1 La question des contrats de travail des bergers en Isère, abordée

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1 La question des contrats de travail des bergers en Isère, abordée
La question des contrats de travail des bergers en Isère, abordée en réunion
du conseil d’administration de la fédération des alpages de l’Isère : conclusion
de contrats de travail à durée indéterminée intermittents (CDII).
(Propositions pour la réunion du conseil d’administration du mercredi 18 décembre
2013 à Saint-Jean-de-Vaulx, rédaction le jeudi 21 novembre 2013 par Michel DIDIER)
Je me présente (à nouveau) :
- Michel DIDIER, président de l’association des bergers de l’Isère (ABI) qui est
membre de droit du CA de la Fédération des alpages de l’Isère (FAI). De ce fait,
nous parlerons de nous, FAI. Je suis également le secr étaire général du syndicat
des gardiens de troupeaux de l’Isère. Le 29 octobre 2013, mon groupement pastoral
(GP) a voté de ne pas m’embaucher en 2014 après 14 estives successives, vote
réalisé en assemblée générale extraordinaire à laquelle participait, entre autres
personnes invitées, Christophe Moulin de la FAI.
Merci d’avoir inscrit à l’ordre du jour de cette réunion du CA de la FAI, le statut des
bergers.
Je me fais le porte-parole des bergères et des bergers.
Nous avons conscience que nous bousculons les habitudes. Ayant pris
connaissance du droit du travail au sujet de l’embauche des bergères et des bergers,
nous voulons provoquer des changements qui peuvent déranger. Nous pouvons, par
moments, nous sentir isolés et peu suivis dans nos démarches. Peu importe, dirionsnous, tant que nos convictions s’appuient sur le code du travail.
Vu la gravité de la situation qui, probablement, ne paraît pas à tous ainsi, permetteznous d’être précis, rigoureux et exhaustifs, donc de prendre la parole assez
longtemps, au sujet des questions que nous posons.
En effet, posons-nous les 20 questions suivantes.
1° Est-ce qu’il s’agit de quelque chose de précis ?
Oui.
Il s’agit de régulariser les contrats de travail conclus entre les groupements
pastoraux et leurs bergères ou bergers salariés. A savoir, requalifier les contrats à
durée déterminée (CDD) saisonniers en CDI intermittents.
2° Est-ce que cette affaire de contrats de travail à requalifier est importante ?
Oui.
C’est important que le pastoralisme évolue dans un cadre légal. Autant que la
légalité c’est la sécurité des salariés qui est en cause. Plusieurs décès de bergers en
fonction se sont produits. Nous y reviendrons.
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3° Est-ce qu’elle concerne différents groupes de personnes?
Oui.
En premier lieu, cette affaire concerne les bergères et les bergers ; bien évidemment,
les groupements pastoraux sont aussi concernés, tant d’un point de vue de la légalité
que de la fidélisation et de la compétence de leur bergère ou berger.
Ensuite, elle concerne tous les départements pastoraux. Les conventions agricoles
de l’Ariège et des Hautes-Alpes ont des avenants propres au métier de bergère ou
de berger qui incluent une clause de priorité de réembauchage. Or, lorsque cette
priorité est observée de manière systématique, la jurisprudence requalifie les CDD
saisonniers concernés en CDI intermittents (cf. note de bas de page n°4, page 8).
C’est dire que les avenants de ces conventions collectives ne suivent pas le cadre
donné par le code du travail.
Enfin, des élus (maires, conseillers généraux) des régions pastorales ont été alertés
ainsi que quelques députés. Certains s’engagent à écrire à l’inspection du travail, à
contacter la FAI et à interpeller le ministre de l’agriculture.
Souvenons-nous que lors du conseil national de la montagne du 5 février 2001 à
Clermont-Ferrand, Monsieur Glavany, ministre de l’agriculture et de la pêche, a
proposé la mise en place d’un groupe de travail interministériel sur le pastoralisme
auquel il a fixé plusieurs objectifs dont celui de mener une réflexion sur le statut et la
formation des bergers. A cet effet, une réunion de consultation nationale s’est tenue
le 24 octobre 2001 à Vic-en-Bigorre. Elle s’est articulée autour de quatre ateliers
parallèles dont un sur le statut du métier et les conditions de travail.
