Près de Moscou, Kostroma surfe sur la réorientation du tourisme

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Près de Moscou, Kostroma surfe sur la réorientation du tourisme
Près de Moscou, Kostroma surfe sur la réorientation du tourisme russe
9 octobre 2015/ETIENNE BOUCHE
Conséquence de la crise économique, les Russes de la classe moyenne se replient sur des destinations
touristiques nationales, notamment sur les villes du sud – Sotchi, Guelendjik ou Mineralnye Vody (Caucase).
Les effets de cette réorientation sont également perceptibles à Kostroma. Située à 300 kilomètres au sud-est de
Moscou, le berceau de la dynastie des Romanov entend devenir une destination de premier plan en Russie.
Vue du monastère Ipatiev de Kostroma. Crédit : Vladimir Smirnov/TASS
Au restaurant de l’hôtel Old Street, établissement haut de gamme du centre-ville, Olga Fedotova lève son verre,
adressant un mot aimable à ses hôtes, une vingtaine de professionnels du tourisme venus de Moscou.
Employée au département culturel de la municipalité, elle assure pendant deux jours la promotion de Kostroma
– découverte du patrimoine culturel, excursions, visite des infrastructures hôtelières. Si la ville a toujours
intéressé les touristes, russes comme étrangers, elle a connu cette année une fréquentation particulièrement
élevée. « Jusqu’à présent, notre croissance s’élevait à 3 ou 4%, cette année elle a atteint 9%. Différents sites
spécialisés comme TripAdvisor nous placent désormais parmi les dix villes russes les plus fréquentées », se
félicite Olga Fedotova. Ville historique de l’Anneau d’or, au bord de la Volga, Kostroma ne manque pas d’attrait
même si elle est souvent associée à l’image d’Epinal de la province russe – belle et déprimante à la
fois. « J’étais venue il y a très longtemps, et la ville a beaucoup changé », remarque Elena Tarassova,
représentante d’un tour-opérateur. « Le centre a été rénové et les sites historiques sont devenus bien plus
présentables ».
Derrière le monastère Ipatiev, le site incontournable de la ville, Sergueï Piliak commence chacune de ses
interventions par un affable « Chers visiteurs ». Le souriant directeur du Musée d’architecture et d’ethnographie
– une reconstitution en plein air d’un village de bois typique – a de quoi être enthousiaste : « Entre 2009 et
aujourd’hui, la fréquentation de notre musée a été multipliée par quatre. Kostroma a un fort potentiel
touristique, nous avons des choses à montrer et nous savons comment le faire. Et puis la proximité avec la
capitale est un atout non négligeable. » Une tendance qui s’est accentuée depuis un an et demi : victimes
collatérales des turbulences diplomatiques isolant Moscou, les touristes russes délaissent massivement les
destinations européennes. Trop chères. Jusqu’à présent, Dmitri Grigoriev proposait à ses clients des tournées
en autocar à travers l’Europe – l’étape reine étant, pour cet ardent francophile, Paris. Il est aujourd’hui contraint
de revoir son offre.« Le rouble s’est effondré. Désormais, une visite au Louvre coûte quasiment mille roubles !
Même chose pour monter au sommet de la tour Montparnasse, déjeuner au restaurant… Se tourner vers le
tourisme intérieur, c’est aujourd’hui une nécessité. Ca rapporte moins, mais il faut bien vivre ! » Ces derniers
mois, nombreuses sont les agences de voyage ayant dû mettre la clé sous la porte, et les grosses structures
n’ont pas été épargnées.
Un habitant de Kostroma sur le balcon de sa maison. Vladimir Smirnov/TASS
Pour les tour-opérateurs, l’objectif est de proposer une offre russe susceptible de capter ces touristes au
pouvoir d’achat érodé. Et le fief de Sniegourotchka (la fille du père Noël russe, ndlr) espère bien tirer profit de ce
contexte économique morose. A écouter Svetlana Oukhina, responsable du développement touristique de la
ville, les premiers fruits ont été récoltés cet été : fait rare, les hôtels affichaient complet. A Molodiojni, localité au
sud de Kostroma, elle présente fièrement à ses invités le clou du séjour :
L’Aristokrat, « grand hôtel » ouvert il y a deux mois sur l’emplacement d’un sanatorium décati. Son titre annonce
la couleur : belvédère sur la Volga, piscine géante, salle de restaurant – kitsch – inspirée de Tsarskoïe Selo, le
palais de Catherine II. Une adresse de luxe pour Moscovites au portefeuille dégarni. De nouvelles possibilités
d’hébergement ont permis, selon Svetlana Oukhina, d’attirer de nouveaux visiteurs ces dernières années. Une
auberge de jeunesse s’apprête à ouvrir ses portes dans le centre. «J’observe un certain intérêt pour le tourisme
intérieur, ce qui n’était pas le cas avant. C’est une tendance encouragée par le pouvoir qui a lancé de nombreux
portails touristiques », indique Tatiana Valiaeva, qui vend depuis longtemps des séjours en Russie.
A l’image de la politique de substitution des produits agroalimentaires, les autorités russes semblent espérer
une réorientation durable qui donnerait un coup de pouce au développement des infrastructures. Aujourd’hui,
Tatiana Valiaeva doit faire face à la concurrence. Mais sur l’essor du tourisme intérieur, elle se montre
prudente : les perspectives restent limitées. «Le pays traverse une période de récession, le marché est figé.
Heureusement, nous avons fidélisé nos clients, ce qui permet pour le moment d’échapper à la crise.»

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