L`énergiemanquanteduclimat - Inac

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L`énergiemanquanteduclimat - Inac
24 Horizons Sciences
0123
Samedi 24 avril 2010
L’énergie manquante du climat
Télescope
Exploration
Deux chercheurs ont constaté des incohérences dans la mesure du rayonnement solaire Moisson scientifique
compromise pour
capté par la Terre et celui qu’elle réémet: artefact ou paramètre physique négligé?
Jean-Louis Etienne
La tentative de traversée de l’Arctique en
ballon, entreprise par Jean-Louis Etienne
le 5 avril depuis le Spitzberg, s’est achevée
en Sibérie après 121 heures 30 de vol et
3 130 km parcourus. L’explorateur, porté
par les vents, s’est rapproché à moins de
200 km du pôle Nord avant d’être pris
dans un flux violent qui l’a rapidement
déporté vers la Sibérie. Mais ces conditions météorologiques particulières ont
compromis la collecte de données scientifiques. La rareté du Soleil l’a conduit à ne
déployer qu’une fois son photomètre
pour mesurer les particules en suspension dans l’atmosphère. Deux des quatre
bouteilles destinées à collecter des échantillons d’air ont été brisées. Quant aux
mesures automatiques de CO2 et du
magnétisme terrestre, affectées par le
manque de ressources photoélectriques,
elles ont dû être interrompues le troisième jour, en raison de la défaillance d’un
convertisseur électrique. « C’est dommage, commente Jean-Louis Etienne. Les
conditions de vol ont été extrêmement difficiles, à la limite en termes d’engagement
physique et mental. » Il se console en évoquant le succès du projet pédagogique
qui a accompagné son aventure. p
Le capteur Ceres du satellite Aqua de la NASA permet de mesurer le rayonnement infrarouge renvoyé vers l’espace. ERIKA GELER, FLASHFLUX/CERES TEAM, NASA LRC
Médecine
L
Un composé actif
contre le virus
de l’hépatiteC
es astrophysiciens avaient leur
« matière noire », les spécialistes du
climat ont désormais leur « énergie
manquante ». Dans un bref article publié
vendredi 16 avril dans la revue Science,
deux climatologues américains, Kevin
Trenberth et John Fasullo (National Center for Atmospheric Research à Boulder,
Colorado) soulèvent un problème qui
n’est pas très différent de ceux que rencontrent parfois les comptables : ils ne
parviennent pas à boucler le bilan énergétique de la Terre. Les deux chercheurs ont
fait la différence entre le rayonnement
solaire reçu par la Terre et celui qu’elle
émet, en retour, dans l’espace. Cette différence est nécessairement l’énergie introduite dans la machine climatique. Qu’estelle devenue ? C’est là que les choses se
corsent.
« L’augmentation des concentrations
de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz
à effet de serre ont conduit depuis 2000 à
un déséquilibre de 0,9 watt par mètre carré
(W/m2), plus ou moins 0,5 W/m2 ; c’est ce
déséquilibre qui provoque le “réchauffement global”, écrivent les deux chercheurs. Sur les cinquante dernières années,
les océans ont absorbé environ 90 % de cette énergie ajoutée au système climatique ;
le reste a causé la fonte de la banquise et
des glaces continentales, le réchauffement
de l’atmosphère et des sols. Les concentrations de CO2 ont encore augmenté depuis
2003, et encore plus de chaleur devrait
s’être accumulée à un taux encore plus
rapide depuis lors. Mais où cette énergie
est-elle allée ? »
Une fois comptabilisées les dépenses
énergétiques nécessaires à la fonte des glaces, au réchauffement de l’atmosphère ou
encore de l’océan, depuis le milieu des
années 2000, une fraction importante de
cette énergie entrante – jusqu’à la moitié –
semble se volatiliser. Chose bien évidemment interdite par les lois de la physique !
En clair, depuis 2004 environ, la basse
atmosphère ne se serait pas suffisamment réchauffée, l’océan n’aurait pas stocké suffisamment de chaleur et les glaces
n’auraient pas suffisamment fondu pour
rendre compte du « déséquilibre radiatif »
mesuré au sommet de l’atmosphère.
Comment expliquer cette différence ?
Les deux auteurs ne tranchent pas, mais
suggèrent néanmoins que cette « énergie
manquante » pourrait être « cachée » dans
le système climatique par le biais de processus complexes, inaccessibles aux systèmes actuels de surveillance. Et qu’elle
pourrait« ressurgir » à la faveur de fluctuations océaniques de grande échelle ou
d’un El Niño – ce phénomène qui voit,
tous les trois à sept ans, les eaux de surface
du Pacifique équatorial se réchauffer de
plusieurs degrés.