Le sujet reste hélas d’actualité sans aucun progrès depuis. Nous, bergères et
bergers, déplorons les premiers notre attentisme.
4° Est-ce que cela fait longtemps qu’existe une telle réflexion et est-ce que
beaucoup de personnes s’y sont attelées ?
Oui.
Nous venons de rappeler un épisode. Par ailleurs, la FAI avait, à une époque,
engagé l’idée que des CDII soient conclus entre les groupements pastoraux et les
bergères et les bergers.
Dans un article intitulé « L’emploi pastoral au service d’un territoire », Bruno
Caraguel (salarié et actuel coordinateur général de la FAI) a écrit : « Il convient de
noter que les fonctions de berger permettent, au-delà de la conduite du bétail, de
faire émerger sur le territoire des initiatives nouvelles, à la fois liées au brassage de
populations, aux capacités d’entreprendre des familles qui accèdent aux emplois
pastoraux. (…) Les responsabilités qui incombent aux bergers salariés s’avèrent
élevées, en raison du capital que représentent les troupeaux confiés, de la
vulnérabilité qu’engagent les facteurs liés aux milieux naturels. (…) La précarité
sociale (des bergers) est très élevée et limite les capacités de professionnalisation
qui pourrait être attendues par leurs employeurs en limitant la durée d’exercice de ce
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métier (par exemple, l’accès à la propriété, aux prêts bancaires de longue durée est
difficile…). »
Nous pourrions reprendre beaucoup de paroles ou d’écrits, comme ceux récents de
Jean-Pierre Legeard, président de l’association française de pastoralisme, et ceux de
Bruno Caraguel qui mettent en lumière ces vœux restés pieux.
5° Est-ce qu’il appartient aux missions de la FAI d’accompagner les
groupements pastoraux dans l’embauche des bergers salariés ?
Oui.
Selon ses statuts, la FAI « contribue à la définition et à la mise en oeuvre des
politiques de mise en valeur des espaces pastoraux de l’Isère ».
Chaque année, la FAI a l’habitude d’envoyer à ses adhérents, groupements
pastoraux, un modèle des contrats de travail, une notice précisant leur rédaction et
celle des fiches de salaire, ainsi que les nouveautés se rapportant à l’embauche.
Enfin, le classeur recensant les démarches à suivre pour la création et le
fonctionnement des groupements pastoraux, à l’élaboration duquel elle a participé,
traite dans un chapitre de l’embauche des salariés.
6° Est-ce que la FAI peut faire quelque chose quand des difficultés
relationnelles s’installent entre les GP et leur bergère ou berger ?
Oui.
Pas dans l’immédiat de la dégradation de la situation, encore que. En revanche, en
prenant l’initiative de rappeler le droit du travail à ses adhérents, GP, la FAI facilitera
dorénavant l’installation d’une relation à caractère indéterminée entre salariés et
employeurs, inscrite dans l’esprit du code du travail. Or, seule cette relation
contractuelle assure une certaine protection du salarié.
7° Est-ce que l’ABI a besoin d’une collaboration avec la FAI pour faire évoluer
le statut du métier de bergère et de berger ?
Oui.
L’association des bergers de l’Isère a inscrit dans ses statuts, lors de sa création :
- la formation et l’information liées à la pratique du métier de berger ;
- la recherche d’activités complémentaires durant la période hivernale ;
- l’information des randonneurs sur les activités pastorales, aspirant ainsi à une
meilleure coexistence de ces deux activités, pastorale et touristique ; et d’une façon
générale, participer à la protection de ce milieu naturel qu’est la montagne.
Il va de soi que l’ABI travaille également à la défense de l’intérêt collectif du métier
de bergère et de berger, à sa reconnaissance et à sa valorisation, et, de cette
manière, elle participe aux intérêts du pastoralisme. Sachez que les doléances sont
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nombreuses, mieux connues et mieux recensées ces dernières années (cf. annexe
1).
Nous renouvelons le souhait d’une collaboration avec la FAI qui se traduit, entre
autres, par notre participation à son CA.
