En effet, lorsque les données provenant
de personnes qui manifestement sous-déclarent leurs ingesta sont éliminées, les
associations entre nombre de repas et adiposité corporelle deviennent beaucoup
moins nettes [SUMMERBELL et al., 1996]. Il est également possible que les personnes
obèses ou qui veulent maigrir sautent des repas afin de limiter leur consommation.
C’est l’obésité ou le surpoids qui pourraient ainsi entraîner une distribution de la
ration alimentaire sur un petit nombre de repas quotidiens, et non l’inverse.
L’addition des effets de la sous-déclaration par les obèses et de l’omission d’un ou
de plusieurs repas par les personnes au régime suffit peut-être à expliquer la
relation inverse entre adiposité et nombre de repas. Il semble en tous cas certain
qu’il ne suffit pas d’augmenter le nombre de repas quotidiens pour maigrir.
Plusieurs études cliniques montrent qu’un même régime amaigrissant n’est pas
plus efficace s’il est distribué sur un plus grand nombre de repas [BORTZ et al.,
1966 ; FINKELSTEIN, FRYER, 1971 ; YOUNG et al., 1971 ; GARROW et al., 1981 ;
VERBOEKET-VAN DE VENNE, WESTERTERP, 1991] malgré quelques indications isolées
dans ce sens [DEBRY et al., 1973].
L’obèse est souvent considéré comme un grignoteur dont la consommation
entre les repas est importante. Il existe peu de travaux portant sur le grignotage,
que ce soit chez l’obèse ou chez le témoin de poids normal. Le grignotage est très
difficile à mesurer et ceux qui le pratiquent en sont à peine conscients. Dans une
étude récente réalisée chez un groupe de femmes obèses [BASDEVANT et al.,
1993a], le grignotage est décrit comme une absorption quasi automatique
d’aliments, par petites quantités fractionnées. Ce comportement a un caractère
mécanique et peut se dérouler sur des périodes plus ou moins longues. Il peut
donc représenter une charge énergétique considérable s’il se poursuit assez
longtemps. Il n’est pas déclenché par l’envie d’aliments particuliers. Sur 273
patientes obèses vues en consultation, 60 % manifestent un comportement de
grignotage, ce qui entraîne des apports extra-prandiaux conséquents (430 kcal par
jour). Chez les grignoteuses de cette étude, les consommations au cours des repas
sont supérieures à celles des non-grignoteuses (1 800 contre 1 580 kcal au total
par jour). Plus de la moitié des grignotages ont lieu l’après-midi; les aliments le
plus souvent choisis sont les pâtisseries, les viennoiseries, les fruits, le chocolat, le
fromage, la viande, les produits laitiers et le pain. Les données de cette étude
représentent les ingesta déclarés par les patientes elles-mêmes. On peut se
demander si elles ont effectivement rapporté de façon exacte toutes leurs
consommations aussi bien prandiales qu’extra-prandiales quant à la quantité et
quant à la nature des aliments. Ce problème du grignotage est comme on le voit
5-3
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL
très difficile à apprécier, faute de moyens de mesure suffisamment précis. Il est
pour l’instant impossible d’établir le rôle causal d’un grignotage dans le
développement ou le maintien de l’obésité en général.
L’obèse est-il sujet à des crises de boulimie? La boulimie mentale est une
maladie répertoriée en psychiatrie, caractérisée par une propension à des accès de
consommation alimentaire forcenée, très abondante, très riche, et très rapide. Nous
verrons plus loin comment la patiente atteinte de cette pathologie agit pour
conserver un poids normal. Chez l’obèse, il pourrait exister une tendance à la crise
d’hyperphagie irrépressible, sans les corrélats psychiatriques de la boulimie mentale.
Il est évident qu’une personne qui présente ce comportement avec une fréquence
importante est à risque de devenir obèse ou de le rester, car la prise calorique est
importante et, à cause de cette importance, a peu de chance d’être compensée par
une diminution correspondante des ingesta futurs. Les accès d’hyperphagie peuvent
donc faciliter le développement ou le maintien d’une obésité.
Des experts américains ont affirmé que l’obèse, contrairement au sujet de
poids normal, vide systématiquement son assiette. Ce comportement, s’il est
vérifié, suggère que le consommateur détermine ses ingesta non pas en fonction
de sa faim ou de ses besoins nutritionnels mais en fonction de facteurs
complètement externes comme la taille d’une portion. Une personne qui tient
compte de sa faim mange en fonction de ses signaux physiologiques et s’arrête de
manger lorsqu’elle atteint le rassasiement, peu importe si elle doit laisser dans
l’assiette une part plus ou moins importante de ce qui lui est servi. Or, il n’est pas
démontré que les obèses soient moins compétents dans ce domaine que les
normopondéraux. Tous sont sous l’influence de signaux sensoriels très puissants et
doivent néanmoins adapter leur comportement à leurs signaux internes. Nous
avons vu plus haut que nous sommes tous différents dans notre sensibilité aux
stimuli internes comme externes et que les obèses, en général, ne se différencient
pas des normopondéraux en général.
