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Le syllogisme C-1 LE SYLLOGISME ANDRÉ ROSS INTRODUCTION Dans le Timée, Platon prétend qu’il n’est nul besoin d’autres preuves que la vraisemblance puisque c’est par la réminiscence que l’on parvient aux Idées. Aristote ne partage pas cette conception de la Connaissance. Pour lui, la vraisemblance ne suffit pas. La connaissance se construit par le raisonnement, il distingue le raisonnement inductif et le raisonnement déductif. Par ces raisonnements, on parvient à une représentation mentale du réel, représentation qui se traduit dans le langage par les termes, les propositions et l’argumentation. Dans son approche, la science est une adéquation entre le réel, la pensée et le langage. C’est la construction d’une représentation mentale et verbale du réel, ou la transposition du réel dans la pensée et le langage. Pour construire cette représentation, il établit les fondements de la logique déductive. Nous verrons ces fondements, en utilisant des formulations modernes. Dans l’optique de la logique moderne, le terme sujet et le terme attribut désignent des classes. Une classe étant un ensemble d’individus ou d’objets ayant un ou des caractères communs. Ainsi, dans les propositions données en exemple, on a deux classes, celle des carrés et celle des losanges. Les carrés sont des quadrilatères dont les angles sont droits et dont les côtés sont égaux. Les caractères communs sont : figure quadrilatère, angles droits et côtés égaux. Les losanges sont des quadrilatères dont les côtés sont égaux. Les caractères communs sont : figure quadrilatère et côtés égaux. PROPOSITIONS UNIVERSELLES Universelle affirmative Dans une proposition universelle affirmative, on affirme l’inclusion de la totalité des individus de la classe sujet dans la classe attribut. La proposition suivante en est un exemple : PROPOSITIONS Tant en sciences humaines qu’en sciences de la nature, les connaissances sont transmises par des propositions et nous allons débuter notre présentation en précisant le sens que l’on donne à ce terme en logique et en mathématiques. Définition Proposition Une proposition est un énoncé comportant un sujet et un prédicat (attribut ou propriété ) relatif au sujet. Une proposition peut être universelle ou particulière, elle peut être affirmative ou négative. En voici des exemples : a) Tous les carrés sont des losanges. b) Certains losanges sont des carrés. c) Tous les losanges sont des carrés. d) Certains carrés sont des losanges. e) Aucun losange n’est un carré. f) Aucun carré n’est un losange. g) Certains carrés ne sont pas des losanges. h) Certains losanges ne sont pas des carrés. Tous les carrés sont des losanges Universelle négative Dans une proposition universelle négative, on affirme l’exclusion de la totalité des individus de la classe sujet hors de la classe attribut. La proposition suivante en est un exemple : Aucun triangle n’est un losange PROPOSITIONS PARTICULIÈRES Particulière affirmative Dans une proposition particulière affirmative, on affirme qu’il y a une partie des individus de la classe sujet qui sont inclus dans la classe attribut. La proposition suivante en est un exemple : Certains parallélogrammes sont des losanges. C-2 La logique Particulière négative THÉORIE DE L’INFÉRENCE IMMÉDIATE Dans une proposition particulière négative, on affirme qu’il y a une partie des individus de la classe sujet qui ne sont pas inclus dans la classe attribut. La proposition suivante en est un exemple : OPPOSITION DES PROPOSITIONS Certains parallélogrammes ne sont pas des losanges. PRINCIPES DU RAISONNEMENT En logique, comme en mathématiques, on reconnaît certains principes fondamentaux dans le raisonnement. Ce sont les suivants : Principe d’identité Un concept est ce qu’il est. Il en est de même du terme qui le représente. Ce principe indique qu’un concept (ou un terme) ne peut représenter à la fois plusieurs objets différents. De plus, il permet de substituer à un terme un autre terme qui lui est équivalent, dans une démonstration par exemple. Principe du tiers exclu Une proposition est soit vraie soit fausse. Ce principe indique qu’il n’y a que deux valeurs de vérité possibles. Principe de non-contradiction