8° Est-ce que l’ABI et le syndicat des gardiens de troupeaux de l’Isère (SGT 38)
ont une même vision des intérêts et de l’évolution du métier ?
Oui.
Simplement, le nouveau syndicat des gardiens de troupeau de l’Isère permet une
représentation légale auprès des commissions paritaires et auprès des tribunaux que
n’octroie pas le statut associatif. A cet effet, il n’hésite pas à refuser une situation qui
maintient les bergères et les bergers dans une précarité certaine et veut tout
simplement, dans un premier temps, que le droit du travail soit respecté.
9° Est-ce qu’il existe un risque de conflit entre les bergères et les bergers
d’une part et les groupements pastoraux d’autre part ?
Oui.
Si le code du travail n’est pas appliqué.
A ce titre, le SGT 38 assume la responsabilité de ses propos écrits dans une lettre
ouverte dont le but est de faire connaître une réalité que certaines bergères et que
certains bergers veulent changer. Ces propos se rapportent à des circonstances
précises, qui en aucun cas sont à généraliser.
Par contre, nous ne pensons pas que cette lettre ouverte soit à l’origine d’une
nouvelle situation de conflit. Celle-ci existait préalablement à sa rédaction du fait
même que nous ne travaillons pas toujours en tenant compte du cadre légal ; tous
autant que nous sommes, acteurs du pastoralisme en tant qu’employeurs, salariés,
techniciens, etc. Comment croire en une collaboration efficace et progressiste si une
des parties est lésée par le non-respect du cadre législatif et réglementaire ?
10° Est-ce que les différents modèles de contrats de travail proposés et cela
avec l’avis ou la collaboration de l’inspecteur du travail, qui a été longtemps
Joël Lossi, sont illégaux ?
Oui.
Ils l’étaient en proposant un contrat de travail répartissant les tâches du berger sur
sept jours hebdomadaires ; les dérogations en la matière ne pouvant concerner
l’activité pastorale par principe prévisible.
Ils le sont également dans leur nature même. Ce sont des contrats de travail à durée
déterminée (CDD) saisonniers sortant du cadre du code du travail, stipulant les
conditions précises où de tels contrats, qui doivent rester l’exception, peuvent être
conclus.
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D’ailleurs, le bon sens suffit à considérer l’anormalité d’embaucher en CDD
saisonnier un berger qui est employé chaque estive, pour pourvoir à un emploi qui
couvre toute la période d’ouverture et d’activité d’un groupement pastoral, et ce
pendant plusieurs années successives.
Le code rural et le code du travail sont très clairs en la matière. Reportons-nous aux
conclusions du syndicat des gardiens de troupeaux de l’Isère corroborées par le
courrier que l’inspectrice du travail, Adeline Feliu, lui a adressé en réponse à sa
sollicitation.
Dans le compte-rendu de la dernière réunion du CA de la FAI, est écrit, nous citons :
« Michel Didier pense que le CDD ne convient pas pour l’emploi des bergers dans le
sens où les activités du GP sont concordantes avec les durées d’emplois. Denis
Rebreyend pense que cela mérite un travail à part entière, qu’il faut mobiliser les
négociations syndicales. Dans le respect de la légalité, il faut trouver les bons
équilibres pour ne pas mettre en péril ce métier (CA de la FAI du 2 octobre 2013). »
Pour être clairs, nous répétons qu’il est question d’irrégularité des CDD saisonniers
conclus par les groupements pastoraux lorsqu’ils ont pour objet de pourvoir un
emploi couvrant toute la période d’activité de ces GP. Nous avertissons en outre de
l’inutilité d’un travail à part entière et d’une mobilisation syndicale, certes valables
pour la discussion d’avenants à la convention collective agricole départementale (des
propositions seront proposées à la prochaine réunion de la commission mixte), mais
inefficaces en l’occurrence.
Présentement, il s’agit de dire, en fait rappeler, le droit du travail et le faire appliquer.
Un courrier devrait être rédigé et envoyé aux GP ; la rédaction d’un CDI intermittent
est simple à faire. Nous avons l’exemple d’un CDI à temps partiel conclu entre
Sylvain et le groupement pastoral du Senepi. Enfin, Laurent devrait signer en 2014
avec ses employeurs un CDI intermittent.
