Mémoire de l`intimée, Sa Majesté la Reine, du Chef du Canada
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Mémoire de l`intimée, Sa Majesté la Reine, du Chef du Canada
Dossier no 33524 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE) ENTRE : LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC APPELANTE (appelante) - et SA MAJESTÉ LA REINE, DU CHEF DU CANADA INTIMÉE (intimée) MÉMOIRE DE L’INTIMÉE, SA MAJESTÉ LA REINE, DU CHEF DU CANADA Me René LeBlanc Me Bernard Letarte Me Guy A. Blouin Ministère de la Justice Canada Bureau T-6050 284, rue Wellington Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Me Christopher Rupar Procureur général du Canada Édifice Banque du Canada Pièce 1212 234, rue Wellington, Tour Est Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Tél. : 613 957-4657 Téléc. : 613 952-6006 [email protected] [email protected] [email protected] Tél. : 613 941-2351 Téléc. : 613 954-1920 [email protected] Procureurs de l’Intimée Correspondant de l’Intimée Henri A. Lafortune Inc. Tél. : 450 442-4080 Téléc. : 450 442-2040 [email protected] 2005, rue Limoges Longueuil (Québec) J4G 1C4 www.halafortune.ca L-3288-10 -2- Me Dominique Rousseau Me Mélanie Paradis Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) Bureau 1.03 300, boulevard Jean-Lesage Québec (Québec) G1K 8K6 Me Pierre Landry Noël & Associés 111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1 Tél. : 418 649-3524 Téléc. : 418 646-1656 [email protected] Tél. : 819 771-7393 Téléc. : 819 771-5397 [email protected] Procureurs de l’Appelante Correspondant de l’Appelante -iTABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DE L’INTIMÉE Page SURVOL PARTIE I A. ......................................... 1 – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS LE RÉGIME CANADA D’ASSISTANCE PUBLIQUE ......................................... 4 DU ......................................... 4 i. Son historique ......................................... 4 ii. Les dispositions pertinentes au présent litige ......................................... 6 B. LE RECOURS ENTREPRIS PAR LE QUÉBEC ......................................... 9 C. LES JUGEMENTS D’INSTANCES INFÉRIEURES ....................................... 13 i. Le jugement de première instance ....................................... 13 - Les services sociaux scolaires ....................................... 13 - Les services de soutien aux personnes handicapées adultes vivants en ressources résidentielles à assistance continue ....................................... 16 ii. Le jugement de la Cour d’appel ....................................... 17 PARTIE II – 1 EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN LITIGE ....................................... 18 Les tribunaux d’instances inférieures ont-ils erré de manière à justifier l’intervention de cette Cour, lorsqu’ils ont conclu que le Canada n’était pas tenu, aux termes du RAPC, de partager les coûts des dépenses engagées par le Québec à diverses périodes au cours de la durée de vie de ce régime, au titre des services sociaux scolaire, et au titre des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles à assistance continue? ....................................... 18 - ii TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DE L’INTIMÉE PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS A. Page ....................................... 18 LES SERVICES SOCIAUX SCOLAIRES NE SONT PAS DES « SERVICES DE PROTECTION SOCIALE » AU SENS DU RAPC ....................................... 18 i. Le cadre d’analyse ....................................... 18 ii. La lutte à la pauvreté est au cœur du mandat du RAPC tout comme elle est explicitement au centre de la définition de « services de protection sociale » ....................................... 20 iii. L’erreur d’appréciation générale de la portée de l’expression « services de protection sociale » reprochée par l’appelant au premier juge et liée à la manière dont le RAPC a pu être appliqué, ne résiste pas à l’analyse ....................................... 24 iv Les services sociaux scolaires poursuivent une finalité qui n’est pas celle du RAPC ....................................... 27 v. L’élève qui reçoit un service social scolaire n’est pas un « enfant en manque de soins » au sens du RAPC ....................................... 31 vi. Les récriminations de l’appelant eu égard aux conclusions du premier juge portant sur la nature et la finalité du service social scolaire sont sans fondement ....................................... 34 - L’erreur alléguée relative à la valeur probante de l’opinion de l’expert Groulx ....................................... 34 - L’erreur alléguée relative à l’origine des services sociaux scolaires au Québec ....................................... 35 - L’erreur alléguée relative à l’impact du rattachement administratif des travailleurs sociaux scolaires au réseau des Affaires sociales ....................................... 36 - iii TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DE L’INTIMÉE vii. B. Page L’exclusion statutaire relative concernant l’enseignement aux services ....................................... 41 LES SERVICES DE SOUTIEN EN RESSOURCES RÉSIDENTIELLES ....................................... 43 i. Les services en cause sont des « soins en établissement pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux ....................................... 46 - La condition des résidents ....................................... 46 - Les services qui leurs sont dispensés ....................................... 48 - Les liens structurels et organiques entre la ressource résidentielle et l’institution qui lui assure les services ....................................... 49 ii. Les normes provinciales relatives aux établissements de santé et de services sociaux et la notion de personnes « admises » ou « inscrites » ....................................... 54 iii. Le critère de l’intensité de services est inhérent au concept de « soins en établissement pour adultes » ....................................... 57 PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS PARTIE V – CONCLUSION DEMANDÉES ET ....................................... 59 ORDONNANCE PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES ....................................... 60 ........................................ 61 -1Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Survol MÉMOIRE DE L’INTIMÉE SURVOL 1. Ce pourvoi a pour origine un désaccord – vieux d’une trentaine d’années – entre le gouvernement de la province de Québec [le « Québec » ou « l’appelant »] et celui du Canada [le « Canada »] concernant le partage, aux termes du Régime d’assistance publique du Canada [le « RAPC »], de certaines dépenses de mesures sociales engagées par la province à différentes époques de la durée de vie de ce régime. 2. En vigueur de 1966 à 1996, le RAPC avait pour raison d’être d’encourager la mise sur pied de programmes visant à atténuer, supprimer ou prévenir les causes et les effets de la pauvreté. À cette fin, il autorisait le Canada, en autant qu’intervenait entre lui et une province un accord à cet effet et en autant qu’il n’y était pas déjà tenu aux termes d’une quelconque autre loi fédérale, à contribuer, à hauteur de 50% de leur total, aux coûts admissibles de « l’assistance publique » et des « services de protection sociale » dispensés par la province aux plus démunis de sa population. 3. Le présent litige tient plus particulièrement au refus du Canada de contribuer aux frais des services sociaux scolaires et des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles, que le Québec prétend être des « services de protection sociale » au sens du RAPC. La province estime à 285 millions de dollars la contribution qu’elle aurait dû ainsi recevoir du Canada. 4. Or, aussi généreuse, extensive ou évolutive que l’interprétation du RAPC puisse être, comme le réclame l’appelant, elle ne peut avoir pour résultat d’assujettir le Canada au partage des coûts de services qui ne s’inscrivent pas dans la logique du RAPC, laquelle est d’éradiquer la pauvreté. C’est le cas du service social scolaire dont la preuve au dossier révèle qu’il est sans rapport véritable avec cette logique, la nature et la finalité intrinsèques de ce service étant d’appuyer la mission de l’école en faisant en sorte que les élèves qui y présentent des difficultés d’ordre social puissent néanmoins -2Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Survol profiter au maximum de l’expérience scolaire et, donc, d’un droit effectif à l’éducation. L’appelant a toujours prétendu que le caractère unique de l’organisation du service social scolaire au Québec, du fait de son appartenance au réseau des Affaires sociales plutôt qu’à celui de l’Éducation, comme c’est le cas partout ailleurs au Canada et dans le monde, en avait changé la nature au point de rompre le lien intime qui le soude à la mission de l’école. Or, cette assertion ne trouve aucun fondement dans la preuve. 5. Il en va de même des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles. Dispensés sur une base continue et permanente, couvrant tous les aspects de la vie quotidienne allant de l’hygiène personnelle de base aux activités sociales et récréatives, et s’adressant à des clientèles dont la déficience est telle qu’elles ne peuvent assurer seules, sans compromission, leur santé et leur sécurité, ces services correspondent en tout point à des « soins en établissements pour adultes » aux coûts desquels le Canada contribuait déjà, aux termes d’une autre loi fédérale, en l’occurrence la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis [la « Loi sur les accords fiscaux »]. 6. Que la ressource résidentielle ne soit pas désignée comme un « établissement » par la législation de la province n’y change rien; la portée de la législation fédérale applicable ne saurait être tributaire du modèle d’affaires adopté par le Québec eu égard à la gestion de son programme résidentiel pour personnes handicapées adultes, notamment en ce qui a trait à la budgétisation de certaines dépenses liées à la gestion de la résidence. En bout de ligne, la ressource résidentielle, tout comme ses résidents, demeure, à tout point de vue, sous le contrôle effectif de l’organisme étatique qui y dispense les services. Cela va du choix de l’habitation elle-même, au placement et au pairage des résidents, en passant par la gestion des fonds nécessaires au fonctionnement de la résidence et à la vie dans la résidence. Ce contrôle effectif passe aussi par le mandat fondamental de l’organisme, qui est de s’assurer en tout temps du bien-être et de la sécurité des résidents. Il n’en fallait pas davantage pour que la -3Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Survol ressource résidentielle soit assimilée à un « établissement » au sens de la Loi sur les accords fiscaux. 7. Ce sont les constats auxquels en est arrivé le premier juge après avoir soigneusement examiné et soupesé la preuve faite devant lui. La Cour d’appel n’a vu aucune raison d’intervenir. 8. Comme l’a si justement souligné le premier juge, le présent litige est inédit : toutes les provinces ont adhéré au RAPC mais aucune autre province, au cours des trente années d’existence de ce régime, n’a saisi les tribunaux relativement à une mésentente découlant de son application. Pourtant, elles ont, elles aussi, dispensé des services similaires à ceux qui sont en cause en l’instance. 9. C’est dans ce contexte particulier que le Québec reprend ici, en tout point, un argumentaire qui ne lui a pas réussi devant ni l’une ni l’autre des instances à qui il s’est adressé jusqu’à maintenant. Or, il ne lui suffit pas de réitérer devant cette Cour des thèses déjà tenues pour non fondées par les tribunaux d’instances inférieures à l’égard de questions qui sont, pour l’essentiel, des questions mixtes de faits et de droit liées à l’application d’un texte de loi abrogé il y a maintenant plus de 10 ans. Il lui fallait identifier des erreurs manifestes dans le traitement de ces questions, c’est-à-dire des erreurs se dégageant avec netteté du réexamen desdites questions et menant indubitablement à une issue différente. L’appelant n’y est pas parvenu; son appel doit en conséquence échouer. --------- -4Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits PARTIE I – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS A. LE RÉGIME D’ASSISTANCE PUBLIQUE DU CANADA i. Son historique 10. Le RAPC a été créé aux termes de la Loi autorisant le Canada à contribuer aux frais des régimes visant à fournir une assistance publique et des services de protection sociale aux personnes nécessiteuses et à leur égard1, laquelle a été sanctionnée et mise en vigueur le 15 juillet 1966. 11. Il s’inscrivait dans le plan de lutte à la pauvreté lancé par le gouvernement fédéral de l’époque2 et se voulait l’aboutissement d’un long processus au terme duquel ont été mis en place, particulièrement à compter de la fin de la Deuxième Grande Guerre, les grands programmes universels que sont les allocations familiales, la sécurité de la vieillesse et l’assurance maladie et hospitalisation3. Sa vocation était résiduelle dans la mesure où il avait essentiellement pour objet, tant au niveau de « l’assistance publique » que des « services de protection sociale », d’assister ceux et celles qui étaient passés à travers les mailles des autres mesures et programmes de sécurité sociale4. Le RAPC s’inscrivait plus particulièrement, à ce titre, dans la lignée des programmes fédéraux d’assistance sociale sélective destinés aux personnes âgées 1. 2. 3. 4. S.C. 1966-67, c. 45; S.R.C. 1970, c. C-1; L.R.C. 1985, c. C-1; Recueil de sources de l’appelante [« RSA »], vol.1, onglet 1, p.1; Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, Dossier de l’appelante (« DA »), vol. 49, p. 134; Rapport d’expertise de Jean-Bernard Robichaud, Ph.D., Pièce D-35, DA, vol. 50, p. 40; Thèse de doctorat d’Yves Vaillancourt (février 1992), Pièce D-25, DA, vol. 48, p.112-114; Id. Rapport d’expertise de Jean-Bernard Robichaud, Ph.D., Pièce D-35, DA, vol. 50, p. 34-35; -5Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits dans le besoin, aux aveugles, aux invalides et aux chômeurs incapables de réintégrer le marché du travail, programmes dont il opérait en quelque sorte la consolidation5. 12. Toutes les provinces se sont prévalues du RAPC en signant les accords prévus à cette fin6. Au cours des 30 ans d’existence du RAPC, le Canada aura ainsi contribué tout près de 98 milliards de dollars aux frais des services dispensés par les provinces au titre de « l’assistance publique » et des « services de protection sociale », sa contribution annuelle totale passant de 342 millions de dollars, pour l’année fiscale 1967-1968, à plus de 7.8 milliards de dollars pour l’année fiscale 1995-1996; près de 34 milliards de dollars auront été versés à la province de Québec pendant cette période7. 13. Son histoire aura été marquée par diverses tentatives infructueuses d’en changer les paramètres ou de le remplacer tout simplement par un instrument mieux adapté à l’orientation universelle que les provinces ont, à compter des années ’70, progressivement donnée à leurs programmes sociaux8. 14. Le RAPC a été abrogé le 31 mars 1996 par l’entrée en vigueur du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux9, programme aux termes duquel la contribution fédérale aux coûts des régimes provinciaux d’assistance publique et de services de protection sociale se fera dorénavant, mais de manière progressive, sous forme d’une subvention per capita. Il a toutefois continué à produire des effets jusqu’au 31 mars 2000 de manière à permettre le règlement définitif des réclamations 5. 6. 7. 8. 9. Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, DA, vol. 49, p. 134135; Rapport d’expertise de Jean-Bernard Robichaud, Ph.D., Pièce D-35, DA, vol. 50, p. 37; Au 31 août 1967, un accord aux termes du RAPC était en vigueur dans chacune des provinces : Témoignage de Jean-Bernard Daudelin, DA, vol. 19, p. 165-166; Tableau – Appendix A – CAP Statistics, Pièce D-27, DA, vol. 49, p. 10; Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, DA, vol. 49, p. 141142, 145-151; Rapport d’expertise de Jean-Bernard Robichaud, Ph.D., Pièce D-35, DA, vol. 50, p. 42-43; Loi d’exécution du budget 1995, L.C. 1995, c. 17, RSA, vol. 2, onglet 5, p. 219; -6Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits provinciales en suspens, l’année financière 1995-1996 étant la dernière année pour laquelle une réclamation en vertu du RAPC pouvait être faite par une province10. ii. Les dispositions pertinentes au présent litige 15. L’objet général du RAPC est défini à son préambule11, lequel se lit comme suit : Whereas the Parliament of Canada, recognizing that the provision of adequate assistance to and in respect of persons in need and the prevention and removal of the causes of poverty and dependence on public assistance are the concern of all Canadians, is desirous of encouraging the further development and extension of assistance and welfare services programs throughout Canada by sharing more fully with the provinces in the cost thereof; 16. Considérant que le Parlement du Canada reconnaissant que l’instauration de mesures convenables d’assistance publique pour les personnes nécessiteuses et que la prévention et l’élimination des causes de pauvreté et de dépendance de l’assistance publique intéressent tous les Canadiens, désire encourager l’amélioration et l’élargissement des régimes d’assistance publique et des services de protection sociale dans tout le Canada en partageant dans une plus large mesure avec les provinces les frais de ces programmes; Le présent litige concerne par ailleurs la première des cinq parties du RAPC. Formée des articles 3 à 9, cette partie [Assistance générale et Services de protection sociale] est, pour l’essentiel, opérationnalisée par un certain nombre de définitions contenues à l’article 2 et interpellées par le présent débat, soit celles « d’assistance publique », de « personnes nécessiteuses », de « foyers de soins spéciaux », de « services de protection sociale », de personnes en « proximité de besoins »12. 