Une proposition ne peut être à la fois vraie et fausse. Ce principe permet, entre autre, de considérer comme fausse toute proposition qui vient en contradiction avec une proposition vraie. Ce principe est le fondement de la démonstration par l’absurde. Principe de double négation La négation d’une négation équivaut à une affirmation. La théorie de l’opposition des propositions traite des relations logiques entre les propositions portant sur les mêmes termes (sujet et attribut) mais qui diffèrent soit par la quantité, soit par la qualité ou les deux. L’inférence immédiate permet, à partir d’une proposition dont la valeur de vérité est connue, de construire d’autres propositions dont on peut, dans certains cas, déterminer directement la valeur de vérité. Cela fait partie de la démarche visant à reconstruire dans le langage toute la complexité du réel. Considérons les propositions suivantes : Universelle affirmative, A : Tous les carrés sont des losanges. Universelle négative, E : Aucun carré n’est un losange. Particulière affirmative, I : Certains carrés sont des losanges. Particulière négative, O : Certains carrés ne sont pas des losanges. Deux propositions qui diffèrent à la fois par la qualité et la quantité sont des propositions contradictoires. C’est le cas des propositions A et O qui sont contradictoires car elles différent à la fois par la qualité et la quantité. Les propositions E et I sont contradictoires pour la même raison. Deux propositions universelles qui ne diffèrent que par la qualité sont des propositions contraires. Ainsi, les propositions A et E sont contraires. Deux propositions particulières qui ne diffèrent que par la qualité sont des propositions subcontraires. Ainsi, les propositions I et O sont subcontraires. Règles de la déduction par opposition 1. Deux propositions contradictoires ne peuvent être toutes les deux vraies ou toutes les deux fausses. L’une doit être vraie et l’autre fausse. De la vérité de l’une, on peut déduire la fausseté de l’autre et réciproquement. 2. Deux propositions contraires ne peuvent être toutes les deux vraies. Elles peuvent être toutes les deux fausses Le syllogisme C-3 ou l’une des deux peut être fausse et l’autre vraie. De la vérité de l’une on peut donc déduire la fausseté de l’autre, mais de la fausseté de l’une on ne peut rien conclure à propos de l’autre. 3. Deux propositions subcontraires ne peuvent être toutes les deux fausses. Elles peuvent être toutes les deux vraies ou l’une des deux peut être vraie et l’autre fausse. De la fausseté de l’une on peut donc déduire la vérité de l’autre, mais de la vérité de l’une on ne peut rien conclure à propos de l’autre. 4. Pour les propositions subalternes, de la vérité de l’universelle on peut déduire la vérité de la particulière et de la fausseté de la particulière on peut déduire la fausseté de l’universelle. Par contre, on ne peut rien déduire de la fausseté de l’universelle et de la vérité de la particulière. Cela donne deux principes spécifiques à la déduction qui s’ajoutent aux principes du raisonnement. CONVERSION DES PROPOSITIONS La conversion d’une proposition consiste à permuter ses termes pour former une nouvelle proposition, la converse, qui est de même qualité, universelle ou particulière. Les propositions suivantes sont des propositions converses universelles : et « Tous les carrés sont des losanges.» « Tous les losanges sont des carrés.» Les propositions suivantes sont des propositions converses particulières : et « Certains carrés sont des losanges.» « Certains losanges sont des carrés.» Une proposition se convertit sans en changer la quantité lorsque l’extension du prédicat est aussi grande que celle du sujet. Considérons la proposition : Principe d’inclusion Ce qui est vrai du tout est vrai d’une partie. Principe d’exclusion Ce qui n’est vrai d’aucun n’est pas vrai d’une partie. Tous les carrés sont des parallélogrammes. Cette proposition est une universelle affirmative, sa subalterne est la particulière affirmative ayant même sujet et même prédicat, soit : Certains carrés sont des parallélogrammes. On illustre l’opposition des propositions dans un carré tel que celui de la figure suivante. CARRÉ DES OPPOSITIONS DE