Compte-rendu de dplacement du Haut Comit Cologne

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Compte-rendu de dplacement du Haut Comit Cologne
Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées
Compte-rendu du déplacement à Cologne, le 11 avril 2003
Ce déplacement a été organisé grâce à la mission Europe de l’Union Sociale pour l’habitat.
délégation du Haut Comité :
Françoise HOSTALIER, Nicole LEGUY, Paul BOUCHET, Paul Louis MARTY, Bernard
LACHARME
personnalités allemandes rencontrées :
Michaël SCHLEICHER, directeur du service logement de la ville,
Josef VONDERMUEHLER, président de la GAG (société communale du logement),
Guenter OTT, GAG
La délégation a été reçue officiellement à l’hôtel de ville par le 1er adjoint au maire de
Cologne.
participants Union Sociale pour l’Habitat :
Laurent GHEKIERE et Carine PUYOL
interprète :
Norbert HEIKAMP
Le contexte de la politique du logement à Cologne
Cologne est une agglomération d’un million d’habitants constituée par la fusion d’une
soixantaine de communes. Il y a environ 500 000 ménages.
Avec Stuttgart, Munich et Hambourg, elle est l’une des quatre villes allemandes qui
connaissent une situation de marché tendu. Partout ailleurs, il y a au contraire des logements
vacants.
Sous la municipalité précédente, SPD, une politique de logement très active a été développée,
animée par M. SCHLEICHER. Le « modèle » de Cologne fait référence, il se caractérise par
une implication forte de la ville, une action préventive et le recours à toute une palette de
solutions. M.SCHLEICHER est le spécialiste du logement des défavorisés au sein de
l’«AMF » allemande (Deutscher Stadtetag).
La municipalité SPD ayant été battue en 2001, est arrivée au pouvoir une nouvelle
municipalité CDU/FDP qui, dans une optique de rationalisation budgétaire, a voulu privatiser
la société de logement communale (GAG). Ceci a déclenché des réactions au sein de la
population et une controverse interne qui a provoqué la chute de la coalition municipale.
Celle-ci a été remplacée par une coalition originale : CDU / verts, qui a renoncé à la
privatisation mais décidé de demander à sa société d’accroître les dividendes versés à la ville :
60 millions d’euros par an.
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M. SCHLEICHER, qui est resté responsable du service du logement, déplore les restrictions
du budget du logement. Il estime qu’il y a un besoin urgent de construction, qui n’est pas pris
en compte par la ville et le Land.
La ville manque de foncier pour construire. Elle se heurte à ses limites territoriales et il n’y a
pas d’intercommunalité entre l’agglomération de Cologne et les villes limitrophes.
260 personnes travaillent au service logement de Cologne dont 170 sur la prévention de
l’exclusion du logement. Il y a sur la ville 80 000 logements « sociaux », c’est à dire
logements conventionnés. Ces logements conventionnés appartiennent soit à la GAG (21.000
logements sous convention), soit à d’autres sociétés, soit à des investisseurs privés.
Le GAG
Organisme public de logement détenu à 70% par la ville de Cologne, à 10% par les caisses
d’épargne, le reste se répartissant entre des fondations et des actionnaires privés.
Patrimoine = 42 000 logements, dont 21 000 conventionnés et 21 000 déconventionnés (=
logements sortis du conventionnement, il n’y a plus de plafond de loyer ni de ressources)
Parmi les 21 000 conventionnés, 8 000 sont attribués par la ville qui, en contrepartie, paie le
loyer et les frais annexes (remise en état).
340 collaborateurs dont 275 dans les 11 antennes – 1 travailleur social par antenne – 66
concierges .
5% d’impayés. Le GAG n’a que 0,3% de logements vacants.
Le GAG fait aussi de l’accession à la propriété.
Depuis la nouvelle coalition municipale, la contrainte du versement d’un dividende de 60
millions d’euros pèse durement sur les services qui peuvent être apportés par le GAG.
