1 Lucrezia Lorenzini (Université de Messine) Le détroit de Messine

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1 Lucrezia Lorenzini (Université de Messine) Le détroit de Messine
Lucrezia Lorenzini
(Université de Messine)
Le détroit de Messine et la métaphore de l’existence
Suave, mari magno turbantibus aequora ventis
e terra magnum alterius spectare laborem;
non quia velari quemquamst iucunda voluptas,
sed quibus ipse malis careas quia cernere suavest.
( Lucrezio, De rerum natura, II, 1-4)
Métaphore de l’existence et parcours de connaissance: une liaison entre espace intérieur subjectif de
la conscience et son temps intérieur subjectif. Le moi et la mémoire en tant que déplacement dans le
temps et dans l’espace, mais, aussi, désir, élan de connaissance et de recherche.
Le monde féerique de monstres, de sorcières de sortilèges et de tentations menaçantes caractérise
depuis toujours le détroit de Messine, dans une variété d’attitudes pour ce qui concerne la typologie
non seulement du navigateur – voyageur, mais aussi celle de la signification du voyage – soif de
connaissance effreinée, violation du sacré, révélation mysthérieuse et périlleuse. La mer comme
dépassement de dangers, d’obstacles, d’épreuves, d’expériences: elle devient, ainsi, banc d’essai,
recherche du nouveau et, aussi, défi à se mesurer: πολυτλασ car celui qui souffre sait bien oser.
On remarque, ainsi, une circularité, définie par un parcours, dans lequel ressortissent la réunion et la
reconquête de valeurs primordiales.
La mer, telle que métaphore de la vie ou bien bagage conceptuel, fait de règles, signifiés entendus et
sous-entendus, dont la raison humaine est très riche. Et, justement, à cause de tout ça un monde
basé sur la recherche et sur l’inquiétude, sur les questions et les réponses, souvent provisoires: «le
beau risque» voilà la définition que nous a donnée Platone; de nos jours on pourrait le renommer
avec le mot inclassable de station de transit plutôt que de séjours, peuplée de personnages
caractérisés par la µετισ, l’intelligence du stratagemme et de la parole.
Dans la mer l’existence, qui se sert de l’image du bateau, est destinée à perdre son guide (visualisé
par la raison) et l’homme, qui représente le drame humain, se sent livré à soi-même. Et , encore, la
mer comme métaphore de l’abandon; le navigateur devient épave. dans les gouffres de l’existence,
son but s’anéantit dans la recherche de l’illimité et de l’infini.
Le petit bras de mer qui sépare la Sicile de la Calabre c’est la dimension de l’espace et du temps que
chaque protagoniste mesure dans sa routine d’émotions et de sentiments; un miroir d’eau, qui dans
l’écoulememt de l’existence apparaît tel qu’une somme de fragments, essence de lieux non
continus, mais plutôt tracés par des parcours parfois inattendus, aventureux, souvent réinventés.
Le Détroit a aussi une valence antropologique dans l’aspect magique-rituel, dans le lien
psicologique-affectif reliant la personne à son propre milieu, celui-ci conçu ici comme un monde
expressif, pourvu d’intuitions, capables de concevoir et d’expérimenter.
L’ouvrage de Stefano D’Arrigo, Horcynus Orca, présente une structure ouverte, ou serrée seulemet
en partie, autour d’un centre ordinateur d’un systhème de valeurs et de rapports. La mer et la barque
les fauves et l’Orque accompagnent le voyage de ‘Ndria Cambria, pêcheur et âme de l’homme,
transporteur d’épisodes situés entre les maisons de Messine et la côte calabraise, entre les
profondeurs du Détroit et ses maléfiques habitatrices, symboles d’une condition extrême,allégories
transitoires, instruments d’analyse, métaphore de la vie sous-tendant celle de l’existence dangereuse
et pénible.
En partant du texte et dans l’horizon du contexte on perçoit dans le protagoniste le sens d’une
diversité, dont la compréhension est liée à sa prise de conscience lorsqu’il va vivre une situation
circonstanciée: à ce moment il se voit clairememt et il reconnaît intimement l’identité de son être.
