Analyse de l`indemnisation du Corporel Grave dans une

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Analyse de l`indemnisation du Corporel Grave dans une
Newsletter technique
juin 2013
Analyse de l’indemnisation du Corporel Grave
dans une perspective européenne
Depuis plusieurs années l’indemnisation du dommage corporel sur le marché français fait l’objet
de réflexions approfondies afin de faire émerger un véritable droit dédié à cette matière. Cette volonté
est aussi au cœur des préoccupations des instances européennes, en quête d’une harmonisation.
Ainsi, en matière pénale, une réflexion s’est ouverte suite à une directive européenne en date du
25 octobre 2012 visant à renforcer et harmoniser les droits des victimes. Dans son discours prononcé lors
de la rentrée solennelle 2013 de la Cour d’Appel de Paris, le Premier Président de la Cour a évoqué l’idée
de faire évoluer le procès pénal à la française en s’inspirant du modèle anglais, dans lequel la victime
n’est pas partie au procès, mais un simple témoin. Dans ce système, les victimes d’infractions doivent
nécessairement passer par la voie civile afin d’obtenir la réparation de leurs éventuels dommages
corporels. Le procès civil ne pouvant s’ouvrir qu’une fois le procès pénal terminé, une telle réforme
nécessiterait une accélération des procédures. Faute de quoi, la France s’exposerait à une multiplication
des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour non-respect du droit à des délais
de procédure raisonnables qui découle du droit au procès équitable.
De même, en matière civile, une recommandation a été présentée par l’Institut pour le droit européen
de la circulation en février 2013 en vue de l’élaboration d’un droit à l’indemnisation intégrale pour les
enfants victimes d’accidents de la circulation, et de façon générale, pour toutes les victimes considérées
comme vulnérables, telles que les personnes âgées et handicapées.
Pour tenir compte de ce contexte, nous avons choisi de donner une ouverture européenne à cette étude,
tout en analysant les grandes tendances que nous observons sur le marché français à partir de notre base
statistique constituée des sinistres liquidés.
En ce qui concerne le marché français, nous vous proposons de comparer les évolutions de la charge
de ces sinistres en droit commun par rapport à des indices macro-économiques, et nous nous livrerons
à une analyse plus détaillée de l’évolution de certains postes de préjudice. Enfin, nous aborderons les
sujets d’actualités des marchés européens voisins.
L’évolution du coût des sinistres corporels graves confrontée aux réalités
économiques et juridiques
Évolution du PIB et de l’inflation par rapport au coût moyen
d’un sinistre corporel grave supérieur à 50 %.
Indice
300
260
250
234
213
193
200
150
156
143
136
2003
2004
171
174
Indice coût moyen
du corporel grave
Indice évolution
de l'inflation
Indice évolution
du PIB
Indice évolution
du TME
117
100
100
50
0
2001
2002
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : SCOR Global P&C
Entre 2001 et 2011, la charge des
indemnisations a progressé de 160 points.
Les règlements amiables et les décisions
judiciaires devenues définitives ont tous
respecté le principe de la réparation
intégrale : « le préjudice, tout le préjudice,
rien que le préjudice ». Sur cette même
période, les indicateurs économiques font
apparaître une progression de l’inflation de
seulement 19 points, et de 35 points pour
le Produit Intérieur Brut (PIB) en valeur.
Il ne peut résulter de cette volatilité qu’un
sentiment d’inégalité chez les victimes,
et un défaut de prévisibilité pour les
assureurs.
De même, en ce qui concerne les modalités
de calcul des réserves techniques pour les
préjudices futurs, qui représentent une part
prépondérante du coût total de l’indemnisation, nous constatons que l’évolution du
Taux Moyen d’Emprunt d’État (TME) n’est
pas nécessairement corrélée à celle du coût
moyen des indemnisations des dommages
corporels les plus lourds : nous remarquons
une majoration de 26 points du coût du
corporel grave en 2011 par rapport à 2010,
alors que le TME a connu une variation de
seulement 4 points. Ceci résulte des nouvelles modalités de l’arrêté du 23 décembre
2010 qui prend pour base de calcul l’évolution de ce taux sur les 24 derniers mois.