L’intervention de l’Etat
Le Bund (Etat fédéral) et le Land (Etat régional) interviennent par une aide à la pierre qui
consiste essentiellement en un prêt à taux préférentiel. Le financement classique des
opérations conventionnées est 1/3 Bund, 1/3 Land et 1/3 fonds propres de l’investisseur.
Cependant le taux de ces prêts est rattrapé par le marché, il est de moins en moins attractif.
L’aide à la pierre entraîne un conventionnement temporaire « de base », qui implique des
plafonds de ressources et des plafonds de loyer (4,27 euros du m²).
Seuls 15 à 20% des habitants entrent dans ces plafonds de ressources. L’Allemagne avait
pourtant une définition du logement social aussi large que la France. Cependant la nonrevalorisation des plafonds a produit une dégradation de cette situation.
Le conventionnement vaut pour un certain nombre d’années, qui s’est sensiblement réduit, ce
qui fait que le logement social a tendance à diminuer.
Le nombre de logements conventionnés était de 120 000 il y a quelques années sur Cologne,
il n’est plus que de 80 000 et continue à diminuer rapidement en raison du
déconventionnement massif des logements construits il y a 30 ans et du non renouvellement
des conventionnements à un rythme équivalent..
L’aide à la pierre est accessible à tous les propriétaires, publics ou privés. Le système
allemand ne fait pas la différence, ce n’est pas l’organisme qui est aidé mais l’opération.
Il y a également une aide à la personne dont le niveau est fixé au niveau du Land et
sensiblement identique d’un Land à un autre. C’est cependant la commune qui paie.
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L’obligation d’assurer l’ordre public
La loi fondamentale, ou constitution fédérale, ignore le droit au logement. Parmi les 16 Etats
(länder) qui composent la RFA, 2 seulement ont une constitution qui reconnaît le droit au
logement. Cette référence n’a pas d’effet pratique. Le citoyen ne dispose pas de base
législative pour réclamer un logement. Il peut simplement, sous certaines conditions et
notamment de ressources, se faire délivrer un « certificat d’ayant-droit » qui lui permet de
solliciter un logement social. Malgré l’appellation, ce certificat n’ouvre pas de véritable droit
puisque les bailleurs conventionnés choisissent librement leurs locataires parmi ces « ayantdroit ». Le certificat est délivré par la commune et valable sur tout le territoire fédéral.
Par contre, il y a pour la commune une obligation d’agir, au titre de l’ordre public, dès lors
qu’une personne est à la rue. Cette obligation relève d’une loi sur l’ordre public au niveau du
land, mais presque tous les länder ont la même. Elle contraint la commune à fournir un
logement ou un hébergement. Elle s’applique également pour les sans-papiers (La ville de
Cologne loge 4000 sans-papiers, essentiellement gitans du Kosovo et d’ex-Yougoslavie).
L’obligation s’applique de la même façon pour des personnes qui viennent d’une autre
commune mais les frais pourront être récupérés sur la commune d’origine)
L’intervention de la commune
La ville a toute liberté pour compléter les aides de l’Etat par ses interventions propres.
L’action de la ville de Cologne se concentre sur les 5% de la population, soit 20 000 ménages
environ, qui sont exclus de l’accès au logement par les voies de droit commun (pourcentage
que l’on retrouve sur toutes les grandes agglomérations). Il s’agit de populations africaines,
de familles monoparentales, de ménages qui ont déjà été expulsés à plusieurs reprises... Il ne
s’agit pas toujours des plus pauvres mais de ceux qui, pour diverses raisons ne se verront pas
proposer un logement conventionné de façon spontanée par les bailleurs, publics ou privés.
Certains de ces ménages nécessitent un accompagnement social, d’autres non.
Pour être en mesure de répondre à ces besoins, la ville de Cologne achète des droits
d’attribution auprès des bailleurs. Elle dispose ainsi de 8 000 logements de la GAG.
Certaines communes ont fait des achats de droits valables pour une seule désignation,
Cologne considère que c’est une erreur, qui conduit à payer cher pour un logement parfois
utilisé peu de temps. La ville achète donc un droit valable sur plusieurs années. Elle apporte
au propriétaire une garantie totale de tous les risques locatifs.
