En savoir plus - Orchestre national d`Île-de
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05-0081 - intérieur 12 23/05/03 12:12 Page 12 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW 47 cordes à son arc Florence Dumont, harpiste à l’Orchestre national d’Ile de France. » Vous êtes la seule harpiste en titre de l’Orchestre national d’Ile de France ? le répertoire d’opéra des XIXe et XXe siècles, où la harpe accompagne souvent le chant ou intervient très souvent de façon ponctuelle. Enfin, il y a le répertoire symphonique du XXe siècle : Mahler, Bartok, Stravinski, sauf dans Le Sacre du printemps ! Il faut dire que même lorsque la harpe n’est pas en soliste, chez Debussy et Ravel par exemple, les parties de harpe sont toujours très bien écrites, et on entend clairement la moindre intervention de l’instrument. Grâce au perfectionnement du système du pédalier, on peut exécuter trois sons sur la même corde, par exemple ré bécarre, ré bémol et ré dièse. Oui. Lorsqu’il y a besoin de plus de harpes (souvent deux, parfois trois), je fais appel à des musiciens supplémentaires. Sur la totalité d’une saison, vous jouez dans toutes les séries de concerts ? Pas du tout ! Cette année, par exemple, il y a peu de séries avec harpe. L’année dernière, j’ai fait quasiment toutes les séries de concerts, et notamment à deux harpes. Car beaucoup de séries classiques étaient programmées. C’est surtout le répertoire du XXe siècle qui contient des harpes. Tout le répertoire allemand symphonique, (Schumann, Brahms, etc) n’en contient pas. Beethoven, Mozart, Haydn, non plus. C’est qu’avant le XIXe siècle, l’instrument était encore très primaire. En outre, l’instrument était seulement diatonique (les notes sans altérations). Et dans la musique contemporaine ? Harpe, détail. © Dover Publications, Inc. Auparavant, on s’accompagnait en chantant ? C’était notamment l’instrument des bardes, une harpe portable. C’est un instrument très ancien ? Au début de la saison prochaine, vous intervenez comme soliste dans la série « Amadeus ». L’ancêtre de la harpe, c’est l’arc musical : un arc avec deux ou trois cordes, de boyau sans doute. C’est seulement vers la fin du XVIIe siècle qu’il y a eu l’invention de crochets pour changer la tension des cordes. L’instrument tel qu’il est aujourd’hui commence avec Berlioz. Oui, dans un concerto de Mozart pour flûte et harpe que je jouerai avec Sarah Louvion (flûte) fin août, début septembre. Il faut péciser que le répertoire devient plus important surtout à partir de Debussy et Ravel. De là date la grande école française de harpe, avec notamment le Professeur Louis Hasselmans. Il y a aussi tout La harpe est très représentée, c’est un instrument qui peut être très original et très inattendu. Il offre un grand nombre de possibilités sonores. Il y a une sequenza de Berio, très difficile d’ailleurs. Mais aussi des œuvres de Donatoni, Holliger ou encore Betsy Jolas. Dans l’orchestre, vous êtes toujours à la même place, n’est-ce pas ? La plupart du temps, oui, derrière les violons, mais j’ai déjà été derrière les contrebasses (à droite pour le public), mais pour des choses très particulières. Combien y a-t-il de harpes, à l’orchestre ? On en utilise trois, une qui a été 05-0081 - intérieur 23/05/03 12:12 Page 13 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW 13 achetée il y a huit ans, la seconde qui a une vingtaine d’années, et la troisième, plus petite, et qui n’a pas les quarante-sept cordes des harpes modernes. La dernière est celle qu’on utilise le moins. Vous jouez donc toujours sur la même harpe. Mais lorsque vous êtes chez vous ? Ici, Florence Dumont nous emmène dans une petite pièce, chez elle, où elle nous présente ses trois harpes, la petite harpe de ses études, sans pédales, mais avec des crochets, sa harpe actuelle, une très belle Salvi à la marqueterie raffinée, et une harpe de fabrication française, gagnée dans un concours en Espagne. Elle nous explique le fonctionnement des sept pédales, qui, à la différence de celles du piano, n’ont pas pour fonction de faire « plus fort ou moins fort », mais d’obtenir les altérations de la note (bémol et dièse), en tendant ou détendant la corde par le haut. Une pédale commande toutes les octaves d’une même note, il y a donc sept pédales, une pour chaque note de la gamme. Le mécanisme, assez complexe, est dissimulé sous la boiserie. En quoi sont les cordes ? Du grave à l’aigu : les premières sont en métal, les suivantes en boyau, et les dernières en nylon. Clé d’accords pour harpe. © Dover Publications, Inc. Florence Dumont Elles sont colorées… Oui, pour reconnaître les notes : les do en rouge, les fa en noir et les autres, blanc crème. Est-ce un instrument qu’il faut souvent accorder ? Oh oui ! Les harpes sont amenées au concert par les régisseurs, et il faut venir soi-même en accorder à chaque fois les quarante-sept cordes, à l’aide d’un accordeur électronique. C’est un instrument très sensible aux variations de température, à la chaleur des projecteurs, au transport, etc. La question d’usage… Comment vous est venu le goût pour la harpe ? Je ne m’en souviens pas vraiment, mais sans doute en regardant la télévision, j’ai sans doute été attirée au départ par son aspect esthétique. J’ai commencé en école de musique, puis le Conservatoire du Xe arrondissement de Paris, enfin je suis entrée au Conservatoire de Paris à dix-huit ans. J’ai passé deux ans dans un orchestre à Madrid, puis j’ai intégré l’Orchestre national d’Ile-de-France il y a deux ans, en 2001. Y a-t-il quelques contraintes de l’instrument, compte tenu de sa dimension ? C’est un instrument duquel on ne peut jamais s’éloigner très longtemps, il faut s’exercer constamment, il ne faut pas perdre la dextérité des doigts, et on trouve difficilement un instrument sur place pour s’exercer lorsqu’on décide de voyager ! La harpe et le jazz ? J’ai déjà entendu des concerts fantastiques, où les harpistes avaient la même aisance que les pianistes. Il y a même des harpes électriques où l’on peut programmer les tonalités. Propos recueillis par Emmanuelle Lucchini et François Regnault