Integral Ruedi Baur Zürich
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Integral Ruedi Baur Zürich
«Le Gothard. De part en part» 16 avril 2016 – 2 octobre 2016 Visite de l’exposition INTRODUCTION Les projets de tunnel au Gothard ont marqué la Suisse plus que tout autre projet de construction. Ils sont l’œuvre de politiciens et ingénieurs visionnaires qui ont fait d’un simple passage de col la pièce maîtresse de l’axe nord-sud du transit européen. Au moment de leur réalisation, le tunnel ferroviaire (1872–1882) tout comme le tunnel routier (1970–1980) étaient les plus longs tunnels du monde. Avec l’ouverture en juin 2016 du tunnel de base long de 57 kilomètres entre Erstfeld et Bodio, le Gothard va battre pour la troisième fois un record mondial. Mais le Gothard est bien plus qu’un superlatif technique. Il a également contribué à mettre en place des évolutions politiques et des changements économiques. L’exposition montre comment les trois tunnels sont nés et quel impact ils ont sur notre vie – hier comme aujourd‘hui. TUNNEL FERROVIAIRE, TUNNEL ROUTIER ET TUNNEL DE BASE Au milieu du 19e siècle, la Suisse ne dispose d’aucune liaison ferroviaire vers le Sud. Pour ne pas être mis à l’écart du réseau ferroviaire européen, huit cantons décident lors d’une conférence sur le Gothard en 1853 la réalisation d’une ligne ferroviaire à travers le Gothard. En 1882, après dix ans de construction, le tunnel ferroviaire est inauguré et fait du tronçon ferroviaire à travers le Gothard un des principaux axes du transit européen. Dans les années 1950, l’essor économique et la motorisation croissante incitent à aménager le réseau routier national. L’ouverture en 1980 du tunnel routier – le deuxième tunnel à travers le Gothard – établit la liaison avec la Suisse méridionale. Des réflexions d’ordre écologique amènent à transférer de la route au rail le trafic marchandises transeuropéen. Le tunnel de base pour le réseau ferroviaire concrétise entre 1999 et 2016 une vision née dans les années 1940. Il s’agit là, pour le moment, du dernier chapitre du Gothard dans l’histoire européenne du trafic. SURMONTER LA HAUTEUR La topographie du massif du Gothard est marquée par des pentes raides et des vallées encaissées. Des plans aventureux sont forgés au 19e siècle pour surmonter la hauteur du massif. Aucune de ces idées n’a été réalisée, mais elles témoignent de l’esprit d’invention des ingénieurs. Eduard Gruner est le seul à formuler en 1947, avec un tunnel en fond de vallée, une vision qui sera réalisée en partie 70 ans plus tard avec le tunnel de base. Ses propositions visionnaires concernent également le transport: Gruner prévoit de combiner le trafic routier et ferroviaire dans des tunnels à deux étages, ou de faire circuler des autotrains à deux étages. MESURER LA MONTAGNE Des mesures précises sont impératives pour la construction d’un tunnel, le tracé de la ligne et le calcul des coûts. Les premières mesures du massif du Gothard remontent au 18e siècle et aboutissent entre 1845 et 1865 à la carte Dufour, la première carte topographique de la Suisse, qui porte le nom d'ingénieur et d'officier Guillaume-Henri Dufour. Cette carte détermine pour la première fois la hauteur et les dimensions du massif du Gothard. Malgré ces données précises, la planification du chemin de fer du Gothard nécessite de nouvelles mesures; les ingénieurs allemands Otto Gelpke et Carl Coppe effectuent ces mesures indépendamment l’un de l’autre en 1869 et 1872. CHAÎNE D’ARPENTEUR Malgré la simplicité des appareils utilisés, comme la chaine d’arpenteur, les mesures de Gelpke et Coppe pour le tunnel ferroviaire sont étonnamment précises. Les écarts des deux tubes se rencontrant au milieu de la montagne sont seulement de 33 cm horizontalement et de 5 cm verticalement. DÉBATS Des projets d’infrastructure audacieux comme les tunnels à travers le massif du Gothard suscitent des débats politiques. Depuis la naissance de l’Etat fédéral en 1848, plus de vingt votations fédérales ont eu lieu sur des projets concernant le Gothard. Au milieu du 19e siècle, le choix du site idéal pour une liaison nord-sud domine les débats. Au début du 20e siècle, les débats portent sur la question de la nationalisation