Les patients obèses se plaignent souvent qu’ils n’éprouvent jamais la satiété.
Malgré des apports parfois importants, ils s’arrêtent de manger avant d’être
vraiment rassasiés. Il existe quelques travaux de recherche qui quantifient cette
impression subjective des patients obèses. Au cours d’un repas, le rythme
d’ingestion est rapide au début du repas, car il est sous l’influence de la stimulation
sensorielle produite par les caractéristiques organoleptiques des aliments. Pendant
le repas, le rythme d’ingestion décroît progressivement à mesure que les facteurs
sensoriels perdent de leur appétibilité et que se développent des signaux postingestifs provenant du tractus gastro-intestinal. Chez une majorité de sujets
normopondéraux, la courbe cumulative représentant le rythme d’ingestion au
cours du repas montre une décélération claire ; chez plusieurs sujets obèses, cette
décélération ne se produit pas et le rythme d’ingestion demeure le même entre le
début et la fin du repas [MEYER, PUDEL, 1972] (Figure 22).
101
Ingesta (cm3)
L’OBÉSITÉ
Type A
5
102
10
Temps (min)
15
20
10
Temps (min)
15
20
Ingesta (cm3)
Type B
5
Figure 22 — Courbes cumulatives d’ingestion chez deux volontaires au cours de 12 repas.
Le premier sujet, de type A, a une ingestion qui ralentit en cours de repas. Le
second sujet, de type B, a un rythme d’ingestion uniforme du début à la fin du
repas.
Grâce à l’enregistrement oscillographique continu des séquences de
mastication, de déglutition et de pauses au cours de repas standard, il a été montré
au cours de repas consommés en laboratoire que des obèses mangent plus vite que
des témoins normopondéraux [BELLISLE, LE MAGNEN, 1981]. Leur mastication de
bouchées standardisées est plus brève, le nombre de mouvements de mastication
5-3
LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL
par bouchée est réduit, et la durée des pauses entre bouchées successives est plus
courte que chez les témoins. Alors que les témoins ralentissent leur rythme
d’ingestion au cours du repas, par l’allongement de la durée de mastication et de la
durée des pauses entre bouchées, ces paramètres demeurent les mêmes entre le
début et la fin d’un repas chez les obèses. Si le ralentissement du rythme d’ingestion
est bien un marqueur comportemental du rassasiement, alors le comportement de
certains obèses pendant un repas n’en montre aucun signe (Figure 23).
20
Normopondéraux
Obèses
15
Fréquence
(n=115)
10
103
5
0
50
60
70
Proportion des ingesta à mi-durée du repas (%)
Figure 23 — Distribution des 115 sujets de l’étude en fonction de la proportion des ingesta
observée durant la première moitié d’un repas. Les sujets obèses sont retrouvés
le plus souvent parmi les volontaires qui ont consommé entre 50 et 60 % de
leurs ingesta pendant la première moitié de la durée du repas. Les sujets
normopondéraux ont le plus souvent consommé entre 60 et 70 % de leurs
ingesta pendant la première moitié de la durée du repas. D’après MEYER et
PUDEL [1972].
Une autre différence entre obèses et normopondéraux pourrait être la
consommation de boisson au cours du repas, qui est peut-être plus importante
chez l’obèse [BELLISLE, LE MAGNEN, 1981]. Si la boisson est de l’eau, ceci ne tire pas
L’OBÉSITÉ
à conséquence. Toutefois si la boisson est du vin, un jus de fruit ou un soda, ce
comportement contribue pour une part non négligeable aux apports énergétiques
et peut aboutir à créer un excès. Cette observation doit cependant être vérifiée
dans d’autres contextes expérimentaux avant de pouvoir y attribuer un rôle dans
le développement ou le maintien de l’obésité. Il est démontré que l’énergie
apportée par les boissons (ou les aliments liquides) est moins bien intégrée dans
les mécanismes de régulation alimentaire que celle qui provient d’aliments solides
et que la compensation pour cette énergie est moins précise [RAMIREZ, 1982].
