La Provence (9 décembre 2012)

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La Provence (9 décembre 2012)
I
RÉGION
Dimanche 9 Décembre 2012
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ALPES DU SUD
Après la neige, soleil et
ski sont au rendez-vous
L’homme qui étudie
les secrets des crocodiles
PIERRELATTE Les écailles de leur tête ne sont pas définies par les gènes. Une
découverte qui ouvre la porteà des recherches pouvant profiter àl’homme
A
À la Foux-d’Allos, les jeunes assurent d’entrée : il y a déjà de la
joie et du fun sur le front de neige.
/ PHOTO G.G.
La quarantaine de centimètres de neige tombée vendredi
sur les reliefs des Alpes du sud
est une aubaine pour les stations dont l’ouverture était programmée.
Si, comme d’habitude, Montgenèvre a joué les précurseurs
en ouvrant quelques-unes de
ses pistes dès le week-end dernier, six stations des Hautes-Alpes — Serre-Chevalier,
Puy-Saint-Vincent, Orcières,
Vars, Risoul, Les Orres — et
deux dans les Alpes-de-Haute-Provence - Pra-Loup et La
Foux-d’Allos - l’ont rejoint hier.
Début de saison oblige pour
chacune d’entre elles le domaine skiable n’est pas totalement
ouvert d’autant plus qu’il
convient de gérer intelligemment ce capital de poudreuse
en prévision des vacances de
Noël qui seront là dans deux semaines. Avantage non négligeables partout le prix des forfaits
est ajusté en conséquence.
Ça démarre fort
Pour les premiers skieurs de
l’hiver 2012-2013, les conditions de glisse sont donc non
seulement suffisantes mais en
plus excellentes. Cerise sur le
gâteau, après la neige, le beau
temps puisque le soleil est au
rendez-vous sur l’ensemble des
sites.
À Orcières, par exemple, où
après quelques flocons mati-
naux, le grand beau a accueilli
les amateurs de ski ou de surf.
Déjà un enneigement optimal
sur les douze pistes ouvertes
desservies par quatre télésièges
et trois téléskis.
Du côté de Serre-Chevalier
où la hauteur de neige atteint
1,60 m au sommet pour 40 cm
en bas, seul le secteur de Monêtier, comme annoncé, est
ouvert. Le ciel était là aussi dégagé mais le vent assez fort a
restreint hier matin l’ouverture
des remontées mécaniques.
Aux Orres, huit remontées desservaient les 15 pistes depuis le
sommet jusqu’à la station.
"Les skieurs arrivent. Ça démarre bien et à la date prévue.
C’est parfait !", se réjouissait-on
à l’office de tourisme.
Sur le versant 04, dans le
Val-d’Allos, seule la station de
la Foux qui annonce 90 cm au
sommet et 50 cm au bas des pistes, est ouverte pour le
week-end sur 25 % de son domaine. Quatre télésièges et un
téléski donnent accès à sept pistes.
À Pra-Loup (1 m de neige à
2 5 0 0 m , 8 0 c m à
l’intermédiaire, 30 cm à la station), la télécabine de Costebelle, le télésiège des Bergeries, les
téléskis de Sestrière et du lac,
sans oublier le baby téléski de
Costebelle, font la joie des amateurs qui dévalent les dix pistes
ouvertes. François de BOUCHONY
MONT VENTOUX
15 cm de neige balayés
par le Mistral
u hit-parade animal des
plus effrayantes créatures, sources d’effrois séculaires, le crocodile, ex-aequo
avec son compère le requin, occupe certainement la première
marche. Cette image sulfureuse
risque pourtant bien d’être relustrée avec la récente découverte d’un généticien suisse. Une
découverte scientifique qui
pourrait ouvrir de nouvelles
perspectives concernant la compréhension de l’apparition des
rides sur les visages humains,
ou de certaines maladies comme le diabète, le psoriasis,
l’eczéma.
Tout est parti d’une simple
constatation : les écailles sur les
têtes des serpents, lézards, sont
symétriques de chaque côté.
