Mobilisations locales
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Mobilisations locales
Mobilisations locales pour une démarche zéro déchet « Ce qu’il faut savoir » « Quoi et où chercher pour agir plus efficacement » La présence fiche s’adresse aux associations et collectifs qui œuvrent pour la promotion d’une société « zéro déchet, zéro gaspillage ». Elle vise à transmettre des informations pertinentes et utiles pour atteindre cet objectif, face à un contexte règlementaire dense et parfois déroutant en particulier lors du lancement d’une mobilisation. Cette fiche vise à diffuser un savoir qui permette à chaque groupe, sans considération de sa localisation en France, d’orienter ses recherches vers des éléments importants tout en ayant à l’esprit certaines informations leur permettant de rendre leurs revendications et arguments les plus pertinents possibles. Sommaire 1 - Le point de départ : la hiérarchie des modes de traitement des déchets 2 - Quelles sont les collectivités publiques compétentes ? 3 - Obtenir des données chiffrées pour mieux connaître le territoire 3.1 - Les documents de planification 3.2 - Les autres documents utiles 4 - Le financement du service public de gestion des déchets 4.1 – La taxe d’enlèvement des ordures ménagères 4.2 – La redevance d’enlèvement des ordures ménagères 4.3 – Le cas de la redevance spéciale 5 - Les autres éléments à connaître a. La taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de traitement, versée aux communes b. Collecte et valorisation des biodéchets c. Qu’est-ce qu’un déchet ultime ? d. Quelles obligations concernant la mise en place des collectes sélectives ? 1 www.zerowastefrance.org 1. Le point de départ: la hiérarchie des modes de traitement des déchets La démarche zéro déchet, zéro gaspillage trouve sa transcription juridique dans l’article L541-1 du Code de l’environnement, lequel établit clairement ce qui est communément appelé la « hiérarchie des modes de traitement ». D’origine légale et théoriquement contraignante, cette hiérarchie fait primer la prévention (1) et la réduction (2) des déchets. Viennent ensuite la réutilisation et le réemploi (3), puis le recyclage (4), et en dernière solution la valorisation énergétique (5) et l’élimination, essentiellement incinération et mise en décharge (6). A l’heure actuelle, trop de moyens financiers et techniques demeurent mobilisés, concernant la gestion des déchets, au profit de l’élimination. Trop peu le sont donc pour soutenir les solutions alternatives privilégiées par la hiérarchie des modes de traitement. Afin de se positionner par rapport à une politique locale de gestion des déchets, il convient donc de bien connaître cette hiérarchie, qui constitue à la fois le repère de la démarche Zero Waste, mais aussi la loi applicable sur le territoire français. 2. Quelles sont les collectivités publiques compétentes ? Les deux acteurs locaux principaux de la gestion des déchets ménagers et assimilés sont les communes et les intercommunalités (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaine, Métropoles ou encore syndicats divers). Ces deux entités se partagent les compétences essentielles de collecte et de traitement des déchets, de sorte qu’il convient, pour chaque localité, de se renseigner sur les modalités de cette répartition (consulter en particulier les statuts des structures intercommunales). En application de la loi du 7 août 2015 dite « loi NOTRE », les intercommunalités devraient, d’ici 2017, concentrer toutes ces compétences, mettant fin aux difficultés tenant à cette identification de la collectivité compétente pour chaque mission. En attendant, l’étude au cas par cas s’impose. L’opération de collecte étant une première étape fondamentale conditionnant la suite de la gestion des déchets (en particulier la bonne séparation des flux), la collectivité compétente (commune ou intercommunalité) dispose de l’outil qu’est le « règlement de collecte » (article L2224-16 du Code général des collectivités territoriales), qui permet au Maire ou au Président de l’intercommunalité compétente de « régler la présentation et les conditions de la remise des déchets en fonction de leurs 2 www.zerowastefrance.org caractéristiques » (fréquences, collectes sélectives, etc.). Il s’agit donc d’un document essentiel à se procurer, et communicable aux administrés. 3. Obtenir des données chiffrées pour mieux connaître le territoire 3.1 - Les documents de planification L’élaboration d’une stratégie Zero Waste repose sur une connaissance préalable des données du territoire concerné (flux de déchets, performances de tri, collectes sélectives organisées, exutoires disponibles, etc.). Plusieurs documents publics permettent d’obtenir un panorama de la gestion locale des déchets. 