RAMIREZ et collaborateurs [RAMIREZ et al., 1989] pensent que des effets osmotiques
pourraient aussi jouer un rôle : les aliments liquides ou gras, c’est-à-dire les
aliments à osmolarité faible, créent des conditions osmotiques dans le tractus
gastro-intestinal qui pourraient favoriser l’hyperphagie.
5-3-1 Thérapie comportementale
104
Si les comportements d’ingestion de l’obèse sont effectivement susceptibles
de favoriser l’obésité, alors il n’est pas impossible qu’en changeant ces
comportements, il soit possible d’aider l’obèse à maigrir.
La constatation que le comportement alimentaire, comme tout autre
comportement d’ailleurs, peut être placé sous l’influence des stimuli de
l’environnement, a inspiré les thérapies comportementales proposées aux
personnes qui veulent maigrir. Leurs comportements alimentaires peuvent être
modifiés par une intervention qui porte sur les conditions dans lesquelles les gens
mangent et sur les stimuli susceptibles de faire manger moins ou davantage. La
prise alimentaire peut être déclenchée par de multiples facteurs dans
l’environnement : heure de la journée, publicité à la télévision, simple présence
d’aliments, etc. Les programmes de thérapie comportementale visent à limiter au
maximum les effets de ces stimuli : le patient doit apprendre à ne manger que dans
un environnement précis ; seuls les aliments adéquatement préparés et servis
convenablement (sur une table, avec nappe et couverts) peuvent être consommés ;
il faut manger lentement, reposer ses couverts sur la table entre chaque bouchée,
ne pas lire ni regarder la télévision pendant un repas.... Les thérapies
comportementales enregistrent souvent des résultats positifs : les patients perdent
du poids de façon durable, cependant la perte de poids maximale n’est pas très
élevée. Une évaluation publiée en 1980 [STUNKARD et al., 1980] concluait que la
perte de poids est plus lente et moins importante avec les techniques
comportementales (quelques dix kilos sur plusieurs semaines) qu’avec les régimes
classiques ; cependant un an après le début du traitement, les kilos perdus ne sont
pas repris. Il est peut-être plus facile de limiter les circonstances et les horaires des
repas que la quantité ou la nature des aliments choisis.
5-5
CONTRIBUTION DE L’ENVIRONNEMENT
5-4 Quatrième hypothèse : l’obèse
mange pour de mauvaises raisons
En plus de la notion que l’obèse mange à cause d’une gourmandise
incontrôlable, que nous avons examinée plus haut, d’autres notions ont été
proposées pour expliquer une éventuelle hyperphagie de l’obèse. Déjà Hilde
BRUCH [1984] pensait qu’une mère pouvait encourager chez son enfant une
consommation alimentaire excessive en répondant à toutes les demandes de
l’enfant (demande d’attention, de soins, etc.) par la présentation de nourriture.
L’enfant deviendrait ainsi incapable de différencier ses multiples besoins et
apprendrait que la réponse adaptée à toute situation difficile (contrariété, stress,
fatigue, etc.) est la consommation d’aliments. Cette hypothèse est intéressante
mais elle est difficile à prouver. On sait qu’il existe chez certaines personnes une
telle tendance à manger dans les situations d’anxiété ou de stress, cependant ces
personnes ne sont pas nécessairement obèses [FANTINO, GOILLOT, 1986 ; BELLISLE
et al., 1990b]. Chez l’obèse, il semble que la consommation d’un repas réduise
effectivement le niveau d’anxiété [ROBINSON et al., 1980]. Cependant, il n’est pas
démontré que le sujet obèse a recours à l’aliment pour manipuler son niveau
d’anxiété.
5-5 Contribution de l’environnement
Une étude réalisée chez des jumeaux fraternels ou identiques, élevés
séparément depuis la naissance, suggère fortement un rôle capital de l’hérédité, et
un rôle modeste des conditions de l’environnement dans le niveau d’adiposité
corporelle atteint par un sujet adulte [STUNKARD et al., 1986].
La comparaison de populations différentes, en particulier entre pays
industrialisés et pays en voie de développement, montre sans ambiguïté qu’il y a
davantage d’obèses dans les pays riches. Dans plusieurs pays asiatiques
récemment industrialisés, la prévalence de l’obésité augmente de façon fulgurante
avec l’abandon du mode de vie traditionnel et le passage à un mode de vie, en
particulier alimentaire, typique du monde occidental. Ces observations attestent
d’une forme de relation entre consommation et corpulence qui n’est pas
incompatible avec le manque de corrélation au niveau individuel évoqué plus
haut.
