Influence des mass-medias sur l`éducation des enfants Introduction

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Influence des mass-medias sur l`éducation des enfants Introduction
Influence des mass-medias sur l’éducation des enfants
Kalilou TRAORE, Département des Sciences du langage et de la communication, UFR
ommunication milieu et Société, Université de Bouaké La Neuve, Côte d’Ivoire
Résumé
Cette étude est l’aiguillon de la pensée pour tous les acteurs des systèmes éducatifs et
tous ceux qui, peu ou prou sont concernés par les actions éducatives afin qu’ils réagissent
positivement face à la déperdition des enfants due à l’influence des mass-médias.
L’intérêt de ce travail est précisément de montrer les effets pervers des mass-médias sur
l’éducation des jeunes et proposer quelques solutions susceptibles de sauver cette jeunesse
victime des médias. Ce travail permet donc d’offrir à cette tranche de la population
bombardée quotidiennement par un flux médiatique, ainsi qu’aux éducateurs non avertis et
certains parents qui s’installent dans la prévarication des armes nécessaires pour affronter
ce « tsunami » médiatique. Autrement dit, de leur donner une ligne de conduite à tenir face à
la problématique de l’éducation aux médias aux fins de se construire eux-mêmes en
construisant leur intelligence.
Introduction
Le nouveau millénaire est dominé par l’omniprésence des mass-médias dont
l’influence s’observe à tous les niveaux de la vie sociale : politique, économique, sécuritaire,
culturel, sanitaire et pédagogique…
Les moyens de communication de masse constituent aujourd’hui un véritable
problème pour les enfants qui fréquentent, en dehors de l’école officielle, d’autres circuits
d’information et d’acquisition de connaissances que Georges Friedman a appelé pour la
première fois, dans une série d’articles parue dans le journal le monde en janvier 1966 :
l’école parallèle.
Mais cette école parallèle a aussi ses dangers dont le principal est de faire de l’enfant
"un prématuré affectif intellectuel" pour paraphraser Le Than Khoï. Elle utilise les mêmes
instruments que ceux de la communication de masse notamment la télévision, la radio, le
cinéma, la presse écrite, les affiches, l’Internet…
L’école officielle et l’école parallèle peuvent-elles se soustraire donc des mass-médias
qui ont certainement des impacts positifs et négatifs sur l’éducation des enfants ? Il est donc
nécessaire de s’interroger sur l’influence, bonne ou mauvaise, qu’ont les médias sur les jeunes
et leur pensée. C’est pour cette raison qu’il est temps, face à un tel phénomène, que l’’école
officielle cette institution dans sa quête quotidienne de formation et d’éducation notamment
l’acquisition de savoir, de savoir-faire et de savoir-être reste vigilante face aux insuffisances
de l’école parallèle, capable de faire de l’enfant un retardé intellectuel par une mauvaise
utilisation des mass-médias.
Notre exposé va donc s’articuler autour des points suivants :
·Considérations théoriques d’un travail de recherche
·Présentation des résonnances négatives des mass- média sur l’éducation des
enfants
·Propositions de solutions
· Plaidoyer pour une gestion saine des mass-médias dans l’éducation des enfants
en guise de conclusion
1. Considérations théoriques d’un travail de recherche
Cette étude s’inscrit dans le champ de la communication pour le développement pour
un changement de comportement de notre jeunesse qui vit dans un flux d’informations mass médiatiques. Mais la présence des moyens techniques de production et de diffusion
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d’information notamment les nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC) étant de nos jours un maillon essentiel dans le développement de la société
influencent beaucoup le comportement des populations. Il est évident que ce serait
inapproprié voire injuste de vouloir jeter un discrédit sur ces moyens de communication qui
constituent aujourd’hui l’univers des enfants où prédominent le son et l’image tant appréciés
par cette frange de la population.
Le discours qui suit, n’a pas la prétention de mettre en cause la présence des
principaux outils de communication de masse, mais c’est pour attirer l’attention des acteurs de
développement et surtout les éducateurs sur l’ impact négatif des mass-média sur l’éducation
des enfants qui vivent dans un environnement socioculturel où ils consomment une quantité
toujours plus élevée de messages iconiques. Ils les reçoivent démunis sans aucune possibilité
de les décrypter convenablement. Or à terme, si nous n’y prenons garde, ils
abdiqueront comme l’écrit André Malraux (1968), ils deviendront le jouet des "usines de
rêves".
