Les probabilités d`Ernesto Sartori
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Les probabilités d`Ernesto Sartori
Les probabilités d’Ernesto Sartori L’art et les artistes entretiennent volontiers les anomalies de raisonnement intellectuel que sont les paradoxes. Qu’ils les convoquent avec une certaine distance critique, les tournent en dérision ou en fassent au contraire le point d’ancrage d’une démarche tout à fait sérieuse, le paradoxe, par exemple ceux de Zénon ou celui du chat de Schrödinger. ressurgit régulièrement comme source d’inspiration évoquée par les artistes. Plus rarement évoqué, le paradoxe de Monty Hall est pourtant une référence populaire (du moins dans le monde anglo-saxon). Il tient son nom d’un présentateur (Monty Hall) de jeu télévisé américain à la fin duquel un heureux candidat doit choisir entre trois portes: logiquement il y aurait une chance sur trois de tomber sur un cadeau digne de ce nom. Or, Monty Hall sait derrière quelle porte le cadeau se cache et fausse donc ainsi la probabilité de 1 sur 3, ouvrant lui-même l’une des portes avant que le candidat n’énonce son propre avis. Comme dans un jeu de dés pipés, c’est cette étape intermédiaire qui change précisément tout dans le calcul des probabilités, et qui a fait son renom. CI-DESSOUS Exposition Marilyn vos Savant. 2014 Espace arts plastiques Madeleine-Lambert, Vénissieux. © l’artiste. Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris. Remerciements à la galerie Marcelle Alix, Paris. Les hypothèses et incertitudes se sont littéralement amassées, de nombreux mathématiciens et férus de logiques se sont attaqués à ce problème dont l’origine n’a rien de physique et encore moins de métaphysique puisqu’elle est, rappelons-le, basée sur l’expectative du gain d’un bien de consommation courante. Parmi les têtes chercheuses, on compte notamment une personnalité non moins célèbre que ce paradoxe, un personnage quasi-mythologique de la culture populaire américaine: Marilyn Vos Savant. Et ce n’est pas un paradoxe qu’Ernesto Sartori ait choisi de donner ce nom à l’une de ses expositions plaçant ainsi son corpus d’œuvres sous les auspices de cette figure féminine dont la particularité notoire est d’être dotée d’un QI des plus élevés au monde. Au Problème de Monty Hall et à Marilyn Vos Savant, Sartori juxtapose également comme source d’inspiration, le super continent de La Pangée, évoquant ainsi les théories de la genèse des continents vers 250-300 millions d’années avant notre ère. L’ensemble de ces raisonnements scientifiques et intuitions pointent qu’à l’instar de la pratique artistique de Sartori, ces trajectoires de la pensée ont ceci de commun d’être tous inévitablement conditionnés par un état de la connaissance. L’effet nébuleux est parfaitement assumé, Sartori nourrit sa démarche formelle de ces références qu’il redistribue avec légèreté sous forme de titres d’œuvres et d’expositions. Ses indices se font l’écho lointain du processus de création. Ne surtout pas chercher des analogies directes ou des illustrations mais plutôt des allusions librement retranscrites : peu de surfaces plates, des facettes multicolores, ni système, ni cadre fixe et au premier regard un nombre infini de possibilités. Cependant, et c’est sans doute l’un des paradoxes, à mieux y regarder, l’ensemble s’articule sur fond de combinaisons et ce, bien que l’artiste s’autorise à inclure régulièrement des sujets et objets incongrus. La flexibilité est plus restreinte pour ce qui est du traitement : palette chromatique et formes géométriques sont récurrentes. La touche picturale qui a contaminé les sculptures (et inversement) est même devenue la marque de fabrique de Sartori. Chaque peinture et sculpture est potentiellement liée à un ensemble ou à sous-ensemble mais elle constitue également une unité à part entière qui n’en est pourtant pas moins complexe et fourmille de détails figuratifs et abstraits (la touche de pinceau en est un). Le spectateur est incité à suivre cet incessant mouvement de recadrage pour mieux appréhender les différentes échelles de représentation, une gymnastique du regard et de l’esprit dont l’épuisement apporte le bénéfice de l’abandon de la pensée et le réveil de ce désir presque enfantin d’entrer dans l’image ou de se perdre dans les dédales d’une maquette de décor. Caroline Soyez-Petithomme