Influence des mass-medias sur l`éducation des enfants Introduction
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Influence des mass-medias sur l`éducation des enfants Introduction
Influence des mass-medias sur l’éducation des enfants Kalilou TRAORE, Département des Sciences du langage et de la communication, UFR ommunication milieu et Société, Université de Bouaké La Neuve, Côte d’Ivoire Résumé Cette étude est l’aiguillon de la pensée pour tous les acteurs des systèmes éducatifs et tous ceux qui, peu ou prou sont concernés par les actions éducatives afin qu’ils réagissent positivement face à la déperdition des enfants due à l’influence des mass-médias. L’intérêt de ce travail est précisément de montrer les effets pervers des mass-médias sur l’éducation des jeunes et proposer quelques solutions susceptibles de sauver cette jeunesse victime des médias. Ce travail permet donc d’offrir à cette tranche de la population bombardée quotidiennement par un flux médiatique, ainsi qu’aux éducateurs non avertis et certains parents qui s’installent dans la prévarication des armes nécessaires pour affronter ce « tsunami » médiatique. Autrement dit, de leur donner une ligne de conduite à tenir face à la problématique de l’éducation aux médias aux fins de se construire eux-mêmes en construisant leur intelligence. Introduction Le nouveau millénaire est dominé par l’omniprésence des mass-médias dont l’influence s’observe à tous les niveaux de la vie sociale : politique, économique, sécuritaire, culturel, sanitaire et pédagogique… Les moyens de communication de masse constituent aujourd’hui un véritable problème pour les enfants qui fréquentent, en dehors de l’école officielle, d’autres circuits d’information et d’acquisition de connaissances que Georges Friedman a appelé pour la première fois, dans une série d’articles parue dans le journal le monde en janvier 1966 : l’école parallèle. Mais cette école parallèle a aussi ses dangers dont le principal est de faire de l’enfant "un prématuré affectif intellectuel" pour paraphraser Le Than Khoï. Elle utilise les mêmes instruments que ceux de la communication de masse notamment la télévision, la radio, le cinéma, la presse écrite, les affiches, l’Internet… L’école officielle et l’école parallèle peuvent-elles se soustraire donc des mass-médias qui ont certainement des impacts positifs et négatifs sur l’éducation des enfants ? Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’influence, bonne ou mauvaise, qu’ont les médias sur les jeunes et leur pensée. C’est pour cette raison qu’il est temps, face à un tel phénomène, que l’’école officielle cette institution dans sa quête quotidienne de formation et d’éducation notamment l’acquisition de savoir, de savoir-faire et de savoir-être reste vigilante face aux insuffisances de l’école parallèle, capable de faire de l’enfant un retardé intellectuel par une mauvaise utilisation des mass-médias. Notre exposé va donc s’articuler autour des points suivants : ·Considérations théoriques d’un travail de recherche ·Présentation des résonnances négatives des mass- média sur l’éducation des enfants ·Propositions de solutions · Plaidoyer pour une gestion saine des mass-médias dans l’éducation des enfants en guise de conclusion 1. Considérations théoriques d’un travail de recherche Cette étude s’inscrit dans le champ de la communication pour le développement pour un changement de comportement de notre jeunesse qui vit dans un flux d’informations mass médiatiques. Mais la présence des moyens techniques de production et de diffusion Revue RA N°12 Page 211 d’information notamment les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) étant de nos jours un maillon essentiel dans le développement de la société influencent beaucoup le comportement des populations. Il est évident que ce serait inapproprié voire injuste de vouloir jeter un discrédit sur ces moyens de communication qui constituent aujourd’hui l’univers des enfants où prédominent le son et l’image tant appréciés par cette frange de la population. Le discours qui suit, n’a pas la prétention de mettre en cause la présence des principaux outils de communication de masse, mais c’est pour attirer l’attention des acteurs de développement et surtout les éducateurs sur l’ impact négatif des mass-média sur l’éducation des enfants qui vivent dans un environnement socioculturel où ils consomment une quantité toujours plus élevée de messages iconiques. Ils les reçoivent démunis sans aucune possibilité de les décrypter convenablement. Or à