11° Est-ce qu’il y a une urgence à faire cesser cette illégalité ?
Oui.
« Le fait de conclure un contrat de travail à durée déterminée qui a pour objet ou
pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente
de l’entreprise, en méconnaissance de l’article L. 1242-1, est puni d’une amende de
3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de
six mois (art. L. 1248-1 du code du travail). »
Cette infraction pénale, punie par une sanction pénale, peut être considérée comme
un délit mettant en danger l’ordre public. C’est pour cette raison que le législateur
prévoit qu’une requalification de CDD en CDI soit directement jugée devant le
tribunal de jugement du conseil des prud’hommes et dans un délai d’un mois après
la saisine du conseil.
Le droit du travail est écrit pour protéger le salarié, à tous points de vue, notamment
au titre de sa sécurité. Juste un exemple : été 2013, montagne de Tarentaise : un
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berger d’une vingtaine d’année embauché avec son frère sur un alpage laitier (où les
heures de traite débutent à 3-4 heures du matin) meurt après huit jours de coma
survenu après un accident de tracteur… Il s’était endormi.
Denis Rebreyend, fataliste, a prononcé au dernier CA, à peu près cette phrase : de
toute manière, nous, les éleveurs, travaillons quotidiennement en illégalité, du fait
des multiples contraintes.
Nous lui répondons que, certes, être en illégalité engage celui qui y est ; mais
l’illégalité des conditions d’embauche des bergères et des bergers se fait également
au détriment de ces derniers. Or, cela entraîne, outre les risques, une précarité ; cela
dessert le pastoralisme (voir l’exposition « L’alpage au pluriel » dont un des auteurs
est Bruno Caraguel)1 et cela conduit à des situations injustes de « licenciement ».
Au-delà de cas particuliers, qui conservent toute leur importance, l’objectif de l’ABI et
du SGT 38 est l’intérêt collectif de la profession de bergère et de berger, et par
conséquent du pastoralisme, qu’ils défendent à l’encontre de la volonté même de
certaines bergères et certains bergers (ceux-ci réclament l’autorisation de travailler
60 heures par semaines, s’accommodent de travailler leur jour de repos et de
recevoir une indemnité irrégulière).
12° Est-ce que ce non-respect du droit du travail sanctionne les bergères et les
bergers ?
Oui.
Nous avons en partie répondu lors de la réponse à la question précédente.
Certaines bergères ou certains bergers ne sont pas embauchés la saison suivante
sans raison réelle ou sérieuse ; d’autres arrêtent le métier car ils sont épuisés de
recommencer leur investissement chaque estive sur un alpage différent sans
garantie d’y rester plusieurs années et ils sont fatigués des mauvaises relations avec
leurs employeurs.
Le pastoralisme survit à ce « mal-être » des bergères et des bergers car de
nouveaux pâtres arrivent, attirés par un métier qui entretient la passion et le rêve. Ne
nous leurrons pas, le faible nombre d’années passées en moyenne à exercer le
métier est, plus qu’il n’y paraît, lié à cette situation de précarité qui s’ajoute à des
conditions de travail souvent difficiles. Comme le déplorent les services pastoraux et
les centres de formation, ainsi que les employeurs eux-mêmes, il y a un véritable
gaspillage de compétences acquises. C’est l’intérêt des groupements pastoraux de
fidéliser leur bergère ou leur berger dont l’expérience dépend en partie des années
passées sur le même alpage.
Chaque semaine de l’année, nous sommes contactés par des bergères et des
bergers de toutes la France qui veulent connaître leurs droits. Ils sont confrontés à
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« L’alpage au pluriel ; des éleveuses & éleveurs au présent des territoires alpins. »
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des groupements pastoraux qui ne veulent pas négocier le contrat de travail ou
respecter la réglementation, qui ne remplissent pas leurs obligations en matière de
logement et de frais professionnels ou qui ne veulent pas les embaucher l’année
suivante.
13° Est-ce facile de conclure des contrats de travail à durée indéterminée ?
Oui.