PROPOSITIONS CARR Axe de la qualité s re ct Co nt s Subalternes re oi ct ra di di Subalternes ra oi nt I Aucun carré n’est un parallélogramme. E Contraires Co Axe de la quantité A La proposition contraire est une universelle négative ayant même sujet et même prédicat, soit : Subcontraires O La proposition subalterne de la proposition contraire est une particulière négative ayant même sujet et même prédicat, soit : Certains carrés ne sont pas des parallélogrammes. C-4 La logique OBVERSION DES PROPOSITIONS L’obversion d’une proposition consiste à la reformuler en changeant sa qualité pour nier son prédicat. Dans ce processus la quantité demeure inchangée. L’obverse d’une universelle affirmative est une universelle négative et réciproquement. L’obverse d’une particulière affirmative est une particulière négative et réciproquement. Considérons la proposition : Tous les carrés sont des parallélogrammes. La proposition obverse est obtenue en conservant la quantité mais en niant la qualité, on obtient donc : Aucun carré n’est un parallélogramme. Considérons la proposition : Dans cet agencement de propositions, les deux premières propositions sont appelées les prémisses, elles forment l’antécédent du syllogisme, et la troisième proposition est appelée la conclusion. Le syllogisme est donc un raisonnement déductif dans lequel la conclusion est tirée de la mise en relation des prémisses. Dans les deux prémisses de cet exemple, il y a un moyen terme, homme, qui apparaît dans les deux prémisses. Le moyen terme met en relation les deux autres termes, Socrate et mortel. Dans un syllogisme, la conclusion est une relation entre deux termes qui est déduite de la relation que chacun des termes entretient avec un terme intermédiaire qui n’apparaît que dans les prémisses où il peut être sujet ou attribut. Les deux termes de la conclusion sont également présents dans les prémisses l’un dans la première et l’autre dans la seconde. Certains triangles ne sont pas équilatéraux. La proposition obverse est obtenue en conservant la quantité mais en niant la qualité, on obtient donc : Certains triangles sont équilatéraux. LE SYLLOGISME Pour Aristote, une preuve, ou un argument rationnel, est une série de propositions telles que chacune découle logiquement des précédentes dans la série selon une règle logique. Pour qu’une preuve déductive soit correcte, il faut mettre en relation des propositions en construisant des syllogismes. Il a donc cherché à déterminer à quelles conditions un syllogisme est valide. Pour ce faire, il a adopté une démarche de mathématicien en déterminant toutes les formes possibles. Pour la plupart des gens, l’exemple qui vient d’abord à l’esprit lorsqu’on parle de syllogisme est le suivant : Tous les hommes sont mortels Socrate est un homme donc Socrate est mortel. Dans la syllogistique classique, on désigne les termes de la façon suivante : • Le Moyen terme, nous le noterons M, est celui qui se répète dans les deux prémisses. • Le Grand terme, nous le noterons G, est toujours mis en relation avec le Moyen terme dans la première prémisse. Cette première prémisse est appelée la majeure par les logiciens classiques. • Le Petit terme, nous le noterons P, est toujours mis en relation avec le Moyen terme dans la seconde prémisse. Cette deuxième prémisse est appelée la mineure par les logiciens classiques. • Dans la conclusion, le Petit terme est toujours le sujet et le Grand terme est toujours l’attribut (prédicat). Le syllogisme a une structure spécifique que l’on peut illustrer de la façon suivante : STRUCTURE DU SYLLOGISME Met en relation Prémisses Majeure G et M Mineure M et P Conclusion P et G Le syllogisme C-5 Pour que le syllogisme soit valide, il doit respecter certaines règles portant sur les termes et les propositions qui le composent. FIGURES DU SYLLOGISME Majeure I M-G Figures II III G-M M-G IV G-M RÈGLES GÉNÉRALES DU SYLLOGISME Mineure P-M P-M M-P M-P Règles portant sur les termes : Conclusion P-G P-G P-G P-G Règles portant sur les propositions : 5. Les prémisses ne doivent pas être toutes les deux négatives. 6. De deux prémisses affirmatives, on ne peut tirer qu’une conclusion affirmative. 