La puissance de ces outils de communication de masse dans notre société est
désormais incontestable. C’est à juste titre qu’ils sont qualifiés de 4e pouvoir dans les pays du
tiers-monde ou en voie de développement. Mais ces supports sont-ils sans danger dans le
système éducatif ? Sinon comment prévenir leurs limites et travers pour y remédier ?
Les médias ont certes donné naissance à des institutions sociales importantes par leur
poids économique et leur omniprésence (société de télévision, maison d’édition, entreprise de
presse).
Cependant, nous nous proposons de démontrer qu’au delà de la contribution de ces
médias au processus de développement des pays pauvres, il faudra relever aux plans socio culturel, psychologique et pédagogique des difficultés rencontrées par les enfants dues aux
médias.
Comme cette étude se place dans une perspective socio-culturelle et éducative, notre
objectif est d’interroger les enjeux des mass-médias pour montrer comment et pourquoi ces
outils de communication ont contribué à la déviance de la jeunesse. Quant à la méthodologie,
elle se construit à partir des récits de vie, des constats, des faits concrets dans les écoles
ivoiriennes. Nous avons aussi rencontrés des éducateurs spécialisés notamment des
conseillers d’orientation et d’éducation dans les établissements scolaires ; des parents d’élèves
pour échanger avec eux sur les conséquences de l’impact des mass-médias sur l’éducation des
enfants. La consultation de quelques articles sur cette question nous ont permis de
comprendre un certain nombre de paramètres inhérents à cette situation et d’examiner les
résonnances des mass-médias sur l’éducation des enfants. Nous nous sommes également
appuyés de façon critique sur les analyses de certains spécialistes en communication dans le
but de mieux cerner le problème. BLE Raoul Germain (2007), dans son article intitulé
Médias d’opinion et crise ivoirienne rapporte que : « Autrefois, en Afrique, les populations
s’efforçaient de développer, de manière domestique ou culturelle, certaines production de
bien ou service. De nos jours, elles sont harcelées par la publicité en ce qui concerne les
produits de consommation régulières (aliments, services, vêtements, etc.) et par les médias
pour la propagande politique et idéologique »
En effet, le nouveau millénaire qu’on pourrait appeler "millénaire de l’électronique"
projette l’enfant dans un monde de rêve quotidiennement miroité par les mass-médias sous
l’œil impuissant des parents. Dans le cadre de cette recherche, nous constatons qu’en Afrique,
l’éducation donnée par les mass -médias impose aux enfants des modes de vie et de pensée
qu’ils épousent négativement.
Ainsi, nous sommes amenés à émettre l’hypothèse que les mass-médias influencent les
comportements des enfants à cause de leur maturité précoce et à cause de la démission de
certains parents et éducateurs.
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En ce qui concerne notre problématique, des questions se dégagent :
·Quelles sont les limites des mass-médias dans l’éducation des enfants ?
- Pourquoi les mass-médias ont tant d’influence sur l’éducation des enfants ?
- Quelles sont les forces et les faiblesses des éducateurs et des parents dans le
processus de l’éducation des enfants face aux médias ?
- Les éducateurs pourraient-ils sauver les enfants face à l’influence des mass-médias ?
Voici autant de questions qui constituent notre problématique susceptible de nous
aider à apporter des propositions de solutions au problème récurent de l’impact des massmédias sur l’éducation des enfants.
Dès lors il est important de signaler que notre hypothèse avance que les parents et les
éducateurs peuvent à la limite influencer positivement les comportements des enfants s’ils
jouent pleinement leur partition face à l’utilisation des mass-médias. Il est clair que cela ne
relève pas de la seule implication des parents et des éducateurs mais également de celle des
principaux acteurs de développement à tous les niveaux de la vie sociale.
2. Présentation des résonnances négatives des mass-médias sur l’éducation des enfants
De tous temps, l’homme a su exploiter tout ce que lui offre son environnement pour
mieux échanger, pour concrétiser sa pensée, pour préciser son raisonnement. Il est indéniable
que pour son épanouissement et son bonheur, l’être humain cherche à tirer profit de toutes les
possibilités offertes par les innovations d’ordre technique et technologique.
Aujourd’hui le zapping et l’interactivité permettent à l’individu de s’approprier le
monde devenu un village planétaire quadrillé par les inforoutes. Mais en dépit de leurs
avantages, les mass-médias charrient la dépravation, la désinformation et la délinquance.
