L`inscription en classe bilingue

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L`inscription en classe bilingue
Etre un parent actif en classe bilingue
Joan- Jaume PROST
Président de l’APA/ Escola pública
Catalunya Nord
Un parent actif est un parent informé ou un parent qui cherche à être informé. C’est un parent qui a
un rôle dans l’équipe éducative, mais pas dans l’équipe pédagogique. J’orienterai mes propos dans
six directions qui, je pense, sont à prendre en considération, car le rôle des parents est très
important à trois niveaux:
- aux côtés des enseignants
- face à l’administration
- et bien sûr dans l’accompagnement de leurs enfants.
Les six directions envisagées, là où l’activité des parents sera importante, sont :
1°) L’inscription en classe bilingue
2°) Comprendre le fonctionnement de la classe bilingue
3°) Si les parents ne parlent pas la langue « régionale », est-ce grave ?
4°) S’impliquer et pouvoir accompagner la vie de la classe bilingue
5°) Le groupe des parents d’élèves doit-il se transformer en association ?
6°) Les parents d’élèves: interlocuteurs indispensables face à l’administration
L’inscription en classe bilingue
Lorsque vous inscrivez votre enfant en classe maternelle (ou en classe primaire), vous parents, vous
effectuez une démarche administrative comme toutes les familles qui ont un enfant qui rentre à
l’école et jusque-là, rien de spécifique.
Lorsque vous inscrivez votre enfant en classe bilingue, vous avez effectué un choix, celui ou
non, de la classe bilingue.
Dans ce cas, vous avez effectué un choix pédagogique pour votre enfant. Vous ne l’inscrivez
plus machinalement, automatiquement, vous l’inscrivez après réflexion, après discussion, à la
vue du projet présenté par l’équipe pédagogique et bien souvent lorsqu’il ne s’agit pas de
l’ouverture d’une nouvelle filière bilingue, de l’avis d’autres parents d’élèves.
L’inscription peut avoir cependant diverses motivations :
- un coup de cœur, c’est l’adhésion coup de foudre
- une simple remarque justifie l’inscription : ce serait sympa … pour elle, pour lui
- beaucoup de parents envisagent un plus pour leur enfant Mais pour que cette inscription se réalise,
il a fallu au moins deux conditions : l’existence ou le démarrage de la classe bilingue, bien sûr, et
l’existence d’une information sur la classe bilingue. Cette information, qui est très importante, peut
être réalisée par :
l’administration : c’est exceptionnel
la mairie : c’est plutôt rare
l’école elle-même : c’est assez souvent le cas
les parents : c’est généralement le cas, avec de nombreuses variantes pour l’information.
L’administration : c’est un site web bien fait, avec des informations régulièrement renouvelées; ce
sont des feuillets d’information mis à disposition des parents ; c’est l’interview de l’Inspecteur
d’Académie dans la presse écrite, à la T.V., à la radio… qui précise, parmi d’autres sujets, l’existence
et le fonctionnement des classes bilingues du département. Ça existe, mais c’est très, très rare.
La mairie : une information est parfois réalisée sous la responsabilité d’un adjoint au maire, avec des
dépliants que vous trouvez facilement au bureau de la vie scolaire par exemple. Des encarts ou des
reportages sont régulièrement publiés dans le bulletin municipal. Cela arrive parfois, mais c’est loin
d’être la règle et dans certaines Régions cela reste exceptionnel.
Comme vous le savez toute commune qui passe le millier d’habitants possède aujourd’hui son site
web, mais très peu de communes mentionnent l’existence et encore moins le type de
fonctionnement des classes bilingues à l’école communale. Quelques communes réalisent quelques
triptyques de présentation disponibles dans des endroits accessibles au public.
L’école elle-même : c’est souvent le cas mais pas toujours et parfois même dans un ordre
chronologique inversé. On inscrit puis on informe ensuite. C’est beaucoup mieux si les parents ou
futurs parents d’élèves bilingues ont pu disposer d’informations, d’éléments pour se forger une
opinion. Pour cela, les réunions sont très importantes, même si tous les parents ne peuvent pas être
présents. L’information circulera. L’importance de ces réunions est capitale surtout lors de l’entrée
dans une nouvelle école : Lors de la première classe de maternelle, lors de l’entrée à la grande école
c’est-à-dire le CP (tiens où sont passés les cycles ?) et lors de l’entrée en 6ème au collège. Ce n’est
pas un hasard si les effectifs diminuent lors de ces passages alors que lorsque l’information est bien
réalisée les cohortes d’élèves passent de l’un à l’autre sans trop de diminution d’effectifs.
C’est lors de ces réunions que la présence des parents d’élèves est importante. Je parle de réunions
en dehors des Conseils d’école qui peuvent quand même être une source d’information, quelque peu
limitées, car le Conseil d’école s’adresse à un groupe restreint de personnes malgré le fait de publier
un compte rendu.