17. L’ « assistance publique » est définie comme de l’aide « sous toutes ses formes » – la plus courante étant l’allocation d’aide sociale – visant principalement à permettre aux « personnes nécessiteuses » de subvenir à leurs besoins fondamentaux 10. 11. 12. Loi d’exécution du budget 1995. a. 48, RSA, vol.2, onglet 5, p. 226-228; Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, DA, vol. 49, p. 152-153; RAPC, préambule, RSA, vol. 1, onglet 1, p. 42; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 12 à 20, par. 19 à 25; -7Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits [nourriture, logement, vêtements, fournitures ménagères, services d’utilité publique, etc.]. Les « personnes nécessiteuses » sont celles qui, en raison de leur incapacité à obtenir un emploi, de la perte de leur principal soutien de famille, de leur maladie, de leur âge, ou de toute autre cause acceptable pour la province, ne peuvent subvenir convenablement à leurs besoins. Il s’agit, communément, des personnes 13 « pauvres » . Sont assimilés à cette clientèle, les jeunes âgés de moins de 21 ans confiés aux soins, à la garde ou à la surveillance d’une autorité chargée de la protection infantile, ou encore placés en foyer nourricier en raison de l’incapacité des parents à subvenir à leurs besoins. 18. Les soins en « foyers de soins spéciaux », qui constituent une forme d’assistance publique, sont, pour leur part, définis comme étant, notamment, des soins dispensés dans des « établissements de soins pour enfants » ou encore dans des « établissements de bien-être social dont le principal objet est de fournir à ses résidents des soins personnels, ou infirmiers ou de les réadapter socialement »14. Les « établissements dont le principal objet est l’enseignement » sont par contre expressément exclus de la définition de « foyers de soins spéciaux ». 19. Les « services de protection sociale », qui sont au cœur du présent litige, sont définis de la façon suivante : 13. 14. Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, DA, vol. 49, p. 155; Rapport d’expertise de Jean-Bernard Robichaud, Ph.D., Pièce D-35, DA, vol. 50, p. 40 à 42; RAPC, a. 2, RSA, vol.1, onglet 1, p. 43; Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, C.R.C. (1978) c. 382, a. 8, RSA, onglet 8, vol. 2, onglet 8, p. 262; -8Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 20. Exposé concis des faits “welfare services” means services having as their object the lessening, removal of prevention of the causes and effects of poverty, child neglect or dependence on public assistances, and, without limiting the generality of the foregoing, includes (a) Rehabilitation services (b) Casework, counselling, assessment and referral services, (c) Adoption services, (d) Homemaker, day-care and similar services, (e) Community development services, (f) Consulting, research and evaluation services with respect to welfare programs, and (g) Administrative, secretarial and clerical services, including staff training, relating to the provision of any of the foregoing services or to the provision of assistance, «services de protection sociale » Services qui ont pour objet d’atténuer, de supprimer ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté, du manque de soins à l’égard des enfants ou de la dépendance de l’assistance publique et notamment : (a) Services de réadaptation; (b) Services sociaux personnels, services d’orientation, d’évaluation des besoins et de référence; (c) Services d’adoption; (d) Services ménagers à domicile, services de soins de jour et autres services similaires; (e) Services de développement communautaires; (f) Services de consultation, de recherche et d’évaluation en ce qui concerne les programmes de protection sociale; (g) Services administratifs, de secrétariat et de commis aux écritures, y compris ceux de formation du personnel, relatifs à la fourniture de tout service mentionné ci-dessus ou de l’assistance publique. but does not include any service relating wholly or mainly to education, correction or any other matter prescribed by regulation or, except for the purposes of the definition “assistance”, any service provided by way of assistance; Sont exclus de la présente définition les services qui concernent uniquement ou principalement l’enseignement, la correction ou tout autre domaine réglementaire ou, sauf pour l’application de la définition de « assistance publique », les services fournis sous forme d’assistance publique.15 Ces services sont par ailleurs ceux qui s’adressent aux « personnes nécessiteuses » ainsi qu’aux personnes « en proximité de besoins », c'est-à-dire aux personnes qui deviendront « vraisemblablement des personnes nécessiteuses » si de 15. RAPC, a. 2, RSA, vol.1, onglet 1, p. 45; -9Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits tels services ne leur sont pas fournis. En pratique, il est question ici des « presque pauvres » [" near poor "]16. 21. Enfin, la contribution fédérale n’est payable que dans la mesure où l’« assistance publique » et les « services de protection sociale » sont fournis, d’une part, par un « organisme approuvé par la province » ou, selon les cas, dans un « foyer de soins spéciaux », préalablement agréés par le gouvernement du Canada aux termes de l’accord intervenu avec la province et, d’autre part, en conformité avec une législation provinciale, également préalablement agréée, en tout ou en partie, par le gouvernement du Canada aux termes dudit accord, prévoyant la fourniture de cette assistance ou de ces services à des conditions compatibles avec le RAPC17. 22. Elle n’est payable aussi que dans la mesure où le Canada n’est pas déjà tenu de contribuer aux coûts des services en cause en conformité avec une autre loi fédérale18 et où la province soumet en temps opportun une réclamation pour une année donnée, réclamation au soutien de laquelle elle doit fournir aux autorités fédérales tous les renseignements que celles-ci estiment nécessaires à son analyse19. B. LE RECOURS ENTREPRIS PAR LE QUÉBEC 23. Le Québec a entrepris son recours en décembre 1996. À l’origine, il conteste le refus du Canada de contribuer non seulement aux frais des services sociaux scolaires et des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles, mais également celui de contribuer aux frais des services pré et postdécisionnels dispensés aux jeunes délinquants entre 1979 et 1984. Rejeté sur tous les 16. 17. 18. 19. Présentation PowerPoint de Keith Banting, Pièce D-31, DA, vol. 49, p. 93; Témoignage de Keith Banting, DA, vol. 20, p. 133-134, 186; Témoignage de Jean-Bernard Daudelin, DA, vol. 19, p. 152 à 156; RAPC, a. 4, RSA, vol.1, onglet 1, p. 46; RAPC, al. 5(2)c), RSA, vol.1, onglet 1, p. 48; Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, précité, par. 13(2), RSA, vol. 2, onglet 8, p. 264-265; - 10 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits plans par le premier juge, ce dernier volet de la réclamation du Québec sera abandonné en appel. 24. L’appelant a toujours prétendu qu’il s’agissait là de « services de protection sociale », au sens du RAPC, dont le Canada était, en conséquence, tenu d’en partager les coûts qu’il estime, une fois retranchés les coûts relatifs aux services aux jeunes délinquants, de l’ordre de 285 millions de dollars20. 25. Les services sociaux scolaires dont il est question en l’instance sont ceux dispensés à compter de 1973, soit à partir du moment où, sur le plan de l’organisation de son service public, la province transfère formellement la responsabilité de la prestation de ces services du réseau de l’Éducation vers celui des Affaires sociales. 26. Le Québec plaide, pour l’essentiel, que ce transfert a opéré une transformation profonde du mandat du service social scolaire dispensé jusqu‘alors sous l’égide des commissions scolaires. Désormais, allègue-t-il, ce n’est plus l’élève qui reçoit l’attention de ce service, mais l’individu; l’école devient à partir de ce moment un simple point de service où il est plus facile de rejoindre les jeunes, reléguant ainsi la réussite de l’expérience scolaire au rang d’un objectif purement secondaire de l’intervention du travailleur social scolaire21. 27. Du fait de sa nouvelle appartenance au réseau des Affaires sociales, soutient le Québec, le service social scolaire se trouve ainsi parfaitement aligné sur les exigences du RAPC : il est assuré par des « organismes approuvés par la province » identifiés à l’accord entre la province et le Canada, à savoir, les Centres de services sociaux [« CSS »] et, plus tard, les Centres locaux de services communautaires [« CLSC »], en vertu d’une législation provinciale également identifiée à l’accord, en l’occurrence la Loi sur les services de santé et services sociaux, et répond aux différents éléments de la 20. 21. Tableau des montants réclamés par Québec (2 septembre 2006), Pièce PGQ-1, DA, vol. 41, p. 135; Mémoire des faits et du droit du demandeur (sept. 2006), Dossier de l’intimée, [« DI »], par.100-101, p. 97-98; - 11 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits définition de « services de protection sociale » [il s’agit d’un service personnel, d’orientation, d’évaluation de besoins et de référence]22. 28. Les services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles visés par le recours du Québec sont, pour leur part, ceux dispensés à compter de 1986, soit à partir du moment où ce type d’hébergement pour personnes handicapées adultes – la ressource résidentielle – fait son apparition dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux. 29. La problématique qui leur est associée tire son origine du processus de désinstitutionnalisation qui a cours au Québec, comme ailleurs au Canada, à partir des années ’60, et qui résulte de la prise de conscience, par les autorités publiques et la société en général, des conditions de vie réservées aux personnes présentant une déficience intellectuelle23. 30. Ce mouvement se traduit, dans une optique d’intégration sociale et communautaire, par une relocalisation physique des personnes handicapées que l’on transfère progressivement des institutions psychiatriques et des internats, où elles étaient confinées, vers de petites résidences de quartier – la ressource résidentielle – pouvant abriter un maximum de neuf (9) personnes bénéficiant de différents services de soutien assurés par des Centres d’accueil de réadaptation [« CAR »]24. 31. Jusqu’au 1er avril 1977, le Canada partage, en vertu du RAPC, le coût des services dispensés aux personnes nécessiteuses et handicapées adultes vivant dans des « foyers de soins spéciaux » relevant de la catégorie des « établissements de bienêtre social dont le principal objet est de fournir à ses résidents des soins personnels ou infirmiers ou de les réadapter socialement »25. 22. 23. 24. 25. Id., par. 97; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 174-175, par. 331; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 175, par. 332; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 176, par. 334; - 12 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 32. Exposé concis des faits À compter de cette date cependant, avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les accords fiscaux26, c’est par le biais du programme des services complémentaires de santé, institué aux termes de cette loi, que le gouvernement fédéral contribuera – par voie de subvention per capita – aux coûts de ces services considérés dorénavant comme étant des « soins en établissements pour adultes » au sens dudit programme27. 33. Le différend entre les parties vient du fait que le Canada, s’appuyant sur l’alinéa 5(2)c) du RAPC, qui exclut du partage de coûts les frais qu’il est déjà tenu de partager en conformité avec une autre loi fédérale, refuse de défrayer les coûts des services dispensés dans les ressources résidentielles qui assurent à leurs résidents des services continus et permanents [les « ressources résidentielles à assistance continue »], puisqu’il est d’avis qu’il s’agit là de « soins en établissements pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux et de son règlement d’application, le Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis.28 34. Le Québec fait valoir que les ressources résidentielles à « assistance continue » ne sont pas des « établissements » au sens de cette loi puisque leurs résidents assument eux-mêmes, à même leur revenu d’aide sociale, leurs frais de subsistance [loyer, nourriture, vêtements, loisirs]. La ressource résidentielle échappe d’ailleurs, ajoute-t-il, à la désignation d’« établissement » aux termes de la législation de la province, faisant en sorte que les services qui y sont dispensés doivent être considérés comme des « services à domicile » dont l’intensité, c'est-à-dire le fait qu’ils sont dispensés sur une base continue et permanente, ne saurait servir à les disqualifier en tant que « services de protection sociale ». 26. 27 28. 25-26 Elizabeth II, c. 10; RSA, vol. 2, onglet 3, p. 167; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 177, par. 336; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 178-179, par. 339; Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587, RSA, vol. 2, onglet 7, p. 241; - 13 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 35. Exposé concis des faits Par ailleurs, contrairement à ce que le Québec fait valoir aux paragraphes 15 et 228 de son mémoire, le Canada n’a jamais reconnu que les coûts des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles étaient partageables, même en partie. Au moment de l’introduction du présent litige, aucune décision finale, faute de données suffisantes, n’avait pu être prise par le Canada eu égard à l’admissibilité desdits coûts à une contribution fédérale aux termes du RAPC. Tous les montants que le Canada a pu verser au Québec, en marge de ce volet de la réclamation du Québec, l’ont été à titre strictement provisoire, sous réserve expresse de l’issue du litige29. C. LES JUGEMENTS D’INSTANCES INFÉRIEURES i. Le jugement de première instance 36. Le 6 juin 2008, au terme d’un délibéré de près de 18 mois faisant suite à un procès d’une durée de 18 jours au cours duquel une trentaine de témoins, dont 10 experts, ont été entendus et au delà d’une centaine de documents produits en preuve, l’honorable juge Yves de Montigny, j.c.f., dans un jugement étoffé de 226 pages, rejetait, sous tous ses aspects, le recours de l’appelant. Les services sociaux scolaires 37. Procédant d’abord à dégager l’objet véritable du RAPC en le replaçant, notamment, « dans son contexte historique et législatif plus global » 30, le premier juge a conclu que le RAPC se voulait essentiellement un régime sélectif et résiduel de lutte 29. 30. Défense amendée de Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, DA, vol. 2, p. 203, 205, 206, 212 et 213, par. 18.29, 20.2, 20.3, et 34; Témoignage de Jean-Bernard Daudelin, DA, vol. 24, p. 57, 58, 101, 102, 106 et 107; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 22-24, par. 30-34, - 14 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits contre la pauvreté destiné à soutenir l’aide apportée par les provinces aux personnes défavorisées économiquement31. 38. Il a, ce faisant, écarté la thèse du Québec, fondée sur les travaux de l’un de ses experts, Yves Vaillancourt, suivant laquelle le refus des autorités fédérales de partager les coûts des services en cause en l’espèce ne pouvait s’expliquer que par une interprétation indûment restrictive de la définition de « services de protection sociale » dictée par une volonté de contenir l’explosion imprévue des coûts qu’entraînait ce programme à frais partagés pour le trésor public fédéral32. Cette thèse lui est apparue « suspecte pour plusieurs raisons »33, truffée « d’explications peu convaincantes et au demeurant souvent alambiquées »34 et comme ne tenant « tout simplement pas la route »35. 39. Procédant ensuite à l’analyse de la preuve portant sur la nature du service social scolaire au Québec durant la période en cause, il n’a pu déceler d’affinités entre sa finalité et celle du RAPC. Ce service, a-t-il constaté, est disponible à tout élève qui éprouve des difficultés à l’école, quel que soit le milieu socio-économique d’où il provient; en ce sens, il est un service à vocation universelle s’adressant à une clientèle dépassant largement celle envisagée par le RAPC, en l’occurrence les « jeunes en besoin de protection »36. 40. De façon plus particulière, il a jugé que rien dans la preuve n’appuyait l’idée que le changement organisationnel de 1973, qui faisait passer le service social scolaire dans le giron du réseau des Affaires sociales, ait eu pour effet de diluer les liens du service social scolaire avec le monde scolaire et de faire de l’école, comme le prétend 31. 