Génériques : La qualité en question

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Génériques : La qualité en question
Industrie Pharmacovigilance
Génériques
La qualité
en question ?
Des doutes ont été émis sur la qualité des spécialités
génériques. Les professionnels du secteur et AFSSAPS ont
souligné que plusieurs enquêtes de pharmacovigilance
et missions de contrôles n’avaient pas mis de problèmes
en évidence.
E
n mettant en cause les médicaments génériques1, quelques
praticiens hospitaliers et un
président de société savante
ont suscité une mise au point salutaire, de la part notamment du directeur
de l’AFSSAPS, Jean Marimbert qui
a rappelé que les génériques ne sont
pas « des médicaments au rabais » et
qu’ils sont surveillés « de la même façon que les produits de marque ». De
fait, plusieurs études ou enquêtes de
pharmacovigilance ont été réalisées ces
dernières années sur les médicaments
génériques. Une première enquête de
pharmacovigilance en 2003 n’avait
pas conclu à l’existence d’effets indésirables graves attribuables à la nature
générique d’une spécialité, mais avait
souligné « des problèmes liés à l’information (difficultés à connaître la
composition exacte de tous les génériques), à la substitution, à l’observance,
et à la bioéquivalence ». La Commis-
sion nationale de pharmacovigilance a
présenté le 20 juin 2006 les résultats
d’une autre enquête réalisée à la suite
de notifications par le centre de Limoges d’effets indésirables survenus avec
des génériques. Sur 296 observations,
39 ont été retenues pour être analysées,
dont la majorité concernaient des effets indésirables sans gravité observés
avec des génériques présentant une
composition en excipients différente
de celle du princeps.
Sous-notifications ?
Rumeur vagabonde
Le Gemme 1 s’est ému de cette « nouvelle rumeur » concernant l’efficacité des spécialités génériques, et qui ne repose sur « aucun élément scientifique » comme le reconnaissent eux-mêmes
les praticiens cités par La Croix. Des cardiologues avaient notamment déclaré qu’ils étaient
plusieurs « à trouver préoccupant que, pour des raisons comptables, on favorise aujourd’hui
des prises en charge de moins bonne qualité ». Quant au Pr. Jean-Paul Stahl, président de la
Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), il ne constatait pas de « problème d’efficacité directe avec les génériques ». Il expliquait néanmoins : « Nous avons un souci
avec certains antibiotiques dont le goût, la présentation ou la consistance ne plaisent pas aux
enfants qui, de ce fait, ne peuvent pas les prendre ». Et de préciser : « L’agence du médicament
est alertée du problème mais, pour l’instant, les solutions restent difficiles à trouver ».
(1) Générique, même médicament. Association professionnelle des fabricants de médicaments
génériques.
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L’enquête note en préalable qu’il existe
probablement une sous-notification des
effets indésirables liés aux génériques,
car le médecin ignore le plus souvent
quel médicament est délivré au malade.
L’insuffisance de l’information est de
nouveau pointée et il apparaît que le
RCP est parfois différent entre un générique et son princeps. Il est rappelé
que les formes pharmaceutiques peuvent être différentes et que des sur ou
sous-dosages ne sont pas à exclure du
fait de la substitution. Au final, le rapporteur a toutefois souligné « l’absence
d’éléments permettant de considérer
que les médicaments génériques posent >>>
LES GÉNÉRIQUES
SONT-ILS FIABLES ?
ceps ». Sur les matières premières, les
contrôles ont montré un taux de nonconformité inférieur à 2 % et aucune
différence n’a été mise en évidence relativement à la provenance des matières
premières (UE ou hors-UE). L’enquête
a conclu que « la qualité des génériques
circulant sur le marché national est (...)
globalement satisfaisante ».