105
L’OBÉSITÉ
Des populations d’enfants français (1 à 3 ans, n = 727 et 7 à 12 ans, n =
333) ont été réparties en groupes en fonction de la profession du père (Figures 24
et 25) [ROLLAND-CACHERA, BELLISLE, 1986 ; ROLLAND-CACHERA et al., 1988]. L’étude
des ingesta de ces enfants montre clairement que les apports nutritionnels
quotidiens sont différents entre classes socio-professionnelles. Les enfants
d’ouvriers, quelle que soit leur corpulence, mangent plus que les enfants de
cadres. À l’intérieur de chaque classe socio-professionnelle, l’absence de
corrélation entre consommation individuelle et corpulence est observée.
1400
(28)
▲
1350
▲
(42)
(48)
▲
▲
(309)
1300
▲
1250
(201)
(17)
(26)
★
★
★
(30)
★
1200
(8)
▲ Ouvriers
★ Cadres et professions libérales
★
s
èse
ob
s
gro
s
en
mo
y
es
mi
nc
res
1150
ma
ig
106
Consommation énergétique (kcal/jour)
(18)
Enfants de 1 à 3 ans
Figure 24 — Consommation alimentaire quotidienne dans deux groupes d’enfants
appartenant à deux catégories socio-professionnelles définies selon la
profession du père : ouvriers et cadres ou professions libérales. Les enfants
sont répartis en cinq classes selon leur niveau de corpulence. Âge des enfants :
un à trois ans. D’après ROLLAND-CACHERA et collaborateurs [1988].
5-5
CONTRIBUTION DE L’ENVIRONNEMENT
2800
▲
2600
(11)
(13)
▲
(71)
▲
●
2400
(68)
2200
▲
(11)
(18)
●
★
(17)
●
▲
(32)
●
(13)
★
(22)
●
(20)
(8)
★
1800
▲ Ouvriers
● Ouvriers qualifiés
★ Cadres et professions libérales
★
ns
s
(3)
2000
★
(4)
s
èse
ob
gro
ye
mo
es
nc
mi
igr
es
1600
ma
Consommation énergétique (kcal/jour)
(22)
Enfants de 7 à 12 ans
Figure 25 — Consommation alimentaire quotidienne dans trois groupes (totalisant 333
sujets) d’enfants appartenant à trois catégories socio-professionnelles définies
selon la profession du père : ouvriers, ouvriers qualifiés, et cadres ou
professions libérales. Les enfants sont répartis en cinq classes selon leur niveau
de corpulence. Âge des enfants : 7 à 12 ans. D’après ROLLAND-CACHERA et
BELLISLE [1986].
Or, la proportion d’enfants gros ou obèses est plus importante dans les
milieux où la consommation énergétique quotidienne est plus élevée (Figure 26)
[ROLLAND-CACHERA et al., 1988]. Cette apparente contradiction souligne qu’il ne
faut pas, lorsqu’on parle de la relation entre alimentation et corpulence, confondre
deux types de comparaisons : comparaison entre populations différentes (par
exemple classes socio-professionnelles) et comparaisons cas/témoins (par exemple
obèses et normopondéraux) à l’intérieur d’une même population. On peut faire
l’hypothèse d’une interaction entre la constitution individuelle, déterminée par la
génétique, et l’environnement [ROLLAND-CACHERA et al., 1988].
107
L’OBÉSITÉ
Pourcentage des sujets (%)
100
50
0
obèses
gros
3%
12%
1%
8%
3%
13%
4%
13%
moyens
70%
74%
69%
68%
minces
12%
12%
12%
11%
maigres
3%
5%
3%
4%
Population
totale
108
Cadres et
professions
libérales
Ouvriers
Ouvriers
qualifiés
Figure 26 — Pourcentage d’enfants maigres, minces, moyens, gros et obèses dans une
population de 2 440 enfants répartis en trois catégories socio-professionnelles
définies selon la profession du père : ouvriers, ouvriers qualifiés, et cadres ou
professions libérales. Âge des enfants : 7 à 12 ans. D’après ROLLAND-CACHERA
et BELLISLE [1986].