de la ligne ferroviaire, qui reste une compagnie privée jusqu’en 1909. Depuis l’ouverture du tunnel routier dans la seconde moitié du 20e siècle, les questions écologiques sont à l’ordre du jour et vont aboutir à la construction du tunnel de base. CONSTRUIRE ET FINANCER La construction du tunnel ferroviaire reliant Göschenen à Airolo est une initiative privée marquée de l’empreinte de deux personnalités de taille : l’entrepreneur du bâtiment Louis Favre et le président de la Société des chemins de fer du Gothard Alfred Escher, à la fois politicien et chef d’entreprise. La construction de la ligne ferroviaire du Gothard reliant Immensee à Chiasso est financée en majeur partie par des fonds privés. La participation des pouvoirs publics (Confédération, cantons et villes) aux frais globaux, qui s’élèvent à quelque 220 millions de francs, est pour sa part inférieure à 10 %. Le tunnel routier, construit par les cantons du Tessin et d’Uri, est financé à plus de 90% par la Confédération. Les travaux sont confiés à deux groupes d’entreprises. Pour le tunnel de base, la société AlpTransit SA, une filiale des CFF, est responsable des délais et des budgets vis-à vis de la Confédération. STATUE D’ALFRED ESCHER Alfred Escher (1819 – 1882). Malgré ses performances, il doit démissionner de ses fonctions, n’ayant pas réussi à réaliser le tunnel ferroviaire sans apports financiers supplémentaires de la Confédération. CONTRAT AVEC LOUIS FAVRE Alfred Escher confie en 1872 à l’ingénieur suisse Louis Favre (1826 – 1879) la constructions du tunnel ferroviaire. Favre, sans expérience, l’emporte sur ses rivaux car il est le seul Suisse et présente l’offre la plus avantageuse. Favre meurt lors d’une visite du chantier dans le tunnel, trois ans avant son achèvement. AMÉNAGEMENT DU TUNNEL Les tunnels, ponts et viaducs sont des constructions utilitaires destinées à remplir une fonction technique. Leur aménagement varie entre une construction Individuelle tandardisée et un ensemble architectonique complexe. Le tunnel ferroviaire est caractérisé par l’utilisation d‘éléments standard préfabriqués. Le portail sud du tunnel routier, lui, se distingue par ses formes expressives conçues par l’architecte tessinois Rino Tami. Pour le tunnel de base, tous les aménagements visibles sont soumis à un concept général. Les constructions d’infrastructure s’intègrent de manière discrète dans le paysage, tandis que les bâtiments individuels ressortent de manière marquante. EVOLUTION DES OUTILS Pour le tunnel ferroviaire, les perforatrices pneumatiques du tunnel du Mont-Cenis inauguré en France en 1871 sont à nouveau utilisées. Une nouveauté au Gothard est l’utilisation de la dynamite, qui accélère considérablement les travaux. Dans le tunnel routier, on se sert de fraiseuses mécaniques pour les puits d’aération. Elles permettent de percer la roche sans dynamitage et inaugurent un processus associant l’excavation de la roche et la construction du tunnel. Les tunneliers utilisés dans le tunnel de base ont perfectionné ce concept: le tunnelier creuse la roche de face tout en réalisant en arrière le gros œuvre du tunnel. DANGERS SOUS TERRE Au 19e siècle, travailler dans le tunnel est très dangereux. L’utilisation d’outils et d’explosifs sur un espace exigu provoque des accidents. L’aération insuffisante affaiblit les travailleurs et les maladies se propagent à cause de la chaleur. La construction du tunnel ferroviaire coûte la vie à 199 personnes au moins. Pour le tunnel routier, la sécurité des travailleurs est devenue prioritaire et les progrès techniques permettent de réduire à 18 le nombre des victimes. Sur le chantier du tunnel de base, le refroidissement, l’aération et l’automatisation assurent de meilleures conditions de travail. Malgré tout, pendant les 17 années de construction, 8 personnes trouvent la mort sur le chantier. ET DES HOMMES SONT VENUS En 1872, quand débute la construction du tunnel ferroviaire, des milliers de mineurs, maçons et manœuvres du Nord de l’Italie arrivent avec leurs familles sur le chantier du Gothard. En trois ans, Göschenen devient une commune autonome. A Airolo, les habitants du village vivent à l’étroit avec les ouvriers italiens. Le tunnel