7. La conclusion doit toujours suivre la moins bonne des prémisses. Cela sgnifie que si une prémisse est négative, la conclusion l’est également et si une prémisse est particulière, la conclusion l’est également. 8. Les prémisses ne doivent pas être toutes les deux particulières. Dans l’étude du syllogisme, Aristote a considéré toutes les formes possibles. La forme d’un syllogisme dépend de deux choses, le mode et la figure. La figure du syllogisme dépend de la position occupée par le moyen terme dans les prémisses du syllogisme. Le moyen terme peut être sujet dans la première prémisse et prédicat dans la deuxième (figure I). Il peut être prédicat dans les deux prémisses (figure II) ou sujet dans les deux prémisses (figure III) ou encore prédicat dans la première et sujet dans la deuxième (figure IV). Les quatre figures sont données dans le tableau suivant. Le mode est déterminé par les relations logiques énoncées dans les propositions du syllogisme, soit A, E, I et O. Il y a donc quatre modes possibles pour la majeure et quatre pour la mineure. Ce qui donne 16 modes possibles qui peuvent se représenter sous 4 figures différentes. Il y a donc 64 modes qui peuvent avoir quatre conclusions possibles (A, E, I ou O). Il y a donc 256 syllogismes possibles. Aristote a alors procédé à l’analyse de ces formes pour déterminer les formes valides. En considérant des règles générales comme les suivantes : • La conclusion d’un raisonnement déductif ne doit pas contredire les prémisses. • La conclusion d’un raisonnement déductif doit être nécessaire. Si le syllogisme respecte ces deux conditions, le raisonnement est valide. Il faut remarquer que la validité d’un raisonnement déductif garantit que la conclusion est déductible des prémisses mais ne garantit pas que cette conclusion est vraie. À partir de ces règles générales, il est possible de déterminer des règles particulières pour chacune des figures de façon à ne retenir parmi ces 256 formes que celles qui sont valides. Dans la logique aristotélicienne, on ne reconnaît que 19 formes qui respectent les règles du syllogisme. SYLLOGISMES SYLLOGISME S VALIDES (Aristote) Modes valides 1. Le syllogisme doit comporter trois termes d’extensions différentes : le grand terme (G), le moyen terme (M) et le petit terme (P). 2. Dans la conclusion, les termes ne doivent pas avoir une extension plus grande que dans les prémisses. 3. Le moyen terme ne doit pas apparaître dans la conclusion. 4. Le moyen terme doit être pris universellement au moins une fois. I AAA Figures II III EAE AAI IV AAI EAE AEE EAO AEE AII EIO IAI IAI EIO AOO AII EAO OAO EIO EIO C-6 La logique Cependant, Aristote a fait deux erreurs. Parmi ces 19 syllogismes, deux ne sont pas valides. De plus, certains sont redondants, La procédure de validation utilisant les diagrammes d’Euler et de Venn que nous verrons maintenant a permis de simplifier l’analyse de la forme d’un syllogisme pour en déterminer la validité. Cette méthode a également permis de ramener cette liste à 8 formes valides en éliminant les formes redondantes. Un proposition attributive établit une relation entre sa classe sujet et sa classe attribut. Leonhard Euler a développé une méthode géométrique dans laquelle les termes en relation sont représentés par des cercles. Les relations sont alors interprétées en termes d’inclusion, d’exclusion et d’intersection. Ces différentes représentations sont données dans le tableau suivant : DIAGRAMME D’EULER RELATIONS ENTRE CLASSES Méthode thode d’Euler d Euler Auteur de travaux sur le calcul différentiel, les mathématiques analytiques, l’algèbre, la mécanique, l’hydrodynamique, l’astronomie et l’optique, Euler a publié son premier mémoire en 1725; il avait alors 18 ans. Il produisit en tout près de 900 travaux, mémoires et livres pour une moyenne de 800 pages par année durant la partie productive de sa vie. Le nombre d’Euler, défini par : 1 m lim 1 + = e m→ ∞ m est la base des logarithmes naturels. Prédicat, T Affirmative Négative Proposition universelle Sujet, S Tous les S sont des T Aucun S n’est un T Inclusion totale Exclusion totale Proposition particulière Leonhard Euler (1707-1783) était un mathématicien suisse qui fut élève de Jean Bernouilli. En 1727, il devint membre de l’Académie des