Leur influence sur l’éducation des enfants se manifeste à travers le rapport
qu’entretiennent l’école parallèle et l’école officielle.
L’exposition de ces enfants aux médias les plonge brutalement dans un monde
nouveau et entraine souvent des difficultés aux plans socioculturel, psychologique et
pédagogique. Seule une gestion saine de ces outils de communication et une lecture objective
des messages peuvent atténuer leurs effets nocifs sur l’éducation des enfants.
2.1. Au plan socioculturel
Force est de constater qu’aucun chercheur en sciences de l’information et de la
communication ne nie totalement la capacité d’influence des médias sur la société. Seulement,
il faut indiquer qu’elle est complexe. L’homme de Toronto, Marshall Mac Luhan (1964)
dont les prophéties ne laissent personne indifférent, avait certainement raison de dire que "le
médium c’est le message" en parlant des nouveaux médias. Cette assertion laisse entendre
que le contenu du message est le fait du médium lui-même. Autrement dit le médium a plus
d’impact sur le consommateur que le message qu’il véhicule.
A la lecture de l’ouvrage de David Riesman(1948), publié en français dès 1948 avec
pour titre "La foule solitaire", on peut distinguer dans l’histoire de l’humanité trois grandes
civilisations dans le domaine de la communication.
- La première civilisation qui est de type traditionnel est marquée par la communication orale.
- La deuxième civilisation, appelée l’ère Gutenberg, est marquée par l’écrit et l’imprimerie.
Elle impose des modèles culturels. L’individu se trouve guidé dans ses attitudes par un
ensemble de normes écrites qui l’inspirent à distance.
- La troisième civilisation, quant à elle, emprunte la voie des communications de masse. Cette
nouvelle ère baptisée ère de Marconi basée sur les messages mass-médiatiques où l’individu
tente de calquer ses conduites, non pas sur le clan ou l’autorité familiale, mais sur celles des
autres contemporains bonnes ou mauvaises.
Il faut noter à cet effet que les médias transforment radicalement les relations sociales
et les modes de vie en société.
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Comme l’adulte, l’enfant subit cette mutation technologique qui inonde littéralement
notre société. Cette civilisation faite d’images et de sons qui tend à infantiliser l’adulte,
"adulise" paradoxalement les enfants et les expose à beaucoup de problèmes à savoir :
acculturation, dépravation, dépendance, délinquance, banalisation de la violence, agressivité,
mimétisme…
Mais si l’enseignant doit mener une lutte, c’est bien pour protéger ces enfants parce
qu’ils sont les plus vulnérables. Il faut noter que la prédiction de Louis Porcher(1976) avec
son ouvrage intitulé "Vers la dictature des médias ?" parait d’actualité. Le mérite de Louis
Porcher, est de nous inviter à porter une attention particulière aux médias eux-mêmes qui
semblent dominer notre époque.
Prenons seulement un exemple, celui de la télévision et les supports connexes et
apparents. En effet, la télévision comme moyen d’information, de formation et de distraction
présente le risque de détourner les enfants de leurs devoirs, de monopoliser leurs temps utiles.
Pire encore, le contenu des émissions peut avoir un impact négatif en engendrant des réactions
répréhensibles et des comportements antisocial.
Dans son impact pessimum, la télévision risque d’être un facteur de déformation
intellectuelle et de dégénérescence sociale.
Par exemple en Côte d’Ivoire, le phénomène du "bôrô d’enjaillement" copié par la
jeunesse ivoirienne à partir d’un magazine télévisé intitulée « 52 sur la une » de la télévision
deuxième chaîne (TV2) a déferlé la chronique. C’est un jeu qui consiste à grimper sur le toit
d’un bus en mouvement dès la sortie de l’école par des groupes d’élèves. Beaucoup d’entre
eux, adeptes de ce jeu risqué qu’ils ont eux-mêmes surnommé "le jeu de la mort", y ont laissé
leur vie.