Si l’évolution du TME constitue une cause
de dérives, d’autres facteurs nous semblent
entrer en jeu.
2 - SCOR Global P&C - Newsletter technique
C’est sous l’action des demandes d’indemnisation toujours plus importantes que
le pouvoir souverain d’appréciation des
magistrats s’est librement exercé, créant des
disparités de traitement dans le temps et
bien sûr dans l’espace entre les cours d’appel. Conscientes de cette situation, certaines
d’entre elles ont harmonisé leurs règles afin
de construire un référentiel commun.
Au global, cette approche n’a pas modifié la
tendance inflationniste, puisque les valeurs
les plus hautes ont été retenues au fur et à
mesure de l’intégration progressive de nouvelles cours au sein de cet outil commun. Il
nous reste à souhaiter la mise au point d’un
référentiel national en vue d’une diminution
de la volatilité et d’une meilleure prévisibilité
pour tous les acteurs, et d’une égalité de
traitement pour les victimes.
Pour l’heure, nous vous proposons d’analyser
plus précisément certains postes de préjudice
clés à partir de notre base des sinistres liquidés sur le marché français.
Une situation différente
selon les marchés
En Italie, un référentiel commun
jurisprudentiel s’est progressivement
mis en place en l’absence de loi.
Après plusieurs décisions rendues
par la Cour Suprême italienne,
toutes les juridictions ont commencé
à suivre le référentiel mis au point
par le tribunal de Milan. Un projet de
loi visant à établir un outil commun
reste toujours en attente.
En Espagne, un barème
d’indemnisation a été mis en place
au niveau national dès 1995.
Auparavant, l’Espagne rencontrait
les mêmes problèmes que la France
aujourd’hui : dérive du coût global
des indemnisations des dommages
corporels lourds, et inégalité des
victimes face à la diversité des
critères d’indemnisation utilisés
par les juridictions espagnoles.
Le « Baremo » a permis d’apporter
de la prévisibilité, et de renforcer
l’égalité dans l’évaluation du
corporel.
En Belgique, un tableau indicatif
a vu le jour dès 1994, résultat d’un
compromis entre les magistrats
et les assureurs, à défaut d’initiative
parlementaire. Il est mis à jour
régulièrement.
Ventilation des postes de préjudice indemnisés en 2010/2011
Assistance Tierce Personne (A.T.P.)
0,95 % 1,16 %
2,67 %
Assistance 4,47 %
3,91 %
Tierce
7,32 %
Personne
53,74 %
9,36 %
16,41 %
De façon générale, nous observons que le
recours à l’aide humaine reste privilégié à la
situation de placement. Dans un contexte
d’augmentation continue de la charge des
sinistres corporels les plus graves, l’Assistance
Tierce Personne représente pratiquement
54 % du coût global d’indemnisation.
Nous constatons une augmentation des
coûts horaires. À cet égard, la Cour de
cassation a rappelé avec fermeté que l’indemnisation de la tierce personne ne saurait
être réduite en cas d’assistance familiale1, et
continue d’écarter l’application d’un taux
horaire différencié selon que l’aide humaine
est prodiguée par un membre de la famille de
la victime ou par un professionnel2.
La majoration du nombre d’heures d’assistance allouées aux victimes se poursuit, y
compris au-delà des 24 heures par jour pour
les situations les plus lourdes. Parfois, faute
d’indication au moment du règlement sur
le nombre d’heures convenues et les coûts
horaires correspondants, il devient extrêmement difficile de justifier des années après,
ce qui avait été convenu de toute bonne foi.
Pour cela, nous ne pouvons que recommander de détailler le calcul indemnitaire lors de
l’élaboration des protocoles transactionnels
consécutifs à un accord amiable. Un outil
d’aide au calcul des besoins en aide humaine
permettrait très certainement d’éviter les
situations de contentieux survenant à l’occasion de demandes de réouverture pour
aggravation.