La réunion spécifique d’information sur la classe bilingue est ouverte à tout le monde. Il y a bien sûr
l’équipe enseignante ou une partie de cette équipe pour expliquer la pédagogie de la classe bilingue
mais surtout des parents d’élèves, ceux dont l’enfant entrera en classe bilingue et ceux ayant un ou
plusieurs enfants en classes bilingues.
L’intervention des parents d’élèves lors de ces réunions est essentielle, qu’ils soient parents ayant
des enfants en classe bilingue ou des parents dont les enfants vont entrer en classe bilingue. Les
parents d’élèves sont, je dirai, sur la même fréquence, la même longueur d’onde. Si l’explication
pédagogique est du domaine des enseignants, tout ce qui entoure la vie scolaire sera abordé par les
parents d’élèves qui ont une compétence éducative. Lors de ces réunions, souvent ce sont les
questions, le questionnement des nouveaux parents qui servent à marquer les contours et les enjeux
de la classe bilingue. J’ai relevé plus d’une centaine de questions qui apparaissent régulièrement lors
de ces réunions. Il n’y a jamais de questions sans intérêt. Si parfois les réponses sont multiples, c’est
toujours le vécu des familles qui prédominent avec la crainte de ne pas être à la hauteur. Je n’ai pas
le temps, ici, de lister toutes ces questions, mais celles-ci portent généralement sur :
- la vie de l’élève à la maison
- l’accompagnement de l’élève dans l’acquisition de la langue « régionale » en dehors de la classe
- le fait de ne pas parler cette langue pour les parents
- comment va-t-on pouvoir l’aider ?
- y aura-t-il une charge de travail supplémentaire ?
- le niveau des compétences par rapport à la classe traditionnelle
- les attitudes positives
- ne va-t-il pas tout mélanger ?
Les parents ayant eu des enfants en classe bilingue peuvent répondre à de nombreuses questions
dans un style qui leur est propre, un style que ne pourraient se permettre les enseignants de l’école.
Je donnerai quelques exemples pour illustrer mes propos.
Lors d’une réunion pour l’ouverture du site bilingue de Céret, une mère fit part de son inquiétude car
elle ne pourrait pas, pensait-elle, aider son gamin à faire les devoirs puisqu’elle ne parlait pas du tout
le catalan. C’est une mère d’élève de Prada qui lui répondit : « ben …votre enfant fera comme le
mien. Tenez, hier encore, pendant mon repassage, il est venu me demander comment il devait
compléter un exercice à trous.
D’abord il sait qu’il devra me le demander en français, ben je lui ai expliqué en français et après mes
explications, il a tout repensé en catalan pour trouver les mots qu’il fallait…Il sait très bien que je ne
comprends pas cette langue, c’est à lui de s’adapter… ».
Bien sûr on n’imagine mal l’institutrice disant : « Pendant votre repassage vous lui dites… »
Un autre parent demanda également ce qu’il ferait s’il y avait des dictées de mots ou de phrases en
catalan. Une maman ayant eu deux de ses enfants en classe bilingue explique ces enfants lui lisaient
les phrases et qu’elle les dictait ensuite au mieux. Bon d’accord, ajouta-t-elle, ma prononciation les
fait parfois sourire ou ils me reprennent, mais bon je les aide comme je peux et avec mon deuxième
(enfant) je crois que j’ai fait des progrès ! Et sa voisine d’ajouter : « et si vous avez trois enfants vous
finirez bien par avoir en catalan un niveau de CE1, mais vous n’irez guère plus loin, les enfants ont
plus de facilités que nous…. »
Vous imaginez un instituteur disant : « vous n’arriverez jamais au niveau de vos enfants après la
classe de CE1… » .
Bref vous verrez que votre enfant compatit à votre courageuse lecture dans sa deuxième langue
d’étude, il ne manquera pas de vous dire que la maîtresse ne dit pas comme ça, c’est simplement
que votre enfant s’approprie cette langue que vous malmenez un peu.
Mais le désir de chaque parent n’est-il pas de voir leurs propres enfants investir de nouvelles
compétences ? N’est-ce pas cela le progrès d’une génération à l’autre ? C’est au cours de ces
réunions que les parents découvrent, avant toute explication théorique, que la langue « régionale »
en classe bilingue n’est pas simplement une langue d’étude, une langue objet, mais qu’elle est aussi
une langue instrument qui sert à acquérir d’autres connaissances non linguistiques comme les
mathématiques, le géographie ou les sciences, faire du sport…
Cela me permet de faire la transition vers la deuxième direction envisagée:
Comprendre le fonctionnement de la classe bilingue.