Il s’agit de faire un CDI intermittent, régi par les articles L.3123-31 à L.3123-37, R.
3124-8 et D. 3123-4 du code du travail ainsi que par les articles 9,3 de l’accord
national du 23 décembre 1981.
Le groupement pastoral du Sénépi embauche Sylvain en CDI à temps partiel depuis
plus de vingt ans ; ce GP peut faire part de sa situation.
Une simulation d’un CDII en place du CDD saisonnier du berger salarié par un GP
indique un coût salarial identique.
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14° Est-ce que nous pouvons, au-delà de l’aspect obligatoire, montrer les
avantages de respecter le droit du travail ?
Oui.
La seule contrainte d’un CDII est l’impossibilité pour le GP de rompre brutalement et
sans cause réelle et sérieuse la relation qui le lie à son salarié.
La question des allocations chômage concerne les bergers. Pôle emploi nous a
informé de manière précise et concise ; le CDI intermittent n’est pas un obstacle à
l’obtention d’allocations si le salarié est déjà ou préalablement inscrit auprès de Pôle
emploi. D’autre part, une proposition d’avenants à la convention collective agricole
de l’Isère est rédigée et sera prochainement envoyée à l’inspection du travail ; il y est
question de conserver, pour certains salariés et sous certaines conditions, la
possibilité de conclure des CDD saisonniers.
Les avantages pour le GP, au-delà de fidéliser son berger, de bénéficier de sa totale
implication et d’être assuré de son engagement futur, sont d’éviter les actions en
justice que ne manquera pas d’intenter le syndicat des gardiens de troupeaux de
l’Isère. Une saisine du conseil des prud’hommes de Grenoble a été faite en date du
18 octobre 2013 au sujet de la requalification de 14 CDD saisonniers successifs en
un CDI intermittent2. Le GP impliqué aura à payer une indemnité de requalification et
des dommages et intérêts, sans oublier une sanction pénale de 3750 €.
Que soit bien compris qu’il ne s’agit ni d’un chantage, ni d’une menace. Comment
croire que ce serait le cas quand le SGT 38 n’a que la ferme intention de faire
appliquer le droit ? Il n’y a pas non plus, nous semble-t-il, risque de confusion des
rôles de l’association des bergers de l’Isère, d’une part, et du syndicat des gardiens
de troupeaux de l’Isère, d’autre part. Adhèrent simultanément à ces deux structures,
des bergères et des bergers dont le but est la reconnaissance de leur métier3.
15° Est-ce que les bergers gagnent à conclure un CDI intermittent ?
Oui.
Ils ont l’assurance d’un emploi pérenne ; chaque année est comptabilisée pour le
calcul de leur prime d’ancienneté ; quant aux allocations chômage, référez-vous à la
question précédente.
Rappelons que le CDD saisonnier est précaire pour le salarié. Il n’engage pas le GP.
A chaque début de saison, le berger ne sait pas s’il sera embauché ; tout au plus il y
a eu une entente verbale en fin de saison précédente4. Ainsi, le berger est soumis au
bon vouloir de son employeur qui peut ne pas l’embaucher, sans aucune justification.
«
L’alpage au pluriel ; des éleveuses & éleveurs au présent des territoires alpins », cité ci-dessus.
S’il existe une clause de reconduction pour la saison suivante dans la convention collective comme c’est le cas en Ariège et
dans les Hautes-Alpes, la jurisprudence précise que ces renouvellements pendant plusieurs années de suite font que les
contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée.
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Rappelons qu’un licenciement (injustifié) entraîne des difficultés pour le berger et, du
fait de la particularité du métier de berger, souvent exercé en conciliant une vie de
famille, ce licenciement s’accompagne d’un drame familial.
