Au bout de tout pour être finisher de l`UTMB

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Au bout de tout pour être finisher de l`UTMB
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2 septembre 2016 - 16:08
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Au bout de tout pour être finisher de l’UTMB
UTMB
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• Sport - vendredi 2 septembre 2016 16h02 - Emmanuel HUET - L'Avenir
Au bout de cet UTMB, avec mes deux potes à l’assistance: Thib et Oli. Ils étaient déjà présents
en 2015 sur la CCC mais avec nettement moins d’efficacité.-• Précédent
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Ce n’était pas une partie de plaisir mais j’ai bouclé mon premier UTMB où plus de 1000 coureurs
ont jeté l’éponge. La course a été difficile mais cela en valait la peine…170 km, 10 000 m de D+,
l'Ultra trail du Mont-Blanc à Chamonix, c'est le trail le plus prestigieux de la planète. Récit de
course...
Depuis mon retour de l’UTMB, il y a une question qui revient sans cesse: «tu t’es bien amusé, ça
a été?» Finir mon premier UTMB au bout de 41 h 47 de course, loin devant les barrières horaires,
c’est déjà une première victoire. Je tapais sur 39-40 h, ce fut un peu plus long. Mais aller au bout
lors de la première tentative, c’est déjà une réussite. Sur les 2 550 partants, le classement s’est
arrêté à 1 248 coureurs classés. C’est dire que cette édition a été rude avec de fortes chaleurs dans
la journée de samedi.
Donc oui, ça a été, mais dans la douleur, tant physique que psychologique. Et si je me suis
amusé? Ce ne fut pas une partie de plaisir, l’effort était soutenu, les périodes de doute alternaient
avec le bonheur de crapahuter dans de tels paysages. Mais d’un bout à l’autre, ce n’est pas de
l’amusement. «Le trail, en fait, c’est 50 secondes de bonheur au départ et 50 secondes à
l’arrivée.» L’analyse n’est pas de moi mais d’un coureur rencontré en montant vers Catogne.
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Le Déleveret, première ascension du jour.--La course n’avait pourtant pas débuté en fanfare alors
que les 30 premiers kilomètres étaient assez roulant. J’étais loin d’afficher un large sourire au
ravito de Saint-Gervais, puis aux Contamines. Les jambes sont lourdes et la tête ne suit pas. Là,
on se pose déjà beaucoup de questions alors que la nuit est tombée. C’est qu’il reste encore 140
km… Thibaud et Oli, deux amis qui m’avaient déjà «assisté» sur la CCC en 2015, sont au
rendez-vous. «Pense positif», me balance Thibaud au moment de quitter les Contamines. J’en
profite aussi pour appeler Séverine et on ne discute pas vraiment de la course, ça fait du bien. Les
jambes et le mental se mettent enfin dans la course dans l’ascension vers la Balme. Peu avant 1 h
du mat’, j’envoie un message pour rassurer mes suiveurs: «Balme: la course a enfin commencé.
Moral ok et les jambes suivent» À mon avis, la pression était montée progressivement vendredi
après-midi dans l’attente du départ et les jambes en avaient pris un coup… Un coup de chaud
aussi.
La nuit n’est pas froide. Je suis resté en t-shirt et j’ajuste mes manchons au gré de la température
et de l’altitude. Après le col du Bonhomme, je redescends sur Chapieux. Je me jette sur mon
aliment de base pendant toute cette course: le bouillon aux vermicelles. Peu importe la
température et le moment de la journée, ce ravito était une constante.
Le bouillon et vermicelles, mon carburant.--Au moment de rentrer dans la tente de ravitaillement,
j’aperçois une figure connue pianotant sur son smartphone. Nathanaël Jacqmin, mon collègue, est
là, en plein milieu de la nuit alors qu’il ne court pas cet UTMB. Discrètement je m’approche et je
lui demande s’il cherche à savoir quand je serai aux Chapieux. Éclat de rire, on s’embrasse et on
est content de se retrouver par hasard. Avec un ami (Étienne Maniquet, l’organisateur du trail de
Namur), Natha avait fait le chemin inverse des coureurs depuis Courmayeur. Il prépare la
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Diagonale des fous et avait envie de faire des kilomètres. On reprend alors la route à trois vers
Courmayeur. Et dans l’ascension du col de la Seigne, j’avale environ 150 coureurs.
En haut du col de la Seigne, bienvenue en Italie.--En haut, le jour sur lève sur l’Italie. Un feu de
palettes nous accueille au bout de cette ascension. On se réchauffe un peu, on se ravitaille. Le
basculement sur le versant italien est magique. La vallée est blottie sous un manteau nuageux que
l’on domine. Voilà pourquoi on aime souffrir, c’est pour profiter de ces moments, au petit matin.