1
2
Cass. 2è Civ., 4 octobre 2012, n° 11-24.789
Cass. 2è Civ., 22 novembre 2012, n° 11-25494
Une situation différente
1,16 %
0,95 %
4,47 %
Frais de logement
et de véhicule adapté
2,67 %
3,91 %
7,32 %
9,36 %
53,74 %
16,41 %
Frais Divers
0,82 %
0,95 %
A.T.P.T.
1,16 %
3,65 %
2,67 %
3,91 %
7,32 %
9,36 %
53,74 %
16,41 %
Pertes de Gains Professionnels
Actuels (P.G.P.A.)
Préjudices des victimes indirectes
Frais de Véhicules Adaptés (F.V.A.)
et Frais de Logements Adaptés (F.L.A.)
En Suisse, le poste de préjudice Assistance Tierce Personne cohabite avec la notion
de préjudice ménager, qui désigne l’incapacité à effectuer les tâches domestiques
de son foyer. L’évaluation de ce préjudice se fait sous la forme de tests standardisés,
sous le contrôle d’un médecin, qui permettent de déterminer ce que la victime est
toujours capable de faire. Les résultats de ces tests sont ensuite validés par une visite
au domicile de la victime.
Frais de logement et de véhicule adapté (F.L.A. et F.V.A.)
Les frais d’aménagements du logement et
du véhicule représentent 2,7 % du coût total
des indemnisations des corporels graves en
2010-2011. On observe une augmentation
de ce poste de l’ordre de 21 % depuis notre
dernière étude publiée en juillet 2012. Une
fois encore, nous remarquons que le bénéfice
des aides techniques et des aménagements
n’a pas réduit la part dédiée à l’aide humaine.
Très souvent, nous constatons que la liquidation de ce poste intervient ultérieurement à
l’expertise médicale qui permet de fixer les
besoins en tierce personne. Faute d’une
analyse globale, le principe de la réparation
intégrale n’est pas respecté.
Frais Divers (F.D.)
Hors Assistance Tierce Personne Temporaire,
les Frais Divers ne représentent que 0,8%
du coût total des indemnisations des dommages corporels lourds en 2010-2011,
contre 1,1 % en 2009-2010. Ils restent
quasiment stables par rapport aux années
précédentes.
En revanche, en tenant compte des effets de
la nomenclature DINTHILAC, on constate que
Préjudices extrapatrimoniaux
Déficit Fonctionnel Permanent (D.F.P.)
Pertes de Gains Professionnels
et Futurs (P.G.P.F.) et Incidence
Professionnelle (I.P.)
ce poste s’est alourdi avec le rattachement
des frais liés à l’aide humaine nécessaire
jusqu’à la consolidation des blessures.
L’Assistance Tierce Personne Temporaire
représente plus de 80 % du total des
frais divers. Les effets de la Nomenclature
semblent ancrés dans notre environnement
juridique.
Dépenses de Santé Actuelles
et Futures (D.S.A.F.)
Assistance Tierce Personne (A.T.P.)
Frais Divers (F.D.)
Assistance Tierce Personne
Temporaire (A.T.P.T.)
SCOR Global P&C - Newsletter technique - 3
Dépenses de Santé Actuelles et Futures (D.S.A. et D.S.F.)
0,95 %
4,47 %
En 2010-2011, les dépenses de santé enregistrent une hausse. Cette augmentation est relativement équilibrée entre les Dépenses de Santé Actuelles et les Dépenses de Santé Futures,
comme l’illustre le tableau ci-dessous :
1,16 %
2,67 %
3,91 %
7,32 %
2009-2010
19,36 %
Dépenses
de Santé
Futures
8,72 %
ì + 15,32 %
16,41 %
Dépenses de Santé Actuelles
6,72 %
ì + 14,43 %
7,69 %
Dépenses de Santé Futures
7,51 %
ì + 16,11 %
8,72 %
Il est intéressant de noter cette tendance au
moment même où l’on observe au niveau
national un ralentissement de la progression des dépenses courantes de santé,
et ce depuis 2007. En effet, les Comptes
de la Santé publiés en 2011 par la DREES
(Direction de la Recherche, des Études, de
l’Évaluation et des Statistiques) révèlent une
53,74 %
2010-2011
14,23 %
Dépenses de Santé Actuelles et Futures
Dépenses
de Santé
Actuelles
7,69 %
Variation
hausse de seulement 2,7 % entre 2010 et
2011, contre une augmentation de 4,3 %
entre 2006 et 2007.