Une classe bilingue est une classe soumise aux mêmes obligations que les autres classes
traditionnelles mais qui emprunte d’autres chemins pour y arriver. La classes bilingue a les mêmes
horaires, on y apprend les mêmes choses, elle ne coûte pas un euro de plus que les autres classes, ni
à l’Etat, ni aux Collectivités, ni aux parents et pourtant les classes bilingues sont des classes où les
résultats et les acquisitions sont généralement identiques ou meilleures que dans les autres classes,
mais que ce n’est pas politiquement correct de le dire (si c’était le contraire, se gênerait-on pour le
démontrer…?)
Ce sont des classes où les élèves à l’issue de leur scolarité à l’école élémentaire, à la fin du CM2 sont
capables de parler et de rédiger dans une autre langue que le français et qui montrent de
nombreuses facilités à apprendre d’autres langues. Les parents comprennent que cet enseignement
n’a rien à voir avec les sensibilisations, les initiations et les apprentissages version LV1. Les élèves
parlent et écrivent dans une autre langue et ce point est visible (ou audible) par tous les parents
d’élèves ayant eu leurs enfants en classe bilingue. Ils l’expliquent aux nouveaux parents d’une autre
façon en se démarquant du discours strictement scolaire sur l’acquisition.
Même les parents de maternelle ont perçu que pour leurs enfants c’est l’activité en classe qui prime
sur l’acquisition scolaire de la nouvelle langue. Lorsqu’il raconte la classe, ils racontent les activités
pas dans quelle langue celles-ci ont été réalisées. Les enfants rentrent dans la nouvelle langue à leur
rythme, presque en cachette des parents et ils se l’approprient. En maternelle, point de contrôles,
des verbes irréguliers, de peur de parler…c’est tout le contraire qui se passe. Ils veulent toujours
parler, ils n’assimilent pas erreur et faute, ils n’ont pas encore de complexe.
Il y a aussi de nombreux échanges entre parents auxquels participent les enseignants à propos du
temps d’exposition à la langue, du fait de ne pas utiliser la traduction pendant la classe faite en
catalan et surtout de ce qui fait la classe bilingue, c’est que la langue « régionale » devient dès le
début une langue de communication pour quitter un usage strictement scolaire. Elle occupe tout le
domaine d’une langue « normale », c’est-à-dire relationnelle, fonctionnelle et quotidienne (elle sert à
tout dire dans la vie de tous les jours).
Un bobo survient pendant la récréation, on explique un nouveau projet en classe, on questionne un
intervenant extérieur, on règle un différend entre deux élèves, on complimente ou quelqu’un
formule une réclamation. Les exemples sont nombreux.
La classe bilingue est aussi la classe où bien souvent il y a deux enseignants. Quelle chance d’avoir
deux enseignants, d’avoir deux regards qui seront portés sur votre enfant, cela permet de voir
davantage l’élève « globalement » ! Combien de fois la vision d’un enseignant a été nuancée par celle
du second maître !
Les parents : nous venons de voir qu’ils étaient actifs lors des réunions mais ils seront de véritables
représentants de ce fonctionnement pédagogique bilingue dans toutes les discussions qu’ils auront
avec d’autres parents d’élèves, à l’extérieur de l’école. Mais pour cela il faut qu’ils en comprennent le
fonctionnement.
Si les parents ne parlent pas la langue « régionale », est-ce grave ?
Cette question paralyse quelques fois les parents. Ils peuvent avoir le sentiment d’être exclus ou de
s’exclure eux-mêmes, par rapport à la classe. Seront-ils des parents à part entière ? Certains de mes
propos précédents ont abordé ce problème, mais les parents inquiets peuvent être rassurés à plus
d’un titre. Le fait de parler la langue « régionale » à la maison ou le fait que les parents ou l’un des
deux parents ait une connaissance réelle de la langue n’est le gage d’une facilité accrue pour le jeune
enfant.
Ce n’est pas primordial même si cela peut être un plus. Le support, le meilleur support, c’est la
motivation, l’intérêt que vous allez communiquer à votre enfant. Cela est essentiel. J’ai connu des
parents qui parlaient catalan mais qui se désintéressaient totalement du travail fait en classe par leur
enfant, et dans la même classe il y avait des parents non catalanophones, sans aucune connaissance
de la langue mais qui montraient un intérêt pour le travail fait en classe, ils valorisaient le fait que
leur enfant soit en classe et en classe bilingue. Leur enfant, source d’information, devient
indirectement l’objet d’une considération nouvelle. En valorisant son quotidien, on valorise ses
progrès et le travail fourni.
Ce qui est important, c’est de parler le même langage, à défaut de parler la même langue.
S’impliquer et pouvoir accompagner la vie de la classe bilingue.
