discours Remise de décorations à Henry

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discours Remise de décorations à Henry
Ministère�de�la
discours
Culture et�de�la Communication
Remise de décorations à Henry-Claude
Cousseau, Sylvie Deschamps, Bruno Durieux,
Olivier Descotes et Raymond Gurême
Le�jeudi�19�avril�2012
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la
Communication, prononcé à l'occasion de la remise des insignes
d'officier de l’ordre de la Légion d’honneur à Henry-Claude Cousseau,
de chevalier de l'ordre national du Mérite à Sylvie Deschamps, de
Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres à Bruno Durieux, de
Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres à Olivier Descotes, de
Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres à Raymond Gurême
Cher�Henry-Claude�Cousseau,
Vous�faites�indéniablement�partie�de�ceux�qui�ont�marqué�de�leur
empreinte�les�institutions�culturelles�qu’ils�ont�dirigées,�par�leur�grande
exigence�à�la�fois�artistique�et�intellectuelle.�Vos�qualités�reconnues
d’historien�de�l’art�et�les�orientations�visionnaires�que�vous�avez�fait
prendre�aux�musées�dont�vous�avez�eu�la�charge�ainsi�qu’aux�Beaux-arts
de�Paris�font�de�vous�un�acteur�essentiel�de�la�politique�culturelle
française,�que�vous�avez�profondément�renouvelée�dans�le�domaine�des
musées�et�celui�de�l’enseignement�supérieur.
Tout�au�long�de�votre�parcours,�vous�avez�mené�une�réflexion�importante
sur�l’art�du�XXème�siècle,�en�particulier�sur�l’art�moderne�et�la�création
contemporaine,�comme�en�témoignent�les�très�nombreuses�expositions
que�vous�avez�organisées,�les�acquisitions�que�vous�avez�réalisées�ou
encore�les�nombreux�textes�et�ouvrages�que�vous�avez�conçus�et�auxquels
vous�avez�apporté�votre�précieux�concours,�dont�bon�nombre�font
aujourd’hui�référence,�comme�votre�ouvrage�sur�l’oeuvre�de�Daniel
Dezeuze,�ceux�sur�Sarkis�ou�Jean�Hélion,�ou�encore�L’oeil�des�mots,�paru
l’année�dernière.
Conservateur�général�du�patrimoine,�vous�avez�été�conservateur�pour�le
XXème�siècle�à�l’Inspection�générale�des�musées�de�province�au�sein�de
la�Direction�des�musées�de�France�de�1982�à�1985,�puis�directeur�des
musées�de�la�ville�de�Nantes,�dont�le�magnifique�musée�des�Beaux-arts.
Après�avoir�été�chef�de�l’Inspection�générale�des�musées,�vous�avez�dirigé
les�musées�de�la�ville�de�Bordeaux�et�son�musée�d’art�contemporain,�le
CAPC,�de�1996�à�2000.�Vous�y�avez�mené�une�programmation
exceptionnellement�riche,�ouverte�vers�de�nouveaux�publics,�grâce�à�des
politiques�innovantes,�tant�pour�les�expositions�qu’en�termes�de
réorganisation�générale.
Ces�qualités,�on�les�retrouve�dès�vos�débuts,�quand�vous�dirigiez�le�musée
des�Sables-d’Olonne,�où�vous�avez�fait�la�part�belle�à�la�création
française�:�Bernard�Pagès,�Daniel�Dezeuze,�Claude�Viallat,�Monique
Frydman,�par�exemple,�aux�côtés�de�grandes�figures�historiques�comme
Jean�Hélion,�Hans�Hartung,�Tàpies�ou�Fritz�Glarner.�Explorateur�des
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rapports�entre�peinture�et�écriture,�vous�êtes�d’ailleurs�l’un�des�premiers
directeurs�de�musée�à�avoir�proposé�une�exposition�de�dessins�d’Antonin
Artaud�et�de�Roland�Barthes.