Par mimétisme, de nombreux jeunes transposent les mythes et les réalités des massmédias dans leur environnement social et culturel à travers les scènes de cinéma, de films
policiers, de sciences fictions…
De nombreux enfants, qu’ils soient enfants de la rue ou dans la rue, des écoliers et
écolières ainsi que de jeunes mères incarnent ces comportements déviationnistes voire
pathologiques dans leur vie quotidienne. En effet, ils imitent des héros de cinéma à la fois
dans la tenue vestimentaire et les comportements d’acculturation, de dépravation, de violence
ou de délinquance. Citons pour exemple certains films sud américains et asiatiques qui ont
séduit de nombreux télespectateurs ivoiriens, surtout la gent féminine. Des films comme "Au
cœur du péché", "Frijolito", "Dona Beja","Marimar", "Noor"… dont les héros et
héroïnes sont quotidiennement mimés dans leurs comportements vestimentaires et leurs
attitudes sur scène qui sont parfois choquants et qui laissent souvent à désirer.
Que dire de l’impact de la pornographie, des déviances sexuelles, de la consommation
de drogue, du banditisme ?
En effet, la télévision est le médium ayant le plus d’influence dans la vie des enfants,
car ce sont eux qui passent plus de temps devant ce petit écran. Quant on leur présente un film
ou quant on les voit réagir devant une émission de télévision, en adulte né d’une autre époque,
on s’aperçoit rapidement que ces jeunes semblent maîtriser un langage fait de sons et
d’images iconiques.
Ces films peuvent hélas encourager des comportements à risque ou des modes de vie
anticonformistes.
2.2- Au plan pédagogique
Aujourd’hui, l’individu vit dans un flux de messages médiatiques diffus qui
conditionnent sa vie quotidienne. Cette pression médiatique participe, à l’évidence à
l’éducation des enfants et des adolescents. La rue, la télé, les jeux vidéo, l’ordinateur, la radio,
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l’internet prennent assez de temps dans leur vie de tous les jours. Il faut donc s’interroger sur
l’impact éducatif de ces différents médias qui véhiculent des informations susceptibles de
devancer et de remettre en cause l’enseignement que les enfants ont reçu en classe. En clair,
ils ont de réelles incidences sur eux, ce qui peut provoquer le manque de repos, l’insuffisance
de sommeil, la réduction du temps d’étude, qui ont, indiscutablement des conséquences
sérieuses sur les rendements scolaires.
Par ailleurs, l’éducateur rencontre dans sa classe des cas d’enfants qui ont tendance à
somnoler pendant le cours, ou qui s’expriment dans un français relâché tant à l’oral qu’à
l’écrit dont voici quelques exemples rencontrés dans les écoles primaires ivoiriennes, dans des
émissions télévisées, dans la rue, et même sur des affiches publicitaires.
·Le petit Yao a " mouillé" devant son camarade c'est-à-dire qu’il a eu peur
·Le voleur a "fraya" dès qu’il a vu le policier c'est-à-dire qu’il a fui
Il y a aussi l’orthographe de certains mots tels que :
·KDO au lieu de cadeau
·K7 au lieu de cassette
·Maxximum au lieu de maximum (maxximum est le titre d’une émission de musique de
la télévision ivoirienne première chaîne (TV1).
·Kbine au lieu de cabine
·Foto au lieu de photo
Cette déformation et cet appauvrissement de la langue française qu’on retrouve souvent dans
les devoirs de classe, sur des affiches publicitaires, sur des enseignes, pourront conduire
inévitablement l’élève à un échec scolaire et même provoquer chez lui un certain mépris pour
l’école officielle, un manque d’effort en classe, la négligence des exercices de maison, le goût
de la facilité…
2.3-Au plan psychologique
Nous vivons dans un média sphère où personne n’échappe dans sa jeunesse à cette
culture de masse. Aujourd’hui, les médias font partie de la vie quotidienne et constituent
l’environnement familier des jeunes. Ils leur apportent distraction et savoir. Toutefois, il
existe divers effets secondaires auxquels on ne s’attend pas ou auxquels on ne pense pas
toujours. Autrement dit, ils ne doivent pas être abordés seulement du point de vue de leur
finalité culturelle ou des messages qu’ils proposent mais aussi sur un aspect quasiment
psychologique.
Pour la plupart, des médias notamment la télévision et l’internet ont largement
contribué à la déformation psychologique, intellectuelle et morale des jeunes qui passent plus
de temps à regarder les films pornographiques, les films policiers et les films d’horreur.
Desservis par les messages et les images à caractère sexuel dans tous les médias, l’angoisse et
le cauchemar les habitent d’une part, et d’autre part ils sont atteints par la maturation précoce
et parfois anarchique. En classe, ils affichent, un manque de motivation et de concentration.
