La Tour de Babel de Peter Bruegel l`Ancien

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La Tour de Babel de Peter Bruegel l`Ancien
La Tour de Babel de Peter Bruegel l'Ancien
Le Cardiologue
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Coups de coeur
2011
La Tour de Babel de
Peter Bruegel l'Ancien
Par Christian Ziccarelli (Le
Cardiologue n° 346 Novembre 2011)
Equipe éditoriale
Publié le dimanche 4 mars 2012
Résumé :
Bruegel a réalisé trois versions de la Tour de Babel. Deux seulement nous sont connues.
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Modifié le jeudi 5 avril 2012
PDF créé le dimanche 8 avril 2012
La Tour de Babel (114 x 155 cm) de 1563, objet de notre étude, se trouve au Kunsthistorisches Museum de Vienne, la « Petite » Tour de
Babel (60 x 74,5 cm, 1568) est au Museum Boymansvan Beuningen de Rotterdam.
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La Tour de Babel de Peter Bruegel l'Ancien
Bruegel a réalisé trois versions de la Tour de Babel. Deux seulement nous sont connues.
La Tour de Babel (114 x 155 cm) de 1563, objet de notre étude, se trouve au Kunsthistorisches
Museum de Vienne, la « Petite » Tour de Babel (60 x 74,5 cm, 1568) est au Museum
Boymansvan Beuningen de Rotterdam.
Peter Bruegel l'Ancien (1525-1569)
On ne connaît pas exactement la date, ni son lieu de naissance (probablement Breda). C'est en
1551 que le nom de « Peter Brueghel » apparaît pour la première fois, lors de sa réception comme
maître à la guilde de Saint Luc à Anvers. Les nouveaux maîtres ayant entre 21 et 26 ans, il pourrait
être né entre 1525 et 1530, soit environ 50 ans avant Rubens, 80 ans avant Rembrandt. Il aurait fait
son apprentissage à Anvers chez le peintre Pieter Coeck van Aelst à Anvers. En 1552, il effectue un
voyage en Italie (Rome). De retour à Anvers en 1556, il dessine des planches pour l'atelier de
gravure de Hieronymus Cock, dont les sept Péchés capitaux. En 1559 il grave les Vertus et ne signe
plus Brueghel, mais Bruegel. En 1562 il peint la chute des anges rebelles, le suicide de Saul. En
1563, il est à Bruxelles ; en 1565 il consacre une série de tableaux sur les mois et, en 1568, il peint
la chute des aveugles, la Pie sur le gibet, la perfidie du monde, les mendiants, la Tempête. Il meurt le
5 septembre 1569. Il eut deux fils, Peter Bruegel dit « le Jeune » ou Bruegel d'Enfer, et Jean
Bruegel, dit Bruegel de Velours.
Le mythe de la Tour de Babel
Dans la plaine de Shinéar, au sud de l'Irak, le roi Nemrod, personnage biblique du livre de la
Genèse, et son peuple avaient entrepris la construction d'une tour qui devait atteindre les cieux. Il fut
le fondateur et le roi du Premier Empire existant après le déluge [1]. Dans la révélation biblique, la
Tour de Babel est devenue l'oeuvre de l'orgueil de l'homme qui veut se hisser à la hauteur de la
divinité et, sur le plan collectif, de la cité qui se dresse contre Dieu. Yahvé crée alors la diversité des
langues et disperse les hommes sur la terre, ce qui empêche ces derniers de s'entendre et de
poursuivre leur entreprise. Ils laissent un ouvrage inachevé. L'humanité est condamnée à
l'incompréhension.
Les reconstitutions de la Tour de Babel inspirées par le texte de la Genèse ou le récit d'Hérodote [2]
reflètent la démesure de l'homme. La Tour de Babel, la porte du ciel, n'est autre que l'immortalisation
de la Ziggurat Babylonien, construit sous le règne de Nabuchodonosor II (605-562 av. J.-C.) dont le
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but était de rétablir par un artifice l'axe primordial rompu et de s'élever par lui jusqu'au séjour des
Dieux [3]. La Tour reliait les différents plans de l'univers : la terre, le ciel et le monde inférieur,
souterrain, où se trouvent les enfers. Babylone se voulait le centre du monde cosmique et terrestre.
Le nom de la Ziggurat Etemenanki « maison, fondement du ciel et de la terre », s'ajoutant à la
certitude des Babyloniens que Babylone, cité sainte, avait son prototype dans le ciel explique en
partie cette notion de démesure et d'orgueil transmise par la légende ».