À�Nantes,�vous�avez�profité�de�la�réhabilitation�du�musée�des�Beaux-arts
pour�concevoir�un�projet�culturel�nouveau�qui�mettait�en�exergue�les
artistes�contemporains�français�et�internationaux,�comme�Gerhard�Richter,
Eva�Hesse,�Giuseppe�Penone,�Bill�Viola,�Luciano�Fabro�ou�encore�Howard
Hodgkin,�Philippe�Cognée�ou�Martin�Barré.�L’ensemble�de�votre�action�à�la
tête�des�Beaux-arts�de�Nantes�a�été�récompensé�en�1991�par�le�Grand
Prix�national�des�musées.
Enfin�à�Bordeaux,�parallèlement�à�l’attention�que�vous�portez�aux�artistes
français�toutes�générations�confondues�et�à�votre�soutien�aux�artistes
émergents,�vous�vous�êtes�ouvert�aux�expressions�artistiques�du�monde
entier�:�vous�avez�fait�du�CAPC�une�vitrine�de�la�création�contemporaine
mondiale,�à�travers�des�expositions�comme�«�Cities�On�The�Move�»,
«�L’art�contemporain�en�Asie�»,�«�L’art�contemporain�et�l’enfance�»,�ou
encore�«�L’art�brésilien�contemporain�».
C’est�avec�cette�même�exigence�que�vous�allez�par�la�suite�conduire�une
politique�de�réforme�sans�précédent�des�études�et�de�l’organisation
pédagogique�de�l’Ecole�Nationale�Supérieure�des�Beaux-arts�de�Paris,
dont�vous�prenez�la�tête�en�septembre�2000.�Sous�votre�direction,�l’Ecole
refonde�sa�pédagogie�en�plaçant�l’enseignement�en�atelier�au�coeur�de�la
démarche�de�formation,�en�formalisant�également�un�parcours
d’enseignement�théorique�ouvert�aux�autres�disciplines�comme�l’histoire�de
la�création�littéraire,�l’esthétique�ou�l’anthropologie�;�en�s’ouvrant
également�à�la�diversité,�avec�un�partenariat�pédagogique�avec�la�Ville�de
Saint-Ouen�qui�donne�naissance�à�des�ateliers�créatifs.
Vous�êtes�également�à�l’origine�d’un�laboratoire�de�recherche,�«�La
Seine�»,�et�vous�avez�lancé�en�2010�la�création�d’un�3ème�cycle�doctoral.
Vous�avez�parfaitement�réussi�à�inscrire�l’ENSBA�dans�le�processus�de
Bologne,�en�intégrant�l’école�dans�des�cursus�reconnus�au�niveau
européen,�et�en�lui�insufflant�une�dynamique�de�rapprochement�avec�les
grandes�institutions�de�l’enseignement�supérieur,�notamment�en�l’intégrant
dans�l’IDEX�Paris-Sciences�et�Lettres.
Vous�avez�redonné�à�l’Ecole�un�rayonnement�international�et�prestige
inégalés,�à�travers�de�très�nombreux�partenariats�avec�des�écoles�du
monde�entier,�mais�aussi�à�travers�votre�politique�de�diffusion�des�artistes
français�et�étrangers�formés�aux�Beaux-arts�de�Paris.
Jusque�dans�la�politique�éditoriale,�vous�avez�innové�durant�cette�décennie
à�l’ENSBA.�Outre�l’édition�chaque�année�d’une�vingtaine�d’ouvrages,�vous
avez�oeuvré�à�un�projet�sans�précédent�:�la�publication�intégrale�des
Conférences�de�l’Académie�royale�de�peinture�et�de�sculpture,�parvenue
aujourd’hui�au�deux�tiers�de�sa�réalisation.�Vous�avez�parallèlement�assuré
de�nombreuses�missions�à�l’étranger,�comme�celle�que�vous�avez
consacré�à�l’art�contemporain�français�à�New�Delhi�en�1995�avec�l’AFAA�–
la�première�du�genre�en�Inde.
Cher�Henry-Claude�Cousseau,�les�musées�de�France�et�l’Ecole�Nationale
des�Beaux-arts�vous�doivent�tant,�pour�votre�engagement�au�service�des
grands�établissements�publics,�des�artistes,�des�élèves,�des�publics.
C’est�donc�avec�honneur�et�gratitude,�cher�Henry-Claude�Cousseau,�au
nom�du�Président�de�la�République�et�en�vertu�des�pouvoirs�qui�nous�sont
conférés,�que�nous�vous�faisons�Officier�de�la�Légion�d’Honneur.