terme, si nous n’y prenons garde, ils abdiqueront comme l’écrit André Malraux (1968), ils deviendront le jouet des "usines de rêves". La puissance de ces outils de communication de masse dans notre société est désormais incontestable. C’est à juste titre qu’ils sont qualifiés de 4e pouvoir dans les pays du tiers-monde ou en voie de développement. Mais ces supports sont-ils sans danger dans le système éducatif ? Sinon comment prévenir leurs limites et travers pour y remédier ? Les médias ont certes donné naissance à des institutions sociales importantes par leur poids économique et leur omniprésence (société de télévision, maison d’édition, entreprise de presse). Cependant, nous nous proposons de démontrer qu’au delà de la contribution de ces médias au processus de développement des pays pauvres, il faudra relever aux plans socio culturel, psychologique et pédagogique des difficultés rencontrées par les enfants dues aux médias. Comme cette étude se place dans une perspective socio-culturelle et éducative, notre objectif est d’interroger les enjeux des mass-médias pour montrer comment et pourquoi ces outils de communication ont contribué à la déviance de la jeunesse. Quant à la méthodologie, elle se construit à partir des récits de vie, des constats, des faits concrets dans les écoles ivoiriennes. Nous avons aussi rencontrés des éducateurs spécialisés notamment des conseillers d’orientation et d’éducation dans les établissements scolaires ; des parents d’élèves pour échanger avec eux sur les conséquences de l’impact des mass-médias sur l’éducation des enfants. La consultation de quelques articles sur cette question nous ont permis de comprendre un certain nombre de paramètres inhérents à cette situation et d’examiner les résonnances des mass-médias sur l’éducation des enfants. Nous nous sommes également appuyés de façon critique sur les analyses de certains spécialistes en communication dans le but de mieux cerner le problème. BLE Raoul Germain (2007), dans son article intitulé Médias d’opinion et crise ivoirienne rapporte que : « Autrefois, en Afrique, les populations s’efforçaient de développer, de manière domestique ou culturelle, certaines production de bien ou service. De nos jours, elles sont harcelées par la publicité en ce qui concerne les produits de consommation régulières (aliments, services, vêtements, etc.) et par les médias pour la propagande politique et idéologique » En effet, le nouveau millénaire qu’on pourrait appeler "millénaire de l’électronique" projette l’enfant dans un monde de rêve quotidiennement miroité par les mass-médias sous l’œil impuissant des parents. Dans le cadre de cette recherche, nous constatons qu’en Afrique, l’éducation donnée par les mass -médias impose aux enfants des modes de vie et de pensée qu’ils épousent négativement. Ainsi, nous sommes amenés à émettre l’hypothèse que les mass-médias influencent les comportements des enfants à cause de leur maturité précoce et à cause de la démission de certains parents et éducateurs. Revue RA N°12 Page 212 En ce qui concerne notre problématique, des questions se dégagent : ·Quelles sont les limites des mass-médias dans l’éducation des enfants ? - Pourquoi les mass-médias ont tant d’influence sur l’éducation des enfants ? - Quelles sont les forces et les faiblesses des éducateurs et des parents dans le processus de l’éducation des enfants face aux médias ? - Les éducateurs pourraient-ils sauver les enfants face à l’influence des mass-médias ? Voici autant de questions qui constituent notre problématique susceptible de nous aider à apporter des propositions de solutions au problème récurent de l’impact des massmédias sur l’éducation des enfants. Dès lors il est important de signaler que notre hypothèse avance que les parents et les éducateurs peuvent à la limite influencer positivement les comportements des enfants s’ils jouent pleinement leur partition face à l’utilisation des mass-médias. Il est clair que cela ne relève pas de la seule implication des parents et des éducateurs mais également de celle des principaux acteurs de développement à tous les niveaux de la vie sociale. 