sciences de Saint-Petersbourg à l’invitation de Catherine I, épouse de Pierre le Grand. Il fut médecin militaire dans la marine russe de 1727 à 1730 puis devint professeur de physique à l’Académie en 1730 et professeur de mathématiques à partir de 1733. En 1741, il devint membre de l’Académie des sciences de Berlin à l’invitation de Frédéric le Grand. Il y demeura 25 ans pour retourner à Saint-Petersbourg en 1766 après une dispute avec Frédéric le Grand sur la liberté académique. À l’âge de 31 ans, il avait perdu son œil droit et, peu après son retour en Russie, il devint presque entièrement aveugle après l’opération d’une autre cataracte. Malgré tout, il poursuivit ses recherches: il dictait alors les résultats à son fils. Le nombre d’Euler qui est la base des logarithmes naturels commémore son nom. Certains S sont des T Certains S ne sont pas des T Inclusion partielle Exclusion partielle REMARQUE La proposition particulière « Certains S sont des T » affirme que certains individus de la classe sujet sont dans la classe du prédicat. La partie du cercle de la classe sujet extérieure au cercle de la classe attribut est en pointillés car la proposition n’indique pas s’il y a des individus de la classe sujet qui ne possèdent pas l’attribut. Le fait d’énoncer que « Certains S sont des T » ne permet pas de conclure que « Certains S ne sont pas des T ». On ne peut prendre pour acquis qu’il y a des individus dans la partie du cercle de la classe sujet extérieure au cercle de la classe attribut, d’où le pointillé. • • • MÉTHODE D’ANALYSE D’EULER Grâce à sa méthode de représentation des propositions par des cercles, Euler pouvait déterminer la validité du syllogisme sans utiliser les règles particulières à chaque figure de la démarche aristotélicienne. Le syllogisme C-7 Illustrons ce procédé en considérant le syllogisme de la forme AAA de la première figure (le moyen terme est sujet dans la première prémisse et prédicat dans la deuxième). La première prémisse est une universelle affirmative, elle est donc de la forme : Tous les M sont des G La deuxième prémisse est une universelle affirmative, elle est donc de la forme : Tous les P sont des M La conclusion est également une universelle affirmative, elle est donc de la forme : Tous les P sont des G ANALYSE DU SYLLOGISME Figure I. forme AAA Grand terme Moyen terme Petit terme G M P Majeure Tous les M sont des G Mineure Tous les P sont des M Conclusion Tous les P sont des G Ce syllogisme est valide puisque : • La conclusion du raisonnement déductif ne contredit pas les prémisses. • La conclusion du raisonnement déductif est nécessaire. Analysons le syllogisme de la forme IAI de la figure III par la méthode d’Euler. Le syllogisme est de la figure III, ce qui signifie que le moyen terme est sujet dans les deux prémisses. La première prémisse est une particulière affirmative, elle est donc de la forme : Certains M sont des G La deuxième prémisse est une universelle affirmative, elle est donc de la forme : Tous les M sont des P La conclusion est également une particulière affirmative, elle est donc de la forme : Certains P sont des G ANALYSE DU SYLLOGISME Figure III III.. forme IAI Grand terme Moyen terme Petit terme G M P Majeure Certains M sont des G Mineure Tous les M sont des P Conclusion Certains P sont des G Ce syllogisme est valide puisque : • La conclusion du raisonnement déductif ne contredit pas les prémisses. • La conclusion du raisonnement déductif est nécessaire. DIAGRAMME DE VENN John Venn (1834-1923) est né à Hull en Angleterre. Son père et son grand-père étaient pasteurs et il reçut une éducation très stricte. Il fut lui-m^me ordonné pasteur. En 1862, il devint chargé de cours à l’Université de Cambridge en logique et en théorie des probabilités. Son intérêt pour la logique, la philosophie et la métaphysique s’était développé à la lecture des travaux de Augustus De Morgan, Georg Boole, John Austin et John Stuart Mill. Il a apporté des développements nouveaux à la logique mathématique de Boole et est surtout connu pour sa représentation graphique des ensembles par des cercles qui se recoupent et dont les diverses plages représentent des unions et des intersections d’ensembles. En considérant