32. 33. 34. 35. 36. Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 35, par. 43; p. 42-43, par. 66; p. 52, par. 81; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 22-23, par. 30; p. 33 par. 48; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 33, par. 48; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 35, par. 53; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 43-44, par. 67; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 171-172, par. 323; - 15 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits l’appelant, un simple point de service où il est plus commode de rejoindre les jeunes37. Cette description du service social scolaire lui est apparue comme correspondant « à une vision tronquée de la réalité »38. 41. La preuve, a-t-il constaté, révèle plutôt, « indubitablement », que le lien d’emploi et le rattachement administratif des travailleurs sociaux scolaires au ministère des Affaires sociales « ne semblaient pas avoir fondamentalement affecté leur tâche et avaient été beaucoup moins déterminants que leur lien institutionnel avec le monde de l’éducation »39. Aussi loin que l’on remonte, poursuit-il, les services sociaux scolaires ont été conçus comme un service complémentaire à la mission éducative des institutions scolaires dont ils épousent les objectifs, la finalité et la spécificité, si bien que l’on ne peut admettre qu’en ce domaine, comme le soutient l’appelant, les besoins de l’enfant, en tant qu’individu, priment sur ceux de l’élève40. 42. Enfin, et de façon subsidiaire, le juge de première instance en est arrivé à la conclusion que l’exclusion des services concernant l’enseignement, contenue à la définition de « services de protection sociale », ne venait que « confirmer, si besoin était, que les services sociaux scolaires ne sont pas des ‘services de bien-être social’ tels que définis dans le RAPC »41. Il a exprimé l’avis, à cet égard, qu’il était tout à fait approprié de raisonner en termes institutionnels plutôt que substantifs et qu’en conséquence, une conception ouverte du terme « enseignement », englobant à la fois l’idée de l’apprentissage scolaire traditionnel et celle, plus large, du développement complet de l’enfant, paraissait mieux s’accorder avec l’intention du législateur, que l’interprétation limitative proposée par le Québec42. 37. 38. 39. 40. 41. 42. Id. Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 160, par. 300; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 165, par. 311; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 160, par. 301; p. 168-169, par. 316-317; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 174, par. 330; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 172-173, par. 324-328; - 16 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits Les services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles à assistance continue 43. Le juge de première instance a rejeté l’ensemble des prétentions du Québec voulant que ces services soient des « services de protection sociale » au sens du RAPC parce que dispensés, en quelque sorte, au « domicile » de l’usager43. 44. Cette thèse, selon le premier juge, se heurte à plusieurs obstacles liés à la nature et à l’intensité des services dispensés dans ce type de ressources et aux rapports étroits unissant celles-ci à l’organisme étatique, le CAR, dont elles dépendent pour les services qui y sont dispensés. D’une part, les résidents de ces ressources requièrent un encadrement continu pour être en mesure de fonctionner et ne peuvent être laissés à eux-mêmes. Il s’agit là d’une forme de soutien qui cadre mal, note-t-il, avec la nature nécessairement ponctuelle qui caractérise le « service à domicile »44. Quoique plus personnalisés, en raison du nombre plus faible de résidents, les services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles à assistance continue demeurent, conclura-t-il, à toutes fins pratiques similaires à ceux dispensés en milieu institutionnel45. 45. D’autre part, constate le premier juge, la ressource résidentielle à assistance continue ne saurait être considérée comme un véritable « domicile » en raison de son rapport particulier à l’organisme dispensateur de services46, lequel demeure, en tout temps, « imputable vis-à-vis des usagers des ressources résidentielles » 47. 46. La preuve à cet effet est sans équivoque, estime-t-il : l’organisme est impliqué dans le choix des résidences et dans le pairage des résidents; il demeure responsable du personnel fournissant les services; il est légalement responsable du bail de la 43. 44. 45. 46. 47. Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 212, par. 400; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 215-216, par. 407; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 217, par. 410; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 220-221, par. 416; Id. - 17 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des faits résidence ou s’en porte garant; il gère les chèques d’aide sociale des résidents; il installe dans la résidence, considérée comme le lieu de travail des intervenants du CAR, filières, journaux de bord et babillards d’affichage; et il est représenté au conseil d’administration des organismes sans but lucratif qui sont propriétaires, dans la plupart des cas, des habitations utilisées comme ressource résidentielle48. 47. Le juge de première instance n’a eu aucune difficulté à conclure que les services en cause correspondaient à des « soins en établissement pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux, déjà financés par le Canada aux termes de cette loi et, par conséquent, exclus de toute forme de partage de coûts en vertu du RAPC49. ii. Le jugement de la Cour d’appel 48. Le 9 décembre 2009, la Cour d’appel fédérale, dans un jugement succinct, rejetait à l’unanimité l’appel logé par l’appelant. 49. Elle a jugé, en substance, que l’appelant n’avait pas démontré quelque erreur de la part du premier juge dans le traitement de ce qui lui est apparu être des questions mixtes de droit et de faits. Elle a noté la minutie avec laquelle ce dernier a procédé à l’examen de la preuve produite par les parties et le soin qu’il a pris à justifier ses conclusions de faits. Estimant que ce travail d’analyse et d’appréciation des faits méritait déférence de sa part, elle a ajouté que les conclusions tirées par le juge d’instance lui paraissaient, en tout état de cause, amplement étayées par la preuve50. 48. 49. 50. Id. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 222-223, par. 420; Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol.1, p. 270-271, 275, par. 26, 27, 39-40; - 18 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé concis des questions en litige PARTIE II – EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN LITIGE 50. Le présent appel pose essentiellement la question de savoir si les tribunaux d’instances inférieures ont erré de manière à justifier l’intervention de cette Cour, lorsqu’ils ont conclu que le Canada n’était pas tenu, aux termes du RAPC, de partager les coûts des dépenses engagées par le Québec à diverses périodes au cours de la durée de vie de ce régime, au titre des services sociaux scolaires, et au titre des services de soutien aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles à assistance continue. 51. Le Canada est d’avis que cet appel doit échouer, l’appelant ne s’étant pas déchargé du fardeau qui était le sien de démontrer que les conclusions auxquelles en sont arrivés les tribunaux d’instances inférieures sont viciées de quelque façon. --------PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS A. LES SERVICES SOCIAUX SCOLAIRES NE SONT PAS DES « SERVICES DE PROTECTION SOCIALE » AU SENS DU RAPC i. 52. Le cadre d’analyse Ce litige soulève, pour l’essentiel, des questions mixtes de faits et de droit. Dans le cas des services sociaux scolaires, il s’agit de dégager, à partir de la preuve, la nature véritable de ces services et de voir si, de par leur nature, ils répondent à la définition de « services de protection sociale » au sens du RAPC, telle que celle-ci se révèle de l’application des règles d’interprétation statutaire. 53. À cet égard, le cadre d’analyse est clair : les conclusions de faits tirées par le juge d’instance sur la nature véritable de ces services ne peuvent être modifiées en - 19 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments appel qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante51, une règle de retenue judiciaire qui vaut autant pour l’appréciation de la crédibilité des témoins ordinaires que pour celle des témoins experts52. 54. Quant à l’interprétation que doivent recevoir les textes statutaires pertinents, un seul principe prévaut désormais : quelle que soit la nature de la loi en cause, il faut déterminer l’intention du législateur et, à cette fin, lire les termes de la loi dans leur contexte, en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi53. C’est dans cette optique d’ailleurs que les juges majoritaires de cette Cour, dans Finlay c. Ministre des Finances54, invitaient à dissiper toute ambiguïté dans le texte du RAPC au moyen de l’interprétation qui en respecte l’objectif global. 55. Par ailleurs, le présent appel a ceci de particulier : institué sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir l’autorisation préalable de cette Cour, le Québec y a en quelque sorte dupliqué son mémoire de la Cour d’appel. Le mémoire déposé en l’instance est en somme construit comme s’il s’agissait ici du premier palier d’appel, le Québec réitérant ses attaques contre les conclusions de faits du premier juge, sans tenir compte de celles de la Cour d’appel. Cela ne laisse d’autre choix, de l’avis de l’intimée, que de revoir, lorsque nécessaire, l’ensemble des éléments factuels du dossier dont l’appréciation est remise en cause par l’appelant. 51. 52. 53. 54. Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 23-25, RSA, vol. 3, onglet 12, p. 76; H.L. c. Canada, (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 401, par. 76, 110, RSA, vol. 3, onglet 11, p. 55; Elders Grain Co. c. M/V Ralph Misener, [2005] A.C.F. 612, par. 9-11, Recueil de sources de l’intimée [« RSI »], onglet 7, par. 6 à 12; Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] R.C.S. 351, RSI, onglet 8, p. 358 à 361; Toneguzzo-Norvell c. Burnaby Hospital, [1994] 1 R.C.S. 114, RSI, onglet 9, p. 121 à 123; Dicaire c. Ville de Chambly, [2008] J.Q. no 113 (C.A.Q.), RSI, onglet 10, par. 24 à 26, 3839; R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, par. 81, RSI, onglet 11, par. 70 et 81; R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, RSI, onglet 12, par. 77; Bell Express Vu Ltd, Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, RSI, onglet 13, par. 26-27; Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441, RSI, onglet 14, p. par. 21 et 67; [1993] 1 R.C.S. 1080, 1123-1124, RSA, onglet 10, vol. 3, p. 44-45; - 20 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 56. Exposé des arguments À ce dernier égard, le Québec a placé dans son dossier d’appel en l’instance pas moins de soixante-dix (70) documents non cotés en preuve au procès55, c'est-à-dire des documents qui, contrairement au modus operandi arrêté par les parties au moment de la conférence préparatoire précédant le procès56, n’ont pas été portés de façon spécifique et particulière à l’attention du juge du procès, n’ont donc pas subi le test de la pertinence et de la force probante et n’ont pas fait l’objet d’une appréciation particulière en cours de délibéré et, ultimement, dans le jugement de première instance57. Tout renvoi à ces documents par le Québec doit donc être replacé dans ce contexte et leur poids respectif aux fins du présent appel, évalué en conséquence. ii. La lutte à la pauvreté est au cœur du mandat du RAPC tout comme elle est explicitement au centre de la définition de « services de protection sociale » 57. Le libellé du RAPC recèle des indices probants d’un régime dont le principal objectif est de soutenir financièrement des programmes destinés à prévenir et à éliminer les causes de pauvreté et de dépendance à l’assistance publique. Le préambule du RAPC est explicite à cet égard58. 58. Cela se vérifie également quant à la clientèle à qui ces programmes sont censés profiter, à savoir les « personnes nécessiteuses » et celles en « proximité de besoins », c'est-à-dire la clientèle des défavorisés socioéconomiques59. 59. Cela se vérifie aussi du libellé de la définition de « services de protection sociale » qui circonscrit cette notion aux services dont l’objet est « d’atténuer, de 55. 56. 57. 58. 59. Documents non cotés en preuve, DA, vol. 25 à 41; Ordonnance de la Cour fédérale faisant suite à la conférence préparatoire (règle 263) et comprenant la liste des questions à trancher (1eroctobre 2004), DA, vol. 3, par. 3(a)i), p. 2; Jugement de première instance, DA, vol. 1, par. 17, p. 11; Dossier de réponse de l’Intimée [En réponse à la requête de l’appelante en prorogation de délais, détermination du contenu du dossier d’appel et fixation du nombre de pages des mémoires], DI, par. 5 à 16, p. 147 à 149; Ordonnance du juge en chef sur le dossier d’appel, l’échéancier et le nombre de pages des mémoires, DI, p. 175-176; Supra, par. 15; RAPC, a. 2, RSA, vol. 1, onglet 1, p. 44-45; - 21 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments supprimer ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté, du manque de soins à l’égard des enfants ou de la dépendance de l’assistance publique »60. 60. La nomenclature de services prévue à cette définition, même si elle n’est pas limitative, ne saurait conférer, à l’un ou l’autre de ces types de services, le statut de « services de protection sociale » que s’ils poursuivent cet objectif. C’est la seule lecture de la définition de « services de protection sociale » qui soit compatible avec son propre objet et celui du RAPC. Autrement, il faudrait classer comme « services de protection sociale » tout genre de « services ménagers à domicile » [alinéa d) de la définition], incluant ceux auxquels fait appel une tranche importante des couches aisées de la population, ou encore tout genre de « services d’orientation » ou de « counselling » [alinéa b) de la définition], incluant ceux que s’offrent, par exemple, les professionnels en situation de réorientation de carrière ou encore les familles aisées faisant face à des difficultés matrimoniales ou à des conflits parents-enfants, un résultat tout aussi incongru qu’incompatible avec la nature de la loi en cause. 61. Aussi, le Parlement, en insérant l’alinéa 5(2)c), lequel limitait l’autorité du Canada à verser des contributions aux termes du RAPC aux seuls coûts pour lesquels il n’était pas déjà tenu de contribuer aux termes d’une autre loi fédérale, a voulu que le RAPC soit un régime de dernier recours, exclusivement dédié à la lutte à la pauvreté. 62. Le RAPC est une mesure d’ingénierie sociale associée à une époque, à un contexte, à une évolution sociopolitique; il s’inscrit plus particulièrement dans le développement mouvementé des programmes à frais partagés au Canada, avec toute la dynamique fédérale-provinciale que cela implique. Pour en saisir de façon la plus complète possible les tenants et aboutissants, les parties, tel que le permettent les règles d’interprétation statutaires, lesquelles autorisent le recours à un certain nombre de facteurs externes dans la recherche de l’intention du législateur61, ont fait appel à 60. 61. Id., p. 45; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 23-24, par 33; Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed., Butterworths (2002), p. 259 à 262, RSI, onglet 16; - 22 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments des experts en politiques sociales qui ont produit rapports et témoignages décrivant le RAPC à partir des circonstances de son adoption jusqu’à celles de son abrogation62. 63. Les conclusions du rapport de l’expert Keith Banting, produit par l’intimée résument bien la genèse et l’évolution du RAPC en tant qu’instrument de lutte à la pauvreté : 77. Several broad trends stand out in this history of social assistance as it evolved in Canada from the 1920s until 1995. First, social assistance and social services remained the primary responsibility of provincial governments. In contrast to other major components of the income security system, such as unemployment insurance and pensions, the federal role flowed exclusively through shared-costs programs which supported the development of provincial social assistance and social service programs. Second, social assistance remained a selective program, which targeted assistance on poor people through an individual test of their situation. Although the form of the test evolved over time, the essentially selective nature of social assistance remained a constant feature in this period. 78. Both of these traditions culminated in the CAP. The Plan’s historical roots can be traced in an unbroken line from the 1927 Old Age Pension, through the categorical programs – the 1951 Old Age Assistance, the 1951 Blind Persons Act, and the 1954 Disabled Persons Act – and on through the 1956 Unemployment Assistance Act. Although the CAP significantly expanded the range of federal support, it remained a selective program to the end. There were defined limits to the range of services it supported, and the needs test defined its essential mission. 