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115 millions €
Nouveau format pour un rendez-vous régulier avec la presse
La Martinique dispose d’un système statistique performant. L’information brute existe donc. Encore fallait-il la mettre en cohérence
pour produire une analyse globale et prospective.
L’histoire économique se raconte ; les prévisions se discutent. Cet éclairage, la CCIM souhaite le partager avec les représentants de la
presse martiniquaise. Pour le critiquer, pour l’enrichir… pour en débattre. Ces rendez-vous avec la Presse seront réguliers. Nous nous y
engageons. Parce que l’information économique est au cœur de notre mission consulaire.
Manuel Baudouin
Président de la CCIM
L’économie martiniquaise peine à redécoller
La croissance de l’économie martiniquaise demeure encore bien molle : 1,2% en 2014 et 1,3% attendu cette
année. Ses moteurs tournent au ralenti. La consommation des ménages est freinée par la faible progression du
pouvoir d’achat et par la stagnation de l’emploi salarié dans le secteur privé. L’investissement des entreprises,
après un rebond technique l’an passé, serait de nouveau orienté à la baisse en 2015 pour réduire les
surcapacités de production. Les dépenses publiques demeurent encore trop timides pour relancer l’économie.
Les transferts métropolitains, qui ont déjà diminué de 2,5% en 2014, pourraient continuer de baisser cette
année, victimes de la rigueur imposée au niveau national.
Bulletin n°3 – Mai 2015
Un timide rebond de la croissance
L’appréciation des rythmes de croissance de l’économie martiniquaise dépend finalement beaucoup de la
focale utilisée. L’usage d’une loupe conduirait à se féliciter du rebond de la croissance en 2014 ( 1,2%) et en
2015 (1,3%). Ces performances devraient susciter un certain optimisme au regard des mauvais résultats qui
s’accumulaient depuis 2011.
L’usage d’une longue-vue conduirait à un diagnostic opposé, celui du verre à moitié vide. La croissance
actuelle demeure très timide au regard au regard à la fois du passé (3,1% par an en moyenne entre 1994
et 2006) et du potentiel de l’économie (qui pourrait produire 30% de plus avec les capacités déjà installées).
Le regard de la longue période révèle clairement un changement de régime de croissance depuis la crise
de 2009 qui est caractérisé, désormais, par des rythmes nettement plus faibles que par le passé. Cet
essoufflement –qui n’est pas propre à la Martinique- montre que ses moteurs de croissance tournent au
ralenti : il en va ainsi de la consommation, de l’investissement ou encore de la demande publique.
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Croissance 2014-2015 : un verre à moitié vide ou à moitié plein ?
C’est le supplément de richesse qui
devrait être créé cette année par les
Martiniquais. Ce montant est important
3,1%
à l’échelle de la vie quotidienne. Mais, il
apparaît bien modeste rapporté à
1%
l’ensemble de la population : 300 €
seulement de plus par personne, moins
d’1€ par jour. Modeste aussi au regard
de ce que notre économie pourrait
produire si elle utilisait tout le travail et
Sources : INSEE (1994-2010) et projections Caravelle au-delà
tout le capital installé.
La croissance n’est pas une obsession d’économiste. Elle est indispensable pour offrir un emploi à tous, et notamment aux
8000 jeunes de moins de 25 ans qui en sont encore privés. Elle est nécessaire pour procurer aux ménages des revenus
supplémentaires afin d’accroître leur satisfaction (35% des Martiniquais déclarent « ne pas s’en sortir sans faire de dettes » ou
« y arrivent difficilement » et un ménage sur six « survit » sous le seuil de pauvreté). La croissance est un impératif aussi pour
les entreprises pour investir et construire, aujourd’hui, l’économie de demain. Elle est tout aussi fondamentale pour les
collectivités locales pour accroître les ressources financières nécessaires à la satisfaction des besoins collectifs.
Comment mesurer la croissance ? Le produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite par une économie. Cet agrégat
est la somme des valeurs ajoutées, c’est-à-dire la richesse que les entreprises –et les administrations- ont apportée aux
matières premières qu’elles ont utilisées. Cette richesse est répartie ensuite entre le capital (profits) et le travail (salaires). On
mesure cette richesse « à prix constants » (ou encore « en volume » en retirant l’inflation) afin de ne pas être victime de
l’illusion monétaire. Les grandeurs exprimées en volume figurant dans ce document apparaissent en italique.