La ville a également des logements qui lui appartiennent en propre.
Cette façon de procéder a l’intérêt de ne pas dissimuler le coût social du logement des 5% de
ménages en difficulté dans les comptes de l’office HLM de la ville.
Lorsque c’est nécessaire, la ville reloge certaines familles difficiles en logement individuel.
L’identification des coûts sociaux facilite ce type de décision.
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La prévention des expulsions : l’aide aux impayés
Il y a environ 3 000 expulsions par an à Cologne. 60% proviennent du parc privé. La ville se
doit d’avoir une politique de réserve de logements sinon elle est conduite à recourir
massivement à l’hébergement hôtelier. Il y a quelques années, elle dépensait jusqu'à 11
millions d’euros d’hôtels par an. Actuellement il y a encore 400 personnes à l’hôtel.
(Au total la ville dépense 60 millions d’euros pour les sans-abri.)
La ville considère qu’il revient beaucoup moins cher de maintenir un ménage dans son
logement que de le reloger après expulsion (au titre de l’ordre public). Il y a un double impact
bénéfique :
• la limitation du nombre de logements que la ville a besoin de mobiliser
• l’influence positive sur le niveau des loyers, la rotation étant facteur de revalorisation
Le code civil permet la résiliation du bail, sur décision de justice, après 2 mois d’impayés. Le
tribunal a la possibilité de donner des délais.
La loi fédérale oblige les tribunaux à aviser la ville de tous les cas d’expulsions résultant d’un
impayé de loyer. Dans le cas de la GAG, celui-ci informe directement la ville des actions
qu’il engage.
Le service communal fait une enquête auprès des familles. Si la ville décide de payer les
impayés dans un délai de 8 semaines à compter de la saisine du tribunal, les frais de
procédure sont assumés par le bailleur. Si la ville intervient au-delà de ce délai, elle assumera
les frais.
En général, l’intervention a lieu assez rapidement, mais il peut y avoir des bailleurs qui
négligent d’engager rapidement les procédures. Le cas le plus cher qui ait été traité était de
l’ordre de 12 000 euros.
Pour la ville de Cologne, l’intervention préventive en matière d’expulsion est de loin la moins
chère. Selon la loi sur les aides sociales, les grandes villes « devraient » assumer la
solvabilisation. Dans la pratique les grandes villes assument beaucoup plus les impayés que
les petites. Ce n’est pas toujours facile à faire admettre politiquement, car il y a un
« consensus moral » qui s’y oppose.
La ville de Cologne calcule le ratio :
coût de solvabilisation
coût de logement d’urgence
Par exemple, l’aide à un ménage en impayé est en moyenne de 1000 euros. Le coût induit par
une expulsion est de l’ordre de 4000 euros.
La réquisition au bénéfice du locataire en place, alternative à l’expulsion
Dans certains cas, la ville utilise la procédure de réquisition pour permettre le maintien dans
les lieux d’un locataire. Il n’y a pas de procédure spécifique. C’est la même que celle qui
permet de réquisitionner des logements vacants. Cologne est la seule ville à recourir à cette
procédure car il faut pouvoir démontrer au juge que la ville a tout fait pour éviter la
réquisition, qu’elle investit suffisamment d’argent dans le logement. La réquisition n’est
jamais prononcée pour un célibataire. Sa durée est au maximum de 2 périodes de 13
semaines. Le propriétaire est intégralement compensé de toute perte.
Il y a 1600 ménages logés en réquisition à Cologne.
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La mixité sociale
La ville est sensible à la question de mixité sociale. Il y a quelques années, un projet avait été
élaboré pour définir des quotas de catégories sociales pour les attributions du GAG. Ce projet
n’a pas été validé par le conseil municipal, mais ses principes sont mis en œuvre.
Cependant la question de la mixité ne se pose pas de façon aussi cruciale qu’en France. Il n’y
a pas de quartiers difficiles. Le parc social est très réparti sur le territoire.