DR
Une mention
« non substituable »
>>> un problème de santé publique, du fait
de leurs effets indésirables. » Les propositions consistant à éviter la substitution
entre génériques au cours d’un traitement chronique ou de privilégier la
substitution entre formes pharmaceutiques semblables n’ont pas été retenues
par la Commission, car l’enquête « n’a
pas permis d’attirer l’attention sur des
problèmes particuliers de sécurité. » Le
bon usage des génériques a cependant
été discuté et il a été recommandé une
évaluation des modalités d’utilisation
des génériques à marge thérapeutique
étroite, à laquelle la DGS s’est montrée favorable. Dans un addendum à
ce compte-rendu, la commission de
pharmacovigilance a précisé le rôle de
l’AFSSAPS et insisté sur le fait que
l’AMM des génériques repose sur la
même méthode d’évaluation que pour
l’ensemble des médicaments. C’est le
critère de bioéquivalence qui détermine
les notions d’efficacité et de sécurité du
produit. En plus de la pharmacovigilance, les inspections et les contrôles en laboratoire sont constants. L’AFSSAPS a
ainsi publié le 26 juillet 2006 un document présentant les conclusions de sept
années de contrôle en laboratoire des
médicaments génériques, dans le cadre
d’un programme « Évaluation – Inspection – Contrôles » initié en 1999. Au
cours de cette période, 1658 spécialités
ont été contrôlées, dont 349 princeps et
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1 309 génériques. Les contrôles ont été
effectués dans trois contextes : contrôle
systématique des produits inscrits au
répertoire, contrôles motivés (alertes,
incidents, etc.), et tests de dissolution
(notamment pour les formes à libération prolongée).
Une différence jugée non
significative
En juillet 2007, la Ligue française
contre l’épilepsie s’est prononcé contre
la substitution générique des antiépileptiques. Une enquête de la pharmacovigilance a été décidée pour évaluer
l’imputabilité aux génériques d’effets
indésirables, tels que des cas de convulsions, de recrudescence de crises et
d’inefficacité. L’enquête dont les résultats ont été présentés en janvier 2008
a conclu : « Des observations (...) suggèrent que la substitution pourrait être
à l’origine d’un déséquilibre de l’épilepsie chez des patients préalablement
équilibrés. Néanmoins, les données
ne sont pas suffisantes pour apporter
la démonstration scientifique d’une
relation entre la substitution et le déséquilibre de la pathologie épileptique. »
Les recommandations aux médecins
sont toutefois d’utiliser la possibilité
d’exercer un droit d’exclusion de la
substitution en indiquant la mention
« non substituable » sur les ordonnances, qu’il s’agisse d’un princeps ou d’un
générique.
Entre 2000 et 2005, ces contrôles de
produits finis ont été complétés par des contrôles de matières premières ciblées :
Enfin, dans son rapport
principes actifs instadu 1er octobre 2008,
La
qualité
bles, synthèse délicate,
la commission de
origines multisources
pharmacovigilance
des génériques
notamment. Sur les
a publié les résultats
est globalement
spécialités inscrites au
d’une enquête sur
répertoire, un taux de
l’acide
alendronique,
satisfaisante
6 % de non-conformité
générique et princeps,
a été observé parmi les
qui n’a pas mis en éviprinceps, et 9,6 % parmi
dence de différence d’efles génériques, une différence
fet au niveau digestif entre les
jugée non significative. En revanche, deux. Indiqué dans le traitement de
les contrôles motivés ont abouti à un l’ostéoporose, l’acide alendronique postaux de non-conformité supérieur sède une toxicité intrinsèque digestive,
pour les princeps que pour les généri- plus particulièrement oesophagienne,
ques. Quant aux tests de dissolution, «essentiellement liée aux conditions de
ils n’ont pas fait apparaître de diffé- prise du médicament », précise le raprences. L’enquête a également montré port de la commission. n
que « les dossiers pharmaceutiques des
génériques présentent des méthodes de
Jocelin Morisson
contrôle de qualité plus fréquemment
actualisées que les dossiers des prin- (1) La Croix, novembre 2008.