Mais l’explication pourrait être plus
prosaïque. Et n’être que le fruit d’incertitudes des mesures. En effet, la complexité
des systèmes étudiés (océans, cryosphère,
etc.) multiplie les sources d’erreurs et de
biais. Ainsi, le réseau Argo, formé de quelque 3 000 bouées-sondes, permet d’évaluer la quantité de chaleur stockée par les
océans, mais l’interprétation de ces mesu-
La complexité
des systèmes
étudiés multiplie
les sources d’erreurs
res est difficile: ainsi, fin 2006, des océanographes américains avaient estimé que
l’océan mondial se refroidissait depuis
2003 ! Avant de se rétracter quelques
mois plus tard, après la découverte d’erreurs de calibration des instruments…
Ces incertitudes ne sont pas moins
grandes dans l’espace, où sont mesurés
les flux d’énergie entrant et sortant de la
Terre. Jean-Philippe Duvel, chercheur au
Laboratoire de météorologie dynamique
(LMD) et spécialiste du bilan radiatif terrestre, rappelle que les instruments de
mesures satellites comme ERBE (Earth
Radiation Budget Experiment) ou encore
ScaRaB (Scanner for Radiation Budget)
« n’ont pas été conçus pour détecter les tendances climatiques sur la base de bilans
nets globaux ». « La précision sur le bilan
net global des expériences spatiales est
d’environ 5 W/m2 alors qu’une précision de
0,5 W/m2 est nécessaire pour détecter des
tendances climatiques ou des variations
décennales », ajoute-t-il. L’astrophysicien
et physicien de l’atmosphère Robert Kandel ajoute que d’autres biais sont possibles, en particulier « une prise en compte
imparfaite de l’anisotropie du rayonnement terrestre », c’est-à-dire du fait que la
Terre ne réémet pas de rayonnement de
manière identique, à tout moment et
dans toutes les directions…
Le désaccord entre les différentes mesuresmis au jour par MM. Trenberth et Fasullo, précise toutefois M. Duvel, « ne remet
pas en cause notre capacité à détecter le
réchauffement actuel, celui-ci étant
constaté sur des paramètres beaucoup
plus directement accessibles par satellite,
comme la température de surface de la
mer ou l’étendue des glaces de mer ou des
glaciers ». p
Stéphane Foucart
La Drôme, nid de crocodiles à admirer et étudier
A Pierrelatte, une «ferme» abrite pas moins de 400crocodiliens du monde entier, pour le bonheur des touristes,
mais aussi des scientifiques, qui peuvent se pencher sur ces cousins des dinosaures au comportement mal connu
C
e sont près de 400 crocodiles qui
s’ébattent à Pierrelatte, dans la Drôme, dans un des plus grands parcs
animaliers d’Europe. Ouvert en 1994 par
deux frères, Eric et Luc Fougeirol, le parc à
la serre de 8 000 m2 va s’étendre, d’ici à
l’été, de 4 000 m2 à l’extérieur.
Samuel Martin, directeur de la ferme,
vétérinaire et vice-président pour l’Europe et l’Afrique de l’Ouest du groupe spécialiste des crocodiles de l’Union mondiale
pour la nature, est l’instigateur du projet
de bassins extérieurs pour les animaux.
« Je suis sûr que les animaux évolueront
librement dedans comme dehors, dans
l’eau comme à l’extérieur », répond-il à
ceux qui pensent que les crocodiles préféreront toujours la chaleur de la serre à l’environnement extérieur. « Les animaux
sont très autonomes et curieux, ils auront
envie de voir ce qu’il y a de l’autre côté. »
Malgré l’ambiance exotique et les touristes qui arpentent les allées au-dessus
du crocodile du Nil, du gavial du Gange ou
du caïman noir, la ferme n’est pas qu’un
parc pour les curieux. Depuis 1998, elle est
également un lieu de recherche scientifique puisqu’elle s’est dotée d’un laboratoire et d’une écloserie, et qu’elle accueille
régulièrement des scientifiques de la
région, mais aussi internationaux.