79. In its early years, the CAP was a major expansive force in social assistance and social services in Canada, supporting the expansion, modernization and professionalization of provincial programs. In this period, the Plan made a major contribution to the development of social security in Canada. By the 1970s, however, the limitations of the CAP began to appear, as provinces began to experiment with new approaches to income security and social services. These limitations were inherent in the CAP’s design as a selective, needs-tested program. Major efforts to escape the constraints during the Social Security Review of the mid-1970s failed, and the CAP’s constraints remained intact as Canada moved into a new era in the 1980s, one 62. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 24, par. 34; - 23 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments dominated by pressures for fiscal restraint and diminished enthusiasm for the expansion of social programs. Ad hoc adjustments and shadow tests certainly eased some of the friction at the interface between CAP and other social programs, but other boundaries could not be avoided 63 . 64. Après avoir tenté de démontrer que le RAPC avait fait l’objet d’une interprétation « mesquine et réductrice » de la part des autorités fédérales64, une prétention au soutien de laquelle le premier juge a dit qu’il n’y avait pas « l’ombre d’un début de preuve »65, le Québec s’est employé à tenter de développer au procès, par le biais du témoignage d’un de ses experts, Yves Vaillancourt, la thèse voulant que l’ajout tardif des « services de protection sociale » à la matrice originale du RAPC, laquelle ne visait que l’assistance publique, et l’élargissement de la clientèle admissible aux fins du partage des coûts de ces services à la clientèle des « personnes en proximité de besoins », viennent opérer un virage « majeur », « substantiel » et « important » dans l’orientation sélective du RAPC66. 65. Suivant cette thèse, il fallait désormais voir dans le RAPC un régime à deux grands volets mus par des objectifs qui leur sont propres, faisant en sorte qu’il n’était plus permis de parler de la sélectivité du RAPC sans distinguer entre la sélectivité des clientèles et celle des programmes de « services de protection sociale », la première, propre au volet assistance, étant, suivant cette théorie, beaucoup plus étendue que la seconde. 66. Or, cette prétention s’est avérée en parfaite contradiction avec les écrits antérieurs de l’expert qui la soutenait au nom de l’appelant, écrits où la distinction que celui-ci a tenté d’opérer au procès est totalement absente et où le RAPC, dans son ensemble, est présenté comme un instrument « hautement sélectif », « dépassé par 63. 64. 65. 66. Rapport d’expertise de Keith Banting (28 janvier 2005), Pièce D-32, DA, vol. 49, p. 155156; Rapport d’expertise d’Yves Vaillancourt, professeur titulaire (septembre 2005), DA, vol. 44, p. 94; Jugement de première instance, DA, vol.1, p. 47, par. 72; Témoignage d’Yves Vaillancourt, DA, vol. 18, p. 138; - 24 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments l’expérience de certaines provinces qui voulaient aller de l’avant en construisant des services de bien-être social moins sélectifs » et impossible à utiliser « pour partager les coûts des programmes qui ne ciblaient pas les personnes pauvres »67. Plus révélateur encore, cet expert ne voyait à cette époque, dans l’ajout de dernière heure des services de protection sociale à la matrice originale du RAPC, qu’une « bien mince ouverture »; pour lui, l’orientation sélective du RAPC allait être « imposée également aux services de bien-être social » et le RAPC, malgré cette bonification, allait demeurer une « loi de dernier recours »68. C’est sans hésitation que cette prétention a été rejetée par le premier juge.69 67. La caractérisation du RAPC, en tant que programme sélectif et résiduel destiné à soutenir les programmes visant à lutter contre la pauvreté par le biais de diverses formes d’aides aux plus démunis de la société canadienne, transparaît nettement tant du texte du RAPC que de la preuve. Cette caractérisation, inscrite pour ainsi dire dans les gênes du RAPC, est d’ailleurs conforme à la compréhension qu’en avait la très grande majorité des auteurs qui s’y sont intéressés et des acteurs politiques de l’époque70. iii. L’erreur d’appréciation générale de la portée de l’expression « services de protection sociale » reprochée par l’appelant au premier juge et liée à la manière dont le RAPC a pu être appliqué, ne résiste pas à l’analyse 68. Le Québec insiste maintenant, extraits des paragraphes 57 et 58 du jugement à l’appui, sur le fait que le juge d’instance aurait commis une erreur générale d’appréciation de la portée de l’expression « services de protection sociale » en 67. 68. 69. 70. Thèse de doctorat d’Yves Vaillancourt (février 1992), Pièce D-25, DA, vol. 48, p. 111 à 113, 143 à 145; Id., p. 113 à 117; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 52, par. 81; Id.; - 25 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments statuant qu’un service ne peut être un « service de protection sociale » si le programme provincial qui le prévoit ne s’adresse pas qu’aux personnes pauvres71. 69. Une telle approche dénoterait, selon lui, une vision étroite et figée du RAPC faisant fi de la compréhension que les parties en aurait toujours eue, le Canada ayant partagé tout au long de son existence, sur la base d’un découpage des clientèles, les coûts de « services de protection sociale » qui n’étaient pas destinés exclusivement à la clientèle des personnes nécessiteuses ou en proximité de besoin. Or, tel que la Cour d’appel l’a constaté, cette prétention repose sur une lecture erronée des motifs de la décision du premier juge72. 70. L’appelant attribue en effet aux extraits du jugement de première instance qu’il invoque une portée qu’ils n’ont tout simplement pas. Lorsqu’on lit cette partie du jugement dans son ensemble, l’on constate que le premier juge s’applique à démontrer non pas qu’un service ne peut être un « service de protection sociale » si le programme provincial qui le prévoit ne s’adresse pas qu’aux personnes pauvres, mais bien plutôt que pour que les coûts d’un programme de services de protection sociale soient partageables, « en tout ou en partie, selon la nature de la clientèle », encore faut-il que le programme lui-même soit agréé par le gouvernement fédéral et, donc, s’inspire de la logique du RAPC73. 71. C’est précisément cette idée qui se dégage, encore une fois, du paragraphe 57 de son jugement, où il dit qu’il ne lui « paraît pas douteux, compte tenu de la logique du RAPC, que l’objectif même d’un service devait être de lutter contre la pauvreté, à défaut de quoi le programme dans son ensemble ne pouvait être admissible au partage des coûts, même pour la portion de ses usagers qui auraient pu être admissibles compte tenu de leurs besoins ». 71. 72. 73. Mémoire de l’appelant, par. 32-33; Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol. 1, p. 267-269, par. 16-21; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 36-37, par. 56; - 26 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 72. L’appelant manque la cible ici. Exposé des arguments Non fondé à sa face même, parce que le jugement démontre clairement que le premier juge était bien conscient des découpages de clientèles effectués dans le cadre de la gestion des réclamations de la province, ce moyen est par surcroît inutile à la résolution du présent appel parce que ces découpages ne s’effectuaient qu’à l’égard de programmes préalablement agréés par le Canada comme répondant à la logique du RAPC, ce qui n’est pas le cas, notamment, comme le premier juge en a décidé, du programme des services sociaux scolaires. 73. Ainsi, aussi généreuse, extensive ou évolutive soit-elle, l’interprétation du RAPC ne peut avoir pour résultat d’assujettir le Canada au partage des coûts de services qui ne s’inscrivent pas dans cette logique. 74. Le RAPC doit d’ailleurs bien avoir rempli sa mission lorsque l’on constate que les sommes versées par le gouvernement fédéral aux termes du RAPC sont passées de 342 millions de dollars, pour sa première année d’opération, à plus de 7.8 milliards de dollars pour sa dernière74. Incidemment, les sommes qui sont en jeu ici, selon l’évaluation qu’en a faite le premier juge, représentent à peine 1,1% du total des sommes versées au Québec au cours des trente années d’existence de ce régime de partage de frais. 75. Il faut croire aussi que les autorités fédérales ont appliqué le RAPC avec toute la souplesse possible lorsque, avec l’émergence des programmes sociaux à caractère universel dans les années ’70, celui-ci entre en « contradiction », en « collision », avec ces programmes, lesquels ne sont pas conçus pour s’arrimer avec cet instrument de partage de frais75. Suivant la preuve, elles parviendront, avec leurs homologues des provinces, à « trouver des compromis et à déjouer certaines contraintes du RAPC »76, alors qu’elles auraient très bien pu, en principe, opposer une fin de non-recevoir au partage des coûts de ces programmes. 74. 75. 76. Tableau – Appendix A – CAP Statistics, Pièce D-27, supra, note 7; Témoignage de Keith Banting, DA, vol. 20, p. 142-147; Thèse de doctorat d’Yves Vaillancourt (février 1992), Pièce D-25, DA, vol. 48, p. 143 à 145, 184; Thèse de doctorat d’Yves Vaillancourt (février 1992), Pièce D-25, DA, vol. 48, p.146; - 27 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 76. Exposé des arguments Toutes les autres provinces, qui ont, elles aussi, au cours de la période en litige, dispensé des services aux jeunes délinquants, des services sociaux en milieu scolaire et des services de soutien en ressources résidentielles, semblent y avoir trouvé leur compte. iv. Les services sociaux scolaires poursuivent une finalité qui n’est pas celle du RAPC 77. L’appelant a défendu, et défend encore, la vision d’un service social générique, sans lien obligé avec l’expérience scolaire, où le sujet d’attention, dans une optique de prévention, est l’enfant, et non l’élève. Pour elle, l’école a un rôle utilitaire : elle permet, puisqu’ils y passent beaucoup de temps, de rejoindre les enfants, clientèle cible du service social scolaire. Or, cette vision du service social scolaire n’a pas tenu sous le poids de la preuve. 78. En 1966, au moment de l’adoption du RAPC, le service social scolaire est une discipline bien implantée partout en Amérique du Nord. Au Québec, il s’implante d’abord dans les commissions scolaires des grands centres urbains, comme Montréal, Québec et Sherbrooke. Sous l’impulsion de la publication, en 1964, du Rapport de la Commission Parent sur la réforme de l’éducation au Québec, lequel prône un droit effectif à l’éducation pour tous et présente le service social scolaire comme partie prenante du renouvellement de l’éducation, le nombre de commissions scolaires se dotant d’un tel service se multiplie77. 79. Comme partout ailleurs au Canada et dans la plupart des pays occidentaux, le service social scolaire québécois est, à l’époque, rattaché, sur tous les plans, à l’univers de l’éducation; il est sur le fond, d’abord et avant tout, au service de l’école. Implanté par et dans les commissions scolaires, il se veut un service intégré, spécifique aux 77. Rapport d’expertise de Lionel-Henri Groulx (27 mai 2005), Pièce D-44, DA, vol. 50, p. 84; Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), PGQ-3, DA, vol. 41, p. 165-168; - 28 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments problématiques socio-scolaires, dont la finalité est d’aider les enfants à utiliser au maximum le programme d’enseignement et d’éducation qu’on leur offre et de permettre ainsi à l’école de réussir sa mission78. 80. Le mandat du service social scolaire est alors, et demeurera, en lien direct avec la mission de l’école dont le mandat, fondamental dans une société, est de faire de ses jeunes citoyens des citoyens éduqués, civilisés et de culture. Ce service y contribue en tant que service d’appui aux élèves dans leur cheminement scolaire de manière à éviter que des difficultés qui ne sont pas d’ordre strictement pédagogique les empêchent de bénéficier de l’expérience scolaire79. Il participe, de ce fait, à la réalisation d’un droit effectif à l’éducation, et ce, quel que soit le milieu socioéconomique d’où provient l’élève80. 81. Comme c’est le cas à l’extérieur des frontières de la province, le service social scolaire québécois épouse les objectifs et la finalité du milieu scolaire, d’où la norme de pratique qu’il s’est toujours imposée de ne traiter que les cas de dysfonctionnement social qui entravent la réussite scolaire ou encore l’intégration sociale de l’élève à l’école81. 82. Cette vision du service social scolaire québécois se révèle, entre autres, de la preuve documentaire émanant de diverses sources institutionnelles interpellées par le service social scolaire, que ce soit l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec82, les regroupements formels de travailleurs sociaux scolaires créés au fil des 78. 79. 80. 81. 82. Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), PGQ-3, DA, vol. 41, p.162-165; Rapport d’expertise de Lionel-Henri Groulx (27 mai 2005), Pièce D-44, DA, vol. 50, p. 82-83; Témoignage de Jean-Bernard Robichaud, DA, vol. 21, p. 150 à 152; Témoignage de Lionel-Henri Groulx, DA, vol. 22, p. 162-163; Témoignage de Lionel-Henri Groulx, DA, vol. 22, p. 166; Énoncé de principes de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec (24 février 1967), Pièce D-9, DA, vol. 45, p. 11; Guide pour la pratique professionnelle des travailleurs sociaux exerçant en CLSC et en milieu scolaire par l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec 92-93 (juin 1997), Pièce D-10, DA, vol. 45, p. 18; - 29 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments ans83, le réseau des commissions scolaires84, les Centres de services sociaux [« CSS »], responsables, à partir de 1973, de la prestation des services sociaux scolaires, leur association, l’Association des Centres de services sociaux du Québec85, ou encore les Centres locaux de services communautaires [« CLSC »]86, qui succéderont progressivement aux CSS à compter du milieu des années ’80. 83. La preuve documentaire émanant de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec – rebaptisée l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec – est particulièrement révélatrice; elle offre, à trente (30) ans d’intervalle, soit d’abord en 1967, année qui suit celle de la mise en œuvre du RAPC, puis en 1997, année suivant l’abrogation de celui-ci, la vision du service social scolaire de cet Ordre professionnel, une vision uniforme, empreinte d’une continuité certaine dans la définition du mandat de cette discipline, de ses objectifs et de son champ d’intervention87. 83. 84 . 85. 86. 87. Ricard et Vallières (mai 1991), Pièce D-51, DA, vol. 51, p. 196; Le regroupement des professionnels en service social scolaire Montréal-Métro/Cadre de partage des responsabilités CSS-CLSC en matière de services sociaux (4 juin 1985), Pièce D-14, DA, vol. 45, p. 86; Vallières et St-Jean (1993), Pièce D-52, DA, vol. 51, p. 204; Copie pamphlet – Le travailleur social CECM 1983, Pièce D-4, DA, vol. 44, p. 179; Le rattachement administratif des services sociaux scolaires CECM (13 janvier 1984), Pièce D-8, DA, vol. 45, p. 3; Bureau du service social B. Michaud (16 mars 1965), Pièce D-45, DA, vol. 51, p. 1; Rapport Landry-Matheson (10 mai 1993), Pièce D-55, DA, vol. 51, p. 216; Guide de référence de cas du CSSMM (30 juin 1982), Pièce D-56, DA, vol. 51, p. 223-224; Guide pratique des problématiques pouvant être rencontrées en service social scolaire (17 juin 1979), Pièce D-5, DA, vol. 44, p. 181; Les services sociaux scolaires dans les centres de services sociaux (janvier 1983), Pièce D-6, DA, vol. 44, p. 193; Transfert des services sociaux scolaires CECM (13 janvier 1984), Pièce D-7, DA, vol. 45, p.1; Annexe 3 – Tâches de soutien à l’enseignement, tâches de soutien à l’école ou à l’élève, tâches de système, source CSSMM – Montréal, Pièce D-13, DA, vol. 45, p. 80; Nomenclature du programme des services sociaux en milieu scolaire (6 septembre 1979), Pièce D-49, DA, vol. 51, p. 175; « Commentaires sur le projet de transfert des services sociaux scolaires aux centres locaux de services communautaires » de Berthe Michaud (31 janvier 1984), Pièce D-50, DA, vol. 51, p. 190; Formulaire de demande en service social (milieu scolaire) CLSC des Patriotes (2005), D-12, DA, vol. 45, p. 79; Énoncé de principes de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec (24 février 1967), Pièce D-9, DA, vol. 45, p. 11; Guide pour la pratique professionnelle des travailleurs sociaux exerçant en CLSC et en milieu scolaire par l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec 92-93 (juin 1997), Pièce D-10, DA, vol. 45, p. 18; - 30 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 84. Exposé des arguments Terminologie revampée certes, mais même idée, même concept, même lien intime avec l’expérience scolaire : le service social scolaire se préoccupe du fonctionnement social à l’école, du développement et de l’adaptation de l’élève; c’est le rôle d’élève qui reçoit son attention; la fonction spécifique du travailleur social scolaire consiste à ajouter sa compétence professionnelle à celle d’autres spécialistes de l’école pour aider les enfants à utiliser au maximum le programme d’enseignement et d’éducation qu’on leur offre; le service social scolaire intervient donc sur ce qui est susceptible d’influer sur l’expérience scolaire et agit ainsi en complément à la mission éducative de l’école88. 