S’impliquer ne signifie pas pour les parents d’élèves interférer dans la conduite pédagogique de la
classe. Cette dernière est du ressors de l’institution scolaire, de l’école et surtout de la maîtresse et
du maître. Ce sont eux qui ont la responsabilité des apprentissages en classe.
S’impliquer, c’est accompagner la vie de la classe :
- aller à la bibliothèque et animer un groupe de lecture
- aller à la piscine et si l’on est locuteur, utiliser la langue régionale dans les différentes activités
- participer aux fêtes et plus spécialement celles ayant un rapport avec la culture et la langue
étudiées
- accompagner la classe aux sorties, participer à l’encadrement
- prendre part à des ateliers
- faire acte de candidature et de participation lors des Conseils d’école, nous en avons parlé
précédemment, pour surtout être vigilant face au rouleau compresseur de l’uniformité, pour parer
les remarques : les bilingues sortent beaucoup sans que l’on sache pourquoi les autres sortent moins
ou encore les classes bilingues sont des classes d’élite alors que l’élite ce sont ceux qui ont des places
réservées. Les classes bilingues ne sélectionnent pas, c’est le libre choix des parents, seule la volonté
des parents fait ou non accéder les enfants aux classes bilingues et non un quelconque privilège.
S’impliquer permet aussi de relativiser quelques faux arguments d’une mauvaise foi évidente comme
ceux de ce directeur d’école qui voulait publier les résultats des évaluations de CE1 ou CE2 à la porte
de l’école, puisque les élèves n’ayant qu’un mi-temps d’enseignement en français, les résultats
devaient être forcément catastrophiques.
Quelques mois plus tard, les résultats des évaluations ont largement démenti ce directeur qui ne
voulut plus entendre parler de sa promesse prétextant que l’on avait… mal interprété ses propos !
Le groupe des parents d’élèves doit-il se transformer en association ?
Lorsqu’il y a des parents disponibles pour faire vivre une association, celle de représenter également
les intérêts des familles ayant des enfants scolarisés ou voulant être scolarisés dans l’enseignement
bilingue public, il est intéressant d’avoir une entité « juridiquement » établie qui peut agir dans
l’intérêt des classes bilingues mais aussi de l’école en général. Par cette démarche, vous allez
transformer l’article indéterminé « des » parents en « les » parents.
Cela va beaucoup faciliter la diffusion de l’information : courrier, bulletin, réunions, audiences… Le
groupe de parents peut rejoindre également une association déjà existante ayant les mêmes buts ou
diverses associations ayant la même problématique peuvent se fédérer. Le fait d’être une association
(loi 1901) permettra d’être reconnu par l’Inspection Académique et d’être partie prenante de
l’équipe éducative de plein droit.
Les parents d’élèves : interlocuteurs indispensables face à
l’administration.
Le sixième point sera un peu la conclusion de mon intervention.
Lorsque vous parents « actifs » ou intéressés aurez créé une association spécifique qui aura pour
objet la promotion des classes bilingues à l’école publique, vous n’allez pas seulement :
- mieux accompagner vos enfants et tous les élèves à travers leur scolarité
- permettre et pouvoir accéder à l’information et la partager avec beaucoup d’autres parents
d’élèves
- participer à certaines décisions mais aussi vous allez, surtout, devenir des interlocuteurs reconnus.
Ce point est essentiel.
- reconnu au niveau du Conseil d’école, plus tard au Collège et puis au lycée.
- reconnu au niveau institutionnel auprès des directeurs, de l’Inspecteur de l’Education
Nationale, du Rectorat et du Ministère. Vous ne parlerez plus en votre nom personnel ou celui de
quelques personnes. Vous allez représenter les parents d ‘élèves sur des sujets généraux ou
spécifiques. Jusque-là, tout cela, me direz-vous, semble bien normal.
Maintenant, je vais aller beaucoup plus loin, bien souvent, vous parents d’élèves, vous allez
représenter aussi les enseignants.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que les enseignants ont rarement droit au chapitre. Imaginez les demandes
des enseignants, montant au Ministère par la voie hiérarchique (voie =v.o.i.e.). Les filtres sont trop
épais. Les revendications concernant les langues régionales sont rarement prises en compte, même
par leurs syndicats. C’est pourquoi bien souvent ce sont des enseignants, eux-mêmes parents
d’élèves, qui figurent parmi les responsables des associations (la présence de certaines personnes
dans la salle ne peut que confirmer mes propos) surtout parce qu’ils connaissent le système. Pensezy si vous créez une association de parents d’élèves, faites appel à eux. Ils seront indispensables à
l’élaboration d’une stratégie en faveur de la langue dans l’enseignement public et les échanges
seront plus riches au sein de l’association de Parents d’élèves.
Beaucoup de sites bilingues ont été ouverts grâce à l’insistance des parents d’élèves, dans toutes les
Régions.