Un peu d'histoire
Pour comprendre le message de la Tour de Babel, il faut situer le contexte historique. Philippe II
d'Espagne, farouche catholique, ne pouvait tolérer les mouvements protestants, en particulier
calvinistes, de ses provinces du Nord, les Pays-Bas. Il envoya le Duc d'Albe. Il s'ensuivit une
répression sanglante qui aboutit à la séparation en deux blocs, la (future) Belgique catholique au sud
et les Pays-Bas protestants au nord. Anvers est alors, le centre économique et financier du monde
occidental depuis la découverte de l'Amérique et d'une voie maritime contournant l'Afrique. De
nombreux marchands étrangers avaient investi le port d'Anvers et le rapide essor de la ville
désorientait ses habitants et créèrent des problèmes de compréhension. Catholiques, calvinistes,
anabaptistes, musulmans se côtoyaient et accentuaient ce sentiment d'incertitude, de perte d'unité.
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La Tour de Babel (1563)
La Tour occupe tout le centre de la composition et écrase par son ampleur les humains et la ville
dont les constructions apparaissent minuscules. Pas de point de fuite unique, l'oeil est d'emblée
attiré par cette architecture hors du commun qui surpasse les nuages. Elle est en construction, au
bord d'un paysage côtier ou affluent des embarcations transportant les énormes blocs de pierre
nécessaires à son édification. Les hommes s'affairent, notamment autour de machines de levage
particulièrement sophistiquées, représentées avec soins. Une immense grue apparaît sur l'une des
rampes. A l'intérieur de la roue avant, trois hommes s'emploient à la faire tourner permettant de
soulever un énorme bloc de pierre. Des échelles et des échafaudages se dressent un peu partout.
Les cabanes de chantier où travaille chaque corps de métier sont conformes à celle de l'époque.
Bruegel situe la Tour dans un cadre contemporain, il s'en tient à son environnement, la ville qui
s'étend au pied de l'édifice ne peut être qu'Anvers ! Au premier plan, Nemrod inspecte le travail des
tailleurs de pierre. Si le dessin architectural est précis, les galeries superposées, voutées en
berceau, ne mènent à rien. Absurdité de l'homme qui se veut rivaliser avec les Dieux. Une
architecture symbolique et utopique, nécessairement vouée à l'échec. Quel était le message de
Peter Bruegel ? Est-ce une évocation de la perte d'unité de la chrétienté, les problèmes religieux
secouant toute l'Europe ? Est-ce une condamnation de Philippe II dont l'intervention a entraîné la
séparation des Pays-Bas et son absence d'intégration à l'Espagne ? Est-ce un avertissement au
développement colossal d'Anvers, au risque de devenir une seconde Babylone ?
[1] Babylone, nouvelle image de la Tour de Babel Dossiers histoire et archéologie : 1986. 103, 44-47. [2] La Tour de Babel,
comment naît un mythe ? Les dossiers d'archéologie : 2008 hors série n°4, 70-73. [3] Tout l'oeuvre peint de Bruegel. Taschen
2007.
[1] En accord avec l'opinion juive traditionnelle. Josèphe écrivit : « [Nimrud] promet de défendre [les hommes] contre une
seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s'élever
jusqu'à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de [Nimrod], considérant
l'obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour [...] ; elle s'éleva plus vite qu'on eût supposé. » -
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Antiquités judaïques, I, 114, 115 (IV, 2, 3).
On sait depuis 1862, année où George Smith du British Museum découvrit et déchiffra la tablette IX de l'épopée babylonienne
de Gilgamesh, que le déluge n'est pas une création hébraïque. Mais on s'aperçut plus tard que le mythe babylonien lui-même
avait une origine sumérienne. La preuve en fut faite par la découverte d'un fragment de tablette trouvé à l'University Museum
de Philadelphie, parmi les collections de Nippur (KRAMER, l'histoire commence à Sumer Champs, Flammarion avril 1994).
[2] « La muraille dont je viens de parler est la cuirasse de la ville. A l'intérieur court une autre muraille, qui n'est guère moins
puissante que la première, mais plus étroite. Et dans chacune des deux parties de la ville, il y avait un groupe central fortifi é ;
dans l'une, la résidence royale entourée d'une enceinte large et étroite ; dans l'autre, le sanctuaire aux portes d'airain de Zeus
Bélos ; ce sanctuaire existait encore de mon temps ; il forme un carré, de deux stades sur toutes ses faces. Au milieu du
sanctuaire est bâtie une tour massive, longue et large d'un stade ; sur cette tour se dresse une autre tour, sur celle-ci de
nouveau une autre, jusqu'à huit tours. La rampe qui est montée est construite extérieurement, en spirale autour de toutes les
tours... Dans la dernière tour, il y a un grand temple » (Hérodote Livre I, 181).
[3] « Je m'appliquerai à élever Etermenanki, la ziggurat de Babylone, pour faire rivaliser son sommet avec le ciel..., j'érigerai
sa base sur une hauteur de trente coudées..., un temple haut, une chapelle sainte, j'érigerai pour Marduk, mon seigneur, au
dernier étage, avec art. » Inscriptions de fondation (Nabuchodonosor)
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