Le style de vie, et en particulier le régime alimentaire d’une population,
soumet les individus à des conditions où sont mises à l’épreuve les capacités
d’adaptation et de régulation de chacun. Plus le régime habituel excède les
besoins en énergie, plus grande est la proportion d’individus dont les capacités de
résistance à l’obésité (qu’elles soient métaboliques ou associées à l’activité
physique) sont dépassées. En d’autres termes, des facteurs de l’environnement tels
qu’un régime très riche en énergie, agissent de manière facilitatrice ou permissive
dans le développement de l’obésité, bien que le comportement de l’obèse ne soit
pas nécessairement différent de celui des personnes normopondérales vivant dans
les mêmes conditions. Cette hypothèse est appuyée par les travaux portant sur des
paires de jumeaux identiques (monozygotes), qui ont établi que la réponse à une
suralimentation ou à une sous-alimentation chronique prolongée dépend de la
susceptibilité individuelle, largement déterminée par les gènes [BOUCHARD,
PÉRUSSE, 1988 ; BOUCHARD et al., 1988a ; 1988b ; 1990 ; BOUCHARD, PÉRUSSE, 1993].
5-6
5-6
CONCLUSIONS SUR L’OBÉSITÉ
Conclusions sur l’obésité
Les travaux existants montrent que certains comportements sont
potentiellement facilitateurs de l’hyperphagie. L’hyperphagie prolongée favorise
un bilan d’énergie positif qui, à plus ou moins long terme, mène à l’obésité.
Cependant, les comportements en question sont rarement spécifiques des sujets
obèses et se retrouvent aussi bien chez des témoins normopondéraux. On peut
donc conclure qu’il n’existe pas un profil alimentaire spécifique de la population
des obèses en général. Toutefois, certains comportements, chez certaines
personnes, peuvent contribuer à créer ou à maintenir l’obésité.
Lorsque des comportements potentiellement anti-régulateurs sont observés
dans un groupe d’obèses, la relation de cause à effet entre ces comportements et
l’obésité reste à établir. De plus, le sens de la relation de cause à effet n’est pas
toujours clair : par exemple est-ce le fait de manger tard qui rend obèse ou bien le
fait d’être obèse qui conduit à manger de plus en plus tard dans la journée?
On le voit, la recherche sur l’obésité n’est pas facile. Malgré toutes les
limitations évoquées ici, un consensus assez large existe sur plusieurs aspects de
l’obésité :
– la multiplicité des étiologies ;
– le comportement alimentaire ne peut pas toujours être incriminé comme facteur
premier dans l’obésité ;
– le déterminisme biologique est important. L’influence de facteurs génétiques sur
le métabolisme du tissu adipeux et sur la distribution corporelle des réserves
adipeuses (périphériques ou centralisées) est démontrée ;
– certains environnements sont plus propices au développement d’obésités que
d’autres, d’où l’importance d’une hygiène de vie ;
– la sédentarité est, à côté du comportement alimentaire, un élément du style de
vie susceptible de jouer un rôle déterminant dans l’obésité [SCHUTZ et al., 1982 ;
ROLLAND-CACHERA, 1993 ; 1997].
109
6 – Les troubles
des comportements
alimentaires
Les mécanismes de commande du comportement alimentaire assurent la
régulation nutritionnelle de façon efficace chez la majorité des humains.
Cependant, des troubles plus ou moins graves du comportement peuvent apparaître.
L’anorexie mentale (anorexia nervosa) est un trouble psychiatrique sévère
mais peu fréquent. Jusqu’à ces toutes dernières années, on a beaucoup parlé de
l’anorexie mentale de la jeune fille : amaigrissement spectaculaire survenant à la
puberté et précipité par des facteurs psychosociaux. Ce trouble se caractérise sur
le plan comportemental par une abstinence alimentaire très rigoureuse, parfois
accompagnée de rituels liés à l’alimentation, une hyperactivité physique et
intellectuelle, un évitement des situations de contact (et surtout de conflit)
interpersonnel, parmi d’autres symptômes. La raison avouée de la restriction
alimentaire est la phobie de la graisse corporelle, la peur de grossir. Dans cette
pathologie, les mécanismes de commande du comportement alimentaire sont
apparemment inactivés. La malade ne ressent pas la faim mais une satiété totale,
du moins c’est ce qu’elle affirme [SUNDAY, HALMI, 1990].
De très nombreux ouvrages ont paru sur cette affection grave dont le
traitement peut relever de démarches très différentes et souvent complémentaires :
hospitalisation, isolement, “contrats” de prise de poids, psychanalyse, thérapie
cognitivo-comportementale, pharmacothérapie, etc. Depuis peu, on décrit de plus
en plus souvent des cas d’anorexie mentale dans diverses populations : enfants
pré-pubères des deux sexes [LASK, BRYANT-WAUGH, 1993], hommes et femmes
d’âge mûr, et même personnes âgées [MORLEY, 1997]. La crainte de grossir et le
refus de l’aliment sont des constantes de l’anorexie dans tous les cas.