2. Présentation des résonnances négatives des mass-médias sur l’éducation des enfants De tous temps, l’homme a su exploiter tout ce que lui offre son environnement pour mieux échanger, pour concrétiser sa pensée, pour préciser son raisonnement. Il est indéniable que pour son épanouissement et son bonheur, l’être humain cherche à tirer profit de toutes les possibilités offertes par les innovations d’ordre technique et technologique. Aujourd’hui le zapping et l’interactivité permettent à l’individu de s’approprier le monde devenu un village planétaire quadrillé par les inforoutes. Mais en dépit de leurs avantages, les mass-médias charrient la dépravation, la désinformation et la délinquance. Leur influence sur l’éducation des enfants se manifeste à travers le rapport qu’entretiennent l’école parallèle et l’école officielle. L’exposition de ces enfants aux médias les plonge brutalement dans un monde nouveau et entraine souvent des difficultés aux plans socioculturel, psychologique et pédagogique. Seule une gestion saine de ces outils de communication et une lecture objective des messages peuvent atténuer leurs effets nocifs sur l’éducation des enfants. 2.1. Au plan socioculturel Force est de constater qu’aucun chercheur en sciences de l’information et de la communication ne nie totalement la capacité d’influence des médias sur la société. Seulement, il faut indiquer qu’elle est complexe. L’homme de Toronto, Marshall Mac Luhan (1964) dont les prophéties ne laissent personne indifférent, avait certainement raison de dire que "le médium c’est le message" en parlant des nouveaux médias. Cette assertion laisse entendre que le contenu du message est le fait du médium lui-même. Autrement dit le médium a plus d’impact sur le consommateur que le message qu’il véhicule. A la lecture de l’ouvrage de David Riesman(1948), publié en français dès 1948 avec pour titre "La foule solitaire", on peut distinguer dans l’histoire de l’humanité trois grandes civilisations dans le domaine de la communication. - La première civilisation qui est de type traditionnel est marquée par la communication orale. - La deuxième civilisation, appelée l’ère Gutenberg, est marquée par l’écrit et l’imprimerie. Elle impose des modèles culturels. L’individu se trouve guidé dans ses attitudes par un ensemble de normes écrites qui l’inspirent à distance. - La troisième civilisation, quant à elle, emprunte la voie des communications de masse. Cette nouvelle ère baptisée ère de Marconi basée sur les messages mass-médiatiques où l’individu tente de calquer ses conduites, non pas sur le clan ou l’autorité familiale, mais sur celles des autres contemporains bonnes ou mauvaises. Il faut noter à cet effet que les médias transforment radicalement les relations sociales et les modes de vie en société. Revue RA N°12 Page 213 Comme l’adulte, l’enfant subit cette mutation technologique qui inonde littéralement notre société. Cette civilisation faite d’images et de sons qui tend à infantiliser l’adulte, "adulise" paradoxalement les enfants et les expose à beaucoup de problèmes à savoir : acculturation, dépravation, dépendance, délinquance, banalisation de la violence, agressivité, mimétisme… Mais si l’enseignant doit mener une lutte, c’est bien pour protéger ces enfants parce qu’ils sont les plus vulnérables. Il faut noter que la prédiction de Louis Porcher(1976) avec son ouvrage intitulé "Vers la dictature des médias ?" parait d’actualité. Le mérite de Louis Porcher, est de nous inviter à porter une attention particulière aux médias eux-mêmes qui semblent dominer notre époque. Prenons seulement un exemple, celui de la télévision et les supports connexes et apparents. En effet, la télévision comme moyen d’information, de formation et de distraction présente le risque de détourner les enfants de leurs devoirs, de monopoliser leurs temps utiles. Pire encore, le contenu des émissions peut avoir un impact négatif en engendrant des réactions répréhensibles et des comportements antisocial. Dans son impact pessimum, la télévision risque d’être un facteur de déformation intellectuelle et de dégénérescence sociale. Par exemple en Côte d’Ivoire, le phénomène du "bôrô d’enjaillement" copié par la jeunesse ivoirienne à partir d’un magazine télévisé intitulée « 52 sur la une » de la télévision deuxième chaîne (TV2) a déferlé la chronique. C’est un jeu qui consiste à grimper sur le toit d’un bus en mouvement dès la sortie de l’école par des groupes d’élèves. Beaucoup d’entre eux, adeptes de ce jeu risqué qu’ils ont eux-mêmes surnommé "le jeu de la mort", y ont laissé leur vie. Par mimétisme, de nombreux jeunes transposent les mythes et les réalités des massmédias dans leur environnement social et culturel à travers les scènes de cinéma, de films policiers, de sciences fictions… De nombreux enfants, qu’ils soient enfants de la rue ou dans la rue, des écoliers et écolières ainsi que de jeunes mères incarnent ces comportements déviationnistes