Vers un allégement de l`obligation de reclassement du salarié

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Vers un allégement de l`obligation de reclassement du salarié
DECEMBRE 2016
DROIT SOCIAL FOCUS
Vers un allégement de l’obligation de reclassement du salarié
inapte : la prise en compte des souhaits du salarié par l’employeur
L
orsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin
du travail, l’employeur est tenu de tenter de le
reclasser. Cette obligation est d’ordre public, en ce
sens qu’aucune dérogation n’est possible.
La loi du 8 août 2016 a entrepris une profonde réforme de
l’inaptitude dans le but de sécuriser la procédure de
reclassement du salarié inapte et son éventuel
licenciement. Dans certains cas désormais, l’employeur
n’a plus à tenter de reclasser le salarié inapte.
En effet, à compter du 1er janvier 2017 lorsque le médecin
du travail indiquera expressément dans l’avis d’inaptitude
que tout maintien du salarié dans un emploi serait
gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé
de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement, l’employeur
sera désormais dispensé d’effectuer des recherches de
reclassement préalablement au licencie-ment du salarié
inapte. Cette dispense, déjà applicable aux salariés en CDI
et victimes d’un AT-MP, a donc été étendue par la loi du
8 août 2016 quelle que soit l’origine de l’inaptitude et quelle
que soit la durée du contrat de travail.
Dans certains cas, l’employeur peut restreindre le
périmètre de l’obligation du reclassement.
Rappelons que le reclassement du salarié doit être
recherché parmi les emplois disponibles au sein de
l’entreprise et des entreprises du groupe dont
l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation
permettent, en raison des relations qui existent entre elles,
d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel
(Cass. soc. 9-7-2008, n° 07-40.319).
Dans deux arrêts rendus le 23 novembre 2016, la Cour de
cassation est venue préciser que, dans le cadre de ses
DROIT SOCIAL
JACQUES PEROTTO A S S O C I É
JEAN-CHRISTOPHE BRUN A V O C A T
BENOÎT DEHAENE A V O C A T
ARIELLE DUCHÈNE A V O C A T
BÉRENGÈRE MURIGNEUX A V O C A T
ANAÏS EDET A V O C A T
recherches de reclassement, l’employeur pouvait « tenir
compte de la position prise par le salarié » (Cass. soc. 23-112016, n° 15-18.092 et n° 14-26.398).
Partant, la Cour considère qu’a satisfait à son obligation de
reclassement, l’employeur n’ayant pas étendu au niveau
européen les recherches de reclassement de salariés ayant
refusé des postes trop éloignés de leur domicile.
Nouvellement définie par la Cour de cassation, cette règle
a déjà été retenue par le passé par le Conseil d’Etat dans
une affaire intéressant le licenciement pour inaptitude
d’un salarié protégé (Conseil d’Etat, 30 mai 2016, n°387338).
Ces jurisprudences constituent-elles pour autant un réel
allégement de l’obligation de reclassement ?
Cette précision des Hautes juridictions constitue une
véritable nouveauté concernant le périmètre de
reclassement en ce qu’elle permet de tenir compte des
souhaits exprimés par un salarié inapte quant à son
éventuel reclassement.
Ces arrêts ne valident cependant pas la possibilité
d’interroger au préalable les salariés déclarés inaptes sur
leurs souhaits quant aux offres de reclassement qui
pourraient leur être proposées et ainsi limiter les
investigations de l’employeur aux seuls postes susceptibles
de répondre aux attentes des salariés.
Notre recommandation est donc de rester prudent dans le
cadre du reclassement et d’éviter toute prise d’initiative de
l’employeur consistant à interroger expressément un
salarié inapte quant à ses souhaits de reclassement,
à l’instar de ce qu’il se fait en matière de licenciement pour
motif économique.
PIERRE WINDAL J U R I S T E
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