COUR DU TRAVAIL ARRET

Transcription

COUR DU TRAVAIL ARRET
R.G.N°2013/AB/530
1e feuillet.
Rep.N°.
COUR DU TRAVAIL DE
BRUXELLES
ARRET
AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 DÉCEMBRE 2013
4ème Chambre
DROIT DU TRAVAIL - contrats de travail-employé
Arrêt contradictoire
Expertise
En cause de:
Monsieur Y.C.,
Appelant,
comparaît en personne assisté par Maître Anne Kamp, avocate à
Bruxelles.
Contre :
La S.A. FIAT GROUP AUTOMOBILES BELGIUM, en abrégé
la S.A. F.G.A.B., dont le siège social est établi à 1160 Bruxelles,
Rue Jules Cockx, 12a, inscrite à la BCE sous le numéro
400.354.731 ;
Intimée,
représentée par Maître Robert De Baerdemaeker et Maître Marie
Kokot, avocats à Bruxelles.
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Indications de procédure
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2ème feuillet
Monsieur Y. C. a fait appel le 15 mai 2013 d’un jugement prononcé par le Tribunal du travail de
Bruxelles le 18 mars 2013.
L’appel a été introduit dans les formes et les délais légaux. Dès lors, il est recevable. En effet, le
dossier ne révèle pas que le jugement a été signifié ; le délai d’appel n’a donc pas pris cours.
Les dates pour conclure ont été fixées de commun accord des parties.
La SA FGAB a déposé ses conclusions le 23 juillet 2013 et ses conclusions de synthèse le 1 er
octobre 2013, ainsi qu’un dossier de pièces.
Monsieur Y. C. a déposé ses conclusions le 10 septembre 2013, ainsi qu’un dossier de pièces.
Les parties ont plaidé lors de l’audience publique du 15 octobre 2013.
Monsieur Eric de Formanoir de la Cazerie, substitut général, a déposé son avis écrit au greffe le
31 octobre 2013. Les parties ont répondu par écrit à cet avis.
La cause a été prise en délibéré le 15 novembre 2013.
Il a été fait application de l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues
en matière judiciaire.
I.
LES FAITS
Monsieur Y. C. a été engagé par la SA Mercedes-Benz Belgium à partir du 1er
septembre 1988 en qualité d’assistant à la promotion.
La SA Daimler Chrysler Belgium Luxembourg a succédé à la SA MercedesBenz Belgium.
Le 1er février 2007, Monsieur Y. C. a été promu à la fonction de Manager
Communication CG et sa rémunération a été augmentée.
Le 1er octobre 2007, une partie des activités de la SA Daimler Chrysler Belgium
Luxembourg a été reprise par la SA Chrysler Belgium Luxembourg. Monsieur
Y. C. a été transféré au service de celle-ci conformément à la convention
collective de travail n° 32bis. Sa fonction a été maintenue.
Il ressort des organigrammes produits que jusqu’en juin 2010, Monsieur Y. C.
portait le titre de ‘Manager Marketing & Communication’, rapportait à la
personne en charge de la gestion journalière (le Managing Director) et dirigeait
deux personnes (Mesdames O.et P.). Le contenu de sa fonction à cette époque
est précisé dans un document intitulé ‘Position description’ (pièce 54 de Monsieur
C.).
Les activités de la SA Chrysler Belgium Luxembourg ont été reprises par la SA
FGAB à partir du 1er juin 2010. Monsieur Y. C. a été transféré au service de
celle-ci, à nouveau conformément à la convention collective de travail n° 32bis.
Ce transfert a fait l’objet d’une convention signée entre Monsieur Y. C. et la SA
FGAB le 31 mai 2010, dans laquelle il était indiqué que la fonction de Monsieur
C. au moment du transfert de son contrat de travail était ‘Manager Marketing’.
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3ème feuillet
Une phase de transition de six mois, de juin à décembre 2010, s’est déroulée
entre le transfert du contrat de travail et l’intégration ‘physique’ des membres du
personnel de Chrysler au sein de la SA FGAB, dans les nouveaux bâtiments de
celle-ci. Au cours de cette phase, Monsieur C. a continué à exercer les mêmes
fonctions que précédemment pour les marques Jeep, Chrysler et Dodge, avec la
même équipe de deux personnes, réduite en cours de période à une seule
(Madame O.). L’organigramme indique qu’il exerçait cette fonction au sein du
département ‘Brand Marketing Communication’ placé sous la responsabilité de
Monsieur D., qui lui-même rapportait à la personne en charge de la gestion
journalière. Ce département était composé de deux sections juxtaposées : d’une
part celle formée par Monsieur Y. C. et ses (sa) collaboratrice(s), tous issus de
Chrysler, d’autre part la branche formée par Monsieur D. P., issu de FGAB, et
ses collaborateurs. Chaque section s’occupait de ses propres marques.