85. L’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec rappellera d’ailleurs, dans son document de 1997, cette « longue tradition » du service social scolaire au Québec, remontant au début des années ’60 et l’expertise professionnelle « spécifique, riche et solide » qu’elle aura permis de développer « au cours des trente dernières années »89. 86. Comme la Cour d’appel l’a noté, il suffit de s’attarder aux causes d’intervention du service social scolaire pour se convaincre de l’importance du champ d’intervention de ce service et du lien indéniable qui le soude au vécu scolaire : l’absentéisme, la violence et la toxicomanie en milieu scolaire; l’échec scolaire et son impact psychosocial; la mésadaptation socio-affective à l’école; les difficultés d’intégration et d’adaptation scolaires de certains élèves; le milieu scolaire face aux réactions de deuil chez certains enfants; la phobie scolaire; les conflits de valeurs école-famille et leurs répercussions sur l’enfant; la suspension ou l’expulsion de l’élève et ses aspects 88. 89. Id. Guide pour la pratique professionnelle des travailleurs sociaux exerçant en CLSC et en milieu scolaire par l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec 92-93 (juin 1997), Pièce D-10, DA, vol. 45, p. 18; - 31 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments psycho-sociaux; les aspects psycho-sociaux négatifs du transport scolaire, pour ne nommer que celles-là90. 87. En janvier 1983, soit dix (10) ans après le changement organisationnel qui fait passer le service social scolaire sous la responsabilité du réseau des Affaires sociales, l’Association des centres de services sociaux du Québec, ceux-là mêmes qui héritent alors de la responsabilité de la dispensation des services sociaux scolaires, fait le point sur la pratique du service social scolaire au Québec : la raison d’être de ce service demeure encore, selon cet organisme, de « contribuer à la réalisation de la mission de l’éducation (former des citoyens instruits, autonomes et responsables) en solutionnant les problèmes psycho-sociaux qui entravent la réalisation du processus éducatif chez certains élèves » et son objet, « de réduire les impacts de situations qui, dans la vie des élèves, affectent leur capacité à s’intégrer dans le régime scolaire et à suivre la démarche éducative conçue pour eux »91. 88. À l’évidence, les services sociaux scolaires ne sont pas des services qui ont pour finalité d’atténuer, de supprimer, ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté ou de la dépendance de l’assistance publique; leur finalité ne s’inscrit tout simplement pas dans la logique du RAPC. v. L’élève qui reçoit un service social scolaire n’est pas un « enfant en manque de soins » au sens du RAPC 89. La finalité du service social scolaire n’est pas davantage d’atténuer, de supprimer, ou de prévenir les causes et les effets « du manque de soins à l’égard des enfants ». L’élève qui reçoit un service social scolaire n’est pas un « enfant en manque de soins » au sens de la définition de « services de protection sociale ». En effet, la clientèle «jeunesse » du RAPC a été clairement identifiée par le premier juge dans la 90. 91. Guide pratique des problématiques pouvant être rencontrées en service social scolaire (17 juin 1979), Pièce D-5, DA, vol. 44, p. 181; Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol. 1, p. 269, par. 22; Les services sociaux scolaires dans les centres de services sociaux (janvier 1983), Pièce D-6, DA, vol. 44, p. 195; - 32 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments partie de son jugement portant sur les jeunes délinquants. Il s’agit des « jeunes en besoin de protection », des termes qui ont une consonance précise et particulière dans notre environnement juridique92. Au Québec, il s’agit des jeunes visés par l’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est-à-dire d’enfants abandonnés, victimes de négligence, d’abus physiques ou sexuels, de mauvais traitements psychologiques ou encore de troubles de comportement sérieux. 90. Or, l’élève qui, au Québec, reçoit des services sociaux scolaires pendant la période en litige, n’est pas un « jeune en besoin de protection »; il n’est pas visé par l’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le service social qu’il reçoit est rattaché à un univers distinct de celui que reçoit le « jeune en besoin de protection » tant sur les plans statutaire [la législation sur l’éducation le reconnaît comme un service de soutien à l’élève93], que structurel [il a ses propres structures organisationnelles à l’intérieur des CSS94 et les travailleurs sociaux scolaires ont leur propre base organisationnelle95], et organique [il a un rapport intime à la mission éducative de l’école en tant qu’institution fondamentale de notre société]. Le Québec, rappelons-le, n’en a pas appelé de ce volet du jugement de première instance identifiant la clientèle « jeunesse » du RAPC. 91. Comme le juge de première instance l’a bien compris, c’est dans l’optique générale de l’atténuation, de la suppression et de la prévention des causes et des effets de la pauvreté et de la dépendance à celle-ci, qu’il faut comprendre l’inclusion de la 92. 93. 94. 95. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 105-106, par. 185 à 187; Règlement relatif à la définition de ce qui constitue une fonction pédagogique ou éducative pour les fins de la Loi sur l’instruction publique, A.C. 1417, 25 mars 1970, G.O.Q. vol. 102, no 14, RSI, onglet 1, par. 1(b); Régime pédagogique du primaire et du préscolaire, Décret 551-81, 25 février 1981, G.O.Q. 15 avril 1981, 113e année, no 15, RSI, onglet 2, a. 10; Régime pédagogique du secondaire, Décret 552-81, 25 février 1981, G.O.Q. 15 avril 1981, 113e année, no 15, RSI, onglet 3, a. 11; Loi sur l’instruction publique, L.Q. c. 84, a. 1 à 3, RSI, onglet 4; Régime pédagogique de l’éducation préscolaire et du primaire, Décret 73-90, 24 janvier 1990, G.O.Q. 14 février 1990, 122e année, no 7, RSI, onglet 5, a. 5(10): Régime pédagogique de l’enseignement secondaire, Décret 74-90, 24 janvier 1990, G.O.Q. 14 février 1990, 122e année, no 7, RSI, onglet 6, a. 4(10); Témoignage de Jean-Bernard Robichaud, DA, vol. 21, p. 152 à 155; Témoignage de Louis Lagrenade, DA, vol. 10, p. 56 à 58, 92 à 94; Témoignage de Jean-Pierre Landriault, DA, vol. 10, p. 125; Témoignage de Claudette Forest, DA, vol. 11, p. 52 à 56; Témoignage de Gisèle Guindon, DA, vol. 11, p. 176 à 178; Témoignage de Lionel-Henri Groulx, DA, vol. 22, p. 159-160; - 33 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments clientèle des « jeunes en besoin de protection » dans le giron du RAPC, que ce soit aux fins de la définition de « services de protection sociale » [services destinés « aux enfants en manque de soins »] ou encore au titre de la définition de « personnes nécessiteuses » [personnes âgées de moins de 21 ans confiées aux soins ou à la surveillance d’une autorité chargée de la protection infantile ou encore aux enfants dont les parents sont incapables de subvenir aux besoins et qui sont en conséquence placés en foyer nourricier]. Encore une fois, cette optique n’est pas celle du service social scolaire et l’élève qui a recours à ce service n’est pas un « jeune en besoin de protection ». 92. Le fait que la clientèle du service social scolaire comprenne des enfants provenant de milieux défavorisés n’y change rien. Comme l’expliquera au procès l’un des experts de l’intimée sur cette question, Lionel H. Groulx, le service social scolaire n’intervient pas auprès de ces enfants pour modifier leurs conditions de vie, mais plutôt pour leur permettre de profiter au maximum de l’expérience scolaire96. 93. Cette même logique a prévalu eu égard au volet du litige concernant les services dispensés aux jeunes délinquants, le juge d’instance statuant que, même en supposant que ces jeunes sont majoritairement issus de classes défavorisées, les services qui leur sont dispensés ne sauraient être considérés comme des « services de protection sociale » au sens du RAPC puisque leur finalité n’a rien à voir avec l’éradication de la pauvreté97. 94. L’appelant a bien tenté, et tente encore, de rattacher le service social scolaire au RAPC en soutenant qu’il se veut une forme d’intervention préventive permettant d’éviter, à long terme, que la situation d’un enfant ne dégénère et n’aboutisse à une situation de pauvreté. Or, c’est donner là une portée beaucoup trop aléatoire à la loi. Comme la Cour d’appel l’a rappelé, la proximité de besoins qu’envisage le RAPC, et les services à caractère préventif que celle-ci peut justifier, renvoient à une probabilité 96. 97. Témoignage de Lionel-Henri Groulx, DA, vol. 23, p. 50-51; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 119, par. 214; - 34 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments imminente, et non à une simple possibilité latente, de besoins98. Tout individu, rappelle-t-elle aussi, recèle en lui la possibilité de sombrer un jour dans l’adversité de la pauvreté; le RAPC n’a toutefois pas été conçu pour pallier cet aléa. vi. Les récriminations de l’appelant eu égard aux conclusions du premier juge portant sur la nature et la finalité du service social scolaire sont sans fondement 95. L’appelant soutient qu’il y aurait eu méprise de la part du premier juge sur la nature intrinsèque du service social scolaire. Il lui reproche en particulier d’avoir accordé trop de poids à l’opinion d’un des experts de l’intimée sur la question, Lionel H. Groulx, notamment en ce qui a trait aux origines du service social scolaire et à l’importance de l’impact de son rattachement au réseau des Affaires sociales sur son mandat et ses objectifs. L’erreur alléguée relative à la valeur probante de l’opinion de l’expert Groulx 96. Le témoignage de cet expert portait sur l’évolution des services sociaux scolaires au Québec. L’objection de l’appelant porte surtout sur le fait que cet expert s’en est remis à des documents rédigés par des tiers n’ayant pas témoigné au procès. Son témoignage serait donc basé sur du ouï-dire, et donc, affaibli sur le plan de la force probante. 97. Cette prétention est étonnante, considérant que tous les documents auxquels le témoin a fait référence au cours de son témoignage ont été mis en preuve au procès sans objection de la part de l’appelant, ce qui suffit amplement pour asseoir la légitimité et le poids de la contribution de cet expert99. 98. L’appelant semble oublier ici que, lors de la conférence préparatoire tenue en marge du dossier en 2004, elle a accepté, aux fins de réduire le temps d’audition du 98. 99. Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol. 1, p. 270, par. 23-24; R. c. Lavallée, [1990] 1 R.C.S. 852, 893, RSI, onglet 15, p. 889 à 893; - 35 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments procès, que soit déposé au dossier, sans autre formalité, l’ensemble des documents mentionnés aux affidavits de documents produits de part et d’autre, sous la réserve expresse cependant, qu’au moment de leur production en preuve, les parties aient le droit de formuler des objections quant à leur pertinence ou encore leur force probante. Ce modus operandi, dont le premier juge fait état au paragraphe 17 de ses motifs100, visait justement à faire en sorte de libérer les parties de l’obligation de devoir faire témoigner les auteurs de chaque document qu’elles se proposeraient de produire en preuve au procès. 99. C’est ainsi que chacun des documents auquel réfère l’expert Groulx dans son témoignage a été produit en preuve, soit par le biais de son témoignage, soit par le biais du contre-interrogatoire des témoins de l’appelant, et s’est vu attribuer une cote [D-1 à D-14 et D-45 à D-56]. Dans ce contexte, prétendre que son témoignage repose sur des faits non établis par la preuve, est dénué de tout fondement. L’erreur alléguée relative à l’origine des services sociaux scolaires au Québec 100. Cette prétention est difficile à expliquer. L’appelant semble dire que le premier juge n’était pas autorisé à associer étroitement le service social scolaire à la mission éducative de l’école du fait qu’ils ont fait leur apparition sous l’égide d’un trop petit nombre de commissions scolaires. 101. Or, comme l’expert Groulx le dira en contre-interrogatoire, les commissions scolaires pionnières en matière de service social scolaire sont celles des grands centres urbains, comme Montréal, Québec et Sherbrooke. Ce qui importe, et cela va de soi, c’est le nombre d’élèves qu’elles rejoignaient et non le ratio mathématique 100. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 11-12, par. 17; - 36 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments qu’elles pouvaient représenter par rapport au nombre total de commissions scolaires au Québec101. 102. Tel qu’indiqué précédemment, au moment de l’entrée en vigueur du RAPC, le service social scolaire organisé sous l’égide des commissions scolaires est, sous l’impulsion du Rapport Parent, loin d’être un phénomène marginal. D’ailleurs, il est suffisamment présent et important pour que les travailleurs sociaux œuvrant dans ce secteur se regroupent pour former l’Association des Services sociaux scolaires du Québec, et pour que le gouvernement du Québec organise, en 1968, un colloque sur l’avenir du service social scolaire102. 103. La preuve est donc à l’effet que le service social scolaire est bien implanté, par et dans, les commissions scolaires au moment de la mise en route du RAPC et qu’il est là pour répondre, sans l’ombre d’un doute, à certains besoins du milieu scolaire. Ce faisant, le Québec ne fait qu’emboîter le pas, tant sur les plans structurel qu’organisationnel, à ce qui se fait déjà ailleurs au Canada et dans la plupart des pays occidentaux103. L’erreur alléguée relative à l’impact du rattachement administratif des travailleurs sociaux scolaires au réseau des Affaires sociales 104. L’appelant a toujours essentiellement misé, et mise encore, sur la dimension organisationnelle du service social scolaire, c'est-à-dire sur son rattachement au réseau des Affaires sociales, et non à celui de l’Éducation, pour faire valoir qu’il s’agit là de « services de protection sociale » au sens du RAPC. Il mise en fait sur le caractère 101. 102. 103. Rapport d’expertise de Lionel-Henri Groulx (27 mai 2005), Pièce D-44, DA, vol. 50, p. 84; Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), PGQ-3, DA, vol. 41, p.165-168; Rapport colloque de 1968 (1er août 1968), Pièce D-46, DA, vol. 51, p. 4; L’insertion du service social dans le milieu scolaire, 1969, Jocelyne Guilbault, Pièce D-47, DA, vol. 51, p.100; Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), PGQ-3, DA, vol. 41, p. 162-165; Rapport d’expertise de Lionel-Henri Groulx (27 mai 2005), Pièce D-44, DA, vol. 50, p. 82-83; - 37 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments unique de son modèle organisationnel pour prétendre qu’il n’y a finalement, au Québec, qu’un lien ténu, presque négligeable, entre la mission du service social scolaire et celle de l’école104. 105. Le premier juge y a vu une description du service social scolaire qui « ne résiste pas à l’analyse » et qui correspond « à une vision tronquée de la réalité »105. L’appelant lui reproche ici d’avoir erré de trois façons en concluant de la sorte. 106. Il aurait d’abord erré dans sa lecture des deux documents de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec – les pièces D-9 et D-10, discutées précédemment dans le présent mémoire106 – offrant, à 30 ans de distance, la vision du service social scolaire de cet Ordre professionnel dans la mesure où on ne saurait y voir, selon l’appelant, la continuité que le juge y a trouvée. Or, il s’agit de lire les deux documents dans leur ensemble, et notamment la description du champ d’intervention du service social scolaire qu’on y retrouve, pour se convaincre aisément de la justesse de l’appréciation que le premier juge en a faite. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas des seuls éléments de preuve qui s’offraient à lui pour conclure à la continuité dans la nature du service social scolaire qui se pratique au Québec avant et après la réorganisation de 1973107. 107. Dans un deuxième temps, l’appelant reproche au premier juge d’avoir accordé du poids à certains documents alors que ceux-ci auraient été écrits en contexte de changements organisationnels, et donc d’incertitude pour l’avenir du service social scolaire. 108. Il est difficile de voir ici sur quelle base il lui fallait se priver de l’éclairage de ces documents. D’abord, les changements organisationnels, dans le contexte desquels ces 104. 105. 106. 107. Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), Pièce PGQ-3, DA, vol. 41, p.173; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p.160, par. 300; Supra, par. 83 à 85; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 165 à 172, par. 311 à 323; - 38 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments documents ont pu être préparés ont été l’occasion, pour les travailleurs sociaux scolaires, de développer, parallèlement à leur appartenance à leur Ordre professionnel, leur propre base d’organisation [l’Association des services sociaux scolaires dans les années ’60, et, dans les années ’80, les Regroupements de professionnels en service social scolaire]. Cela leur aura permis de faire le point sur leur pratique et, ce faisant, de produire des textes qui présentent la synthèse de ce qu’est le spécifique du travail social scolaire108. Rien dans la preuve ne permet de mettre en doute l’exactitude et la fiabilité de ces textes. D’autre part, il n’est question ici que d’une partie seulement de la preuve documentaire déposée par l’intimée au soutien de sa position sur la nature et la finalité du service social scolaire. Même en écartant, donc, les documents préparés en contexte de changements organisationnels, le premier juge disposait d’amplement de preuve pour préférer la position de l’intimée à celle de l’appelant sur cette question109. 109. Le bon sens exigeait que le premier juge ne se prive pas de cet éclairage pour essayer de comprendre la nature du service social scolaire et son évolution à travers les changements organisationnels dont il a fait l’objet, et pour éventuellement en tirer des conclusions. 110. Enfin, l’appelant fait reproche au premier juge d’avoir ignoré la preuve à l’effet que l’appartenance des travailleurs sociaux scolaires au réseau des Affaires sociales leur conférait une « grande indépendance et autonomie » dans leurs rapports avec les autorités scolaires. Or, la preuve a plutôt révélé que cette indépendance et cette autonomie étaient bien relatives, pour dire le moins. 111. Comme le juge de première instance l’a constaté du témoignage même des travailleurs sociaux que l’appelant a fait entendre au procès, ceux-ci, même s’ils étaient embauchés et rémunérés par le réseau des Affaires sociales, avaient leurs bureaux à l’école, adoptaient l’horaire de cette dernière et étaient soumis à l’autorité fonctionnelle du directeur d’école. Ce dernier y était « roi et maître », supervisait leur emploi du 108. 109. Témoignage de Lionel-Henri Groulx, DA, vol. 22, p. 161-162,199, vol. 23, p. 16-17; Supra, note 105; - 39 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments temps à l’école, leur référait les cas, approuvait ce qu’ils se proposaient de faire, donnait son accord à la mise en place de nouveaux programmes, avait le dernier mot sur ce qui se passe dans son école et était étroitement associé à leur évaluation de rendement110. 112. Comme en témoignera l’expert retenu par l’appelant sur la question des services sociaux scolaires, « tu apprends vite que tu peux rien faire dans une école si le directeur est contre toi et puis il ne veut pas… il est chez lui c’est comme un incontournable »111. 113. D’ailleurs, le service social scolaire n’est pas seulement l’affaire du réseau des Affaires sociales; il est aussi l’affaire du réseau de l’Éducation. Il se dispense à travers des programmes ministériels conjoints, d’ententes entre Commissions scolaires et CSS et de comités conjoints issus de ces ententes112. 114. Étonnamment, l’appelant n’a proposé aucun témoin provenant du réseau de l’éducation. C’est l’intimée qui s’en est chargée en faisant entendre un témoin qui a été, tour à tour, pendant sa carrière d’une quarantaine d’années, enseignante, directrice d’école, conseillère pédagogique et coordonnatrice aux ressources éducatives, et qui aura été en rapport, sur une base régulière, avec les travailleurs sociaux scolaires et le travail social scolaire. 115. Ce témoignage aura contribué à renforcer l’opinion du premier juge à l’effet que le rattachement du service social scolaire au réseau des Affaires sociales n’a pas eu l’impact allégué par l’appelant sur la nature et le mandat du service social scolaire113. 110. 111. 112. 113 Jugement de première instance, DA, vol. 1, p.165-166, par. 312; Témoignage de Gilles Rondeau, DA, vol. 12, p. 102; Guide pour assurer les services sociaux aux élèves des commissions scolaires (Décembre 1976), Pièce D-11, DA, vol. 45, p. 69-78; Témoignage de Louis Lagrenade, DA, vol.10, p. 61, 69-70, 111; Témoignage de Jean-Pierre Landriault, DA, vol. 10, p.175; vol. 11, p. 20-21; Témoignage de Jean-Bernard Robichaud, DA, vol. 21, p. 143; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 156-158 et 167, par. 289-294 et 315; - 40 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments 116. En somme, le Québec reprend devant cette Cour des thèses déjà tenues pour non fondées par les tribunaux d’instances inférieures : non-pertinence de l’univers de l’éducation dans la définition du mandat du service social scolaire; non pertinence de la réussite scolaire dans le champ d’application du travail social scolaire, autonomie du travailleur social scolaire par rapport aux autorités scolaires; marginalité du rôle des instances conjointes commission scolaire/CSS-CLSC; remise en cause de la norme de pratique, autour de laquelle s’est construite la spécificité du service social scolaire, voulant que le travailleur social scolaire n’intervienne qu’à l’égard de problématiques socio-scolaires. 117. Les paragraphes 143 et 184 de son mémoire sont particulièrement révélateurs de sa position par rapport au mandat et à la finalité du service social scolaire; pour le Québec, c’est l’école qui est au service du travail social scolaire, et non l’inverse. 118. Or, ce n’est pas la vision du service social scolaire que le premier juge a retenue de la preuve qui a été faite devant lui. Le modèle organisationnel québécois du service social scolaire est peut-être unique au monde, mais il n’a pas – et n’a pu – changer la nature du service social scolaire, une discipline pratiquée partout ailleurs au Canada et dans la plupart des pays du monde et rattachée, sur tous les plans, à l’univers de l’éducation. Comme le Rapport Parent l’avait si fortement souligné114, le service social scolaire répond à un besoin, celui visant à tout mettre en œuvre, y compris lever les obstacles d’ordre social, pour favoriser la réussite de l’expérience scolaire; il est, sur le fond, d’abord et avant tout, au service de l’école. 119. Comme la Cour d’appel l’a constaté, « le premier juge a procédé à une analyse minutieuse de la volumineuse preuve testimoniale et écrite produite par les parties sur la nature, les objectifs et le mandat du service social scolaire. Il a pris soin d’expliquer et de justifier, tantôt son refus d’accepter une preuve, tantôt son choix d’en préférer une 114. Rapport d’expertise de Lionel-Henri Groulx (27 mai 2005), D-44, DA, vol. 50, p. 84 à 87; Rapport d’expertise : le travail social scolaire, par Gilles Rondeau Ph.D. t.s. (7 octobre 2004), PGQ-3, DA, vol. 41, p. 166-167; - 41 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments à une autre. L’appréciation de la preuve, de sa valeur probante et de sa suffisance relevait de sa compétence à titre de juge du procès. Elle mérite et reçoit déférence de notre part. »115 120. L’appelant se devait d’expliquer en quoi l’analyse à laquelle s’est livré le premier juge ne devrait pas mériter la même déférence de la part de cette Cour. Il n’y est pas parvenu. vii. 121. L’exclusion statutaire relative aux services concernant l’enseignement Un service « concernant uniquement ou principalement l’enseignement » n’est pas un « service de protection sociale » au sens du RAPC; il en est expressément exclu116. 122. Compte tenu de sa conclusion à l’effet que le service social scolaire ne rencontre pas la définition de « services de protection sociale », c’est à titre subsidiaire que le premier juge a traité de cette exclusion statutaire117. La Cour d’appel, en accord avec la conclusion principale du premier juge, s’est abstenue de se prononcer sur cette question118. 123. L’appelant déploie beaucoup d’énergie à tenter de démontrer, au terme d’un raisonnement excessivement complexe, que le juge de première instance aurait dû écarter cette exclusion en se rabattant sur le sens le plus limitatif du mot « enseignement », soit celui de la stricte transmission des connaissances théoriques ou pratiques. Il se rabat ici sur la règle d’interprétation des législations bilingues. Il estime que le mot « enseignement » doit s’entendre de son sens le plus restreint de manière à être fidèle à ce qu’il prétend être le sens commun aux versions française et anglaise du texte de loi. 115. 116. 117. 118. Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol. 1, p. 270, par. 26; Voir définition de « services de protection sociale », supra, par. 19; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 174, par. 330; Jugement de la Cour d’appel fédérale, DA, vol. 1, p.272, par. 31-32; - 42 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada 124. Exposé des arguments Or, comme l’a noté le premier juge, cette règle d’interprétation n’est pas absolue; c’est un guide parmi d’autres. Ultimement, l’intention du législateur doit toujours prévaloir119. Ainsi, cette règle peut certes servir à résoudre les antinomies découlant de divergences entre les deux versions d’un texte législatif, mais encore faut-il identifier une antinomie et encore faut-il, le cas échéant, que le sens commun dégagé des deux versions s’harmonise avec l’objet et l’économie générale de la loi120. 125. À cet égard, le premier juge a noté que le mot « enseignement » désigne aussi le secteur de l’enseignement et qu’il est porteur, comme son pendant de la version anglaise du texte de loi [le mot « education »], d’une conception plus ouverte de l’enseignement. En effet, si ce terme réfère à l’idée de l’apprentissage scolaire traditionnel, il englobe aussi celle, plus large, qui se dégage du terme anglais « education », de « l’organisation scolaire »121, et donc, de « l’institution scolaire » comme telle, et reflète, comme le mot « education », la conception moderne de l’éducation qui vise le développement complet de l’enfant. 126. Il n’est donc pas possible, d’une part, de déceler une antinomie qui justifierait de donner au mot « enseignement » son sens le plus restreint. D’autre part, ce sens restreint ne cadre tout simplement pas avec l’objet et l’économie générale du RAPC. En effet, il est tellement manifeste que la définition de « services de protection sociale » n’a rien à voir avec l’enseignement au sens strict des apprentissages scolaires traditionnels, qu’il faut se demander si le législateur, qui est présumé ne jamais le faire, n’aurait pas parlé pour ne rien dire si tel devait être le sens à donner à cette expression122. 127. L’interprétation qui cadre le mieux avec l’objet et l’économie du RAPC est sans contredit celle qui favorise une conception ouverte de l’enseignement. Comme le juge 119. 120. 121. 122. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 172, par. 325; Id.; R. c. Daoust [2004] 1 R.C.S. 217, par. 26 et 27, RSA, vol. 3, onglet 17, p. 150, 155158; Le Grand Larousse de la langue française, édition de 1972, RSI, onglet 17; Subilomar Properties(Dundas) Ltd. c. Cloverdale Shopping Center Ltd. [1973] R.C.S. 596, p. 603, RSA, vol. 3, onglet 21, p. 205, 210; - 43 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments de première instance l’a noté, il ne faut pas perdre de vue que le RAPC est, somme toute, une loi de finance et qu’il est approprié, dans ce contexte, de raisonner en termes institutionnels plutôt que substantifs123. D’ailleurs, l’on peut présumer que le Parlement savait, lors de l’adoption du RAPC en 1966, que des services sociaux étaient dispensés dans, par et pour les écoles, dans la poursuite d’une mission de l’État, l’éducation, qui n’est pas celle qu’il avait à l’esprit en adoptant ce texte de loi. 128. Il fait peu de doute que les services sociaux scolaires sont visés par l’exclusion en cause et que le premier juge s’est bien dirigé en droit en concluant de la sorte. Même si cette exclusion peut paraître redondante, il arrive que le législateur édicte des dispositions par souci de précaution124. C’est, à l’évidence, ce qu’il a fait ici. B. 129. LES SERVICES DE SOUTIEN EN RESSOURCES RÉSIDENTIELLES Ces services, nous le rappelons, sont des services de soutien dispensés à des personnes handicapées adultes vivant – en guise d’alternative au milieu familial ou encore à l’internat traditionnel – dans des résidences de quartiers que le réseau québécois de la santé et des services sociaux désigne comme étant des ressources résidentielles. 130. Ces ressources hébergent généralement un maximum de neuf personnes et sont desservies par des CAR125. Les services visés en l’espèce sont ceux qui sont donnés sur une base permanente et continue aux résidents, c'est-à-dire 24 heures par jour, 7 jours 123. 124. 125. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 173, par. 328; Pierre-André Côté, Interprétation des lois, Éditions Thémis, 2009 (4e édition), RSA, vol. 3, onglet 25, p. 235-236; Les CAR deviendront, éventuellement, pour la clientèle des personnes déficientes intellectuellement, des « Centres de réadaptation pour déficients intellectuels » ou « CRDI ». - 44 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments par semaine126. Ils règlent « tous les aspects de la vie quotidienne » des résidents de la ressource127. 131. Les personnes handicapées adultes qui résident dans ce type de ressources résidentielles – celles « à assistance continue »128 – n’ont ni l’autonomie, ni les ressources, ni les capacités requises pour y vivre, au risque de compromettre leur sécurité et leur bien-être, sans le support continu du CAR129. 132. L’exclusion invoquée à l’égard du coût de ces services découle de l’alinéa 5(2)c) du RAPC, lequel n’autorise pas le Canada à partager le coût de services auquel il contribue déjà aux termes d’une autre loi fédérale, en l’occurrence, la Loi sur les accords fiscaux, laquelle fait en sorte que, depuis le 1er avril 1977, les coûts des services dispensés aux adultes en « foyers de soins spéciaux », aux termes du RAPC, sont dorénavant financés par le gouvernement fédéral, au moyen d’une subvention per capita, au titre de « soins en établissements pour adultes » au sens de ladite loi. 133. Les « soins en établissements pour adultes », l’une des cinq composantes du nouveau « programme établi » créé par la Loi sur les accords fiscaux [les « services complémentaires de santé »]130, sont définis comme étant des services dispensés par un « établissement pour adultes » et comprenant [1] les soins personnels et de surveillance, selon les besoins des résidents de l'établissement, [2] l'aide dispensée aux résidents de l'établissement pour leur permettre d'accomplir des activités courantes, des activités 126. 127. 128. 129. 130. Manuel de gestion financière des Centres de réadaptation, Pièce PGQ-26, DA, vol. 42, p. 140; Portrait des services aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle au Québec, Colloque de Montréal (26 octobre 1995), Pièce, D-17, DA, vol. 45, p. 166; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55, p. 54, 56, 59-62, 67; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol. 14, p. 192; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol. 15, p. 37; Témoignage de Pierre-François Beaulieu, DA, vol. 15 p. 91; Interrogatoire préalable de Daniel Bérubé, DA, vol. 6, p. 56-61, 73; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol.14, p. 71; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55, p. 67; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 212, par. 401; Interrogatoire préalable de Daniel Bérubé, DA, vol. 6, p. 56-61, 73; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol.14, p. 212; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol.15, p. 43; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55, p. 64, 67; Loi sur les accords fiscaux, art. 27, RSA vol. 2, onglet 3, p. 167, 179-180; - 45 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments récréatives et sociales et d'autres services connexes pour satisfaire à leurs besoins psychosociaux, [3] les services nécessaires à l'exploitation de l'établissement, de même que [4] les repas et le logement, jusqu’à concurrence d’un montant établi par règlement131. 134. Un « établissement pour adultes » y est, pour sa part, défini comme un « foyer de soins spéciaux » au sens du RAPC, c’est-à-dire, pour les fins du présent litige, un « établissement de bien-être social dont le principal objet est de fournir à ses résidents des soins personnels ou infirmiers ou de les réadapter socialement »132. 135. Le premier juge a déterminé que les services dispensés en ressources résidentielles à assistance continue correspondaient à des « soins en établissements pour adultes » et qu’en conséquence, les coûts encourus à ce titre par la province, entre 1986 et 1996, n’étaient pas partageables en vertu du RAPC133. 136. L’appelant s’oppose à cette conclusion sur la base que ces services sont des « services de protection sociale ». Toute sa thèse s’articule autour de l’idée qu’il s’agit là non pas de services offerts en « établissement », mais bien plutôt de services dispensés au « domicile » des bénéficiaires. Elle s’en remet à cet égard à la définition même de « soins en établissement pour adultes », aux normes provinciales définissant ce qu’est un « établissement » du réseau public des services de santé et des services sociaux, de même qu’au fait que rien dans les textes statutaires applicables ne renvoie à la notion d’intensité de services à laquelle le premier juge s’en est remis pour assimiler « soins en établissement pour adultes » et services de soutien en ressources résidentielles à assistance continue. 