Natha et Étienne ont coupé court vers Courmayeur alors qu’il me reste des parties techniques
dans le col des Pyramides calcaires. Gare à la casse car ces pierres sont sans pitié pour les
chevilles.
C’est vers 11 h du mat’que j’arrive à Courmayeur. C’est un des points clés de cette course car
c’est là que je retrouve Thib’et Oli que je n’ai plus vu depuis la veille aux Contamines. Je me
situe au km 80 et il ne me reste plus «que» l’équivalent de la CCC à effectuer, une promenade
quoi. Les ravitailleurs italiens sont au point avec leurs pennes tomatées: un délice. Mais dans le
hall omnisports, pas de trace de mes deux assistants. Coup de fil à
Au Courmayeur, un brin de toilette revigorant.--Thib qui comprend qu’il ne
m’a pas vu passer. Logique, ils sont bien au-delà du ravito. Pas de soucis, je
reprends la route et je les rejoins 15 minutes plus tard, à l’ombre, juste à côté
d’une fontaine. C’est l’occasion de plonger mes pieds et mes mollets dans
cette eau froide, de changer de t-shirt et de chaussettes. Un brin de toilette, ça
fait énormément de bien au moral. On se quitte avec le sourire. Je sais que la
journée va être longue car on ne se retrouvera qu’au ravito de Champex en
soirée. Il est peu avant midi et le soleil tape dur, on va déguster. Et cela se
confirme aux refuges Bertone, puis Bonati et dans la torride ascension du
Grand col Ferret. Mais les signaux sont au vert pour moi malgré la nuit
blanche dont les effets se font progressivement ressentir.
Dominique Lobet, après la CCC en 2015, il est venu me soutenir sur cet
UTMB .--En descendant vers la Fouly, au détour d’un petit chemin, j’aperçois un coureur dont la
physionomie ne m’est pas inconnue. Veste orange fluo, buff orange sur la tête, je ne peux pas me
tromper. C’est Dominique Lobet, un ami du TAF (Trail attitude famennoise). Le Dom a un chalet
à Zinal, en Suisse, et il avait promis de venir me voir. On descend ensemble vers le ravito et il
n’arrête pas de parler. Comme il a effectué une partie du parcours en montant, il nous guide, moi
et le petit groupe de 5-6 coureurs, sur les pistes vers la Fouly. «Là, plus bas ça tourne. Puis
attention, c’est glissant…» Il a aussi eu le temps de juger les coureurs passés devant lui alors qu’il
m’attendait. «Il y a beaucoup de femmes…» Et on confirme car ces dames sont nombreuses et ont
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un sacré niveau. «Il y a beaucoup d’Asiatiques», fait-il aussi remarquer. Clairement, les Japonais
et les Chinois sont en nombre sur cet UTMB. Arrivés à la Fouly, j’en profite pour afficher un
large sourire à la webcam. Je sais qu’en Belgique, les enfants, la famille et les nombreux amis
suivent ma course de près. Alors autant leur adresser un beau sourire et une petite grimace sympa
que celle d’un coureur au bout du rouleau. À ce moment, je ne touche pas encore le fond.
Il faut maintenant rejoindre Champex et la nuit est tombée. Au loin, on entend le ciel gronder.
Après la canicule, va-t-on devoir affronter l’orage? En montant vers Champex, les gouttes
s’intensifient, les éclairs s’enchaînent. Mais, visiblement, c’est de l’autre côté du massif que ça se
passe. Là-bas, il y a des coureurs qui doivent déguster. J’arrive finalement peu après 22 h 30 à
Champex. Dominique m’avait rejoint pour effectuer les deux derniers kilomètres e l’ascension.
Dans le gigantesque chapiteau, il y a règne une ambiance dingue. Des centaines de coureurs se
ravitaillent avant d’attaquer la seconde nuit. Certains sont au bout du rouleau et dorment le nez
sur la table, le front posé sur les avant-bras. Là, je n’en peux plus: je suis vidé, les jambes sont
fatiguées et l’esprit n’est vraiment plus alerte. Il reste au minimum 11 h de course. Dans ces
conditions, c’est ingérable. C’est là que je me décide d’entamer ma deuxième micro sieste depuis
le départ. Je me donne une vingtaine de minutes, on verra bien. La fatigue me plonge assez
rapidement dans un sommeil interrompu par mon téléphone qui vibre. C’est mon papa qui
m’appelle au plus mauvais moment. Et il insiste une seconde fois… Qu’importe, j’ai quand même
pu switcher mon cerveau sur off quelques minutes. Et ça porte ses fruits. Je repars l’esprit
rafraîchi, les jambes retrouvées. C’est dingue ce que cette sieste de 5 à 10 minutes a pu
m’apporter. Et là, j’avance dans la montée vers la Giète. C’est long, c’est haut et il faudra près de
4 h avant de rejoindre le ravito suivant à Trient. Un à un, je reprends des concurrents, par
dizaines!