Consommation : légère reprise, mais pas encore l’euphorie
Principal moteur de la croissance, la consommation des ménages progresse faiblement (0,8% estimé pour
2014 ; 1% attendu cette année). La rigueur salariale touche tous les secteurs, aussi bien dans le privé (0,8%
d’augmentation prévue en 2015) que dans le public, victime du gel des traitements décidé au niveau
national. Les salaires nominaux progressent néanmoins légèrement plus vite (1%) que les prix à la
consommation (0,6% en 2015). Le pouvoir d’achat (c'est-à-dire la quantité de biens et services que l’on
peut acheter avec son revenu) progresse très modérément (0,5% cette année après 0,6% en 2014).
47 € par mois
La consommation des ménages progresse …
… mais presque deux fois moins vite que dans le passé
1,8
ménages martiniquais attendu cette année.
1,6
Mais cette moyenne cache de profondes
1,4
1,2
disparités entre les ménages. Les plus
1
pauvres devront se contenter d’un gain
0,8
mensuel de 4 € seulement. Les plus riches,
de 130 €. Les classes moyennes devraient
bénéficier d’un surplus de pouvoir d’achat
de 30 € par mois (et par ménage).
Taux de croissance (%) de la conso des ménages
2
C’est le gain de pouvoir d’achat moyen des
0,6
0,4
0,2
0
Moyenne
2000-2008
2011
2012
2013
2014
2015
Sources : INSEE (2000-2010) et projections Caravelle au-delà
Le ralentissement de l’inflation bénéficie aux ménages
Les prix à la consommation continuent d’augmenter (0,8% en 2014, 0,6%
projeté cette année) mais la valse des étiquettes se ralentit. L’inflation en
Martinique demeure néanmoins la plus forte de tous les DOM. La hausse
des prix sera plus vive aussi cette année qu’en métropole (0%).
Un net ralentissement de l’inflation
3
La désinflation (c'est-à-dire le ralentissement de la hausse des prix) est
2
une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages. Elle l’est en
1,5
revanche beaucoup moins, d’abord, pour les entreprises (car le
ralentissement de l’inflation freine la progression des marges), pour les
1
caisses publiques ensuite (car les recettes fiscales sont calculées à prix
0,5
courants).
1,5%
1,6%
1,2%
0,8%
Source : INSEE
0,6%
0
Deux inconnues majeures pour 2015 : les prix du pétrole et l’euro
Bonne nouvelle : les cours du pétrole ont
baissé de 30% au dernier trimestre 2014 et
encore de 20% au premier trimestre de cette
année. Autant de gagné sur la facture
énergétique martiniquaise (qui avoisine les
5% du PIB). Mais, le Fonds monétaire
international estime que la chute des prix du
baril est désormais terminée.
Mauvaise nouvelle : les cours pourraient donc remonter de 20%
d’ici la fin de l’année. Cet alourdissement de la facture correspond à
un « impôt » (que l’on doit payer pour acheter la même quantité de
pétrole). Coût de ce prélèvement : 46 millions d’euros, à payer d’ici le
31 décembre 2015. La majoration de la facture pétrolière représente
un demi point de PIB, soit la totalité de la richesse produite par les
Martiniquais en une journée et demi de travail.
2,5%
2,5
2010 2011 2012 2013 2014 2015
Deuxième mauvaise nouvelle : la baisse
de l’euro. La devise européenne a perdu
un cinquième de sa valeur entre le
premier trimestre de cette année et celui
de 2014. Or, la dépréciation de l’euro
réduit notre pouvoir d’achat international.
Exemple : un salarié payé au SMIC doit travailler une heure pour
s’acheter une barquette de 8 cuisses de poulet importées des
États-Unis. Si l’euro baisse encore de 10% d’ici la fin de l’année, ce
salarié devra travailler 8 minutes de plus pour s’acheter le même
produit… ou se contenter d’une barquette ne contenant plus que
7 cuisses seulement.