trois cercles dans un rectangle, les intersections de ces C-8 La logique cercles et de leurs compléments donnent 8 régions distinctes. Les unions de ces régions donnent 256 combinaisons booléennes distinctes des trois ensembles. Ces 256 combinaisons booléennes ont permis d’illustrer les 256 formes de syllogisme et de déterminer les huit formes valides en éliminant les formes redondantes parmi les 19 jugées valides dans la logique aristotélicienne. Venn a édité Logic of Chance en 1866 qui fut considéré comme un ouvrage très original ayant considérablement influencé le développement de la théorie des statistiques.Il fit également paraître Symbolic Logic, en 1881 et The Principles of Empirical Logic, en 1889. En 1883, il fut élu Fellow de la Royal Society et la même année, il quitta la prêtrise. Il s’intéressa alors à l’histoire et délaissa complètement la logique donnant même toute sa collection d’ouvrages sur la logique à la bibliothèque de l’Université de Cambridge en 1888. Il écrivit alors l’histoire de son collège publiée sous le titre The Biographical History of Gonville and Caius College 1349-1897. Venn a modifié la méthode d’Euler. Dans un diagramme de Venn (on dit en fait d’Euler-Venn), les classes sont toujours représentées par des cercles qui se recoupent. La classe sujet, notée S, est représentée par le cercle de gauche et celle de l’attribut, notée T, est représentée par le cercle de droite. T S 1 2 3 Ces cercles déterminent trois régions ou plages, notées 1, 2 et 3. Pour indiquer qu’une plage est vide, on la hachure. Pour indiquer qu’une plage contient des individus, on y inscrit un X. Lorsqu’une plage n’est pas hachurée et n’est pas marquée d’un X, elle peut contenir des individus ou ne pas en contenir, la proposition ne permet pas de le savoir. Examinons les différents cas que l’on peut rencontrer lorsqu’il y a deux classes. PROPOSITIONS UNIVERSELLES Universelle affirmative Considérons la proposition universelle affirmative suivante : Tous les carrés sont des losanges Pour représenter cette inclusion totale, on doit hachurer la plage 1 puisque celle-ci ne contient aucun objet. T S 1 2 3 Forme de la proposition : Tous les S sont des T Quantité des termes S, universel T, particulier REMARQUE Le fait qu’une plage ne soit pas hachurée n’indique pas qu’il y a effectivement des individus dans cette plage et ne signifie pas non plus qu’il n’y en a pas. • • • Relation d’identité La relation d’identité est un cas particulier de proposition universelle affirmative. Elle donne une équivalence entre la classe sujet et la classe attribut. Considérons la relation d’identité suivante : Les nombres entiers pairs sont les nombres entiers de la forme n = 2k, où k est un entier. Tous les individus de la classe sujet sont inclus dans la classe attribut et tous les individus de la classe attribut sont contenus dans la classe sujet. Par conséquent, les plages 1 et 3 sont vides et doivent être hachurées. On a alors la représentation suivante : T S 1 2 3 Forme de la proposition : Tous les S sont des T et tous les T sont des S (S = T) Quantité des termes S, universel T, universel Le syllogisme C-9 REMARQUE Une bonne définition est une relation d’identité. On ne tient pas compte de ce type de proposition dans la théorie du syllogisme car on ne peut s’assurer d’un point de vue formel que S = T. • • • Universelle négative Considérons la proposition : Aucun triangle n’est un losange C’est une universelle négative. Pour représenter cette exclusion totale, on doit hachurer la plage 2 puisque celle-ci ne contient aucun objet. T S 1 2 3 Forme de la proposition : Aucun S n’est un T Quantité des termes S, universel T, universel REMARQUE La plage 3 n’est pas hachurée, elle peut contenir des individus, mais elle peut également ne pas en contenir. La proposition est muette là-dessus. • • • PROPOSITIONS PARTICULIÈRES Particulière affirmative Considérons la proposition universelle affirmative suivante : T S 1 2 3 Forme de la proposition : Certains S sont des T Quantité des termes S, particulier T, particulier X Particulière négative Dans une proposition particulière négative, on affirme qu’il y a une partie des individus de la classe sujet qui ne sont pas inclus dans