De telles situations (André, Jacqueline, Michel, Patrick, Yannick pour les personnes
connues et nous pourrions aussi parler des bergères et des bergers, Leïla, Marie,
Régis, Patrick, Pierre, etc. qui ont mis ou veulent mettre un terme à l’exercice de leur
métier parce que les conditions d’embauche et de travail - repos, salaire, logement,
précarité, reconnaissance, respect - n’étaient plus ou ne sont plus favorables), de
telles situations sont inadmissibles, d’autant qu’elles résultent de maladresses et de
méconnaissances du droit du travail où ont leur part de responsabilité :
- les bergers qui ne savent pas se prendre en charge ;
- les groupements pastoraux qui sont censés connaître la loi en tant qu‘employeurs ;
- l’inspection du travail qui n’a pas tenu son rôle dans ses avis donnés lorsqu’elle a
été consultée (l’argument de la recherche d’un compromis pour répondre aux
besoins d’une profession bien particulière est irrecevable face à l’existence d’un droit
du travail suffisamment complet pour trouver des solutions légales) ;
- et enfin, la fédération des alpages de l’Isère qui propose des modèles de contrat de
travail illégaux.
16° Est-ce qu’il y existe un risque de conclure un CDI intermittent en place d’un
CDD saisonnier ?
Oui.
Celui de devoir garder un salarié agricole alors que le groupement pastoral n’a plus
les moyens financiers de le payer. Mais il existe la rupture conventionnelle du contrat
de travail dont le cadre est donné aux articles L. 1237-11 à 16 et à l’article R. 1237-3
du code du travail.
17° Est-ce que l’inspection du travail agricole a un rôle à tenir dans l’évolution
des conditions d’embauche des bergères et des bergers ?
Oui.
« Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions du
code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi
qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail répondant aux
conditions fixées au livre II de la deuxième partie.
Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police
judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations (art. L. 8112-1
du code du travail). »
Rien n’est à rajouter à cet article du code du travail. Cela appartient au SGT 38 de
faire en sorte que l’inspection du travail tienne son rôle. Il peut vous assurer de sa
fermeté.
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18° Est-ce qu’il est judicieux de prendre une décision avant qu’un jugement
puisse servir de jurisprudence ?
Oui.
Il existe déjà plusieurs décisions de tribunal faisant office de jurisprudence dans des
branches d‘activités dont les caractéristiques sont identiques à celles de l’embauche
de bergères ou de bergers par des GP.
Judicieux est un terme mal choisi. Premièrement, nous avons l’obligation de
respecter le droit du travail, sans alternative (notre discours aurait d’ailleurs dû se
résumer à cette phrase, point final). Deuxièmement, d’une pierre, nous faisons deux
coups, nous établissons enfin un socle au statut du métier de bergère ou de berger.
Est-ce que la FAI a besoin d’une jurisprudence propre aux bergères et aux bergers
(qui ne sera connue qu’après un jugement devant le conseil des prud’hommes le 25
mars 2014) ? Cela révélerait un manque de courage et surtout d’intégrité des
membres qui la constituent, au-delà d’un manque de volonté des acteurs du
pastoralisme qui ont à cœur de le servir. Nous ne voudrions pas faire partie d’une
telle structure et nous retirons sur le champ ces propos qui pourraient être entendus
comme une insulte.
19° Est-ce que le CA, en réunion aujourd’hui, doit prendre une position sur
l’application de la législation et la réglementation du droit du travail pour les
embauches de bergères et de bergers par les groupements pastoraux ?
Oui.
Car il s’agit de respecter le droit.
Il n’est plus question de laisser durer une situation illégale qui existe depuis trop
longtemps, qui maintient les bergères et les bergers dans une précarité, qui autorise
certains comportements inacceptables de la part de quelques groupements
pastoraux (il ne s’agit pas seulement d’un cas ou deux où des bergères ou des
bergers seraient « maltraités » - nous employons à dessein ce terme - mais de
plusieurs cas et dans tous les départements pastoraux de France).
20° Est-ce que nous voulons et pouvons formuler une demande ?
Oui.