voire pathologiques dans leur vie quotidienne. En effet, ils imitent des héros de cinéma à la fois dans la tenue vestimentaire et les comportements d’acculturation, de dépravation, de violence ou de délinquance. Citons pour exemple certains films sud américains et asiatiques qui ont séduit de nombreux télespectateurs ivoiriens, surtout la gent féminine. Des films comme "Au cœur du péché", "Frijolito", "Dona Beja","Marimar", "Noor"… dont les héros et héroïnes sont quotidiennement mimés dans leurs comportements vestimentaires et leurs attitudes sur scène qui sont parfois choquants et qui laissent souvent à désirer. Que dire de l’impact de la pornographie, des déviances sexuelles, de la consommation de drogue, du banditisme ? En effet, la télévision est le médium ayant le plus d’influence dans la vie des enfants, car ce sont eux qui passent plus de temps devant ce petit écran. Quant on leur présente un film ou quant on les voit réagir devant une émission de télévision, en adulte né d’une autre époque, on s’aperçoit rapidement que ces jeunes semblent maîtriser un langage fait de sons et d’images iconiques. Ces films peuvent hélas encourager des comportements à risque ou des modes de vie anticonformistes. 2.2- Au plan pédagogique Aujourd’hui, l’individu vit dans un flux de messages médiatiques diffus qui conditionnent sa vie quotidienne. Cette pression médiatique participe, à l’évidence à l’éducation des enfants et des adolescents. La rue, la télé, les jeux vidéo, l’ordinateur, la radio, Revue RA N°12 Page 214 l’internet prennent assez de temps dans leur vie de tous les jours. Il faut donc s’interroger sur l’impact éducatif de ces différents médias qui véhiculent des informations susceptibles de devancer et de remettre en cause l’enseignement que les enfants ont reçu en classe. En clair, ils ont de réelles incidences sur eux, ce qui peut provoquer le manque de repos, l’insuffisance de sommeil, la réduction du temps d’étude, qui ont, indiscutablement des conséquences sérieuses sur les rendements scolaires. Par ailleurs, l’éducateur rencontre dans sa classe des cas d’enfants qui ont tendance à somnoler pendant le cours, ou qui s’expriment dans un français relâché tant à l’oral qu’à l’écrit dont voici quelques exemples rencontrés dans les écoles primaires ivoiriennes, dans des émissions télévisées, dans la rue, et même sur des affiches publicitaires. ·Le petit Yao a " mouillé" devant son camarade c'est-à-dire qu’il a eu peur ·Le voleur a "fraya" dès qu’il a vu le policier c'est-à-dire qu’il a fui Il y a aussi l’orthographe de certains mots tels que : ·KDO au lieu de cadeau ·K7 au lieu de cassette ·Maxximum au lieu de maximum (maxximum est le titre d’une émission de musique de la télévision ivoirienne première chaîne (TV1). ·Kbine au lieu de cabine ·Foto au lieu de photo Cette déformation et cet appauvrissement de la langue française qu’on retrouve souvent dans les devoirs de classe, sur des affiches publicitaires, sur des enseignes, pourront conduire inévitablement l’élève à un échec scolaire et même provoquer chez lui un certain mépris pour l’école officielle, un manque d’effort en classe, la négligence des exercices de maison, le goût de la facilité… 2.3-Au plan psychologique Nous vivons dans un média sphère où personne n’échappe dans sa jeunesse à cette culture de masse. Aujourd’hui, les médias font partie de la vie quotidienne et constituent l’environnement familier des jeunes. Ils leur apportent distraction et savoir. Toutefois, il existe divers effets secondaires auxquels on ne s’attend pas ou auxquels on ne pense pas toujours. Autrement dit, ils ne doivent pas être abordés seulement du point de vue de leur finalité culturelle ou des messages qu’ils proposent mais aussi sur un aspect quasiment psychologique. Pour la plupart, des médias notamment la télévision et l’internet ont largement contribué à la déformation psychologique, intellectuelle et morale des jeunes qui passent plus de temps à regarder les films pornographiques, les films policiers et les films d’horreur. Desservis par les messages et les images à caractère sexuel dans tous les médias, l’angoisse et le cauchemar les habitent d’une part, et d’autre part ils sont atteints par la maturation précoce et parfois anarchique. En classe, ils affichent, un manque de motivation et de concentration. La fréquentation abusive et incontrôlée des médias crée chez l’enfant un certain complexe de supériorité ou d’infériorité face à ses pairs et à ses maîtres. L’enfant croit tellement à tout ce que lui offre le contenu des médias qu’il lui est incapable de faire un discernement. Ce travail est une prise de conscience sur l’avenir de la jeunesse face aux médias afin de savoir quelles sont les voies et moyens à utiliser pour un meilleur encadrement des enfants en quête de savoir. 