3 Le premier retrace les données nationales, à savoir les « chiffres-clés » publiés régulièrement par l’ADEME. Le deuxième est le « plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux », élaboré par chaque département. L’ambition et le caractère contraignant de ces plans dépendent directement du portage politique qui en est fait, et des objectifs que se fixe le département concerné. Dans tous les cas, le plan permet de connaître les flux, les exutoires et les projets des collectivités pour les années à venir. La compétence relative à la planification locale a été transférée aux régions par la loi du 7 août 2015, qui ont théoriquement jusqu’à février 2017 pour se doter d’un tel plan. Nous encourageons les militants locaux à se tourner dès à présent vers leurs Conseils régionaux afin de suivre l’élaboration de ce document, et d’influer afin qu’il soit le plus ambitieux possible (actions et moyens de prévention ambitieux, limites aux installations d’éliminations, etc.). Le troisième, à l’échelle la plus pertinente, est le « programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés », élaboré par toute collectivité territoriale compétente en matière de collecte des déchets. En ce sens, chaque commune ou intercommunalité assurant effectivement la collecte les déchets ménagers et assimilés est censée être couverte par un tel document (voir le contenu obligatoire aux articles R541-41-9 et suivants du Code de l’environnement). www.zerowastefrance.org Ces documents de planification s’articulent en général autour de trois fonctions principales qui consistent en une étape de diagnostic, de fixation d’objectifs, et de prévision des mesures à mettre en œuvre. Les plans locaux ou régionaux constituent autant d’outils permettant de mieux connaître les problématiques de chaque territoire. Ils constituent également des opportunités pour influer sur les collectivités en particulier au moment de l’élaboration ou la révision, par exemple en intégrant la commission consultative créée par la collectivité à cette occasion. 3.2 - Les autres documents utiles Comptabilité analytique Le service public de prévention et de gestion des déchets fait l'objet d'une comptabilité analytique réformée par la loi de transition énergétique du 17 août 2015. Dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice concerné, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale présente, respectivement, au conseil municipal ou à l'assemblée délibérante un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets. Ce rapport annuel permet de connaître au mieux la réalité de la gestion des déchets, et en particulier les coûts, au sein de chaque collectivité (voir le contenu du rapport à l’annexe XIII du Code général des collectivités territoriales). Mode de gestion du service public Il convient également de se renseigner sur les modalités de gestion du service public : la collecte et le traitement des déchets sont-ils assurés en régie, ou externalisés via des marchés publics ou délégations de service public ? A ce titre, les contrats signés par les personnes publiques constituent des documents administratifs auxquels les administrés ont un droit d’accès et de communication. Il est donc important de connaître les dispositions contractuelles qui lient les collectivités, ainsi que les éventuels avenants aux contrats également autorisés par délibération des conseils municipaux ou syndicaux. De plus, lorsque des services publics sont gérés par la voie de la délégation de service public (collecte ou gestion d’installations de tri ou traitement), le délégataire doit remettre avant le 1er juin à l'autorité délégante un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l'exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité de service (article L1411-3 du Code général des collectivités territoriales). 4 www.zerowastefrance.org Comptes des sociétés privées Enfin, d’une manière générale, il est possible d’acheter les comptes détaillés des sociétés privées via le site internet « www.infogreffe.fr ». Cela peut être particulièrement intéressant pour connaître la situation financière des exploitants d’incinérateurs ou de centres de stockage. 4. Le financement du service public de gestion des déchets La majorité des collectivités compétentes financent la gestion du service public des déchets par la perception d’une redevance (redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou REOM) ou d’une taxe (taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou TEOM). Si la TEOM est indexée sur la valeur locative des biens et donc déconnectée de la quantité de déchets produite, la REOM permet une meilleure adaptation de la facturation (calculée par exemple compte tenu de la surface des locaux, du nombre de personnes au sein du foyer, etc.). La tarification dite incitative constitue une autre modalité de facturation qui indexe une fraction de la facture finale sur la quantité de déchets produite, et présente plusieurs effets positifs (incitation à la prévention et amélioration notable des performances de tri notamment). En attendant une généralisation souhaitable de la tarification incitative sur tout le territoire, il convient de vérifier les modalités de financement du service public au sein de chaque collectivité, et en particulier l’équilibre des comptes. 