Au total, la remontée des prix du pétrole et la baisse de l’euro pourraient coûter à la Martinique l’équivalent d’un point de PIB. Il faudra donc
travailler 3 jours de plus pour régler cette facture supplémentaire ou, à défaut, faire des arbitrages sur les autres dépenses.
Dossier de presse
Une très faible progression de l’emploi
La croissance 2014 (1,2%) a été trop faible pour s’accompagner d’une augmentation de l’emploi dans le
secteur privé. La croissance attendue en 2015 permet d’espérer, non pas une franche reprise de l’emploi
marchand, mais au mieux sa stabilisation : le taux de croissance de l’activité (1,3% en volume) s’établissant
au même niveau que les gains attendus de productivité du travail.
Les dynamiques d’emplois dans le secteur public obéissent à d’autres logiques. Les orientations
budgétaires figurant dans le projet de loi de Finances (PLF) 2015 laissent supposer une baisse des effectifs
de la fonction publique d’État de 1% en 2014 et encore de 0,4% en 2015. Dans l’hypothèse d’une stabilité
des personnels de la fonction publique hospitalière, la croissance de l’emploi public ne serait plus tirée
que par les collectivités locales. Un maintien de leur politique d’emploi conduirait à une augmentation de
3% des effectifs employés. Au total, l’emploi dans les trois versants de la fonction publique (d’État,
territoriale et hospitalière) augmenterait de 0,8% en 2014 et de 1,1% en 2015.
L’emploi repart à la hausse, tiré par le secteur public
1,3%
Taux de croissance (%) de l'emploi salarié
2012
C’est le seuil minimal de croissance pour créer de
1,2
l’emploi dans le secteur privé en Martinique . Ce
1,0
2013
2014
2015
1,1
0,8
0,8
seuil est de 1,5% en métropole.
0,6
Si la croissance n’atteint pas ce niveau, les
0,4
entreprises n’embauchent pas et répondent à la
0,2
0,4
0,2
0,0
demande supplémentaire en réalisant des gains de
-0,2
productivité (c'est-à-dire en produisant plus avec le
-0,4
0,0
-0,1
Secteur marchand
même effectif et les mêmes machines).
Fonction publique
Ensemble
Sources : INSEE (2012-2013) et projections Caravelle au-delà
Une très légère décrue du chômage ?
La reprise de l’emploi pourrait s’accompagner d’un léger
55000
uro
reflux du chômage. Le nombre de postes créés cette
Demandeurs d'emplois au 31/12
53000
année (de l’ordre de 500) permettrait théoriquement de
réduire de 1% le nombre de demandeurs d’emploi (près
51000
de 53 000 l’an passé). A condition, toutefois, que les
49000
qualifications de ces demandeurs répondent aux besoins
du marché ET que les agents, qui ne recherchaient plus
47000
d’emplois faute d’en trouver, n’en fassent pas maintenant
45000
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
la demande.
Sources : INSEE (2009-2014) et projections Caravelle 2015
?
Quand l’emploi crée le chômage…
Selon l’INSEE, « le chômage représente l’ensemble des personnes âgées de 15 ans et plus, privées d’emploi et en
recherchant un ». Les chômeurs sont comptabilisés dans la population active.
Un chômeur, souvent de longue durée, peut être découragé de retrouver un emploi. N’effectuant plus de recherches actives, il sort
donc des statistiques du chômage pour intégrer la population inactive (celle qui est sans emploi et qui n’en recherche pas). Mais un
retour de la croissance et des offres d’emplois peut lui redonner espoir et l’inciter à se déclarer à nouveau à la recherche d’un
emploi. Il réintègre ainsi les statistiques du chômage. Numériquement, ces sorties de la « trappe à chômeurs » peuvent être plus
nombreuses que les emplois créés. La croissance de l’emploi s’accompagne alors d’une croissance du chômage !
Caravelle : un outil de cadrage de la conjoncture économique de la Martinique
La Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique s’est associée les services du
cabinet DME, spécialisé depuis plus de 20 ans sur les économies ultramarines, pour
produire un état des lieux de la conjoncture martiniquaise et réaliser des projections à
court terme. Pour remplir sa mission, DME a conçu et développé le modèle Caravelle.