3. Propositions de solutions L’influence des mass- médias tels que les élèves les subissent en dehors de l’école présente des caractéristiques inacceptables sur le plan psychopédagogique. Revue RA N°12 Page 215 Face aux médias, les enfants n’ont pas la même compréhension et les mêmes sensations que les adultes. Ils sont incapables par eux-mêmes, sans entraînement, de retirer un bénéfice de tout ce que les médias leur offrent. Devant ce danger, l’école doit pouvoir exploiter le contenu de ces médias qui renferme une mosaïque d’informations sur le plan culturel, littéraire, scientifique au profit des jeunes. Cela signifie que les parents, les partenaires de l’éducation, les formateurs et tous les acteurs de développement doivent donc s’impliquer davantage dans la construction d’identité de ces jeunes afin de les mettre à l’abri du danger qu’ils courent. Alors, comment protéger les enfants ? Comment les orienter ? Comment leur apprendre ou leur donner les armes nécessaires pour s’emparer positivement des contenus des médias ? Voici autant de questions auxquelles nous essayerons de répondre. En effet, l’école doit transformer cette influence par des activités nouvelles et l’utiliser comme un tremplin dans l’éducation des enfants aux médias. Aujourd’hui, nous vivons avec beaucoup de passion la civilisation de l’image. L’école doit jouer sa partition dans la préparation à cette civilisation de l’image. Elle doit amener l’enfant à faire un bon choix, le conduire à une réception lucide, favoriser chez lui l’acquisition des "réflexes d’auto-défense" contre toutes sortes d’agressions de cette civilisation. Tout cela mettra l’élève en mesure de tirer parti des médias. Louis Porcher n’a pas tort lorsqu’il dit : "l’avenir est sans le moindre doute, promis aux médias (…). C’est aux enseignants qu’incombera la responsabilité majeure de la lutte contre l’éventuelle dictature des mass-médias. Nul n’est mieux placé qu’eux pour mener ce combat et le remporter". Il est en effet important pour les enseignants de fréquenter les médias, de savoir les utiliser comme autant d’outils susceptibles de varier les supports pédagogiques, d’échanger avec les enfants, d’accroitre ainsi les motivations des élèves, d’augmenter leur efficacité, et dans le même temps de pouvoir proposer une réflexion critique sur les contenus et les canaux utilisés. Persuader les enfants sur l’irréalité des fictions, développer en eux l’esprit de discernement. Pour cela la formation initiale et continue des enseignants est indispensable à l’appropriation de ces outils dans le but de créer une complémentarité entre l’école et les médias. Ainsi, ils seront à même d’organiser au sein de leurs établissements des campagnes de sensibilisation à l’endroit des parents d’élèves sur les méfaits et bienfaits des mass-médias. Dans sa classe, l’enseignant doit apprendre aux jeunes à effectuer une sélection dans l’apport des mass-médias et à les soumettre à la critique. Il doit attirer l’attention de ses élèves sur les effets potentiellement négatifs de certains médias audio-scripto-visuels. Il doit recenser les plus récurrents et les corriger. L’incitation à la lecture serait un adjuvant à cette carence constatée au niveau de l’expression écrite et orale. Dans le cadre de l’animation de l’école plusieurs activités sont possibles. La création d’un club des mass-médias qui regrouperait les ciné-clubs, photo-club et cyber-club pourrait initier les jeunes au langage audio-visuel et les amener à déceler les stéréotypes et les éléments tendancieux. Les enseignants pourraient inciter les élèves à regarder un film afin d’organiser un débat autour pour les amener à distinguer le réel de l’imaginaire et à intégrer les messages reçus dans un savoir stable et rationnel. Aussi faut-il mobiliser la volonté politique nécessaire pour investir en faveur des enfants qui sont dans la rue afin de faciliter leur insertion. Pour palier l’influence des médias sur l’éducation des enfants à long terme, l’Etat doit assurer l’éducation primaire pour tous, filles et garçons, car l’école comme institution transcendante, investie d’un important pouvoir sur l’enfant, pouvoir dominant par rapport à celui de la cellule familiale. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) désormais intégrées à notre vie quotidienne contribuent au changement de comportement de l’individu. Par ricochet, il est impératif que l’école, la Revue RA N°12 Page 216 famille, le groupe des pairs soient associés à l’éducation aux médias pour une bonne socialisation de l’enfant. Les parents quant à eux, doivent venir en appui en comblant les temps libres des enfants par des séances de jeux, de lecture, des activités sportives ou récréatives. Ils doivent les guider dans le choix des bulletins télévisés. A la limite, regarder les émissions avec eux. Ils doivent également interdire les enfants de fréquenter les cybers café les vidéos club pour éviter qu’ils s’adonnent au cyber pornographie et d’autres jeux malsains. Ajouter à cela l’achat ou la location des revues et CD pornographiques. En un mot, les parents, les éducateurs, les enseignants, tous les acteurs de l’éducation doivent conjuguer leurs efforts pour sauver la jeunesse du « joug des mass-médias ». Paraphrasons Louis Porcher qui dit à propos des médias que l’époque de la monarchie est terminée et que le vrai pouvoir réside dans la coopération. Cette coopération est un tremplin pour amener la jeunesse face aux médias à prendre conscience de la réalité ou de l’irréalité de tout ce qu’on lui offre comme message médiatique. Pour mener à bien ce combat, il est important d’utiliser le concept Information Education Communication (IEC) communément appelé de nos jours la Communication pour le Changement de Comportement (CCC). Le recours à l’IEC, triptyque connu et vulgarisé par les acteurs de développement, s’impose comme un moyen concret de formation permanente, de guide et d’orientation, à la fois en formation de jeunes et d’adultes (formation scolaire et extrascolaire). Il s’agit donc dans la recherche de la résolution du problème de l’influence des masses médias sur l’éducation des enfants, à travers l’IEC, sensibiliser jeunes, parents et éducateurs sur les méfaits des outils de communication afin que chacun puisse tirer profit de l’éducation aux médias. Plaidoyer pour une gestion saine des mass-médias dans l’éducation des enfants en guise de conclusion L’influence des médias sur la vie de tous les jours est une réalité. Cette présence massive des médias a complètement transformé tout un pan de la société : la vie familiale la vie scolaire, la vie politique à telle enseigne qu’il faille aborder le problème avec une attention toute particulière aux sous-groupes de la population c’est-à-dire les enfants qui en font les frais. Tout cela montre qu’il est important d’éduquer les enfants aux médias afin de faire d’eux des citoyens responsables, des consommateurs avertis ; de développer leur esprit critique en vue de faire d’eux de meilleurs téléspectateurs. L’éducation aux médias devient finalement une nécessité, un devoir pour les parents et les éducateurs. En d’autres termes, les parents et les éducateurs ont un rôle d’accompagnateurs auprès des enfants et des jeunes dont ils ont la charge quant aux choix des émissions télévisuelles notamment les programmations filmiques. Et, en fait d’éducation aux médias, les parents et les enseignants doivent collaborer pour éloigner les enfants de tout ce qui est obscène, immoral et imaginaire pouvant les détourner de la réalité pour les conduire sur les voies du bien, du beau et de l’indispensable. Ils doivent les éduquer à un jugement critique dans l’usage positif et utile des médias. C’est dire que l’école a désormais une tâche supplémentaire : l’éducation aux médias. Pour cela, il faut donner à l’école, qui est un lieu favorable au changement social par excellence, tous les moyens afin qu’elle puisse jouer véritablement son rôle de formateur, d’agent actif de développement. Si l’on veut donc conclure à l’essentiel, on peut dire selon Louis Porcher que : « les mass-médias sont en notre pouvoir, même s’ils exercent une influence sur nous. Nous ne sommes pas emprisonnés par eux, sauf, précisément, si nous nous laissons enfermer dans leur geôle. C’est pourquoi, au total, notre éventuel esclavage par les médias engagerait notre Revue RA N°12 Page 217 responsabilité, même si nous avons quelques excuses à faire valoir. Sachons, certes, que nous sommes en danger sérieux ; mais ne partons pas battus: les meilleures armes, à coup sûr sont dans notre camp ». Références bibliographiques BALLE Francis, Médias et société, édition Montchrestien, Paris, 2ème Edition, 1980. BARBEY Francis L’éducation aux médias, EPU, Paris, 2009. 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