131. 132. 133. Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587, art. 24(2)b), RSA vol. 2, onglet 7, p. 241, 244-245; RAPC, article 2, RSA, vol.1 p. 43; Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, DORS/86-679, art. 8, RSA, vol. 2, onglet 8, p. 262; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 222-223, par. 420; - 46 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada i. Exposé des arguments Les services en cause sont des « soins en établissement pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux 137. Selon le Québec, les services en cause ne rencontreraient pas la définition de «soins en établissement pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux, au motif que celle-ci exigerait que les repas et le logement soient offerts par l’établissement qui les dispensent, en l’occurrence le CAR, alors qu’ici, ce sont les résidents qui paient eux-mêmes les frais d’hébergement et de couvert grâce à leurs prestations d’aide sociale; ils sont donc « chez eux » et non en établissement. De plus, comme la résidence est la propriété d’un tiers, l’établissement ne se préoccupe pas des services nécessaires à son exploitation. 138. La réalité, telle qu’elle s’est révélée à travers la preuve, n’est pas aussi simple; en fait, elle n’autorise pas cette vision d’un service « externe » dispensé au « domicile » du bénéficiaire. La condition des résidents et, comme l’a très bien compris le premier juge, la nature des services et les rapports extrêmement étroits qui unissent les ressources résidentielles à assistance continue et l’institution dont elles dépendent pour les services reçus, ne permettent aucune autre conclusion raisonnable que celle voulant que les services en cause sont des « soins en établissements pour adultes »134. La condition des résidents 139. La preuve révèle que la très grande majorité des personnes handicapées adultes hébergées en ressources résidentielles à assistance continue forme une clientèle limitée au plan de l’autonomie et des conduites sociales135. 140. L’un de deux experts ayant témoigné pour le compte de l’appelant sur ce volet du litige, Jacques Rousseau, a admis que cette clientèle était principalement composée de 134. 135. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 215 à 223, par. 407 à 420; Impératif humain et social – Guide d’action – 1988, Pièce D-65, DA, vol. 55, p. 18; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 70; - 47 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments personnes présentant une déficience moyenne ou une déficience sévère à profonde, la proportion de ce dernier segment pouvant représenter jusqu’à 40% de cette clientèle136. 141. Concrètement, il s’agit de personnes incapables de subvenir elles-mêmes à leurs besoins les plus élémentaires et qui ne peuvent, de l’aveu même des éducateurs et préposés de Centres d’accueil de réadaptation ayant témoigné pour le compte de l’appelant, être laissées seules à la résidence sans que cela ne compromette leur santé et leur sécurité; ce sont des personnes qui nécessitent des services sur une base permanente et continue137. 142. L’un des témoins de l’appelant sur ce volet du litige, Rachelle Portelance, éducatrice dans des ressources résidentielles regroupant, a-t-elle dû admettre, des personnes ne présentant qu’une déficience légère, a même indiqué à la Cour que les résidents qu’elle avait sous sa charge ne pouvaient se nourrir adéquatement, c'est-àdire sans compromettre leur sécurité et leur bien-être, en l’absence de soutien de la part du personnel du CAR attitré à ces ressources138. 143. La froide réalité veut que ces personnes soient incapables de donner un consentement légal, de comprendre la valeur de l’argent, et donc, de gérer leurs propres affaires, et, dans certains cas, de même quitter la résidence; elles sont, en somme, incapables de gérer leur propre situation et ne pourraient vivre dans ce type d’hébergement communautaire sans un encadrement intensif et permanent de la part de l’organisme – le CAR – dont elles dépendent pour leurs services139. 136. 137. 138. 139. Témoignage de Jacques Rousseau, DA, vol. 16, p. 140-141; Où est Phil, Comment se porte-t-il et Pourquoi? (septembre 1996), Pièce D-18, DA, vol. 46, p. 20-23; Supra, note 128; Témoignage de Rachèle Portelance, DA, vol. 14, p. 129-130; Interrogatoire préalable de Daniel Bérubé, DA, vol. 6, p. 56-61, 73; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol.14, p. 176, 181, 203; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol. 15, p.1; Témoignage de Pierre-François Beaulieu, DA, vol. 15, p. 68; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55, p. 64, 67; - 48 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments 144. C’est aussi le constat de l’expert Jacques Pelletier, qui a témoigné pour le compte du Canada sur cette question. Très présent, pendant des années, au sein du réseau québécois de services aux personnes atteintes de déficience intellectuelle, tantôt comme gestionnaire d’un CAR, tantôt comme consultant auprès de ce réseau, tantôt comme dirigeant d’organismes de défense des droits de ces personnes, la ressource résidentielle à assistance continue, selon cet expert, qui a été appelé à évaluer nombre de ressources résidentielles dans le cadre de son travail de consultation, s’adresse à des personnes qui sont incapables de subvenir elles-mêmes à leurs besoins140. Les services qui leur sont dispensés 145. Les services dispensés en ressources résidentielles à assistance continue comprennent les services d’hygiène de base, les services d’apprentissage des habiletés de base, les services de réadaptation sociale et la surveillance de nuit. Tel que déjà mentionné, ils sont dispensés 24 heures sur 24, 7 jours par semaine141. 146. Ils visent notamment à apprendre aux résidents à brosser leurs dents, à prendre leur bain convenablement, à rester habillés ou encore à se faire à déjeuner. Les 142 préposés du CAR voient à ce que les résidents fassent leur routine tous les jours . 147. Témoin pour l’appelant, Michel Langlais, ancien directeur général d’un CAR, est venu dire que les services en ressources résidentielles à assistance continue couvraient, à toutes fins pratiques, « tous les aspects de la vie quotidienne »; ils étaient similaires, en fait, poursuit ce témoin, à l’enveloppe de services que l’on retrouve dans les milieux dits « institutionnels », comme les internats, à la seule différence qu’ils 140. 141. 142. Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55 p. 67; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25 p. 4, 60; Supra, note 126; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol. 14, p.193; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol.15, p. 6, 26; Témoignage de Pierre-François Beaulieu, DA, vol.15, p. 62; - 49 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments étaient dispensés de manière plus personnalisée et dans un milieu physique différent143. 148. Ce témoignage vient en quelque sorte confirmer l’opinion de l’expert Pelletier selon laquelle ressources à assistance continue et milieux institutionnels se rejoignent sur le plan des enveloppes de services144. Les liens structurels et organiques entre la ressource résidentielle et l’institution qui lui assure les services 149. Suivant ce que la preuve a révélé, il est impossible d’envisager la ressource résidentielle à assistance continue sans la présence et l’apport constants, à tous niveaux, de l’organisme qui la dessert, ce qui va du choix de la résidence et de son emplacement, au choix et au pairage de ses résidents, à la gestion de la résidence, y compris le bail et l’achat de la nourriture, en passant, bien sûr, par la prestation de services continus sans lesquels les résidents, comme nous venons de le voir, ne pourraient tout simplement pas y vivre. 150. Ces ressources sont en fait implantées par les CAR; ce sont eux qui ont la responsabilité de trouver les résidences à partir de critères qui sont les leurs et qui sont établis, notamment, à partir des besoins de la clientèle. Si elle est ultimement la propriété de fondations qui appuient la mission de ces CAR, ou encore de corporations d’hébergement à but non lucratif mises sur pied strictement à cette fin, l’achat ou le choix d’une résidence se fait en partenariat et sur la recommandation du CAR 143. 144. Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 14, p. 22-23, 63, 71-74, 77; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55 p. 67-68; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 3; - 50 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments seulement145. D’ailleurs, le CAR compte toujours un représentant sur les conseils d’administration de ces fondations ou corporations146. 151. C’est par la suite le CAR, souvent après avoir consulté la famille de la personne handicapée, qui décide, encore là à partir d’une grille de critères, dans quelle résidence, parmi celles que la corporation, ou la fondation, détient, cette personne sera hébergée et avec qui147. Il n’est pas rare, d’ailleurs, qu’il y ait des listes d’attente de familles souhaitant voir leur enfant, devenu adulte, hébergé dans ce type de ressources148. 152. Quant à la gestion quotidienne de la résidence, c’est par le biais d’un compte commun, ouvert la plupart du temps au nom de la résidence, et non à celui des usagers, et géré et opéré par le personnel du CAR, qu’elle se fait. C’est ainsi que tous les revenus d’aide sociale des résidents y sont déposés et que toutes les dépenses communes de la résidence [loyer, nourriture, chauffage, entretien, services d’utilité publics] sont payées à même ce compte. Une ponction prédéterminée des revenus d’aide sociale de chacun des résidents est par la suite versée dans un compte individuel ouvert au nom de chacun d’eux ou encore au nom d’un éducateur aux termes d’un arrangement de type fiduciaire149. Cette portion correspond à toutes fins pratiques à l’allocation personnelle des résidents des installations à caractère institutionnel150. 153. Toutes les opérations bancaires, y compris celles liées au compte personnel des résidents, sont effectuées par le personnel du CAR et sont soumises à des contrôles 145. 146. 147. 148. 149. 150. Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 13 p. 195; vol. 14, p. 10, 34 à 38, 43 à 46; Témoignage de Rachèle Portelance, DA, vol. 14, p. 96, 121-122; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 14, p. 45-46; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25 p. 47-48; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 13, p. 185 à 187; vol.14 p. 71 à 74; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 14, p. 76 à 78; Résumés écrits de témoignages de témoins de la demanderesse, Pièce D-57, DA, vol. 52, p. 9, 15; Témoignage de Rachèle Portelance, DA, vol.14, p. 100 à 102; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol.14, p. 206 à 208; Témoignage de Pierre-François Beaulieu, DA, vol. 15, p. 68, 95 à 98; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol. 15, p. 7 à 10; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 32; - 51 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada internes par les services comptables du CAR. Exposé des arguments Les chèques d’aide sociale des résidents y sont souvent livrés directement151. 154. Les baux portent le nom des résidents, condition pour qu’ils soient admissibles à l’aide sociale, mais non leur signature152. Le loyer est la plupart du temps payé – à même le compte commun – directement au CAR qui, lui, se charge de le faire suivre à la fondation ou à la corporation d’hébergement propriétaire de la résidence. 155. Enfin, le personnel du CAR, qui dispense les services dans les ressources résidentielles à assistance continue, est organisé en quarts de travail couvrant les 24 heures de la journée de manière à assurer une présence constante auprès des résidents. La résidence est leur lieu de travail, comme l’était auparavant l’établissement institutionnel; ils y ont leur journal de bord, leur filière à documents et un babillard d’affichage; la cuisine leur sert de place de travail153. La plupart des employés sont issus des établissements institutionnels qui hébergeaient les résidents avant leur transfert en ressources résidentielles; ils sont d’ailleurs régis par les mêmes conventions collectives154. 156. Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que le juge de première instance n’ait pu se convaincre que les résidents des ressources résidentielles à assistance continue reçoivent des « services à domicile » au sens où cette expression s’entend généralement. Le rôle joué par l’organisme dont ils dépendent pour y assurer leur présence est tout simplement trop important, trop essentiel et trop omniprésent pour pouvoir raisonnablement considérer qu’ils y exercent une forme quelconque de contrôle permettant de dire qu’ils sont véritablement chez eux ou, encore, qu’ils assument euxmêmes leur gîte et couvert. 151. 152. 153. 154. Supra, note 149; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 33-34; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 52-53; Témoignage d’Éric Lavoie, DA, vol.14, p. 174; Témoignage de Ginette Prieur, DA, vol. 15, p. 5,11-12; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 14, p. 82 à 85; Rapport d’expertise de Jacques Pelletier (janvier 2005), Pièce D-66, DA, vol. 55, p. 52, par. 36; - 52 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments 157. La preuve révèle que la prise en charge de la ressource résidentielle à assistance continue par le CAR est totale et couvre tous les aspects de la gestion de la résidence elle-même et de la vie quotidienne de ses résidents. Le fait que ces personnes possèdent une adresse civique est certes très symbolique sur le plan de l’effort d’intégration sociale que poursuit la ressource résidentielle, mais là s’arrête toute analogie à l’idée qu’il s’agisse là d’un véritable domicile. 158. D’ailleurs, il ne faut pas s’en surprendre. Il suffit d’un simple retour en arrière pour le comprendre aisément. Tel qu’indiqué précédemment155, la ressource résidentielle est l’un des fruits de la désinstitutionnalisation qui a été entreprise dans le courant des années ’60, au Québec, comme ailleurs au Canada. Comme la preuve en fait état, des établissements institutionnels entiers ont été fermés dans le cadre de cette politique gouvernementale156. Toutefois, leurs résidents ne pouvaient tout de même pas être jetés à la rue. 159. Des documents émanant du Québec, les pièces PGQ-28 et D-15, expliquent que la désinstitutionnalisation s’est faite graduellement, c'est-à-dire des cas les plus légers aux cas les plus lourds. Cela se vérifie également du Guide d’action pour l’intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle, rendu public par la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec en 1988. 160. Ce Guide, la Pièce D-65, rappelle que, lorsqu’il est requis pour une personne de changer de milieu résidentiel, il est « impératif que l’organisme responsable des services résidentiels à cette personne, en situation de protection sociale, assure la continuité du service jusqu’à ce qu’il y ait un autre organisme qui réponde de façon plus adéquate à ses besoins »157. Le Guide prévoit à cet égard que les dispensateurs de services sont tenus de s’assurer « en tout temps du bien-être et de la sécurité de la personne », et de proposer le lieu le plus adapté pour elle ainsi que les services d’aide 155. 156. 157. Supra, par. 29-30; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol. 14, p. 40 à 43; Impératif humain et social – Guide d’action – 1988, Pièce D-65, DA, vol. 55, p. 18; - 53 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments et le niveau d’encadrement dont elle a besoin et dont l’intensité doit s’ajuster à son évolution158. 161. Traitant plus particulièrement de la transformation des services et ressources institutionnelles en un réseau intégré à la communauté, le Guide édicte « l’ensemble des règles à respecter dans toute démarche d’intégration sociale ». Parmi cet ensemble de règles, il y a celle, éminemment pertinente à la ressource résidentielle à assistance continue, voulant que l’établissement, qui entreprend une démarche d’intégration sociale s’assure de « maintenir la permanence des services de base (gîte, couvert, encadrement) à l’égard des personnes non autonomes, en besoin de protection sociale, et en assurer le suivi »159. 162. Cette règle trouve écho dans le témoignage de l’ancien directeur-général d’un CAR appelé à la barre par l’appelant, qui a rappelé comment le CAR n’avait pas disparu avec la désinstitutionnalisation, comment il était « obligé de continuer à faire ces choses, mais tenant compte des milieux différents », comment il ne s’était pas « défilé de ses responsabilités » et comment il fallait « sécuriser les parents » lorsque le CAR se proposait d’intégrer leur enfant, devenu adulte, à la communauté, en leur disant que celui-ci allait continuer à recevoir les mêmes services qu’auparavant, mais de façon plus personnalisée, et que si ça ne devait pas fonctionner, le CAR allait le reprendre160. 163. Ce n’est donc pas parce que l’État québécois a emprunté la voie de la désinstitutionalisation qu’il s’est pour autant désengagé auprès des clientèles que l’on retrouve dans les ressources résidentielles à assistance continue, à savoir les clientèles non autonomes. 