Chère�Sylvie�Deschamps,
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À�Rochefort,�lorsqu’on�évoque�la�préciosité�et�le�raffinement,�on�ne�pense
pas�seulement�à�la�maison�de�Pierre�Loti.�On�songe�également�au�Bégonia
d’Or,�l’unique�atelier�en�France�à�perpétuer�la�broderie�au�fil�d’or,�dans
cette�ville�arsenal�dont�les�manufactures�royales,�établies�au�XVIIème
siècle,�abritaient�une�école�de�brodeurs�spécialisés�dans�les�uniformes�et
les�drapeaux�de�la�marine.�Je�suis�très�heureux�aujourd’hui�de�rendre
hommage�à�un�artisan�d’exception�qui�contribue�à�la�pérennité�d’un�savoirfaire
magnifique.
Jeune,�vous�pensiez�opter�pour�la�lingerie�fine,�«�pour�la�beauté�de�la
dentelle�»�confiez-vous,�mais�par�un�concours�de�circonstance,�vous
découvrez�la�broderie�au�fil�d’or.�Vos�mains,�dès�ce�moment�ont�épousé
cette�matière.�Après�trois�ans�d’études,�vous�obtenez�votre�diplôme�et
partez�à�Lyon�chez�les�passementiers�Bouvard�et�Duviard,�où�vous
effectuez�six�ans�de�formation�complémentaire,�dans�le�sillage�de�Lucie
Teston,�qui�vous�enseigne�les�subtilités�du�métier.
De�retour�à�Rochefort,�vous�retrouvez�votre�ancien�professeur�qui�vous
propose�d’enseigner�au�lycée,�puis�vous�reprenez�l’atelier�du�Bégonia�d’Or,
créé�par�Marie-Hélène�César,�proviseur�du�Lycée�Jamain,�qui�avait�pour
dessein�d’en�faire�un�lieu�de�stage�et�de�transmission�pour�ses�lycéens.
En�quelques�années�vous�en�faites�un�atelier�d’excellence.�Avec�votre
stiletto,�vos�dés,�vos�ciseaux�et�vos�aiguilles,�avec�science�et�patience,
vous�faites�renaître�sous�vos�doigts�des�points�oubliés�depuis�plusieurs
siècles�;�vous�brodez�sur�le�tulle,�l’organza,�le�cuir�ou�la�mousseline,�les
tissus�naturels�comme�sur�le�synthétique�ou�les�matières�métalliques.
La�broderie�blanche,�la�broderie�d’ameublement�et�de�décoration,�rien�ne
limite�votre�talent,�très�prisé�par�les�grandes�maisons�et�les�créateurs.
Vous�collaborez�en�moyenne�à�quatre�défilés�Haute-Couture�par�an�;
Chanel,�Givenchy,�Dior,�Hermès,�ou�encore�le�chausseur�John�Lobb�font
appel�à�votre�maîtrise�incomparable.�Les�designers�et�les�artistes�comme
Philippe�Starck,�Sylvie�Fleury,�Jean-Michel�Othoniel,�Valérie�Belin,�Mona
Hatoum�ou�Natacha�Lesueur�vous�passent�commande.�Ces�collaborations
sont�pour�vous�et�votre�atelier�un�formidable�gage�de�reconnaissance�et�de
notoriété�;�elles�sont�à�chaque�fois�un�défi�de�technicité�et�de�qualité�que
vous�relevez�brillamment.
Et�s’il�garde�toujours�sa�spécificité�d’art�militaire�en�assurant�la�confection
des�tricornes�des�préfètes,�le�Bégonia�d’Or�s’est�ouvert�également�à
l’héraldique,�l’art�liturgique�et�à�l’art�contemporain.
Nommée�Maître�d’art�en�2010,�vous�faites�également�partie�du�jury�des
Meilleurs�Ouvriers�de�France.
Pour�ce�travail�que�vous�exercez�avec�une�passion�et�un�savoir-faire
remarquables,�et�que�vous�transmettez�avec�passion,�chère�Sylvie
Deschamps,�au�nom�du�Président�de�la�République,�nous�vous�faisons
Chevalier�de�l’ordre�national�du�Mérite.