4.1 – La taxe d’enlèvement des ordures ménagères La TEOM, « destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets », est majoritairement utilisée au sein des collectivités locales, et son régime est fixé aux articles 1520 et suivants du Code général des impôts. La jurisprudence administrative rappelle régulièrement que son taux « ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses, tel qu'il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux » (CE, 31 mars 2014, n°368111). En effet, le budget de gestion des déchets est abondé par des recettes « non fiscales » extérieures et en particulier par les éco-organismes. La TEOM perçue 5 www.zerowastefrance.org auprès des usagers ne fait donc que « compléter » le manque au budget global évalué chaque année. Au final, le montant total des recettes (fiscales et non fiscales) doit correspondre au coût de gestion sans l’excéder manifestement. Ainsi, il a été jugé qu’un excédent de 2.5% du montant total des recettes par rapport au coût réel du service public entache d’illégalité la délibération approuvant le budget, ce pourcentage « excédant manifestement » le besoin de financement nécessaire. Il est, sur ce fondement, possible d’obtenir l’annulation des délibérations annuelles fixant le taux de TEOM devant être perçu l’année suivante. 4.2 – La redevance d’enlèvement des ordures ménagères La REOM fonctionne selon un mécanisme similaire. En effet, la redevance implique la qualification de ces missions de « service public à caractère industriel et commercial ». L’article L2224-1 du Code général des collectivités territoriales prévoit expressément que « les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial [...] doivent être équilibrés en recettes et en dépenses ». Il découle de ces dispositions que, comme pour la TEOM, le montant de REOM perçu ne peut manifestement excéder le coût réel de la gestion des déchets. Nous conseillons donc aux militants locaux de suivre les débats budgétaires ainsi que les délibérations aboutissant au vote des recettes de la collectivité concernant la gestion des déchets. Ces délibérations sont au demeurant des documents administratifs communicables aux administrés. Il est à noter que la loi du 29 décembre 2015 précitée a également eu pour effet d’autoriser, à titre expérimental, l’institution d’une part incitative à la TEOM dans une ou plusieurs parties du territoire des collectivités, pour une durée de cinq ans. Il s’agit là d’une opportunité à saisir, en particulier au sein des collectivités les plus réticentes à mettre en place une tarification incitative. 4.3 – Le cas de la redevance spéciale Jusqu’à la réforme introduite par la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 (article 57), l’introduction d’une « redevance spéciale » pour la prise en charge des déchets dits « assimilés » (déchets des commerces et entreprises présentant des caractéristiques et quantités similaires aux déchets des ménages) était obligatoire au sein des collectivités financées au moyen de la TEOM. En effet, en 6 www.zerowastefrance.org l’absence de toute indexation sur les quantités produites par la TEOM, et au regard des plus grandes quantités de déchets produites par les commerces et entreprises, la redevance spéciale visait à ne pas faire porter le coût de collecte et traitement de tous ces déchets issus des commerces aux seuls ménages. Très peu de Communes respectaient cependant cette obligation, pour des raisons techniques et parfois électorales vis-à-vis des commerçants locaux. La loi précitée a donc pour effet de régulariser cette pratique illégale et l’instauration d’une redevance spéciale est désormais facultative. Nous conseillons cependant aux militants locaux de continuer leurs efforts pour promouvoir l’instauration d’une telle redevance, tant au regard de l’efficacité de cette mesure sur la prévention et le recyclage, que s’agissant de la justice fiscale au sein des collectivités. 7 www.zerowastefrance.org 5. Les autres éléments à connaître a. La taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de traitement, versée aux communes b. Collecte et valorisation des biodéchets c. Qu’est-ce qu’un déchet ultime ? d. Quelles sont les obligations concernant la mise en place des collectes sélectives ? a. La taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de traitement, versée aux communes Il convient de garder à l’esprit que les communes peuvent avoir un intérêt à l’accueil d’un incinérateur ou d’un centre de stockage sur leur territoire. En effet, en application de l’article L2333-92 du Code général des collectivités territoriales, toute commune « peut, par délibération du conseil municipal, établir une taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés [...], ou d'incinération de déchets ménagers, installée sur son territoire et non exclusivement utilisée pour les déchets produits par l'exploitant ». Cette taxe, qui est due par l’exploitant de l’installation, est versée aux Communes et non aux intercommunalités, et est plafonnée à 1.5€ la tonne entrant dans l’installation. Cette taxe, souvent méconnue, constitue pourtant une source de revenus importante, notamment pour les communes rurales et faiblement peuplées qui accueillent des centres de stockage (plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros chaque année). Cette mesure, initialement prévue pour dédommager la collectivité accueillant une installation polluante, devient parfois un véritable frein à la mise en place d’une démarche ambitieuse de réduction à la source des déchets, puisque cela revient à tarir une ressource non négligeable du budget communal. Il s’agit donc d’une information à connaître dans le cadre des rapports qu’un collectif militant peut entretenir avec la municipalité en place. 