Malgré les contraintes budgétaires pesant
sur le fonctionnement des établissements
hospitaliers, il existe très certainement une
meilleure prise en charge des victimes gravement atteintes.
Perte de Gains Professionnels Futurs et Incidence Professionnelle
(P.G.P.F. et I.P.)
0,95 %
4,47 %
53,74 %
1,16 %
2,67 %
3,91 %
7,32 %
P.G.P.F.
9%
I.P.
0,36 %
16,41 %
La part de l’Incidence Professionnelle est très
faible comparée à celle des Pertes de Gains
Professionnels Futurs.
L’indemnisation forfaitaire que permet l’I.P.
est de plus en plus délaissée par les juges et
les régleurs pour les dossiers les plus lourds,
au profit d’une indemnisation au titre des
P.G.P.F., calculés mathématiquement.
Ces dernières pourraient d’ailleurs augmenter
si une indemnisation de ce poste de préjudice
sous forme de rente venait à se généraliser.
Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui,
puisque nous observons à partir de notre base
de liquidation que les P.G.P.F. sont liquidées
en rente dans moins de 30 % des cas, et en
capital dans plus de 70 % des cas.
Par ailleurs, il subsiste encore le problème de
la prise en compte des accessoires du salaire,
dont on peut penser qu’ils feront l’objet d’un
contentieux à venir.
Une situation différente
En Autriche, comme en Suisse et en Allemagne, la réinsertion socio-professionnelle
des victimes fait partie intégrante de la réparation du préjudice. Elle peut s’effectuer
de différentes manières, soit en aménageant l’emploi occupé, soit en offrant des
formations qui permettront à la victime d’effectuer un travail plus adapté à son
handicap. Ce sont généralement les organismes de sécurité sociale qui ont l’obligation
de mettre en place ces mesures de réhabilitation professionnelle.
Pertes de Gains Professionnels
Actuels (P.G.P.A.)
Déficit Fonctionnel Permanent
(D.F.P.)
Assistance Tierce Personne (A.T.P.)
Dépenses de Santé Futures (D.S.F.)
Source : SCOR Global P&C
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Préjudices des victimes indirectes
Pertes de Gains Professionnels
et Futurs (P.G.P.F.)
Assistance Tierce Personne
Temporaire (A.T.P.T.)
Frais de Véhicules Adaptés (F.V.A.)
et Frais de Logements Adaptés (F.L.A.)
Préjudices extrapatrimoniaux
Incidence Professionnelle (I.P.)
Dépenses de Santé Actuelles
et Futures (D.S.A.F.)
Frais Divers (F.D.)
Dépenses de Santé Actuelles
(D.S.A.)
Déficit Fonctionnel Permanent (D.F.P.)
0,95 %
4,47 %
53,74 %
1,16 %
2,67 %
3,91 %
Déficit
Fonctionnel
Permanent
7,32 %
9,36 %
Dans un contexte d’augmentation des coûts d’indemnisation, la part consacrée au Déficit
Fonctionnel Permanent est restée quasiment identique entre 2008 et 2011. Comme l’illustre
le graphique ci-dessous, nous sommes certainement parvenus à un palier.
20,60 %
11,40 %
9,75 %
7,68 %
7,48 %
7,32 %
2008/2009
2009/2010
2010/2011
16,41 %
2005/2006
2006/2007
2007/2008
Après avoir analysé les coûts d’indemnisation des victimes des dommages corporels les plus lourds enregistrés sur le marché français, il
nous semble utile de les confronter à ceux de huit autres pays économiquement comparables en Europe.
Des niveaux d’indemnisation hétérogènes selon les marchés
Blessé tétraplégique âgé de 30 ans (Base 2010-2011)
Au regard de ce graphique classé par ordre
croissant, nous notons une importante disparité dans les niveaux d’indemnisation.