Cher�Bruno�Durieux,
En�Drôme�Provencale,�un�sculpteur�assemble�des�pièces�de�métal�en
cherchant�des�courbes�idéales,�protégé�par�ses�gants�et�son�masque�à
souder.
Sous�le�masque�de�l’artiste,�on�trouve�un�homme�politique�de�premier�plan,
plusieurs�fois�ministre,�inspecteur�général�des�finances,�président�du
comité�national�des�conseillers�du�commerce�extérieur,�musicien,
sculpteur,�au�service�de�la�collectivité.�C’est�le�maire�de�Grignan.
Issu�d’une�famille�de�neuf�enfants�de�Lorraine�et�du�Nord,�né�dans�la
Sarthe�où�votre�famille�s’est�réfugiée�pendant�la�reconquête�des�alliés,
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vous�faites�vos�études�à�Meudon�puis�au�lycée�de�Sèvres,�avant�d’intégrer
l’Ecole�Polytechnique,�comme�plusieurs�membres�de�votre�famille�avant
vous.�On�vous�dit�mauvais�en�sport,�mais�excellent�en�piano�et�en�violon,
et�vous�hésitez�à�vous�présenter�aux�Beaux-arts�compte�tenu�de�vos
affinités�avec�la�peinture.�Mais�l’économie�l’emporte,�et�vous�poursuivez
vos�études�à�l’ENSAE�(l’Ecole�nationale�des�statistiques�et�de
l’administration�économique).�Jeune�administrateur�de�l’INSEE,�ayant�fait
le�choix�du�service�public,�vous�entrez�au�cabinet�de�Raymond�Barre.�C’est
le�début�d’une�brillante�carrière�politique�qui�vous�amènera�à�faire�partie�de
l’équipe�de�ce�dernier�pour�les�présidentielles�de�1988,�et�à�être�également
député�UDF�dans�le�Nord�pendant�4�ans,�de�1986�à�1990,�avant�de
devenir�un�ministre�d’ouverture�apprécié�de�tous,�quand�Michel�Rocard
vous�appelle�en�1990�pour�rejoindre�son�gouvernement�en�tant�que
ministre�de�la�Santé�-�un�portefeuille�que�vous�occupez�pendant�2�ans
avant�de�devenir�ministre�du�Commerce�extérieur,�à�la�période�cruciale�de
conclusion�de�l’Uruguay�Round�et�des�accords�qui�mèneront�à�la�création
de�l’OMC.�Vous�êtes�par�la�suite�professeur�associé�à�l’Institut�d’Etudes
politiques�de�Paris,�chargé�de�diverses�missions�–�notamment�comme
émissaire�personnel�du�président�de�la�République�sur�des�questions�de
commerce�extérieur�-�avant�de�devenir�Inspecteur�général�des�finances�en
1999.
Quatre�ans�plus�tôt,�en�1995,�ce�sont�vos�voisins�et�amis�de�la�Drôme�qui
vous�persuadent�de�vous�présenter�aux�municipales.�Vous�remportez
l’élection,�et�depuis�15�ans,�vous�vous�passionnez�pour�la�dimension
pratique�de�la�gestion�municipale,�proche�des�citoyens,�bien�au-delà�des
querelles�partisanes�:�vous�devenez�très�vite�un�maire�particulièrement
apprécié.�La�date�de�1995�n’est�pas�anodine�:�les�caisses�de�la�commune
sont�vides,�et�il�faut�lever�des�subsides,�recréer�de�l’attractivité�pour�donner
une�nouvelle�impulsion�à�la�ville�dominée�par�son�superbe�château�qui�est
à�jamais�inscrit�dans�l’histoire�de�la�littérature�;�et�vous�profitez�du
tricentenaire�de�la�mort�de�Madame�de�Sévigné�pour�créer�le�Festival�de�la
Correspondance.
Quand�vous�lancez�le�festival,�vous�n’imaginiez�pas�qu’il�pourrait�s’inscrire
dans�une�telle�longévité,�avec�désormais�ses�10�000�entrées�en�quatre
jours�et�demi�et�la�participation�de�grandes�figures�des�lettres�françaises�ou
étrangères,�comme�pour�cette�mémorable�saison�russe�l’année�dernière.