8 www.zerowastefrance.org b. Collecte et valorisation des biodéchets En application de l’article L. 541-21-1 du Code de l’environnement, les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenues de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou, lorsqu'elle n'est pas effectuée par un tiers, une collecte sélective de ces déchets pour en permettre la valorisation de la matière. Des seuils quantitatifs précis ont été prévus de sorte à soumettre progressivement les gros producteurs à cette obligation de tri à la source. Ce seuil est depuis le 1 er janvier 2016 fixé à 10 tonnes de biodéchets produits par établissement et par an, en application de l’arrêté du 12 juillet 2011. Ainsi, de nombreuses cantines, restaurants, marchés ou usines de l’agroalimentaire sont soumises à une obligation de tri à la source de leurs biodéchets et de valorisation matière, dès lors qu’elles produisent plus de 10 tonnes de biodéchets par an. Il s’agit là d’une mesure précise et obligatoire dont le non-respect constitue une infraction pénale, la sanction pouvant aller jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende (article L541-46 du Code de l’environnement). Au-delà des sanctions pénales, il s’agit surtout d’une opportunité, pour les collectivités locales compétentes, de structurer la filière relative aux biodéchets (collecte adaptée, exutoires suffisants, partenariats économiques, etc.), en parallèle de l’obligation issue de la loi de transition énergétique, imposant d’ici à 2025 de donner une « solution » de tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs, y compris les ménages. Cette solution de tri à la source induit l’inutilité des usines de tri mécano biologique (TMB), lesquelles doivent être « évitées » en application de la loi. c. Qu’est-ce qu’un déchet ultime ? L’article L541-2-1 du Code de l’environnement prévoit très clairement qu’il n’est possible d’éliminer ou faire éliminer dans des installations de stockage de déchets, que des déchets « ultimes ». Cette obligation, claire en son principe, est largement vidée de son sens par la définition même qui est donnée d’un déchet ultime par la loi. En effet, est « ultime » un déchet qui n'est plus susceptible d'être réutilisé ou valorisé dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux. Les autorités publiques et entreprises privées se reposent largement sur ces « conditions techniques et économiques du moment » pour retarder l’amélioration 9 www.zerowastefrance.org de leurs pratiques, et cesser la mise en décharge de certains déchets qui pourraient être évités, réparés ou réemployés. Il convient donc de connaître cette subtilité avec laquelle jouent souvent les exploitants de centres de stockage, afin de leur montrer que les conditions techniques et économiques du moment sont d’ores et déjà tout à fait favorables à d’autres solutions de traitement des déchets plus vertueuses. Il peut ainsi être pertinent de photographier de l’extérieur à l’aide d’appareils suffisamment puissants les déchets stockés, afin de pointer précisément ceux qui pourraient faire l’objet d’un autre traitement plus pertinent. Cela permet également de pré-constituer des preuves en cas de contentieux futur. d. Quelles sont les obligations concernant la mise en place des collectes sélectives ? L’Union européenne impose des objectifs chiffrés de recyclage et de tri à la source de certains flux de déchets aux Etats membres. Néanmoins, dans le droit français, aucune disposition n’impose expressément aux collectivités locales d’organiser une ou plusieurs collectes sélectives des déchets auprès des ménages. En effet, l’article L2224-16 du Code général des collectivités territoriales prévoit que « le maire peut régler la présentation et les conditions de la remise des déchets en fonction de leurs caractéristiques. Il fixe notamment les modalités de collectes sélectives et impose la séparation de certaines catégories de déchets, notamment du papier, des métaux, des plastiques et du verre, pour autant que cette opération soit réalisable d'un point de vue technique, environnemental et économique ». Le règlement de collecte constitue une information importante à connaître pour un collectif local militant. Néanmoins, si l’absence de tri est de plus en plus rare en France, la mise en place d’une telle collecte sélective n’est pas obligatoire juridiquement. 10 www.zerowastefrance.org