La fréquentation abusive et incontrôlée des médias crée chez l’enfant un certain complexe de
supériorité ou d’infériorité face à ses pairs et à ses maîtres. L’enfant croit tellement à tout ce
que lui offre le contenu des médias qu’il lui est incapable de faire un discernement.
Ce travail est une prise de conscience sur l’avenir de la jeunesse face aux médias afin
de savoir quelles sont les voies et moyens à utiliser pour un meilleur encadrement des enfants
en quête de savoir.
3. Propositions de solutions
L’influence des mass- médias tels que les élèves les subissent en dehors de l’école
présente des caractéristiques inacceptables sur le plan psychopédagogique.
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Face aux médias, les enfants n’ont pas la même compréhension et les mêmes
sensations que les adultes. Ils sont incapables par eux-mêmes, sans entraînement, de retirer un
bénéfice de tout ce que les médias leur offrent.
Devant ce danger, l’école doit pouvoir exploiter le contenu de ces médias qui
renferme une mosaïque d’informations sur le plan culturel, littéraire, scientifique au profit des
jeunes. Cela signifie que les parents, les partenaires de l’éducation, les formateurs et tous les
acteurs de développement doivent donc s’impliquer davantage dans la construction d’identité
de ces jeunes afin de les mettre à l’abri du danger qu’ils courent.
Alors, comment protéger les enfants ? Comment les orienter ? Comment leur
apprendre ou leur donner les armes nécessaires pour s’emparer positivement des contenus
des médias ?
Voici autant de questions auxquelles nous essayerons de répondre. En effet, l’école
doit transformer cette influence par des activités nouvelles et l’utiliser comme un tremplin
dans l’éducation des enfants aux médias.
Aujourd’hui, nous vivons avec beaucoup de passion la civilisation de l’image. L’école
doit jouer sa partition dans la préparation à cette civilisation de l’image. Elle doit amener
l’enfant à faire un bon choix, le conduire à une réception lucide, favoriser chez lui
l’acquisition des "réflexes d’auto-défense" contre toutes sortes d’agressions de cette
civilisation. Tout cela mettra l’élève en mesure de tirer parti des médias.
Louis Porcher n’a pas tort lorsqu’il dit : "l’avenir est sans le moindre doute, promis
aux médias (…). C’est aux enseignants qu’incombera la responsabilité majeure de la lutte
contre l’éventuelle dictature des mass-médias. Nul n’est mieux placé qu’eux pour mener ce
combat et le remporter".
Il est en effet important pour les enseignants de fréquenter les médias, de savoir les
utiliser comme autant d’outils susceptibles de varier les supports pédagogiques, d’échanger
avec les enfants, d’accroitre ainsi les motivations des élèves, d’augmenter leur efficacité, et
dans le même temps de pouvoir proposer une réflexion critique sur les contenus et les canaux
utilisés. Persuader les enfants sur l’irréalité des fictions, développer en eux l’esprit de
discernement. Pour cela la formation initiale et continue des enseignants est indispensable à
l’appropriation de ces outils dans le but de créer une complémentarité entre l’école et les
médias. Ainsi, ils seront à même d’organiser au sein de leurs établissements des campagnes
de sensibilisation à l’endroit des parents d’élèves sur les méfaits et bienfaits des mass-médias.
Dans sa classe, l’enseignant doit apprendre aux jeunes à effectuer une sélection dans
l’apport des mass-médias et à les soumettre à la critique. Il doit attirer l’attention de ses
élèves sur les effets potentiellement négatifs de certains médias audio-scripto-visuels. Il doit
recenser les plus récurrents et les corriger. L’incitation à la lecture serait un adjuvant à cette
carence constatée au niveau de l’expression écrite et orale. Dans le cadre de l’animation de
l’école plusieurs activités sont possibles. La création d’un club des mass-médias qui
regrouperait les ciné-clubs, photo-club et cyber-club pourrait initier les jeunes au langage
audio-visuel et les amener à déceler les stéréotypes et les éléments tendancieux. Les
enseignants pourraient inciter les élèves à regarder un film afin d’organiser un débat autour
pour les amener à distinguer le réel de l’imaginaire et à intégrer les messages reçus dans un
savoir stable et rationnel. Aussi faut-il mobiliser la volonté politique nécessaire pour investir
en faveur des enfants qui sont dans la rue afin de faciliter leur insertion.