La boulimie (bulimia nervosa) est un autre trouble du comportement
alimentaire dont les formes graves sont traitées en psychiatrie. Il se caractérise par
des accès fréquents (plusieurs fois par semaine) de consommation alimentaire
effrénée, au cours desquels le mangeur a l’impression de perdre le contrôle de son
comportement. La crise de boulimie a lieu en cachette et s’arrête avec l’irruption
d’un témoin. La définition psychiatrique de la boulimie insiste sur la présence de
comportements “correcteurs” des excès alimentaires : vomissements surtout mais
aussi usage de laxatifs ou de diurétiques, etc. Cette stratégie est efficace : le ou la
boulimique a un poids normal.
Parfois des périodes de régime strict et des accès de boulimie alternent chez
certaines personnes. Il est vraisemblable que dans ce cas, les accès de boulimie
111
LES TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
soient effectivement déclenchés par un état de besoin physiologique irrépressible
qui suit une privation prolongée. La consommation alimentaire n’est pas vécue ici
comme un acte positif visant à nourrir et à couvrir les besoins de l’organisme, mais
plutôt comme une faiblesse coupable qui aura les pires effets sur le poids. Il arrive
que des patientes anorexiques s’installent à long terme dans un jeûne quasi
permanent entrecoupé de périodes de boulimie ; on parle alors d’anorexiquesboulimiques.
La boulimie peut se résoudre d’elle-même après quelques années. De plus
en plus, les boulimiques consultent médecins et psychologues pour surmonter leur
problème. Plusieurs types de thérapie ont donné de bons résultats.
Les travaux scientifiques actuels [HOEK et al., 1995] soulignent l’importance
des facteurs génétiques dans l’anorexie mentale et celle des facteurs de
l’environnement dans la boulimie. L’anorexie mentale est observée avec une
prévalence comparable, quels que soient l’époque et le contexte socioculturel. Au
contraire, la prévalence de la boulimie dans une société dépend des contraintes
sociales qui imposent une restriction alimentaire importante, en particulier aux
jeunes femmes. Chez les obèses, la présence d’un trouble du comportement
alimentaire constitue un sérieux handicap au traitement.
112
Les goûts chez les patientes atteintes de troubles des comportements
alimentaires (anorexie mentale, boulimie) ont été abondamment étudiés afin de
déterminer leur rôle dans l’établissement ou le maintien de la maladie. Une
aversion pour les graisses apparaît clairement dans ces pathologies [DREWNOWSKI
et al., 1990]. La dimension hédonique, agréable, de solutions très sucrées (40 %)
est augmentée chez les femmes souffrant de boulimie nerveuse, comparées à des
femmes sans troubles des comportements alimentaires et à des anorexiquesboulimiques [FRANKO et al., 1994]. Aucune différence d’évaluation de l’intensité
des solutions sucrées (0 à 40 % de saccharose) n’apparaît entre ces trois groupes.
Il demeure à établir si la palatabilité élevée des solutions très sucrées chez les
boulimiques implique une attirance augmentée pour des aliments sucrés et
constitue un facteur capable de faciliter la crise de boulimie.
Des femmes boulimiques normopondérales ont plus d’attirance pour des
produits laitiers sucrés et des solutions sucrées que des témoins du même âge
[DREWNOWSKI et al., 1987a ; 1987b ; DREWNOWSKI, 1989]. Des patientes
anorexiques hospitalisées aux États-Unis aiment les aliments laitiers sucrés, alors
que des anorexiques hospitalisées en France ne les apprécient pas davantage que
des témoins sains du même âge [DREWNOWSKI et al., 1987b ; SIMON et al., 1993].
Les préférences des anorexiques pour les aliments sucrés ne sont pas modifiées à
l’issue d’une cure de renutrition et ne paraissent donc pas dépendre du statut
nutritionnel.
.
LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
En dehors des catégories psychiatriques, le comportement de restriction
alimentaire chronique est une source potentielle de troubles nutritionnels. Des
questionnaires ont été validés afin d’en mesurer la sévérité et celle d’autres
paramètres (sensations de faim, vulnérabilité à la désinhibition, au stress, à la
stimulation sensorielle) susceptibles d’induire une dérégulation comportementale
[STUNKARD, MESSICK, 1985 ; VAN STRIEN et al., 1986]. Les personnes de poids normal
pour leur taille et leur âge qui s’astreignent néanmoins à un régime restrictif
chronique sont à risque de carences ou de déséquilibres nutritionnels. C’est
pourquoi en Amérique du Nord, on considère la restriction chronique de la prise
alimentaire comme un trouble potentiellement grave qu’il faut soigner [HERMAN,
1978 ; POLIVY, HERMAN, 1987]. La restriction chronique et irrationnelle est
sûrement un comportement qui menace la croissance ou même la santé d’un
grand nombre de jeunes filles [HILL et al., 1992 ; HILL, 1993] et d’adultes [HERMAN,
POLIVY, 1980], même si ce comportement ne relève pas de la psychiatrie.