Un alligator albinos de Louisiane, attraction de la ferme de Pierrelatte. FCP
Symbole parfait de cette double fonction, ludique et scientifique, deux alligators albinos sont arrivés en février à la ferme. Au nombre d’une vingtaine dans le
monde, ces alligators très rares sont venus
de Louisiane pour permettre aux chercheurseuropéens de comprendre les particularités de l’albinisme sur les crocodiliens. Due à une anomalie génétique, cette
absence de pigmentation impose aux cro-
codiliens de ne pas s’exposer au soleil, ce
qui est paradoxalement obligatoire à ces
animaux à sang-froid pour réguler leur
température. Plus qu’un défi scientifique,
ils sont également un des points phares
dutour des visiteurs, attirés par leur physique étonnant, leur peau blanche et leurs
yeux rouges.
Parmi les nombreuses équipes scientifiques, les docteurs en paléontologie Jéré-
my Martin et Vincent Balter, de l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon, viennent
étudier pour le laboratoire des sciences de
la Terre du CNRS le paléo-métabolisme
des crocodiliens. Ils tentent ainsi d’établir
l’évolution de ces animaux si proches des
dinosaures dans le contexte de changements environnementaux, dans le but de
reconstruire les relations trophiques
(l’évolution de la chaîne alimentaire) d’organismes disparus.
Une équipe de chercheurs de la faculté
d’éthologie (l’étude du comportement) de
Dijon travaille par ailleurs sur la communication entre crocodiles. Une doctorante
étudie l’utilisation des sons tandis qu’une
autre équipe s’est penchée sur leur communication chimique, à l’odorat.
Enfin, une troisième équipe menée par
Laurent Viriot, de l’ENS de Lyon, s’intéresse aux dents des crocodiles. « On cherche à
comprendre comment les mammifères,
dont les ancêtres reptiliens avaient cette
capacité de renouvellement, l’ont perdue,
et à isoler la cause du renouvellement pour
apprendre à reformer un germe dentaire »,
explique le chercheur. Pour pouvoir peutêtre un jour faire repousser les dents des
humains, « mais c’est encore de la sciencefiction », reconnaît-il. p
Anastasia Lévy
Dans le monde, 200 millions de personnes sont infectées par le virus de l’hépatite C (HCV), responsable de maladies du
foie et contre lequel les traitements
actuels ne sont efficaces que dans la moitié des cas. Des chercheurs des laboratoires Bristol-Myers Squibb viennent d’identifier un nouveau composé, appelé
BMS-790052, sélectionné dans une banque riche d’un million de molécules, qui
est l’inhibiteur d’HCV le plus puissant
connu à ce jour, in vitro. Une seule dose
de 100 mg administrée à des sujets infectés par le HCV a conduit à une réduction
par près de 4 000 de leur charge virale.
Cet effet persistait six jours après la prise
du composé. Le BMS-790052 s’attaque à
une protéine virale, NS5A, qui n’a pas de
fonction enzymatique connue, ce qui permet d’espérer peu d’effets secondaires.
Son évaluation clinique n’en est encore
qu’à la première phase. p
(Gao et al., in « Nature » du 22 avril)
Physique
Le secret de la surfusion dévoilé
Pourquoi l’eau ne gèle-t-elle pas dans les
nuages ? Le phénomène de la surfusion,
cet état où la matière reste liquide alors
que sa température est plus basse que sa
limite de solidification, a été mis en évidence dès 1724 par Farenheit. Mais son
mécanisme reste mystérieux, l’arrangement chaotique des atomes d’un liquide
étant très difficile à observer. Les modèles
théoriques suggèrent que la surfusion
résulte de l’organisation en pentagones
des atomes des liquides : un agencement
qui, au contraire d’une structure en triangle, en rectangle ou en hexagone, ne permet pas de remplir complètement un
espace. Des chercheurs grenoblois du
CEA, du CNRS et de l’ESRF (synchrotron
européen) viennent d’en apporter la première confirmation expérimentale. Ils
ont montré que, placé sur un substrat de
silicium solide, un alliage de silicium et
d’or reste en phase liquide jusqu’à une
température de 230 ˚C, soit 130 ˚C en dessous de sa température normale de solidification. La clé étant la structure pentagonale, observée par rayonnement synchrotron, des atomes de la couche d’interface
entre le substrat et l’alliage. Une découverte qui pourrait trouver des applications
dans l’électronique et la métallurgie.
(Schülli et all. in « Nature » du 22 avril)
Biotechnologie
La Chine clone des chèvres qui
produisent plus de cachemire
Une douzaine de chèvres dotées d’un
gène permettant de produire plus de
cachemire ont été clonées dans un laboratoire de Mongolie intérieure, la principale région productrice. Elles produisent
un kilo de laine par an, contre 600 g pour
les chèvres classiques, rapporte l’agence
Chine nouvelle. (AFP)

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