"C`est pas cher payé, d`être riche, en Argentine". - SMS

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"C`est pas cher payé, d`être riche, en Argentine". - SMS
ÉCRIT PAR BUENOS AIRES
Co-fondateur
fondateur et directeur du cabinet de comptables San Martín, Suarez y Asociados, Pablo San Martín aime provoquer. A
bon escient, bien sûr. Sa spécialité?
écialité? La fiscalité, qui est, selon lui, "à
"à l’économie ce qu’est la Constitution à la République".
République
Sur l’Argentine, il y a de quoi dire : son système fiscal est un appareil presque parfait de reproduction patrimoniale et donc
don
sociale. Pablo ne manque pas
s d’idées pour améliorer la redistribution sociale. Et n’a pas peur de déranger. Rencontre
(Pablo San Martín - Photo: Barbara Vignaux)
lepetitjournal.com : Quelles sont les principales caractéristiques du système fiscal actuel ?
Pablo San Martín : L’impôt à la consommation représente la plus grande part des recettes fiscales de l’Etat
argentin, environ 70% aujourd’hui (80% il y a moins de dix ans). Les revenus du capital, eux, sont très peu
imposés. Quant à l’impôt sur les revenus, son taux maximal est de 35% en Argentine, contre 58% en France,
56% en Allemagne ou même 40% aux Etats-Unis.
Etats Unis. Résultat : l’Etat argentin se finance essentiellement par la
TVA, l’émission d’obligations et pendant longtemps, la dette.
En quoi ce système est-il
est injuste?
Un travailleur
ur salarié consacre aux impôts une proportion plus importante de ses revenus que n’importe quel chef d’entreprise ou
spéculateur financier, ou même qu’un professionnel diplômé bien rémunéré. Grosso modo, un individu employé pour nettoyer une
banque, qui consomme
nsomme tout ce qu’il gagne puisqu’il n’a pas la capacité d’économiser, consacre 25% de son salaire aux impôts, si on
additionne TVA (21%) et impôt provincial sur le revenu (IR, 3,5%). Proportionnellement, il paie plus d’impôts que le gérant de
d la
banque, lequel
equel paie davantage que l’actionnaire de la banque. Ce dernier paie, certes, la TVA et l’IR, mais rien sur les dividendes.
Quant à son épargne elle est taxée de 6% à 35% maximum.
Ce système entretient la concentration de richesses entre les mêmes mains : plus je gagne d’argent, moins je paie d’impôts! Quant
on y ajoute le fait qu’il n’y a pas d’impôt sur les successions, sauf dans la province de Buenos Aires, et encore, pour un taux
ta
maximum de 10% et depuis pas longtemps… C’est pas cher payé, d’être riche,
riche en Argentine!
A niveau de revenus équivalent, un membre de la classe moyenne en France est un riche en Argentine. Mais il faut un impôt
progressif pour avoir une classe moyenne. Pour peu que vous fassiez des affaires dans un secteur porteur, en effet, ili est beaucoup
plus facile d’accumuler de ce côté-ci
ci de l’Océan. Pour améliorer la redistribution sociale du revenu, un groupe de réflexion nordnord
américain, le CATO Institute,, a d’ailleurs proposé une mesure radicale
radicale mais intéressante : une imposition à 0% des revenus du
travail et à 100% des successions !
Vous insistez souvent sur le fait qu’en Argentine, on devrait imposer les dividendes. Mais plusieurs arguments s’y
opposent, notamment celui de la "double imposition".
Selon l’argument dit de la "double imposition", un individu acquittant une taxe sur les dividendes serait taxé deux fois puisque
l’entreprise acquitte déjà l’impôt sur les bénéfices… Cet argument aurait un sens si l’entreprise et ses actionnaires constituaient un
même sujet imposable. Mais dans ce cas, les actionnaires devraient logiquement être solidaires des pertes ou de la faillite de
l’entreprise… Or cela, ils ne le veulent généralement pas. On ne peut pas être solidaire seulement en cas de gains!
D’autres estiment que l’imposition des dividendes découragerait l’investissement étranger…
En réalité, c’est l’inverse: imposer les dividendes constitue un encouragement à réinvestir dans l’entreprise elle-même plutôt qu’à les
conserver intégralement pour soi. D’ailleurs, il suffit de voir combien d’entreprises ont leurs sièges sociaux en Europe ou aux EtatsUnis: une imposition élevée ne décourage pas les investissements, plus intéressés par un marché intérieur solide.
En outre, dans le cas des investissements étrangers, les actionnaires exemptés d’impôt en Argentine devront régler l’impôt sur les
dividendes dans leurs pays d’origine (15% aux Etats-Unis, 25% en Allemagne par exemple). En général, les actionnaires soustraient
la part réglée dans le pays générateur de la rente de leur dû au fisc du pays dont ils sont ressortissants. Mais comme en Argentine,
le taux est nul, tout se passe comme si le Trésor argentin faisait une "donation volontaire" au fisc des pays d’origine des entreprises
étrangères…
Où en est le débat sur la réforme fiscale à l’heure actuelle?
La réforme fiscale n’est pas du tout à l’agenda. Le couple Kirchner a accru les ressources de l’Etat de manière peu orthodoxe, mais
efficace, grâce aux retenciones à l’exportation, et a imposé une certaine redistribution par le biais des revalorisations salariales et de
la Asignación Universal por Hijo. Il l’a fait au moyen de décrets et n’a donc pas eu besoin de l’approbation du Congrès. D’ailleurs,
entre les risques politiques, les tentations d’achat des votes, les pressions diverses, pas facile d’adopter par voie parlementaire un
texte ambitieux de réforme fiscale… Un débat devra pourtant s’ouvrir car le système actuel finit par pénaliser jusqu’à ses propres
privilégiés : à force de ne pas financer le secteur public, ils doivent payer une sécurité, une santé et une éducation privées.
Propos recueillis par Barbara VIGNAUX (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) - mardi 13 septembre 2011
A lire aussi "Sept bonnes raisons pour ne pas payer d’impôts…"
Articles de Pablo parus dans la presse argentine
A propos de la vente de Pérez Companc à Petrobras: "Modernizar la estructura tributaria" 1er septembre 2002
Sur l’imposition des dividendes: "¿Por qué no gravar los dividendos?" 9 novembre 2003
A propos de la structure fiscale argentine: "En la Argentina es muy barato ser rico" 28 septembre 2007
Fuente : http://www.lepetitjournal.com/societe/enjeux-buenos-aires/84971-societe--qcest-pas-cher-paye-detre-riche-en-argentineq.html