Notre demande est la prise d’une décision aujourd’hui. Décidons de répondre
favorablement, non pas à une revendication des bergères et des bergers d’être
embauchés en CDI intermittent, mais décidons de répondre favorablement à la
revendication légitime que le droit du travail, qui stipule que le contrat de travail entre
un groupement pastoral et son salarié est obligatoirement un CDI intermittent, soit
respecté. Le respect du droit du travail est une obligation pour tous. Ce respect du
droit ne peut que servir la cause du pastoralisme et servir toutes les parties
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impliquées, groupements pastoraux, bergères,
inspection du travail.
bergers,
services
pastoraux,
Notre demande est d‘informer les groupements pastoraux du contenu du courrier
que l’inspection du travail a adressé au syndicat des gardiens de troupeaux de
l’Isère ; notre demande est de préparer, à destination des groupements pastoraux,
un document précisant le contenu d’un contrat de travail à durée indéterminée
intermittent (les modèles sont facilement accessibles auprès de la DIRECCTE ; ils en
existent sur internet ; de plus, nous en avons un ici et le Sénépi en a l’expérience).
Dans le compte-rendu de la dernière réunion du CA, est écrit, nous citons :
« Christophe MOULIN présente le classeur édité dans le cadre du programme
pastoralpes, qui présente un grand intérêt pour les responsables de GP, puisqu'il
contient, homogénéisées sur l'ensemble du massif des Alpes, toutes les informations
nécessaires à la bonne gestion d'un GP (constitution d'un GP, tenue de l'assemblée
générale, embauche des bergers, etc.) (CA de la FAI du 2 octobre 2013). »
Nous voulons la correction des erreurs contenues dans le chapitre traitant de
l’embauche des bergers. Il est temps de retirer les pages afférentes et d’y apporter
les corrections indispensables à sa crédibilité, en y inscrivant ce que disent les
articles du code du travail (CT) et du code rural (CR).
Une réunion de la sous-commission employeurs/salariés de la commission technique
est prévue en janvier 2014, à laquelle sera invitée l’inspectrice du travail, Adeline
Feliu. Il s’agirait d’y finaliser tous ces documents afin qu’ils parviennent aux
groupements pastoraux suffisamment tôt en vue de la préparation des estives 2014.
L’ABI et le SGT 38 ne tolèreront aucune infraction au code du travail. Certaines
personnes ont été les victimes de trop de laxisme. Le temps est arrivé pour nous,
bergères et bergers, de ne plus nous plaindre mais d’agir, avec et au sein de la FAI
si vous en êtes d’avis.
En conclusion
Nous tenons une position ferme, ouverte à la discussion. Constatons que le droit est
avant tout écrit pour les faibles mais reconnaissons qu’en France, il n’est pas
toujours suivi ; constatons combien le labyrinthe pour y accéder est tel que beaucoup
de personnes, c’est aussi vrai chez les bergères et les bergers, baissent les bras
avant d’obtenir ce auquel elles ont droit.
Il est primordial de respecter le droit. C’est indispensable pour poursuivre ensemble
dans le pastoralisme. Pour cette raison, l’ABI, membre de droit de la FAI, vous a
exposé, au cours de cette réunion du CA, sa volonté de faire progresser, le statut
des bergères et des bergers en s’appuyant sur les travaux et les actions du SGT 38.
Merci de votre attention.
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Annexe 1 : Doléances des bergères et des bergers.
Depuis 2012, ma fonction de président de l'association des bergers de l'Isère me
donne l'occasion de rencontres et de discussions avec de nombreuses bergères et
bergers de différents massifs montagnards. J'enregistre alors un certain nombre de
doléances :
- contrat de travail souvent inadapté,
- précarité de l’emploi d’une saison à l’autre (incertitude concernant le réembauchage
pour l'année suivante),
- non reconduction de l'emploi (quelqu'un d’autres choisi à la place),
- salaire insuffisant,
- hébergement vétuste,
- équipements pastoraux incomplets,
- dépenses personnelles en matériel, vêtements, déplacements non remboursées,
- aucun congé payé,
- absence fréquente de jour de repos,
- peu de possibilités à faire valoir ses droits à la formation,
- surcharge de travail et fatigue physique et psychologique du fait de la présence du
prédateur,
- usure prématurée,
- peu d'écoute du grand public, du monde pastoral et des employeurs,
- mauvaise relation avec les employeurs,
- peu d'implication dans la gestion de l'alpage,
- mise à l'écart du pastoralisme,
- convention collective peu adaptée,
- revendications pas prises en compte,
- régression de certains acquis,
- manque de respect,
- absence de reconnaissance,
- dépossession d'initiatives associatives…
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