Il apparaît que l’harmonisation en matière
d’indemnisation des dommages corporels
lourds est loin d’être atteinte, notamment
du fait de régimes juridiques différents.
Par exemple, les organismes sociaux n’ont
pas ou peu de recours contre l’assureur qui
indemnise la victime dans les pays où le coût
de l’indemnisation est le plus faible, comme
ni
eU
ce
ya
um
le
m
Fr
an
Ro
ag
ne
e
ss
Al
Su
i
e
Au
tri
ch
ue
Be
lg
iq
Ita
lie
e
Es
pa
gn
Ba
s
1100
1000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
Pa
ys
-
Nous vous proposons de prendre comme
élément de comparaison un homme tétraplégique âgé de 30 ans, dont la capacité de
gain est équivalente aux revenus moyens de
chaque pays. L’indemnisation des traumatisés crâniens et des paraplégiques s’avère
trop volatile : elle reste trop sensible à
l’importance des séquelles et à la capacité
de la victime à retrouver ou non une activité
professionnelle.
Le coût de l’indemnisation aux Pays-Bas, qui
est le plus faible parmi les neuf pays étudiés,
constitue l’indice 100.
les Pays-Bas ou l’Espagne. En Autriche, en
Suisse et en Allemagne, la gestion de la réinsertion professionnelle par les organismes
sociaux réduit le coût des Pertes de Gains
Professionnels Futurs. Quant au RoyaumeUni, il faut noter que la charge totale est
alourdie par la prise en compte de l’ensemble
des frais de procédure et honoraires. Sur ce
marché, le développement du règlement en
rente contribue aussi à alourdir les coûts à la
charge des assureurs.
SCOR Global P&C - Newsletter technique - 5
Le règlement sous forme de rente constitue d’ailleurs une autre illustration des disparités entre les différents marchés. En effet, tous ne l’ont
pas adopté, comme le montre le tableau ci-desous :
Modes de règlement selon les postes de préjudice dans les différents marchés européens en 2013
Paiement
en Capital
Allemagne
Autriche
Belgique
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Préjudice
extrapatrimoniaux
- Dépenses de
santé (soins +
appareillage)
- Dépenses de
santé (soins +
appareillage)
- Préjudice
ménager
- Pertes
de gains5
professionnels
- Pertes
de gains
professionnels
- Assistance
Tierce
Personne4
- Assistance
Tierce
Personne
- Frais
d’adaptation
du logement
et du véhicule
- Frais
d’adaptation
du logement
et du véhicule
- Pertes
de gains
professionnels
- Assistance
Tierce
Personne
Espagne
- Préjudices
patrimoniaux
(incluant la
perte de gains
professionnels)
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Dépenses
de santé
- Assistance
Tierce
Personne
France
- Dépenses
de santé
- Frais divers
- Pertes
de gains
professionnels
- Frais
d’adaptation
du logement
et du véhicule
- Déficit
Fonctionnel
temporaire
et Permanent
Italie
Pays-Bas
R.-U
- Préjudices
extrapatrimoniaux
(« Danno
Biologico »)
- Préjudices
patrimoniaux
(incluant la
perte de gains
professionnels)
- Préjudices
patrimoniaux
(incluant la
perte de gains
professionnels)
- Assistance
Tierce
Personne
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Frais d’avocat - Dépenses
et d’expertise de santé
- Dépenses
de santé
- Assistance
Tierce
Personne
- Dépenses
de santé
- Assistance
Tierce
Personne
- Préjudices
extrapatrimoniaux
Suisse3
- Préjudices
extrapatrimoniaux
- Dépenses
de santé
(soins +
appareillage)
- Perte
de gains
professionnels
+ perte
de retraite
- Assistance
Tierce
Personne
- Préjudice
ménager
Paiement
en Rente
- Préjudices
patrimoniaux
- Assistance
Tierce
Personne (très
rarement)
- Dépenses de
Santé Futures
- Assistance
Tierce
Personne
- Perte de
gains
professionnels
futures (moins
fréquent)
- Assistance
Tierce
Personne
- « Case
Management »
- Perte de
gains
professionnels
(moins
fréquent)
3
En Suisse, le paiement en rente est possible mais très rare. Habituellement, les indemnités sont versées en capital, ou payées au fur et à mesure (par exemple les dépenses de santé ou
l’assistance tierce personne).