La responsabilisation des ménages aidés
Le GAG a un taux d’impayés de 5%. Il adopte une démarche « agressive » pour obtenir le
paiement. Cependant il ne dispose d’aucun privilège par rapport aux autres débiteurs. Il y a un
conseil de surendettement qui fonctionne au niveau de la commune.
La ville constate que 93% de ceux à qui elle a prêté ne peuvent pas rembourser. Elle s’efforce
d’adapter les échéanciers. Cependant elle dispose d’un statut de créancier privilégié.
Les sans-abri et l’hébergement
Il y a peu de gens à la rue : environ 400 SDF. Il n’y a pas de centralisation de l’accueil pour
ces publics. Chaque structure a sa spécificité. Au total il y a 2500 places d’hébergement. La
ville a une coopération efficace avec les associations. L’hébergement permanent concerne
jusqu'à 25 places par nuit. 90% des structures bénéficient d’un financement de la ville.
Réflexions inspirées par cet échange :
l’intérêt d’une autorité politique locale responsable :
M. SCHLEICHER se plaint du manque d’engagement de l’Etat (Bund et Land) aux côtés de
la ville et on le comprend. Peu de villes allemandes ayant de réelles difficultés de logement,
cela ne suscite guère de politiques au niveau fédéral ou régional et on peut regretter
l’insuffisance de solidarité à ces niveaux. Cependant, vu du point de vue du citoyen, celui-ci
trouve en face de lui une autorité responsable, qui ne peut pas arguer des insuffisances de
l’Etat fédéral ou régional pour ne pas agir.
l’entrée dans le droit au logement par le détour de l’ordre public :
Peut-être pas très élégant... mais efficace ! Pour autant on imagine mal en France substituer la
revendication de l’ordre public à celle du droit au logement (et rebaptiser « ordre public »
l ‘association de Jean-Baptiste EYRAUD ?)...
Mais ce qui est déterminant dans l’efficacité est moins le concept utilisé que ses conséquences
juridiques. Il y a bien en Allemagne une obligation pour la collectivité, alors qu’en France, le
droit au logement reconnu au citoyen n’entraîne d’obligation pour personne.
A noter que l’obligation allemande peut-être satisfaire par le simple apport d’un hébergement.
Cependant, l’autorité politique responsable fait ses comptes, et il est généralement moins cher
de fournir un le logement qu’un hébergement.
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l’usage de la réquisition pour le maintien dans les lieux :
Il s’agit d’une action dont l’intérêt social et l’avantage économique sont évidents.
Cependant le dispositif ne fonctionne qu’à Cologne et il semble juridiquement fragile. Il n’est
pas transposable en France en l’état actuel de la législation sur les réquisitions. Mais tant qu’à
faire de créer un nouveau dispositif, il vaudrait probablement mieux ne pas l’appeler
« réquisition » mais plutôt parler d’un droit à « substitution », la collectivité se voyant
accorder la possibilité de prendre la suite du locataire dont le bail est résilié, et de lui souslouer le logement.
la séparation des rôles entre collectivité publique et opérateur :
Il y a clairement distinction entre la mission de gestion des logements à loyer conventionné et
la prise en compte du coût ou du risque social. Ceci conduit à la fois la ville de Cologne à
demander à sa société de logement de lui servir un dividende élevé, et à prendre en charge par
différentes voies la totalité du surcoût social. Ce système a l’avantage d’une grande
transparence, et de permettre la bonne identification des coûts sociaux.
la mobilisation d’un parc social privé
Le caractère social des logements étant lié, non au statut du propriétaire, mais au
conventionnement, celui-ci est temporaire. Avantage du parc HLM français : il n’est guère
menacé de diminution mais simplement d’insuffisante augmentation. Un parc reposant
uniquement sur du flux pourrait difficilement rester au niveau quantitatif compatible avec la
mission large et « mixte » du logement social en France.
Cependant l’exemple allemand montre qu’il est possible, dans un cadre conventionnel, de
mobiliser en quantité importante un parc privé que l’on qualifierait ici de très social, puisque
les plafonds de ressources correspondent à moins d’1 allemand sur 5.
Bernard LACHARME
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