routier, grâce aux progrès techniques, a moins besoin de main-d’œuvre que le tunnel ferroviaire. Les travailleurs étrangers viennent sans leur famille et les entrepreneurs les logent dans des centres d’hébergement. Il en est de même pour le tunnel de base. Les ouvriers vivent sur l’aire du chantier, restant ainsi pratiquement invisibles pour la population locale. LE GRANDS CONSTRUCTEURS DE TUNNELS SUISSES Depuis qu‘en 1707 Pietro Morettini a percé le premier tunnel (l’Urnerloch) dans les Alpes, la Suisse n’a cessé de construire des tunnels. La volonté politique de relier des régions séparées par les montagnes a mené au fil des années à la construction de 1’300 tunnels totalisant 2’000 kilo–mètres. Cette longue tradition confère aux Suisses la réputation d’être d’excellents constructeurs de tunnels, même si la Suisse – contrairement à l’Autriche ou la Belgique – n’a fondé aucune école suisse de construction de tunnels. Grâce à l’EPF, la Suisse dispose cependant d’un centre de formation de renommée internationale pour les futurs constructeurs de tunnels. Ernest de Stockalper (1838–1919) Ingénieur, pionnier du projet de percement du tunnel du Simplon, chef de chantier Nord au tunnel du Gothard, constructeur du chemin de fer vers Zermatt et Montserrat (Espagne). Friedrich Hennings (1838–1922) Ingénieur civil, collaboration à la construction de la voie ferrée Zurich-Zoug-Lucerne, études préalables pour la ligne du Gothard (1864 /–65), participation à des ouvrages ferroviaires au Wurtemberg et en Autriche, ingénieur de section pour la construction du chemin de fer du Gothard à Faido (1879–1883), ingénieur en chef pour la construction du chemin de fer de l’Albula (1898–1905), professeur à l’EFP de Zurich pour la construction de routes et voies ferrées (1903–1921), auteur du projet d’ensemble de la voie ferrée BeverScuol (1905). Eduard Locher (1840–1910) Associé de l’entreprise de construction Locher & Cie, constructeur de ponts et tunnels ferroviaires (tunnel hélicoïdal de Gurtnellen-Wassen, 1878–82 et tunnel du Simplon, 1898– 1906), de lignes de chemin de fer et de tram ainsi que d’usines hydrauliques. Ferdinand Rothpletz (1872–1949) Ingénieur civil, collaboration à la construction du tunnel du Simplon (1898–1905), dès 1905 directeur des travaux et ingénieur des tunnels du Weissenstein, Lötschberg, Grenchenberg et de la seconde galerie du tunnel du Simplon; en 1918 fondation de la société Rothpletz & Lienhard à Berne et projet d’assainissement du tunnel de base d’Hauenstein. Charles Andreae (1874–1964) Ingénieur civil, construction de la rampe sud du Lötschberg (1907–1913), ingénieur en chef pour la percée du tunnel du Simplon (1913–1918). Habilitation en 1918 et dès 1920 professeur ordinaire de construction de routes et voies ferrées à l’EFP de Zurich. Giovanni Lombardi (* 1926) Ingénieur civil, fonde un bureau d’ingénieur en 1955, responsable de la construction du tunnel routier du Gothard et d’une partie des nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA), construction de tunnels en Suisse et à l’étranger, actuellement planification du tunnel de base du Mont d’Ambin pour la ligne Lyon-Turin et du tunnel wferroviaire de Gibraltar entre l’Espagne et le Maroc. Kalman Kovari (* 1937) Ingénieur civil, consultant pour de grands projets en Suisse et à l’étranger, notamment la ligne de métro Copacabana à Rio de Janeiro, plusieurs lignes de métro à Munich, la Metropolitana Automatica di Torino et le Freudensteintunnel de la Deutsche Bundesbahn. Dès 1990 président de la Commission d’experts pour la planification et la réalisation du tunnel de base du Gothard et du Lötschberg. Professeur pour les travaux souterrains à l’EFPF de Zurich, il en a fait une des institutions leaders au plan mondial dans le secteur de la construction des tunnels. LES CHANGEMENTS DE DESTINÉE Les trois tunnels ont profondément transformé la destinée et la perception du Gothard. Ce massif qui, pendant des siècles, constituait un obstacle difficile à franchir devient en quelques décennies un axe de transit pour le trafic de masse. Avec les progrès techniques, l’accélération progresse, rapprochant le nord et le sud. Plus la montagne est exploitée de manière intensive, plus elle