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‘Ndria accomplit un voyage plein d’échos de mort, symboliques et marins; il ne s’agit pas
seulement des Fauves et de l’Orque, élevée à Mort éternelle, mais de tous les éléments que la mort
temporelle a parsemés tout autour: le retour de ‘Ndria sur le détroit est accompagné par le
dessèchement de la mer, le «scill’e cariddi» devenu un désert ossuaire (Gatta 2005). Tout est deuil,
et le cercueil c’est la barque dans la fantaisie du jeune homme qui saisit les paroles morcelées
d’Orioles, et comme un cercueil, aussi, lui apparaît dans la mémoire l’étrange barque de Ciccina.
Dans le roman de D’Arrigo on peut lire plusieurs degrès du mal: celui de la vie de débauche
représenté par les ‘femminote’ et par les fauves , et le mal absolu radical incarné par l’Orque. Le
«scill’e cariddi»est, aussi, en soi un récit avec sa propre éthique. Bien qu’il soit plongé dans
l’élémemt de l’eau, l’antropomorphisme soutenu par une éthique aux fortes connotations humaines,
possède tout facteur pour se représenter et se raconter. Et l’univers nocturne peint une autre vie, où
les hommes deviennent des ombres et les monstres prennent un aspect humain.En cela consiste la
véritable nature du «scill’e cariddi»: dans une coexistence entre la dimension de l’insularité et le
genre géographique, mais aussi géométrique du détroit, interprété comme une zone naturelle de
passage, séparé des grandes mers, réalité souspendue entre réalités opposées dans une atmosphère
«fabuleuse et métaphorique» où «domine une plus vaste épique du Détroit» et «se lève le chant de
cette merveilleuse rareté de double mer» (Amoroso 1983: 10-14)
‘Ndria reste pris dans des pièges et des superpositions, s’enfonce au milieu de souvenirs
ancestraux, récupère dans l’historique des évènements réels ou fictifs alternés par le moyen du
recours sophistiqué au rêve et à l’extase métahistorique. Et dans la fin de l’Orque, sur laquelle
s’acharnent les fauves, se lève un signal d’illusion et d’ironie amère; et ‘Ndria rencontre des visages
transfigurés comme celui de Ciccina Circé, la femme-sorcière qui l’aide à franchir les eaux du
Détroit enchantant les fauves grâce au son d’une clochette
«Scill’e cariddi» se présente sous un double aspect, scénique et en meme temps existentiel.
L’aspect scénique (l’espace géographique) peut permettre la lecture de l’aspect existentiel (sa
coexistence dans un non-être) et finalememt tous les deux aspects, ensemble, vont concourir à la
lecture de l’existence. La disjonction du temps c’est métaphore, miroir dépaysant, indice du
désespoir de l’homme, cronique colorée de son effemère quotidien, image frêle de l’homme, se
balançant entre le temps fini et l’éternité, entre l’essence et la transcendence. Les pêcheurs, ombres
d’hommes, fantômes à l’attente d’une réalité vivent une période d’attente, un détroit à traverser
rapidement dans l’espoir d’atteindre le rivage: pêcheurs apaisant leur faim comme dans «un
effrayant voyage de ‘connaissance’», «ramant courbes et pensifs, d’un geste sévère et immuable,
dans la tentative continuellement répétée de conduire leur bateau dedans toujours plus en dedans là
où la mer est mer» (D’Arrigo 1975: 7-8).
Qui est-ce qui va briser ce détroit de la vie, cette réalité faite de rien? C’est bien celui qui enveloppé
dans son enchantememt, viole une lois qui semble éternelle. A l’instant où le voyage de ‘Ndria se
termine, voilà que s’affirme la réalité du «scill’e cariddi»: existence et temps,vérité et
communication emmènent le protagoniste au dehors de l’orbite du Détroit. Dans le monologue de
‘Ndria sur le rocher devant l’Orque mourante ‘le temps intérieur’ semble une éternité en face du
rapide écoulement du ‘temps extérieur’, développé dans le récit. Au voyage en surface correspond
un voyage dans l’obscurité des abîmes peuplés par des créatures fuyantes, oximores
dangereusement séduisants.
Et l’enchantement nocturne du Détroit recommence après la paranthèse diurne de l’Orque, qui va
trouver sa mort au coucher du soleil.
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