la classe attribut. Considérons, la proposition universelle négative suivante : Certains parallélogrammes ne sont pas des losanges. Cet énoncé signifie qu’il y a au moins un parallélogramme qui n’est pas un losange. Pour représenter cela graphiquement, on inscrit un X dans la plage 1 qui représente les objets de la classe sujet qui sont exclus de la classe attribut. T S 1 2 3 Forme de la proposition : Certains S ne sont pas des T Quantité des termes S, particulier T, universel X MÉTHODE D’ANALYSE DE VENN Dans la méthode de Venn, les trois termes du syllogisme sont représentés par trois cercles qui se recoupent. Le moyen terme M par le cercle de gauche, le grand terme G par le cercle de droite et le petit terme P par le cercle du bas. G M Certains parallélogrammes sont des losanges. 4 1 Cet énoncé signifie qu’il y a au moins un parallélogramme qui est un losange. Pour représenter cela graphiquement, on inscrit un X dans la plage 2 qui représente l’intersection des deux classes, c’est-à-dire la plage qui contient les objets appartenant aux deux classes. 6 7 2 5 3 P Pour vérifier la validité du syllogisme, on illustre d’abord les deux prémisses, puis on examine si la relation entre P C-10 La logique et G donnée dans la conclusion se vérifie dans le diagramme. Utilisons les diagrammes de Venn pour analyser le syllogisme de la forme AAA de la première figure (le moyen terme est sujet dans la première prémisse et prédicat dans la deuxième). La première prémisse est une universelle affirmative, elle est de la forme : Tous les M sont des G La proposition énonce l’inclusion de tous les M dans les G. Il n’y a donc pas de M dans les régions 1 et 6, on les hachure. G M 4 1 6 7 2 Le diagramme indique que les prémisses entraînent cette conclusion. On peut donc déclarer le syllogisme valide. Analysons maintenant le syllogisme de la forme IAI de la figure III par la méthode de Venn. Le syllogisme est de la figure III, ce qui signifie que le moyen terme est sujet dans les deux prémisses. La première prémisse est de la forme : Certains M sont des G On indique qu’il y a des M dans G en plaçant un X dans la région commune aux deux cercles. Cependant, ces individus peuvent être dans la plage 4 , dans la plage 7 ou dans les deux. On inscrira un X dans chacune des ces plages en les joignant par un trait pointillé pour montrer que l’on ne peut garantir dans laquelle des deux plages sont ces individus. 5 3 G M P 1 La deuxième prémisse est une universelle affirmative, elle est de la forme : Tous les P sont des M La proposition énonce l’inclusion de tous les P dans les M. Il n’y a donc pas de P dans les régions 3 et 5, on les hachure. G M 4 1 6 7 2 4X 6 7X 2 5 3 P La deuxième prémisse de la forme : Tous les M sont des P La proposition énonce l’inclusion de tous les M dans les P. Il n’y a donc pas de P dans les régions 1 et 4, on les hachure. 5 G M 3 P La figure représente alors le diagramme de Venn du syllogisme complet et on doit pouvoir déterminer à partir du graphique la relation entre P et G. On constate que tous les P sont inclus dans les G et c’est exactement ce que dit la conclusion, soit l’universelle affirmative : Tous les P sont des G 1 4X 6 P 7X 2 5 3 Le diagramme indique que les prémisses entraînent la conclusion : Le syllogisme C-11 Certains P sont des G C’est exactement la conclusion du syllogisme de la forme IAI de la figure III. On peut donc déclarer le syllogisme valide. La méthode d’analyse d’Euler-Venn est très intéressante car elle procure un support géométrique au raisonnement déductif. C’est une manifestation de la puissance de l’abstraction mathématique. Cette méthode a permis de simplifier la liste des formes valides retenues par Aristote en éliminant les formes qui donnent une même représentation graphique et sont de ce fait redondantes. En particulier, dans une proposition de la forme E ou I, on peut, par conversion, interchanger le sujet et le prédicat sans affecter la signification de la proposition. Un tel changement donne une forme redondante de syllogisme dans une autre figure puisque le sujet et le prédicat ont été interchangés.. Les formes de syllogismes valides retenues en appliquant la méthode des diagrammes D’Euler-Venn sont celles