Pourquoi sont-elles variables,
de forme et de taille, chez les
crocodiles ? Il y a cinq ans, cette
énigme titilla les neurones de
Michel Milinkovitch, chercheur
à l’Université de Genève, mondialement connu pour ses travaux dans les domaines de la
phylogénie moléculaire, en particulier des vertébrés, et de
l’étude de la biodiversité.
C’est à la Ferme aux crocodiles de Pierrelatte, qu’il allait
trouver les sujets pour ses études qui durèrent deux bonnes
années. Partons sur ses traces et
suivons le processus de découverte. Pour une analyse précise
des paramètres géométriques
sur une quinzaine de sujets, la 3
D s’avéra efficace. "Le crocodile
adulte était pendu la tête en bas,
explique Éric Ferrandez, responsable scientifique et technique
de la Ferme. 6 à 8 appareils, en
tournoyant autour de la tête de
l’animal, prenaient des photos
haute résolution. 120 pour chaque animal".
Le résultat confirme que la
disposition des écailles est bien
anarchique. Mais le plus étonnant est l’existence d’un processus de craquage, "un phénomène bien connu en physique mais
inconnu jusqu’à présent en biologie", note Michel Milinkovitch. Un phénomène qui distend, creuse et craquèle une surface plane, comme une boue séchée au soleil...ou les rides sur
Michel Milinkovitch, chercheur à l’Université de Genève est mondialement connu pour ses travaux
dans les domaines de la phylogénie moléculaire, en particulier des vertébrés.
/ PHOTO DR
une peau humaine. Pour en savoir plus, remonter aux sources
s’imposait. Dans leur labo à Genève, Michel Pilinchinski et son
équipe se penchent sur le développement embryonnaire des
crocodiles. Après 45 jours
d’incubation, il n’y aucun signe
de craqûre, les premiers apparaissent au 55e jour sur le côté
de la machoire supérieure de
l’embryon. Dix jours plus tard,
"Sans nous et notre
matériel vivant, Michel
Milinkovitch n’aurait pu
faire ses recherches."
les "craqûres" primaires ont atteint le sommet de la face. Chez
le crocodile, les écailles de la tête ne sont donc pas définies par
les gènes. Ce sont des sillons qui
apparaissent sous l’effet d’une
tension (un "stress mécanique"
comme le nomment les scientifiques, ndlr), ils s’allongent,
s’interconnectent pour former
tout un réseau. Mais quelle serait l’origine de ce craquage ?
"La rapide croissance du squelette de la face et des mâchoires
chez l’embryon du crocodile,
combiné avec le développement
d’une peau plus épaisse et plus
kératinisée que sur le reste du
corps, génère ce stress mécanique qui provoque le craquage,
explique le Pr Milinkovitch.
Cette découverte s’avère
"énorme", à même de générer
des pertinences de poids dans
le domaine médical. Le Pr Milinkovitch parle de similitudes entre ce processus d’évolution et
certains spécifiques à l’homme.
Les rides sur le visage de
l’homo sapien seraient-elles
aussi craquantes? Et les pathologies comme le psoriasis ou
l’eczéma originairement sous
tension ? Grâce à cette extraordinaire avancée, les scientifiques
ont en leurs laboratoires matière à maints sujets d’application.
Et puis les crocodiliens, devenus d’un coup d’un seul, plus
"engageants" auront encore,
qui sait, des secrets à nous livrer.
Chantal MALAURE
Un labo mondial
La Ferme aux crocodiles de Pierrelatte, créée en 1991, est non
seulement un zoo unique en son
genre, mais également un pôle
d’excellence pour la communauté scientifique, française et européenne. Afin de répondre aux
demandes constantes et évolutives d’études des crocodiliens, la
Ferme s'est dotée en 1998, d'un
laboratoire et d'une écloserie.
Ces espaces de travail ont donné suite à de nombreuses publications d'articles dans des revues scientifiques internationales. Le généticien Michel Milinkovitch est un habitué des lieux et
de l’équipe dirigée par Samuel
Martin, un "spécialiste crocos"
mondialement connu. Au sein
de cette équipe, Éric Ferrandez,
responsable scientifique et technique, supervise la formation
des scientifiques dans leur approche de ces animaux impressionnants, secondé d’Adrien Tomas, responsable conservation
et biodiversité.