La�beauté�du�projet�et�votre�enthousiasme�parviennent�à�mobiliser�les
bénévoles,�les�personnalités�qui�lui�apportent�son�soutien�comme�Claire
Chazal,�et�bien�sûr�celui�mon�ministère�et�du�Centre�National�du�Livre.
Puisant�dans�le�très�riche�fond�d’un�genre�littéraire�à�la�fois�très�élaboré�et
accessible�par�sa�forme�même,�ce�festival�littéraire�est�l’occasion�chaque
année�de�magnifiques�découvertes,�au�croisement�de�toutes�les�disciplines
artistiques.�J’ai�d’ailleurs�eu�le�grand�plaisir�de�me�rendre�en�2009�à�sa
14ème�édition,�consacrée�aux�«�Voyages�en�Italie�»,�alors�que�je�venais�de
quitter�la�Villa�Médicis�pour�la�rue�de�Valois.�Il�fait�bon,�l’été,�aller�à
Grignan,�où�Madame�de�Sévigné,�visitant�sa�fille,�écrivait�à�Jean�Racine
qu’«�ici,�nos�nuits�sont�plus�belles�que�vos�jours�».
Parce�que�tout�en�continuant�à�assumer�vos�hautes�responsabilités�à
l’inspection�des�finances,�vous�avez�fait�de�la�culture�une�priorité�pour�votre
ville�de�Grignan,�pour�laquelle�vous�vous�engagez�avec�tant�de�générosité,
je�suis�heureux,�cher�Bruno�Durieux,�au�nom�de�la�République�française,
de�vous�faire�commandeur�de�l’ordre�des�Arts�et�des�Lettres.
Cher�Olivier�Descotes,
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Je�suis�heureux�de�recevoir�un�jeune�directeur�d’Institut�français�-�36�ans�-,
actuellement�en�poste�à�Athènes,�dont�toutes�les�qualités�d'homme�de
culture�et�la�capacité�à�dialoguer�avec�les�intellectuels,�les�artistes�mais
aussi�les�gestionnaires�de�salles�dans�un�contexte�de�crise�économique
délicat,�viennent�servir�de�manière�exemplaire�le�réseau�culturel�français�à
l’étranger.
Après�vos�études�à�l’Institut�d’Etudes�Politiques�de�Paris�où�vous
enseignerez�plus�tard�le�management�musical,�puis�à�Cambridge�où�vous
réalisez�un�mémoire�sur�la�dissidence�musicale�en�URSS,�vous�vous�êtes
très�tôt�engagé�sur�les�questions�de�politique�culturelle,�en�devenant�en
2001�conseiller�culturel�de�Mme�Michèle�Alliot-Marie,�puis�l’année�suivante
comme�chargé�de�mission�au�cabinet�de�Jean-Jacques�Aillagon,�en�charge
des�affaires�politiques�et�musicales�(2002).�De�2003�à�2005,�vous�êtes�le
chef�de�Cabinet�du�président�de�Vivendi�Universal�:�vous�secondez�JeanRené�Fourtou�dans�une�spectaculaire�remise�sur�pied�d’un�leader�français
des�industries�culturelles.
C’est�à�Rome�que�vous�prenez�votre�premier�poste�dans�le�réseau�culturel
français�à�l’étranger,�comme�attaché�culturel�à�l'ambassade�de�France.