4
Dans la plupart des cas les préjudices extrapatrimoniaux sont réglés en capital. En vertu de plusieurs décisions de la Cour Suprême, il est possible de combiner un règlement en capital
avec un règlement en rente. Cependant de tels cas sont rares et impliquent des séquelles des plus sérieuses et la demande explicite de la victime d’un règlement en rente.
5
La règle générale est le règlement en rente (§843 du bürgerliches Gesetzbuch - BGB). Cependant, dans la plupart des cas, les parties se mettent d’accord pour un règlement en capital.
Typiquement, les pertes de gains seront versées en rente à la victime pendant 3 à 8 ans (jusqu’à ce que la situation de la victime se stabilise) puis sont versées en capital en ce qui concerne
les pertes de gains professionnels futures. En principe, pour l’Assistance Tierce Personne, la situation est similaire, mais les accords définitifs sur une somme versée en capital deviennent
moins fréquents. En raison de la crise financière, et des faibles taux d’intérêt, un changement des pratiques, et donc une utilisation plus fréquente des règlements en rente, semble possible. Dans environ 80-90% des cas de dommages corporels lourds, le règlement définitif intervient dans une période de 10 à 12 ans suivant le sinistre. Dans 10 à 20 % des cas, les parties
ne s’accordent jamais sur un règlement définitif, ce qui conduit à un règlement en rente.
Ce mode de règlement est largement utilisé
en France, et commence à se développer
au Royaume-Uni. Il demeure marginal sur
les autres marchés, alors qu’il présente
un intérêt indéniable pour les victimes en
période d’incertitude économique : le risque
relatif à l’efficience des placements n’est pas
supporté par le bénéficiaire de l’indemnité.
Face à ces disparités, les sujets de préoccupation en matière d’indemnisation du
dommage corporel diffèrent nécessairement
selon les marchés.
6 - SCOR Global P&C - Newsletter technique
Regards croisés sur les problématiques actuelles de l’indemnisation en Europe
Hans-Ulrick Finck (Cologne) :
En Allemagne, aucun droit à réparation
n’est reconnu pour le préjudice moral des
proches d’une victime décédée dans un
accident de la route, sauf dans quelques cas
exceptionnels.
Cependant, le Ministère de la Justice
bavarois a initié en 2012 un projet de loi
visant à indemniser le préjudice moral des
époux, partenaires, parents ou enfants des
victimes décédées suite à un accident de la
circulation. La mise en œuvre de ce projet
pourrait aboutir à une augmentation des coûts
d’indemnisation de l’ordre de 900 millions €
pour les assureurs, alors que les coûts
d’indemnisation en Allemagne sont déjà
parmi les plus élevés d’Europe. Une hausse
des primes serait alors à prévoir.
Bien que ce projet soit actuellement
suspendu, la discussion reste ouverte,
notamment quant à l’élargissement de l’indemnisation du préjudice moral au bénéfice
des proches des victimes les plus lourdement
atteintes.
Beate Quast (Zurich) :
En Autriche, les organismes de sécurité
sociale ont l’obligation de fournir des services
de réinsertion professionnelle aux victimes
d’accidents corporels depuis 1956.
La victime doit pour cela s’adresser à l’organisme d’assurance accidents obligatoire, ou
à l’assurance retraite, ou encore à l’Office
Fédéral des Assurances Sociales. Malgré le
contexte économique actuel, l’Etat poursuit
ces programmes de réhabilitation socioprofessionnelle, permettant ainsi aux
victimes de réintégrer une vie sociale.
Isabelle Tanre (Paris) :
En Belgique, la sixième version du tableau
indicatif mis en place en 1994 a été publiée
à la fin de l’année 2012. Ce nouveau barème
a été élaboré par une commission exclusivement composée de magistrats, comme un
outil non contraignant, venant en soutien du
juge dans l’évaluation du dommage.