du tableau suivant. Ces conditions de validité d’un syllogisme ne portent que sur l’enchaînement des prémisses et de la conclusion, c’est-à-dire sur la forme du raisonnement. Le fait de respecter ces conditions ne signifie pas que la conclusion est vraie. Il garantit seulement que la conclusion découle des prémisses. Pour que la conclusion d’un raisonnement déductif soit vraie, il faut que les deux conditions de validité soient respectées et que les prémisses soient vraies. Illustrons ce propos en considérant le syllogisme suivant : Tous les triangles sont des parallélogrammes. Or, tous les rectangles sont des triangles. Donc tous les rectangles des parallélogrammes. Dans cet exemple, une conclusion vraie découle de deux prémisses fausses. Considérons maintenant le syllogisme suivant : Tous les parallélogrammes sont des triangles. Or, tous les rectangles sont des parallélogrammes. Donc tous les rectangles sont des triangles. SYLLOGISMES SYLLOGISME S VALIDES (Venn) Modes valides Figures I AAA II AOO III AAI EAE EAO AII OAO IV EIO Il y a toujours deux erreurs dans cette liste. Ce sont les formes AAI et EAO de la troisième figure. Historiquement, c’est en utilisant l’algèbre de Boole que l’on détectera que ces deux formes ne sont pas valides. Dans cet exemple, une conclusion fausse découle de deux prémisses fausses. On peut même considérer des prémisses fausses qui permettent d’énoncer parfois une conclusion vraie, parfois une conclusion fausse. Tous les parallélogrammes sont des losanges. Or, tous les rectangles sont des parallélogrammes. Donc tous les rectangles sont des losanges. Tous les parallélogrammes sont des losanges. Or, tous les rectangles sont des parallélogrammes. Donc certains rectangles sont des losanges. VALIDITÉ ET VÉRITÉ Nous avons vu qu’un syllogisme est valide, lorsqu’il satisfait aux conditions suivantes : • La conclusion du raisonnement déductif ne contredit pas les prémisses. • La conclusion du raisonnement déductif est nécessaire. Ces exemples ont permis d’illustrer deux principes de la logique. Implication et prémisses vraies Des prémisses vraies entraînent une conclusion nécessairement vraie. C-12 La logique Implication et prémisses fausses BIBLIOGRAPHIE Des prémisses fausses entraînent une conclusion dont on ne peut dire au départ si elle sera vraie ou fausse. Ball, W. W. R. A Short Account of History of Mathematics, New York, Dover Publications, Inc.,1960, 522 p. Baruk, Stella, Dictionnaire des mathématiques élémentaires, Paris, Éditions du Seuil, 1992, Boyer, Carl B. A History of Mathematics, New York, John Wiley & Sons, 1968, 717 p. Caratini, Roger, Les Mathématiques, Paris, Bordas, 1985. Collette, Jean-Paul. 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CONCLUSION Dans ses réflexions sur la construction de la connaissance, Aristote avait envisagé deux modes de raisonnement. Le raisonnement inductif permettant de développer des concepts et d’établir des relations entre concepts à partir de l’observation de cas particuliers. Dans le langage, les relations entre concepts devaient se traduire par des propositions, énoncés qui peuvent être vrais ou faux. La déduction devait permettre de reconstruire dans le langage toute la complexité du réel à partir des jugements généraux pris comme prémisses dans des syllogismes. Pour garantir que les conclusions tirées des syllogismes étaient vraies, il fallait que les prémisses soient vraies mais également que le syllogisme soit valide. Aristote a alors déterminé toutes les formes de syllogismes possibles regroupés sous quatre figures ainsi que les règles du syllogisme pour reconnaître les formes valides. Un syllogisme valide dont les prémisses sont vraies donne une conclusion vraie. Dans ses travaux sur la validité du syllogisme, Aristote a adopté une démarche très utilisée en mathématiques, soit l’étude des formes. Quelles sont les formes possibles? Parmi ces formes, lesquelles sont valides? Aristote pensait qu’il serait possible de traduire tout argument valide en une suite de propositions simples qui pourraient être mises en relation dans des syllogismes mais la réalité est plus complexe et plusieurs démonstrations mathématiques ne peuvent être analysés de cette façon.