164. Il continue à leur assurer la permanence des services de base, ce qui comprend le gîte et le couvert, même en contexte de ressources résidentielles à assistance 158. 159. 160. Id., p. 19; Id., p. 28-29; Témoignage de Michel Langlais, DA, vol.13, p.176-179; vol. 14, p. 42-43, 61, 63, 70; - 54 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments continue, comme le confirme le « Portrait des services aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle au Québec », la pièce D-17, publié en octobre 1995 dans le cadre d’un colloque des CAR offrant des services à ces personnes. 165. Faisant le point sur les trois grands programmes liés aux services directs dispensés à ces personnes à l’époque, à savoir le Programme résidentiel, le Programme socioprofessionnel et le Programme de soutien à la personne, à la famille et à la communauté, ce document définit le programme résidentiel comme regroupant les activités requises pour assurer « l’hébergement des personnes, soit le gîte, le couvert ainsi que l’assistance et la surveillance » et dans la nomenclature des différents types d’hébergement visés par ce programme, l’on retrouve tant les installations dites à caractère institutionnel que celles à caractère communautaire et, parmi ces dernières, la ressource résidentielle à assistance continue161. 166. Le premier juge était donc tout à fait fondé de conclure que les services en cause, de par leur nature et le contexte dans lequel ils sont livrés, rencontrent, sans l’ombre d’un doute, la définition de « soins en établissements pour adultes » au sens de la Loi sur les accords fiscaux. Encore ici, l’appelant, comme ce fut le cas devant la Cour d’appel, n’a pas démontré la présence, dans le jugement de première instance, d’erreurs manifestes et dominantes pouvant justifier l’intervention d’un tribunal d’appel. ii. Les normes provinciales relatives aux établissements de santé et de services sociaux et la notion de personnes « admises » ou « inscrites » 167. L’appelant estime que le gouvernement fédéral serait lié par la façon dont il désigne les établissements de son réseau de la santé et des services sociaux. Plus particulièrement, il avance qu’en vertu de sa législation, la ressource résidentielle n’a pas le statut d’établissement et, par conséquent, ne se qualifie pas au titre « d’établissement pour adultes », et donc, de « foyer de soins spéciaux » au sens de la 161. Portrait des services aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle au Québec, Colloque de Montréal (26 octobre 1995), Pièce D-17, DA, vol. 45, p. 166; - 55 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada législation fédérale. Exposé des arguments D’ailleurs, insiste-t-il, contrairement à un établissement où le résident est « admis », parce qu’il y occupe un lit, la personne vivant en ressources résidentielles est, quant à elle, « inscrite » en tant que bénéficiaire de services « externes » du CAR, et donc de « services à domicile ». 168. Or, ce moyen a pour effet de priver le gouvernement du Canada de tout pouvoir d’appréciation des réclamations des provinces en regard de la législation qu’il a pour mandat d’administrer. Comme le premier juge l’a bien fait ressortir, à moins d’y faire explicitement référence par voie d’incorporation, la portée d’une loi fédérale ne saurait être déterminée par l’utilisation d’une loi provinciale162. 169. Le renvoi aux normes provinciales dans la définition de « foyer de soins spéciaux » a simplement pour objectif de poser comme exigence que les établissements présentés pour fins d’énumération au titre de « foyer de soins spéciaux », à l’annexe A de l’accord avec la province aux termes du RAPC, rencontrent les normes provinciales pour ce type d’établissement; il n’a pas pour effet de lier le gouvernement fédéral lorsque la province est d’avis qu’un établissement ne se qualifie pas à ce titre, particulièrement dans le contexte de la gestion de l’interface entre le RAPC et la Loi sur les accords fiscaux. 170. Rien, dans le texte du RAPC, ne suggère l’approche proposée par l’appelant, surtout lorsque l’on constate à quel point elle est susceptible de donner des résultats aussi irréconciliables qu’en l’espèce. 171. En effet, cette notion de bénéficiaires « inscrits », du fait qu’elle sous-tend l’idée de « services à domicile », masque, comme on vient de le voir, une réalité bien différente lorsqu’il s’agit de ressources résidentielles à assistance continue. Le gouvernement fédéral ne saurait être lié par des variantes administratives sans conséquence sur la nature même de l’enveloppe de services dispensés. Comme la preuve l’a révélé, le statut « d’inscrit » se sera à toutes fins pratiques avéré un outil 162. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 218-219, par. 413 à 415 - 56 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments servant à financer, autrement qu’à même les budgets du CAR, les services de gîte et couvert qu’il continue par ailleurs d’être tenu d’assurer163. 172. Aussi, cette notion fait en sorte que foyers de groupe et ressources résidentielles à assistance continue devraient être traités différemment sur le plan du partage des coûts alors qu’il s’agit là, comme la preuve le démontre, de ressources d’hébergement au profil absolument identique, à la seule exception que l’une gère directement les murs de la résidence, et donc y « admet » ses résidents, alors que l’autre le fait par l’intermédiaire d’un tiers à qui elle est par ailleurs liée étroitement164. 173. Comme le premier juge l’a fait remarquer, l’appelant a reconnu que les services dispensés en foyers de groupe étaient assimilables à des « soins en établissement pour adultes », et donc exclus du partage des coûts aux termes du RAPC. Il ne saurait en être autrement de ceux dispensés en ressources résidentielles à assistance continue.165 174. L’appelant prétend enfin que la Loi sur les accords fiscaux et le RAPC raisonnent ici en termes « d’établissements », et non de « services », et qu’en conséquence, il n’est pas approprié de résoudre le présent différend en s’intéressant à la nature des services au détriment du statut juridique ou de la structure administrative d’une institution. 175. Or, il suffit de lire les définitions de « soins en établissement pour adultes » et de « foyers de soins spéciaux » pour se convaincre du contraire; ces établissements se définissent par le type de soins et services qu’ils offrent : soins personnels et de surveillance, aide aux fins de permettre l’accomplissement d’activités courantes, 163. 164. 165. Témoignage de Michel Langlais, DA, vol.13, p. 160; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 29 à 32; Supra, par. 149, 152; Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 221-222, par. 417 à 419; - 57 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments récréatives et sociales, services visant à satisfaire des besoins psychosociaux, les repas, le logement166. 176. Cet argument, fondé sur la variante administrative « admis/inscrit », doit échouer. Ce qui importe, et ce que la preuve a révélé, c’est que le résident d’une ressource résidentielle à assistance continue y est « placé », et que l’institution qui lui rend les services est responsable d’assurer, en tout temps, son bien-être et sa sécurité. La prise en charge par le CAR demeure totale167. 177. La portée de la législation fédérale applicable ne saurait être tributaire du modèle d’affaires adopté par le Québec eu égard à la gestion de son programme résidentiel pour personnes handicapées adultes, notamment en ce qui a trait à la budgétisation de certaines dépenses liées à la gestion de la résidence. iii. Le critère de l’intensité de services est inhérent au concept de « soins en établissement pour adultes » 178. L’appelant estime que la notion d’intensité de services n’est pas pertinente pour déterminer si les services en cause sont des « soins en établissement pour adultes » ou encore des « services de protection sociale » dans la mesure où ni la Loi sur les accords fiscaux, ni le RAPC, n’y font référence. 179. Or, le premier juge était tout à fait fondé de conclure que cette notion est inhérente et implicite à celle de soins en « établissement » de manière à permettre de distinguer, comme il est nécessaire de le faire en l’espèce, entre ce qu’est un service à domicile et ce qu’est un service en établissement, particulièrement face au large 166. 167. Supra, par. 18, 133-134; Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587, art.24(2)b), RSA vol. 2, onglet 7, p. 241, 244-245; Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, DORS/86-679, art. 8, RSA, vol.2, onglet 8, p. 262; Témoignage de Jacques Pelletier, DA, vol. 25, p. 49-50; - 58 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments éventail de services d’hébergement destinés aux personnes handicapées adultes qui ont fait leur apparition comme conséquence de la désinstitutionnalisation.168 180. La gestion de l’interface entre le RAPC et la Loi sur les accords fiscaux est éminemment tributaire de cette notion; ne pas la voir comme une norme implicite de cette gestion irait à l’encontre de l’objectif et de l’économie de cette législation. 181. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs reconnu que l’encadrement et le support fournis aux usagers des ressources résidentielles pouvaient varier d’une ressource à l’autre, selon la condition des usagers, et qu’il devenait dès lors nécessaire d’établir, en ayant comme référence le niveau des services requis par la clientèle, à quel moment s’opérait la mutation entre un service en établissement, et un service de protection sociale. Il s’en remettait, à cette fin, à un tableau transmis aux autorités fédérales afin de les renseigner sur le programme des ressources résidentielles, définissant les quatre niveaux d’intensité de services que l’on pouvait retrouver en ressources résidentielles, les niveaux 3 et 4 correspondant à ceux que l’on retrouve en ressources résidentielles à assistance continue169. 182. Ce constat ne faisait que refléter, en fait, le Guide d’action pour l’intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle170, publié quelques années auparavant, lequel, comme nous l’avons vu, fait une référence directe à la variété de l’intensité des services résidentiels pouvant être nécessaires à l’intégration de ces personnes, compte tenu de leur niveau d’autonomie. 183. Enfin, le fait que le gouvernement fédéral ait accepté de partager partiellement les coûts des services dispensés en ressources résidentielles ne saurait équivaloir à une reconnaissance de sa part qu’il s’agit là de « services de protection sociale ». 168. 169. 170. Jugement de première instance, DA, vol. 1, p. 216 à 218, par. 408 à 412; Lettre de Jean-Rock Pelletier (MSSS) à Jacques Patry (directeur RAPC) : Énumération de services externes en CAR, 15 janvier 1992, Pièce PGQ-28, DA, vol. 42, p. 162; Impératif humain et social – Guide d’action – 1988, Pièce D-65, vol. 55, p. 19; - 59 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Exposé des arguments 184. En effet, il ne s’agit-là que d’un arrangement strictement provisoire, sans préjudice aux droits du Canada, rendu nécessaire par le défaut du gouvernement du Québec de fournir à la satisfaction des autorités fédérales, tel que l'exigent les règlements d'application du RAPC, toute l'information requise pour l'étude de sa réclamation au titre desdits services, particulièrement compte tenu des différents niveaux de besoins de la clientèle identifiés par la province elle-même171. 185. La notion d’intensité de services était donc essentielle à la gestion de l’interface entre le RAPC et la Loi sur les accords fiscaux. Elle avait toute sa pertinence en l’espèce. 186. Le premier juge n’a commis aucune erreur dans son analyse et son appréciation de ces questions mixtes de faits et de droit. PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS 187. L’intimée estime qu’il n’y a pas lieu de déroger en l’instance à la règle habituelle voulant que les dépens suivent l’issue du pourvoi. --------- 171. Témoignage de Jean-Bernard Daudelin, DA, vol. 24, p. 104; Lettre de Jean-Guy Massé (RAPC) à Pierre-Paul Veilleux (directeur MSSS) : RAPC – réclamation 1991-1992, 14 février 1995, Pièce PGQ-22, DA, vol. 42, p. 105; Lettre de Jacques Patry (directeur RAPC) à Jean-Roch Pelletier (MSSS) : Énumération de CAR et de services afférents à l’annexe « B » de l’Accord sous le RAPC, 8 octobre 1991, Pièce PGQ-27, DA, vol. 42, p. 146; Lettre de Jacques Patry (directeur RAPC) à Jean-Roch Pelletier (MSSS) en réponse à la lettre du 15 janvier 1992, 12 mars 1992, Pièce PGQ-29, DA, vol. 42, p. 163; Lettre de Jacques Patry à Pierre-Paul Veilleux, 19 mars 1991, Pièce D-63, DA, vol. 54, p. 161; - 60 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Conclusion et ordonnance demandée PARTIE V – CONCLUSION ET ORDONNANCE DEMANDÉE L’INTIMÉE DEMANDE À CETTE HONORABLE COUR : DE REJETER l’appel; LE TOUT avec dépens. Ottawa, ce 21 mai 2010 _________________________________ Myles J. Kirvan, Sous-procureur général du Canada Par : Me René LeBlanc Me Bernard Letarte Me Guy A. Blouin Bureau régional du Québec (Ottawa) 284, rue Wellington, 6e étage Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Procureurs de l’Intimée Sa Majesté la Reine du Chef du Canada - 61 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Table alphabétique des sources PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES Lois et Règlements Paragraphe(s) Loi autorisant le Canada à contribuer aux frais des régimes visant à fournir une assistance publique et des services de protection sociale aux personnes nécessiteuses et à leur égard, S.C. 1966-67, c. 45; S.R.C. 1970, c. C-1; L.R.C. 1985, c. C-1 ..........................................10 Loi d’exécution du budget 1995, L.C. 1995, c. 17 ..........................................14 Loi sur l’instruction publique, L.Q. c. 84 ..........................................90 Loi sur les accords fiscaux, 25-26 Élizabeth II, c. 10 .... 32, 47, 133, 137, 166, 169 ................174, 178, 180, 185 Régime pédagogique de l’éducation préscolaire et du primaire, Décret 73-90, 24 janvier 1990, G.O.Q. 14 février 1990, 122e année, no 7 ..........................................90 Régime pédagogique de l’enseignement secondaire, Décret 74-90, 24 janvier 1990, G.O.Q., 14 février 1990, 122e année, no 7 ..........................................90 Régime pédagogique du primaire et du préscolaire, Décret 551-81, 25 février 1981, G.O.Q. 15 avril 1981, 113e année, no 15 ..........................................90 Régime pédagogique du secondaire, Décret 552-81, 25 février 1981, G.O.Q. 15 avril 1981, 113e année, no 15 ..........................................90 Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587 ..........................33, 133, 175 Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, C.R.C. (1978) c. 382 ....................................18, 22 Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, DORS/86-679; ................................134, 175 - 62 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Table alphabétique des sources Lois et Règlements (suite) ....................... Paragraphe(s) Règlement relatif à la définition de ce qui constitue une fonction pédagogique ou éducative pour les fins de la Loi sur l’instruction publique, A.C. 1417, 25 mars 1970, G.O.Q., vol. 102, no 14 ..........................................90 Jurisprudence Bell Express Vu Ltd. Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559 ..........................................54 Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441 ..........................................54 Dicaire c. Ville de Chambly, [2008] J.Q. no 113 (C.A.Q.) ..........................................53 Elders Grain Co. c. M/V Ralph Misener, [2005] A.C.F. 612 ..........................................53 Finlay c. Ministre des Finances, [1993] 1 R.C.S. 1080 ..........................................54 H.L. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 401 ..........................................53 Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 ..........................................53 Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] R.C.S. 351 ..........................................53 R. c. Craig, [2009] 1 R.C.S. 762 ..........................................54 R. c. Daoust, [2004] 1 R.C.S. 217 ........................................124 R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757 ..........................................54 R. c. Lavallée, [1990] 1 R.C.S. 852 ..........................................97 Subilomar Properties (Dundas) Ltd. c. Cloverdale Shopping Center Ltd., [1973] R.C.S. 596 ........................................126 Toneguzzo-Norvell 1 R.C.S. 114 ..........................................53 c. Burnaby Hospital, [1994] - 63 Mémoire de l’Intimée Sa Majesté La Reine du Chef du Canada Table alphabétique des sources Doctrine ....................... Paragraphe(s) Le Grand Larousse de la langue française, édition de 1972 ........................................125 P.A., Côté, Interprétation des lois, 4e édition, Montréal, Éditions Thémis, c. 2009, p. 350 à 352 ........................................128 Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed., Butterworths (2002), p. 259-262 ..........................................62