CELA N’ARRIVE QU’UNE FOIS PAR AN
Un mâle de 20 ans sur la table d’opération
Si la météo se confirme, la station du Mont Serein pourrait
ouvrir à la fin de la semaine prochaine.
/ PHOTO G.G.
La quinzaine de centimètres
de neige tombée ces derniers
jours sur le Mont Ventoux n’a
pas permis l’ouverture de la station du Mont Serein.
Hier, le mistral soufflant par
rafales à plus de 100 kilomètres
heure, emportait le faible manteau neigeux au sommet du
géant de Provence, laissant apparaître les rochers. Les remontées mécaniques sont restées,
de fait, à l’arrêt et le ski de piste
n’a pas été possible.
Les plus courageux auront
tout de même pu s’adonner aux
joies de la luge et aux balades
en raquette, bravant ainsi le
froid.
Benjamin Blanc, directeur de
la station du Mont Serein, précisait cependant que les perspectives étaient plutôt encourageantes pour la fin de la semaine prochaine : "Si la météo se
précise comme nous
l’entendons, nous devrions être
opérationnels pour les fêtes de
Noël", a-t-il indiqué.
Pour mémoire, l’an dernier,
la station du Mont Serein était
restée, pour la première fois depuis sa création, fermée durant
toute la saison.
P.MN
La bête est impressionnante, avec ses bons
de 2,50 m de longueur et ses 150 kgs. La mâchoire bloquée par un gros linge, elle dort du
sommeil du juste sur une table de fortune. La
scène se déroule mardi dernier, à la Ferme
aux crocodiles dans le secteur des crocodiles
du Nil. L’instant est grave, tout le monde est
sur le pont : le directeur, les responsables animaliers, les soigneurs et la vétérinaire, Béatrice Martin. Il s’agit de "réparer" la patte
d’un beau mâle de 20 ans, blessé par un de
ses congénères. "C’est certainement dû à une
bagarre de territoire, explique Adrien Tomas, responsable conservation et patrimoine. Ce comportement en période de reproduction arrive un peu tôt (à l’état sauvage c’est
en février-mars, ndlr) mais c’est une conséquence de la captivité". C’est un soigneur qui
a, dimanche, repéré la bête blessée.
Il a fallu attendre qu’elle sorte de l’eau,
une fois sur la berge, elle était attachée à un
pylône et endormie. L’entaille est profonde,
l’opération délicate, le sang coule abondamment. Béatrice Martin est une spécialiste des
reptiles, c’est elle qui intervient à la Ferme.
L’intervention chirurgicale est rarissime, ces
p’tites bêtes ont la peau dure, mais une fois
par an, il y en a une qui se fait sérieusement
"croquer". Les soigneurs, armés de pelles,
font barrage autour de la table d’op’ improvisée. À deux pas d’eux, dans l’eau, impassibles, les copains de jeu lorgnent la scène. La
plus grande vigilance est requise. Au bout
d’une heure, Béatrice achève son dernier
coup d’aiguille.
CH.M
Opération chirurgicale, et peu courante, sous haute surveillance. L’animal retrouvera
très vite l’usage de sa patte arrière droite.
/ PHOTO ANGE ESPOSITO
L’envoi d’embryons, un casse-tête administratif
Pour mener à bien ses recherches, Michel Milinkovitch a utilisé 250 embryons de crocodiles fournis par la Ferme de Pierrelatte, car pour obtenir des statistiques scientifiques "probantes",
l’effectif de travail doit être le plus large possible. L’envoi au labo de Genève ne fut pas une mince
affaire. Il s’agissait d’espèce protégée et la Suisse n’étant pas dans l’espace de Schengen, les
problèmes administratifs se succédèrent. "Mais sans nous, explique Éric Ferrandez, le chercheur
aurait eu bien du mal, récolter des œufs, très fragiles, en milieu naturel est mission impossible".

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