La commission a élaboré une nouvelle
mission d’expertise dont la finalité est
d’obtenir un descriptif séquellaire plus précis
pour permettre une indemnisation plus
équitable.
La mise en place de ce nouveau barème
a entraîné une minoration du coût des
dossiers dont les victimes présentent un
taux d’invalidité inférieur à 6 % mais une
augmentation des plus lourds, notamment
en raison du changement du taux de
capitalisation. De même, l’augmentation
du nombre des recours de l’agence pour
les personnes handicapées (VAPH - Vlaams
Agentschap voor Personen met een
Handicap) en remboursement des frais de
placement est un facteur de dérives.
José Marquez Ruiz (Madrid) :
En Espagne, une réforme du barème
national est attendue pour cette année, de
façon à suivre au plus près les évolutions
économiques actuelles. Elle se concentrera
sur l’indemnisation des besoins futurs
des victimes de dommages corporels
lourds, notamment les traumatisés
crâniens. L’évaluation des Pertes de Gains
Professionnels Futurs pourrait aussi être
modifiée, en s’inspirant du modèle des tables
d’Ogden utilisées au Royaume Uni.
Tous les acteurs du secteur sont d’accord sur
le principe de la réforme du barème national.
C’est pourquoi la Direction Générale des
Assurances et des Fonds de Pension (DGSFP)
a décidé d’avancer au mois de juillet 2013
la date de remise du rapport établi par un
comité d’experts sur la modification du
système actuel d’évaluation.
François Blanchet (Paris) :
En France, deux problématiques récentes
ont et auront encore des effets inflationnistes
sur la charge sinistre :
• Pour les accidents survenus depuis le
1er janvier 2013, la revalorisation des rentes
indemnitaires versées suite à un accident
de la circulation est transférée à la charge
des assureurs, en lieu et place d’un Fonds
dédié.
• A la suite d’un premier arrêté du
27 décembre 2011, actualisé par un arrêté
du 29 janvier 2013, une nouvelle table de
capitalisation a été officialisée pour le calcul
des créances des organismes sociaux au
titre des prestations futures. Il s’agit d’une
table TH/TF 2000-2002 et d’un taux fixé à
2,97 % pour 2013.
Stefano Lassa (Milan) :
En Italie, au titre de la Responsabilité Civile
automobile, la couverture minimum est
maintenant limitée à 5 millions € par évènement pour les dommages corporels et à
1 million € pour les dommages matériels
suite à la 5ème directive européenne sur
l’automobile.
La réparation des dommages extrapatrimoniaux des victimes dont le taux d’incapacité
est inférieur à 9 % est encadrée par une
loi qui détermine chaque année le prix du
point d’incapacité. Le système est globalement bien maîtrisé, même si une flexibilité
très limitée accordée aux juges permet de
faire varier légèrement les sommes finales
accordées.
En ce qui concerne les victimes dont le taux
d’incapacité est supérieur à 9%, les règles
d’indemnisation de leurs dommages extrapatrimoniaux relèvent toujours du pouvoir
souverain des juges.
Au titre de la Responsabilité Civile médicale,
une loi a été adoptée en novembre 2012. Elle
impose à présent une obligation d’assurance
à tous les médecins, et modifie la charge de
la preuve : dès lors qu’un médecin, en cas
de dommage corporel, justifie du respect du
code de bonnes pratiques mis en place par
l’hôpital, la charge de la preuve du lien de
causalité repose sur la victime. Cette réforme
est susceptible de modifier le contentieux
actuel.
Pascal Cornet (Paris) :
Aux Pays-Bas, la couverture en matière
d’assurance de Responsabilité Civile Auto
obligatoire est fixée aux minima de la
5e directive européenne sur l’automobile, soit
5,6 millions € pour les dommages corporels
après indexation à l’indice européen des prix
à la consommation.
Le droit de l’indemnisation du dommage
corporel n’a pas connu d’évolution significative récente. Les montants des indemnités
allouées demeurent par ailleurs relativement
stables.