Vous�êtes�alors�en�charge�de�l'ensemble�des�dossiers�culturels�et
artistiques�du�poste�ainsi�que�de�la�coordination�des�cinq�établissements
culturels�français�dans�la�Péninsule.�Vous�êtes�également�secrétaire
général�de�la�fondation�culturelle�franco-italienne�Nuovi�Mecenati,
reconnue�d’utilité�publique.�À�Rome,�vous�avez�mené�avec�grand�talent�la
conduite�de�l'exposition�«�Luce�di�Pietra�»,�un�très�beau�parcours�francoitalien
de�l’art�contemporain�dont�Henry-Claude�Cousseau�était�le
commissaire�avec�Marcello�Smarelli,�inauguré�par�nos�deux�ministres�de�la
Culture�au�Palais�Farnèse�en�2007.�Vous�avez�également�mis�en�place
une�ambitieuse�programmation�théâtrale�à�l'échelle�de�l'Italie�en�partenariat
avec�les�opérateurs�italiens,�en�lançant�parallèlement�une�politique
structurée�de�traduction,�d'édition�et�de�représentation�des�textes�majeurs
du�théâtre�contemporain.�Dans�votre�domaine�de�prédilection,�la�musique,
vous�avez�su�réunir�des�interprètes�prestigieux�pour�une�saison�de
concerts�et�pour�le�festival�de�musique�contemporaine�Suona�Francese,�en
renforçant�également�les�commandes�et�les�résidences�pour�les
compositeurs�français.
En�2009,�vous�prenez�la�direction�du�Centre�culturel�français�de�Milan,�une
ville�que�vous�aviez�connue�étudiant,�dix�ans�plus�tôt,�par�vos�stages�à�la
Scala�et�à�TV�Classica.�À�33�ans,�vous�en�êtes�d’ailleurs�le�plus�jeune
directeur�depuis�sa�création.�Là�encore,�vous�avez�oeuvré�au�rayonnement
de�la�culture�française,�notamment�à�travers�la�promotion�des�jeunes
artistes�français.
L’année�dernière,�vous�avez�pris�la�tête�de�l'Institut�français�d'Athènes.
Vous�avez�très�vite�rencontré�tous�les�interlocuteurs�artistiques�et�culturels
d'Athènes�-�les�directeurs�des�principales�institutions�et�des�grands�lieux�de
spectacle,�les�fondations�privées�-,�ce�qui�vous�a�permis�d’élaborer
rapidement�une�programmation�culturelle�à�moyen�terme,�structurée�autour
de�temps�forts�et�de�rendez-vous�avec�tous�les�publics�grecs,�autour�du
théâtre,�de�la�musique�contemporaine,�ou�encore�du�cinéma�francophone,
mais�aussi�du�débat�d’idées�–�un�choix�particulièrement�pertinent�en�temps
de�crise.�Cette�programmation�a�rencontré�l'adhésion�de�nos�partenaires
grecs�et�suscité�l'enthousiasme�des�médias.�Vos�compétences�de
gestionnaire�vous�ont�permis�de�faire�face�à�une�conjoncture�budgétaire
très�difficile,�avec�réalisme�et�détermination.
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Alors�que�l’Institut�Français,�le�nouvel�opérateur�de�l’action�culturelle
extérieure�de�la�France,�se�met�en�place�en�redéfinissant�une�nouvelle
ambition�pour�notre�diplomatie�culturelle,�vous�êtes,�par�vos�talents�et�votre
expérience�déjà�importante,�un�atout�exemplaire�pour�l’avenir�du�réseau.
Cher�Olivier�Descotes,�au�nom�de�la�République�française,�nous�vous
faisons�chevalier�de�l’ordre�des�Arts�et�des�Lettres.
Cher�Raymond�Gurême,
À�Montlhéry,�aujourd’hui,�il�y�a�un�circuit�automobile.�Plus�rien�ne�subsiste
d’une�page�noire�de�notre�histoire.
Pendant�la�Seconde�Guerre�mondiale,�quelque�6500�femmes,�hommes�et
enfants,�forains,�roms,�gens�du�voyage,�ont�été�internés�dans�une�trentaine
de�camps�gérés�par�l’administration�française.�Ils�ne�seront�libérés�qu’en
mai�1946.
Vous�étiez�parmi�eux,�avec�votre�famille,�dans�l’Essonne,�au�camp�de
Linas-Montlhéry.�Vous�aviez�quinze�ans.�Vous�subissez�l’absence
d’hygiène,�le�froid,�la�faim,�la�violence�des�gardiens,�les�insultes.�Vous�êtes
aujourd’hui�le�dernier�témoin�d’une�page�occultée�de�notre�passé.