perd son attrait pour les écrivains et les artistes, remplacés par le tourisme, le trafic, le transfert de marchandises et l’utilisation militaire. Le tourisme fait ses débuts en 1830 avec la diligence postale qui franchit le col entre Flüelen et Camerlata. Dès 1882, la nouvelle ligne ferroviaire engendre un afflux de touristes. Mais vers le milieu du 20e siècle, au fur et à mesure que le Gothard est exploité sur le plan militaire, le tourisme recule. Le tunnel autoroutier fait définitivement du Gothard un axe de passage: aujourd’hui, chaque année, 24,3 millions de tonnes de marchandises, 4 millions de passagers en train et 6 millions de véhicules traversent ce massif. LE DERNIER POSTILLON En 1873, Alfred Escher, qui démissionne de son poste de président des Chemins de fer NordEst, reçoit en cadeau le tableau de Rudolf Koller Gotthardpost. Le chemin de fer va de toute évidence évincer la diligence postale en fonction depuis 1830. Le tableau reflète la fin de cette ère dans une dynamique quasi irréelle. Une nouvelle vitesse apparaît avec le chemin de fer. Après l’ouverture du tunnel ferroviaire en 1882, la diligence ne dessert plus que le trajet Göschenen – Airolo, et sera remplacée en 1922 par le car postal. Le tableau de Koller fait partie des ouvrages artistiques suisses les plus souvent reproduits. Escher lui-même n’a pas apprécié ce tableau. L’ÂGE D’OR DU TOURISME FERROVIAIRE AU GOTHARD Vers 1900, le tourisme ferroviaire connait au Gothard son âge d’or. Les Chemins de fer du Gothard, vantés comme une merveille technique, emmènent les touristes au cœur de la Suisse. Un tiers des touristes étrangers prennent ce train pour aller de Lucerne vers le Tessin. Avec la Première Guerre mondiale, le tourisme international s’effondre et la forte présence de l’armée rend cette région de moins en moins attrayante. L’ouverture du tunnel de base du Gothard en 2016 remet en vedette, à des fins touristiques, l’ancien tronçon du Gothard entre Erstfeld et Biasca – héritier d’une culture ferroviaire de renommée internationale. LE VÉLO AU GOTHARD Avec la mise en service des trains-autos dès 1924 et l’ouverture du tunnel routier en 1980, la route du col gagne en attractivité pour les deux-roues. Des générations de cyclistes, motocyclistes et vélomotoristes franchissent le Gothard. L’itinéraire le plus populaire est la descente sur le versant sud du Gothard par la route pavée de la Tremola. Sur son tronçon le plus spectaculaire, cette route vient à bout de 300 mètres de dénivelé sur 4 kilomètres en 24 virages serrés. Régulièrement, le Tour de Suisse est présent au Gothard. Le peloton a déjà franchi 37 fois ce col – plus qu’aucun autre col durant les 82 années de l’histoire du Tour. PORTE DU SUD L’ouverture du tunnel routier en 1980 fait monter en flèche le trafic. Dès la première année, 2,9 millions de véhicules traversent le tunnel. La notion de Blechlawine (coulée de tôle) décrit les colonnes de voitures s’étirant sur de nombreux kilomètres. Sur le versant sud, le trafic se déverse dans les villages de la Léventine. En 1986, l’autoroute est achevée entre Airolo et Bellinzone, ce qui canalise le trafic de transit. Aucun touriste ne s’arrête plus dans les vallées des deux côtés du tunnel. Mais l’autoroute et la présence des voitures et camions – avec la pollution atmosphérique et sonore qui en résulte – marquent les vallées. Grandes constructions de tunnels Genre Long. Année Métro 3 de Guangzhou, Chine Galleria di base Gottardo, Suisse Seikan, Japon Eurotunnel, France / Angleterre Serpuchowsko-Timirjasewskaja-Ligne Moscou, Russie Lötschberg, Suisse LÆrdal, Norvège Sempione, Suisse Vereina, Suisse Zhongnanshan, Chine Gothard tunnel routier, Suisse Fruca, Suisse Mount-McDonald, Canada Hex-River, Afrique du Sud Lötschberg, Suisse Arlberg, Autriche Mont-Centis, France-Italie Seelisberg, Suisse Schlossberg Baden, Suisse Urnerloch, Suisse METRO TRAIN TRAIN TRAIN METRO TRAIN AUTO TRAIN TRAIN AUTO AUTO TRAIN TRAIN TRAIN TRAIN AUTO TRAIN AUTO TRAIN AUTO 60 km 57 km 54 km 50 km 41 km 34 km 24 km 20 km 19 km 18 km 17 km 15 km 15 km 14 km 14 km 14 km 14 km 9 km 90 m 64 m 2010 2016 1988 1994 2002 2007 2000 1905/21 1999 2007 1980 1982 1988 1989 1913 1978 1971 1980 1847 1708