Les intervenants dans le domaine de l’indemnisation du dommage corporel ont adhéré
à une charte de bonne conduite dans la
gestion des dossiers sinistres qui pose le principe d’une gestion rapide, en privilégiant les
règlements amiables.
Enfin, dans un pays où les organismes étatiques de sécurité sociale prennent en charge
une grande partie des dommages sans
recours direct contre le tiers responsable,
le projet visant à réduire les prestations,
notamment la loi sur les dépenses médicales
exceptionnelles couvrant les frais de soins et
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de tierce personne (ABWZ), laisse planer le
risque d’une prise en charge par l’assureur
du tiers responsable des frais exposés directement par la victime.
Stuart Lomax (Londres) :
Au Royaume-Uni, la question de la
méthode de règlement des indemnités aux
victimes des accidents corporels graves est
au centre des préoccupations des assureurs
et des réassureurs.
En 2003, alors que les assureurs privilégiaient
le règlement en capital, la loi a donné aux
juges la possibilité d’imposer le règlement en
rente (Periodical Payment Order). Mais c’est
surtout depuis l’arrêt d’appel Thompstone
vs Tameside rendu en 2008 que ce mode de
règlement s’est développé, en utilisant une
nouvelle méthode d’indexation, différente de
celle prescrite par la loi de 2003.
Le taux de capitalisation, fixé à 2,5 % depuis
2001, est vivement critiqué par les associations de victimes : elles considèrent qu’avec
la crise économique, celui-ci est dorénavant
trop élevé pour satisfaire pleinement le
principe de la réparation intégrale. Dans ce
contexte, le Ministère de la Justice a décidé
de consulter le marché, notamment sur la
méthode de fixation du taux de capitalisation, son application et sur la question de
savoir si le règlement en rente doit continuer
à être favorisé.
Viviane Le Dantec-Fuhrmann
(Zurich) :
En Suisse, la notion de préjudice ménager
fait l’objet d’importantes discussions. Elle a
ainsi été au cœur des débats lors du dernier Forum de l’Indemnisation du Préjudice
Corporel organisé en janvier 2013.
L’évaluation de ce préjudice implique la détermination de l’activité ménagère qu’aurait
effectuée la victime si elle avait été valide.
Ceci est rendu possible grâce aux tables ESPA
(Enquête Suisse sur la Population Active), qui
ont été mises à jour en 2010 et qui regroupent
les statistiques sur l’activité ménagère d’un
échantillon de 25 000 habitants.
Le préjudice ménager représente environ
20 % du coût total d’indemnisation pour
les victimes de dommages corporels lourds.
Très souvent, on indemnise aussi une aide
humaine en complément de ce préjudice.
Il faut noter que plus l’aide humaine sera
élevée, plus le préjudice ménager sera réduit,
voire inexistant, puisque les activités ménagères seront alors effectuées par la tierce
personne.
Conclusion
Nous souhaitions analyser l’indemnisation des dommages corporels lourds
observée en 2010-2011 en France à la
lumière de l’actualité observée dans les
pays voisins. Il existe des préoccupations
communes, telles que l’évaluation de l’aide
humaine, l’existence et l’actualisation de
référentiels indemnitaires, ainsi que la revalorisation des tables de capitalisation.
Idéalement, une harmonisation européenne
du droit de l’indemnisation du dommage
corporel devrait retenir les meilleures règles
d’évaluation et d’indemnisation des différents pays européens. A cette fin, nous
devrions mettre en place une méthode
unifiée pour l’évaluation médicale et le
calcul indemnitaire. De même, l’accompagnement de la victime dans sa réintégration
socio-professionnelle devrait devenir la
norme.
En effet, le sort des victimes et des (ré)assureurs est intimement lié. C’est pourquoi nous
nous devons de trouver des règles qui offrent
davantage d’efficacité pour tous.
Jean-Marc Houisse
José Marquez Ruiz
Stuart Lomax
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[email protected]
Hans-Ulrick Finck
François Blanchet
Vivane Le Dantec-Fuhrmann
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Beate Quast
Stefano Lassa
Pauline Demarez
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Isabelle Tanré
Pascal Cornet
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Conception et création :
- (06/2013).