À Trient, j’opte pour la même tactique. Je veux dormir même si je ne suis pas dans le même état
de fatigue qu’à Champex. Car après Trient, ce sera non-stop jusqu’à Chamonix avec
l’enchaînement de Catogne et du Grand Col Ferret. C’est à l’arrière de l’infirmerie que je trouve
un espace pour dormir. «Combien de temps voulez-vous dormir», me demande cette bénévole en
notant mon numéro de dossard. «30 minutes, c’est bon». Le temps d’enlever mes chaussures
alourdies par la boue et de me poser sur ma paillasse, le sommeil tombe à une vitesse
foudroyante. Tout comme le réveil. 20 minutes plus tard (j’avais demandé 30 minutes, non?), on
me secoue gentiment: c’est reparti pour moi. Pour d’autres, c’est plus compliqué. Pendant que je
lace mes chaussures, un coureur vient se faire soigner pour une cloche au pied de la taille d’un
billet de banque. Il faut aussi remettre d’aplomb cette jeune dame qu’on a trouvée étendue à
quelques mètres de la tente du ravitaillement. La fatigue et les bobos n’épargnent pas les trailers.
La chaleur avait déjà porté un coup rude en journée. On annonce plus de 1 000 abandons, c’est
énorme! En route vers Catogne, je constate que certains sont à bout. Arc-boutés en plein effort,
les mains posées sur les poignées de leurs batons, certains coureurs tentent de se retaper en
soufflant un peu. Sur une pierre plate, un autre s’est endormi. Comme deux autres un peu plus
haut dans une position tout aussi inconfortable.
Chamonix (en bas), me voici! Dernière ascension vers la Tête aux
vents-On attaque la dernière ligne droite mais elle est longue. À Vallorcine, il
ne reste plus que 18 km mais cela correspond à 4 heures d’effort. La
Tête aux vents, ce n’est pas le dénivelé le plus simple de ce périple.
C’est très technique et avant de rejoindre le dernier ravito à la Flégère, il
faut enchaîner des pierriers, des passages usant. On sent l’écurie et tous mes suiveurs le savent.
Toutes les deux minutes, le téléphone sonne mais je ne décroche pas. Les SMS d’encouragement
tombent et me donnent autant d’énergie qu’un gel sucré. Le refuge est en vue et je croise
Nathanaël. Décidément, j’aurais bien été entouré. Il est monté de Cham’pour effectuer la dernière
descente en ma compagnie. Mais la descente vers la ligne d’arrivée me rappelle ô combien je ne
suis pas bon dans cet exercice. Il y a des racines, des pierres et mes jambes sont cassées, dures
comme du béton. On dépasse un coureur asiatique qui est à l’agonie, boitillant. Natha me dit
qu’en montant il a vu un coureur «qui descendait en marche arrière». Oui, je ne suis pas le seul à
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avoir souffert. Plus on se rapproche de Chamonix et plus on croise des marcheurs et des
supporters qui m’applaudissent. Ces gens sont aussi des passionnés et prennent toute la mesure de
l’exploit accompli par chacun des finishers. Chamonix me voilà, dimanche, peu après 11 h 30.
C’est la meilleure heure, celle de l’apéro. Le dernier kilomètre est absolument fabuleux. De part
et d’autre des barrières nadar, le public est massé et applaudit à tout rompre. C’est moi qu’il
applaudit presqu’autant que Ludovic Pommeret presque 20 h plus tôt! Thib et Oli sont là à 200 m
de l’arrivée. Ils m’attendent pour accomplir ce final avec le drapeau tricolore. Eux aussi sont
finishers car ils ont vibré presqu’autant que moi au cours de cet UTMB. Je l’ai fait, et je le
referai… Je suis finisher de l’UTMB!
-– Emmanuel HUET (41 h 47 min )
Merci à tous ceux qui m’ont suivi en live, qui ont veillé la nuit pour voir où j’en étais sur mon
parcours, qui m’ont envoyé des SMS, des commentaires sur Facebook. Natha Étienne et Dom, ce
petit bout de chemin, c’était sympa! Merci à Séverine qui me permet de m’entraîner tout au long
de l’année. Merci à Martin, Félix et Alice: mes premiers supporters. Oli et Thib, cette année, vous
avez assuré! Enfin, énorme merci à mes guibolles et à ma tête de mule: vous avez été fort
sollicités et vous m’avez suivi dans ce projet fou
• Vidéo du départ
Départ UTMB 2016 par lavenir
• Vidéo de mon arrivée (désolé, c'est mal filmé. L'émotion sûrement...)
Arrivée UTMB 2016 Manu Huet par lavenir
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