113
Conclusions
La consommation alimentaire est le versant comportemental de
mécanismes qui assurent la régulation du bilan d’énergie. Une approche
scientifique permet d’étudier ce comportement dans la continuité des mécanismes
de régulation physiologiques. Dans l’espèce humaine, le comportement répond
non seulement aux impératifs biologiques et aux sollicitations de l’environnement
naturel, mais il s’inscrit aussi dans une culture, dans un environnement social,
dans un contexte économique. Ces derniers facteurs qui modèlent tout
comportement humain, imposent des règles d’exécution aux conduites
alimentaires. Pour autant, ils ne doivent pas faire oublier le rôle biologique,
régulateur, vital du comportement alimentaire.
Des protocoles expérimentaux, répondant aux mêmes exigences de rigueur
que toute autre recherche scientifique, ont permis de quantifier les divers
paramètres du comportement alimentaire humain dans des conditions stables ou
changeantes, et d’en identifier les déterminants. Les signaux de faim, de satiété, de
rassasiement, les mécanismes d’apprentissage classique ou instrumental, comme
chez les autres espèces animales, déterminent divers aspects de ce comportement.
Les exigences de la biologie s’expriment dans un contexte social. Ce
contexte peut parfois jouer un rôle anti-physiologique. En empêchant ou en
limitant le jeu des mécanismes reposant sur la biologie, il peut mettre en péril
l’efficacité de la régulation. Les sociétés industrialisées offrent des ressources
alimentaires sans précédent. Ce développement s’accompagne d’une épidémie
d’obésité et de l’apparition de troubles des comportements alimentaires relevant
de la psychiatrie. L’obésité frappe le mangeur humain, enfant ou adulte, et souvent
ses animaux familiers, ce qui suggère un partage d’éléments nocifs du style de vie.
Pléthore alimentaire et sédentarité sont au premier rang des suspects. L’étude des
comportements régulateurs efficaces, chez l’homme comme chez l’animal, nous
montre une structure complexe et souple des activités de la journée, qui permet
d’intégrer une grande variabilité des apports alimentaires. Cette structure se
caractérise par des cycles où alternent des épisodes de consommation avec des
épisodes de non-consommation alimentaire. Au cours de chaque phase de ces
cycles, le consommateur ressent des signaux internes multiples correspondant à la
faim ou à la satiété, à un appétit spécifique ou à un rassasiement spécifique ou
général. La disparition de cycles clairs, de ces alternances d’états physiologiques,
favorisée par l’omniprésence d’aliments et de boissons disponibles à toute heure
et sans restriction, apparaît comme un important facteur causal de la
dysrégulation.
Certains aliments nouveaux mettent le consommateur humain dans des
situations inédites pour lesquelles l’Évolution naturelle n’a pas pu jusqu’à présent
115
CONCLUSIONS
sélectionner de mécanismes de sauvegarde, comme elle l’a fait pour prémunir les
animaux que nous sommes contre la pénurie. Les aliments industriels de densité
énergétique très élevée, souvent hyperlipidiques, de même que ces aliments
conçus pour ne pas nourrir tout en procurant une stimulation sensorielle agréable,
représentent de nouveaux défis aux mécanismes de régulation chez un
consommateur de plus en plus inactif et sollicité.
Ces quelques lignes de conclusion font ressortir que, si l’humanité a su au
cours de son histoire, par une certaine forme de progrès matériel, faire reculer les
risques de pénurie, il lui reste à imaginer comment se prémunir contre les
perversions de ce progrès. Le pari que nous pouvons faire ici, après avoir évoqué
tant de travaux éminents, est que la recherche scientifique concernant les
conditions dans lesquelles s’effectue aujourd’hui la régulation alimentaire
humaine a encore des révélations utiles à prodiguer, pourvu que nous puissions
disposer des moyens nécessaires.
