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DES SANS-ABRI AVEC LE SENS DU BUT
Des histoires poignantes, qui démontrent que le football peut réchauffer le cœur
des gens désespérés. La Belgian Homeless Cup est une compétition sportive
à caractère social, destinée aux sans-abri. Chaque équipe joue avec le maillot
d’un club professionnel de la région. Chapitre 4 : Tom. PAR KRISTOF DE RYCK
Tom (37) : « Lorsque j’étais petit garçon, j’ai joué au football dans un pe-
tit club local. J’étais tellement bon que j’ai été approché par le Lierse.
Là aussi, j’ai eu droit à beaucoup d’éloges. Cela a duré jusqu’à mes 15
ans. Là, l’entraîneur a commencé à me faire des remarques. Mon père
n’était pas en reste. Il n’y avait plus qu’une chose qui comptait: prester.
C’est précisément à ce moment-là que quelqu’un m’a proposé de l’ecstasy lors d’une fête. J’ai avalé cette pilule, et je n’ai plus entendu tous
ces reproches.
Six mois plus tard, j’avais besoin de ma dose quotidienne. J’étais blanc
comme le linge, je suis devenu parano. A sept reprises, mes parents
m’ont placé en institution. Mais chaque fois que j’en sortais pour rentrer
à la maison, je reprenais ma pilule. Un jour, ma mère m’a
ramené à l’institution et j’ai vu des infirmiers arriver de
tous les côtés. Je suis sorti de mes gonds, j’ai
frappé dans tous les sens et j’ai touché un infirmier. J’ai alors été conduit en prison. On m’a expliqué que je reviendrais derrière les barreaux à
chaque fois que j’étais pris sous influence.
Cela a duré des années : je faisais des retours
réguliers en prison, et aussi dans des centres de
désintoxication. Dans l’un de ces centres, j’ai suivi
tout un programme, mais au fond de moimême, je pensais toujours : lorsque je
sortirai, je recommencerai. A Genk,
j’ai été clean pendant 24 mois. Je
suis sorti en ayant tout ce qu’il
fallait pour mener une vie normale: un appartement, du
travail, une voiture, des
amis. Deux jours plus tard,
je suis retombé.
En prison, j’ai aussi découvert l’héroïne et la
cocaïne. J’en ai
consommé de 32 à 35
ans. Soudain, il y a deux ans, je me suis dit: regarde-toi, seul dans ta
chambre, avec ta seringue, voilà ce que tu es. Je ne pouvais plus me
supporter. Et j’en avais marre de tous les effets secondaires: les psychoses, l’isolement. Jadis, j’ai essayé plusieurs fois d’arrêter: une fois
pour ma mère, une fois pour mon père, une fois pour ma sœur. Mais là,
je devais le faire pour moi-même. J’ai d’abord suivi un traitement au méthadone.
« Sans football, je
n’arriverais pas à rester
clean »
Le médecin voyait que j’étais motivé. Il m’a conseillé de me trouver
un passe-temps pour m’occuper. Il m’a parlé du Homeless Team du
Royal Antwerp FC. Au début, j’étais sur mes gardes, car j’allais de
nouveau me retrouver au milieu de gens à problèmes, mais tout s’est
bien passé. Un compagnon de l’équipe m’a dit de qui je devais me
méfier si je ne voulais pas rechuter. Des gens ont plusieurs fois essayé
de m’influencer, mais comme j’ai refusé, ils n’ont pas insisté.
Aujourd’hui, je suis clean depuis huit mois. Le football, à lui seul,
ne suffit pas pour rester clean, mais sans lui, je ne réussirais
pas. Cela me rend heureux. Ce qui compte, ici, ce n’est
pas la victoire, mais la convivialité. Je retrouve de la
force, de l’énergie et du plaisir. Après l’entraînement, je
rentre à la maison en baignant dans une euphorie saine,
et c’est bien l’essentiel. Car, si je ne l’avais pas, je la rechercherais dans la drogue. Je ne dis pas que je ne traverse plus de moments difficiles. Mais, lorsque c’est le
cas, je téléphone au docteur, au psychologue ou à l’entraîneur. On discute un peu, et cela aide. On doit s’en
sortir soi-même, mais on n’y parviendrait pas tout
seul. » ■
TOM
BELGAIMAGE
{HOMELESS TEAM R. ANTWERP FC}
WWW.SPORTMAGAZINE.BE 24/12/14 SPORT FOOT 57