Avant�1940,�vos�parents�et�leurs�neuf�enfants�apportaient�«�la�civilisation
dans�les�villages�»,�grâce�à�leur�cinéma�et�leur�cirque�ambulants.�Le
cinématographe,�«�pour�faire�rêver,�rire,�trembler�et�pleurer�banlieusards�et
provinciaux�»,�comme�vous�l’écrivez�dans�votre�livre.�En�octobre�1940,
près�de�Rouen,�l’insouciance�de�ces�années�d’enfance�cesse�brutalement�:
les�gendarmes�viennent�vous�chercher,�au�petit�matin.�Votre�père,�ancien
combattant�de�la�Grande�Guerre,�écrit�en�vain�au�Préfet�pour�demander
une�libération.�Votre�famille�est�privée�de�ses�effets�personnels�et
transférée,�menottée,�vers�le�camp�de�Linas�dans�l’Essonne.�Vous�tentez
une�évasion�en�1942�:�le�maire�de�votre�commune�de�naissance,�en�SeineetMarne,�vous�dénonce.�La�deuxième�évasion�est�la�bonne�:�vous
survivez�en�travaillant�dans�des�fermes�en�Bretagne.�Après�le�vol�d’un
camion�de�ravitaillement�allemand�au�profit�de�la�Résistance,�vous�êtes�de
nouveau�incarcéré�à�Angers,�puis�à�Troyes,�avant�de�rejoindre�les�camps
de�travail�en�Allemagne.�Vous�vous�évadez�à�nouveau�en�juin�1944,�et
regagnez�Paris�caché�dans�la�soute�à�charbon�d’une�locomotive.�Vous
rejoignez�la�Résistance�dans�le�Nord�de�Paris,�puis�l’armée,�en�participant
à�la�bataille�de�Bastogne.
Vous�ne�retrouverez�les�vôtres�qu’en�1952,�en�Belgique,�où�votre�père
organise�la�survie�en�tenant�un�jeu�de�quilles.�Dans�la�famille,�le�silence�est
de�mise�sur�les�années�de�souffrance.�Ce�n’est�qu’en�2009�que�vous
obtiendrez�une�carte�d’interné�politique.
Aujourd’hui,�alors�que�vous�résidez�à�5�kilomètres�à�peine�de�Montlhéry,
vous�témoignez.�Votre�livre,�Interdit�aux�nomades,�écrit�avec�Isabelle
Ligner�et�publié�l’année�dernière�aux�éditions�Calmann-Lévy,�lève�le�voile.
Pour�la�mémoire�de�vos�proches,�pour�vos�enfants,�pour�vos�petits-enfants.
Cet�épisode�de�notre�histoire�ne�figure�toujours�pas�dans�nos�manuels
scolaires.�Pourtant,�cette�histoire,�la�vôtre,�fait�partie�intégrante�de�notre
histoire�nationale.
Se�remémorer�cet�épisode,�c’est�aussi�contribuer�à�lutter�contre�les
discriminations�que�subissent�encore�les�Tsiganes�dans�notre�pays,
implantés�pourtant�sur�ce�territoire�depuis�le�XVème�siècle,�et�citoyens
français�à�part�entière.
C’est�le�combat�que�mène�le�collectif�«�Une�mémoire�française�»,�composé
d’associations�de�Tsiganes�de�France�et�d’un�comité�d’historiens.�C’est�le
combat�du�cinéaste�Tony�Gatlif.�C’est�un�combat�que�je�rejoins,�et�je�tenais
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Ministère�de�la
discours
Culture et�de�la Communication
aujourd’hui�à�partager�avec�vous�cette�lutte�contre�l’oubli,�contre�le�non-dit,
contre�l’occultation�;�contre�ce�qui,�pour�reprendre�les�propos�de�votre
père,�«�dépasse�l’entendement�».
Le�groupe�de�travail�«�Culture�et�gens�du�voyage�»,�mis�en�place�par�le
Secrétariat�général�de�mon�Ministère�en�septembre�dernier,�composé�par
les�représentants�des�fédérations�des�gens�du�voyage,�a�proposé
l’unanimité�que�vous�soit�remis�cette�distinction�honorifique.�Aujourd’hui,�je
suis�fier�et�honoré�de�vous�la�décerner.
Cher�Raymond�Gurême,�nous�vous�faisons�chevalier�de�l’ordre�des�Arts�et
des�Lettres.
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