Pour palier l’influence des médias sur l’éducation des enfants à long terme, l’Etat doit
assurer l’éducation primaire pour tous, filles et garçons, car l’école comme institution
transcendante, investie d’un important pouvoir sur l’enfant, pouvoir dominant par rapport à
celui de la cellule familiale. Les nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC) désormais intégrées à notre vie quotidienne contribuent au
changement de comportement de l’individu. Par ricochet, il est impératif que l’école, la
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famille, le groupe des pairs soient associés à l’éducation aux médias pour une bonne
socialisation de l’enfant.
Les parents quant à eux, doivent venir en appui en comblant les temps libres des
enfants par des séances de jeux, de lecture, des activités sportives ou récréatives. Ils doivent
les guider dans le choix des bulletins télévisés. A la limite, regarder les émissions avec eux.
Ils doivent également interdire les enfants de fréquenter les cybers café les vidéos club pour
éviter qu’ils s’adonnent au cyber pornographie et d’autres jeux malsains. Ajouter à cela
l’achat ou la location des revues et CD pornographiques.
En un mot, les parents, les éducateurs, les enseignants, tous les acteurs de l’éducation
doivent conjuguer leurs efforts pour sauver la jeunesse du « joug des mass-médias ».
Paraphrasons Louis Porcher qui dit à propos des médias que l’époque de la monarchie est
terminée et que le vrai pouvoir réside dans la coopération. Cette coopération est un tremplin
pour amener la jeunesse face aux médias à prendre conscience de la réalité ou de l’irréalité de
tout ce qu’on lui offre comme message médiatique. Pour mener à bien ce combat, il est
important d’utiliser le concept Information Education Communication (IEC) communément
appelé de nos jours la Communication pour le Changement de Comportement (CCC). Le
recours à l’IEC, triptyque connu et vulgarisé par les acteurs de développement, s’impose
comme un moyen concret de formation permanente, de guide et d’orientation, à la fois en
formation de jeunes et d’adultes (formation scolaire et extrascolaire).
Il s’agit donc dans la recherche de la résolution du problème de l’influence des masses
médias sur l’éducation des enfants, à travers l’IEC, sensibiliser jeunes, parents et éducateurs
sur les méfaits des outils de communication afin que chacun puisse tirer profit de l’éducation
aux médias.
Plaidoyer pour une gestion saine des mass-médias dans l’éducation des enfants en
guise de conclusion
L’influence des médias sur la vie de tous les jours est une réalité. Cette présence
massive des médias a complètement transformé tout un pan de la société : la vie familiale la
vie scolaire, la vie politique à telle enseigne qu’il faille aborder le problème avec une attention
toute particulière aux sous-groupes de la population c’est-à-dire les enfants qui en font les
frais.
Tout cela montre qu’il est important d’éduquer les enfants aux médias afin de faire
d’eux des citoyens responsables, des consommateurs avertis ; de développer leur esprit
critique en vue de faire d’eux de meilleurs téléspectateurs.
L’éducation aux médias devient finalement une nécessité, un devoir pour les parents et
les éducateurs. En d’autres termes, les parents et les éducateurs ont un rôle
d’accompagnateurs auprès des enfants et des jeunes dont ils ont la charge quant aux choix des
émissions télévisuelles notamment les programmations filmiques.
Et, en fait d’éducation aux médias, les parents et les enseignants doivent collaborer
pour éloigner les enfants de tout ce qui est obscène, immoral et imaginaire pouvant les
détourner de la réalité pour les conduire sur les voies du bien, du beau et de l’indispensable.
Ils doivent les éduquer à un jugement critique dans l’usage positif et utile des médias.
C’est dire que l’école a désormais une tâche supplémentaire : l’éducation aux médias.
Pour cela, il faut donner à l’école, qui est un lieu favorable au changement social par
excellence, tous les moyens afin qu’elle puisse jouer véritablement son rôle de formateur,
d’agent actif de développement.
Si l’on veut donc conclure à l’essentiel, on peut dire selon Louis Porcher que : « les
mass-médias sont en notre pouvoir, même s’ils exercent une influence sur nous. Nous ne
sommes pas emprisonnés par eux, sauf, précisément, si nous nous laissons enfermer dans leur
geôle. C’est pourquoi, au total, notre éventuel esclavage par les médias engagerait notre
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responsabilité, même si nous avons quelques excuses à faire valoir. Sachons, certes, que nous
sommes en danger sérieux ; mais ne partons pas battus: les meilleures armes, à coup sûr sont
dans notre camp ».
Références bibliographiques
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