116
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136
Index
Acquis
16
Adiposité
87, 92, 94, 96, 97, 100, 105
Additifs
88
Agueusie
57
Alcool
36, 41, 43, 68, 87, 98
Alimentation
65, 77, 85, 86
Aliments fonctionnels
71
Allégés
66, 67, 71, 74, 78, 79-88
Anorexie mentale
32, 47, 58, 111
Appétit
14, 17, 22, 28, 49, 51, 57, 59,
67, 72, 73, 76, 79, 95, 96
Appétit spécifique
22, 23
Apprentissage 11, 14, 15, 17, 18, 21, 22,
24, 32, 33, 45, 49
Aspartame
72, 75, 76, 77
Aversion alimentaire conditionnée
14,
20-22
Boulimie
47, 101, 112
Compensation énergétique
24, 67,
73-75, 78, 82-86, 104
Compensation nutritionnelle
74, 83, 85
Comportement
3, 35, 39, 98, 104, 111
Comportement superstitieux
33, 34
Conditionnement classique
14, 17-19,
21, 25
Conditionnement instrumental
17, 18,
29-31, 33
Croissance
113
Cycles biologiques
5, 6, 66
Cycle jour-nuit
5, 6, 7
Densité énergétique
23, 24, 46, 73, 74, 79
Dégoûtant
50
Désinhibition
36
Dysgueusie
57
Eau 3, 4, 32, 34, 41, 75, 79, 86, 87, 103
Échelle analogique visuelle
51
Échelle de catégories
51
Édulcorants intenses
60, 61, 72, 73, 75,
77, 86, 87
Évaluation sensorielle
51, 61, 65
Extinction
21, 25, 30
Faim
9, 41, 48, 67, 68, 74, 75, 83, 84,
97, 98, 101
Faim-satiété
7, 8
Flaveur
13, 24, 57, 59
Fœtus
16, 41
Fonctions sensorielles
51
Génétique
41, 43, 45, 46, 51, 91, 105,
107, 108, 109
Glucides 43, 49, 74, 75, 77, 80, 81, 83,
85, 94
Glutamate
58, 59, 88, 89
Glycémie
7, 8, 9
Goût 41, 43-45, 51-54, 56, 58, 59, 60, 65
Grignotage
6, 99-101
Homéostasie
3, 34, 74
Hyperphagie
36, 60, 79, 80, 94, 101,
104, 105, 109
Hypophagie
94, 95
Index de masse corporelle (kg/m2)
46, 67, 93, 97
Inné
16, 43, 44
Insuline
99
Intensité
51, 55, 61
Lipides
44, 46, 49, 74, 78, 79, 80, 81,
83-87, 98
Loi de l’effet
29
Milieu intérieur
4, 34
Motivation
39, 87
Néophobie
44
Nombre de repas quotidiens
48, 68,
99, 100
Nourrisson
16, 43, 46, 47
Nycthémère
5
Obésité
26, 27, 33, 48, 49, 60, 71, 79,
91, 92-101
Omission
31
Opérant
32, 34
Perception
14, 52-57, 59-61, 66
Phase céphalique
25, 26-29
Phénylthiocarbamide
53, 55
Poids corporel
26, 50, 62, 67, 70, 72,
73, 77, 80, 83, 84, 86, 88, 89, 96
Pouvoir sucrant
72
Préférences
22, 45, 49, 51, 52, 58, 59,
62, 71
Prématurés
29
Protides
49, 58, 74, 77, 78, 81, 83, 85,
96, 97
Punition
31
137
EVALUATION DE L’ETAT NUTRITIONNEL
9, 10, 11, 14, 17, 29, 46,
58, 76, 101, 103
Rebond d’adiposité
92
Recommandations
4, 48, 80
Récompense
30, 50
Régulation 8, 23, 24, 48, 50, 65, 66, 82,
98, 103, 111
Réflexes gusto-faciaux
16, 43
Renforcement
17, 18, 29-34, 77, 87
Restriction alimentaire chronique 25, 36,
37, 47, 78, 85, 112, 113
Rythme d’ingestion
9, 10, 101-103
Salé
44, 45, 51, 55
Satiété 7, 10, 12, 14, 28, 48, 97, 101, 111
Satiété sensorielle spécifique
11
Rassasiement
Sélection alimentaire
14, 21, 57
Semainier alimentaire
39, 40, 68-70
Seuils de perception
55
Sous-déclaration
100
Stress
36, 91, 105
Substituts nutritionnels
81, 82, 86-88
Sucré
33, 43-45, 51, 55, 60-63, 66, 72,
89, 95, 96
Syndrome de consommation nocturne 98
Taille des repas 6, 9, 11, 23, 39-42, 68, 89
Thérapie comportementale
104, 111
Troubles des comportements alimentaires
111, 112
Valeur hédonique
11, 12, 51, 61
Vieillissement
52, 54, 55, 56
138
Achevé d’être imprimé
en avril 1999
sur les presses du Groupe Graphique Chauveheid Stavelot

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