Cette maquette simplifiée de l’économie martiniquaise fournit une tendance générale
servant de « garde-fou » aux projections. Autrement dit, Caravelle peut être comparé à un
radar à large spectre, mais pas à un GPS !
L’investissement joue aux montagnes russes
Les investissements jouent au yoyo…
Les investissements évoluent en dents de
scie
dans
une
tendance
15
Taux de croissance (%) de
l'investissement
globalement
baissière (graphique gauche). Après avoir
10
crû de 5% en 2014, les investissements
devraient reculer cette année (-7%) pour
5
retrouver leur niveau 2013. Cette décrue
0
s’inscrirait exactement dans la tendance
2010 2011 2012 2013 2014 2015
enregistrée depuis 2008 (graphique droite).
-5
-10
Sources : INSEE (2008-2012) et projections Caravelle au-delà
La tendance au recul de l’investissement s’inscrit dans une histoire longue qui remonte au début des
années 2000. Les entreprises martiniquaises ont en effet investi massivement entre 2003 et 2007. Peutêtre trop d’ailleurs car la croissance des capacités de production a été largement supérieure à
l’augmentation de la demande effective sur cette période. Les surcapacités de production se sont
révélées d’autant plus importantes que la crise de 2009 a brisé la croissance de la demande.
Les entreprises ont réagi, à partir de 2011, en freinant fortement leurs investissements (expliquant la tendance baissière
repérée ci-dessus). Mais cet ajustement n’a pas suffi, jusqu’à présent, à réduire de manière significative l’écart entre la
production potentielle (c'est-à-dire celle que les entreprises pourraient offrir si elles utilisaient la totalité de leurs
équipements) et la production effective (celle demandée par les agents martiniquais). La résorption de cet écart (qui
pèse sur la rentabilité des entreprises) suppose une réduction continue de l’investissement (pour ajuster l’offre à la
demande). La dynamique 2015 s’inscrit dans cette tendance au downsizing des firmes martiniquaises. Le modèle
Caravelle montre que la faiblesse de l’investissement pourrait perdurer encore quelques années, le temps de
résorber les surcapacités de production.
?
Une réduction sensible des transferts publics métropolitains
Les transferts publics métropolitains ont largement contribué à la croissance martiniquaise jusqu’en 2011. Au
cours de la décennie passée (2000-2011), ces flux augmentaient d’un peu plus de 5% par an. Depuis, ils
s’inscrivent au contraire dans une tendance baissière sensible (de l’ordre de -4% par an en moyenne). Les
dépenses de l’État en Martinique ont diminué de 2,5% l’an passé (contre -1,2% pour l’ensemble de l’outremer). Cette baisse a touché, d’abord, les charges de personnels (-1,3%).
Mais elle a affecté aussi les autres dépenses (-3,6%
2600
en 2014). Le projet de loi de finances 2015 prévoyait
2400
encore une diminution de 1% des dépenses de l’État
2200
en Martinique cette année (avec un recul de près de
2000
8% des dotations aux collectivités locales). Mais la
1800
rigueur budgétaire pourrait se traduire par une
1600
baisse plus conséquente encore.
1400
Transferts extérieurs (M€)
1200
2014
2013
2011
2012
2010
2008
2009
2007
2005
2006
2004
2002
2003
2000
1000
2001
Une hausse de 3% du budget des
collectivités locales
Sources : calculs DME, données INSEE & IEDOM
Après avoir enregistré une baisse de -4% en 2014, le budget de la Région est reparti à la hausse (+4% cette
fois en 2015). Les efforts budgétaires du Département sont plus réguliers : 2% de hausse des dépenses en
2014 et encore 3% en 2015. Au total, le budget de ces deux collectivités devrait augmenter de 36 millions
cette année (0,4% du PIB).
En tenant compte du désengagement de l’État (-20 M€), les dépenses publiques ne devraient augmenter que
de 16 millions en 2015 (soit 0,2% du PIB). Elles seraient alors inférieures à celles de 2013.
Dossier de presse