En janvier 2011, le département marketing et communication fut réorganisé afin,
d’une part, d’intégrer les anciens membres du personnel des deux sociétés dans
une seule structure et, d’autre part, d’établir une nouvelle structure et une
nouvelle organisation du travail. Monsieur D. quittant ses fonctions, Messieurs
D. P. et C. se portèrent candidats à la tête du département. Monsieur D. P. fut
choisi.
Le département fut réorganisé en deux branches : la branche ATL (‘Above the
line’) chargée des investissements de communication réalisés dans les grands
médias traditionnels comme la presse, la télévision, l’affichage, la radio et
internet ; la branche BTL (‘Below the line’) chargée des autres investissements
tels que les actions de marketing direct, de promotion des ventes, etc., en ce
compris les événements et la communication avec les dealers (pièce 7 de FGAB).
Chaque branche est compétente, dans son domaine, pour toutes les marques du
groupe. Monsieur Y. C. se vit confier la responsabilité de la branche ATL en
qualité de ‘ATL Communication Manager’, tandis que la branche BTL était
confiée à Madame O.. À partir de cette réorganisation, Monsieur Y. C. n’eut
plus de collaborateur sous sa responsabilité.
Dès l’annonce de la réorganisation, Monsieur Y. C. fit part par écrit à la SA
FGAB, dans une lettre du 31 janvier 2011, de son très vif mécontentement de ne
pas obtenir le poste de ‘Marketing Manager’ ; il constata que sa nouvelle
fonction de ATL Communication Manager était d’un niveau de responsabilité et
d’un niveau hiérarchique inférieurs à sa fonction précédente.
Dans une lettre du 15 février 2011, la SA FGAB répondit aux critiques émises
par Monsieur C. et conclut que celui-ci ne subissait aucune rétrogradation, que
son niveau de responsabilité et son niveau hiérarchique étaient maintenus et que
les quelques aménagements qui lui étaient demandés ne dépassaient pas les
limites de la flexibilité que l’entreprise était en droit d’attendre de lui.
Les parties maintinrent leurs positions respectives dans un échange de courriers
des 22 février et 2 mars 2011.
Une réunion eut lieu à ce sujet entre Monsieur Y. C. et Monsieur C., DRH, en
mars ou en avril 2011.
Le 15 avril 2011, Monsieur Y. C. demanda à Monsieur H., en charge de la
gestion journalière, de le rencontrer avec Monsieur D. P. , son nouveau supérieur
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hiérarchique, au sujet de reproches que celui-ci lui avait faits quant à ses
prestations. La réunion demandée à Monsieur H n’eut pas lieu. Monsieur C.
répondit aux reproches de Monsieur D. P. par un courriel du 3 mai 2011, adressé
à Monsieur H.
Le 3 mai 2011 également, Monsieur Y. C. écrivit à Monsieur C. , DRH, pour
s’opposer à nouveau à sa rétrogradation et pour faire état du manque d’égards, de
respect et de considération de la direction à son égard, ainsi que d’une pression
de la part de Monsieur D. P. , qualifiée par lui de ‘harcèlement moral’. Il
demanda à Monsieur C. de pouvoir discuter dès que possible et de manière
concrète d’une solution définitive respectueuse de ses droits.
Suite à cette lettre, Monsieur Y. C. eut un entretien avec Monsieur C. le 25 mai
2011.
Le 21 juin 2011, Monsieur Y. C. adressa à Monsieur C. un courriel demandant
une réponse écrite à sa lettre du 3 mai 2011 et contestant le changement de son
véhicule de société.
Il lui adressa un rappel par courriel du 16 septembre 2011.
Par courriel du 29 novembre 2011, Monsieur Y. C. répéta sa contestation au
sujet de sa rétrogradation. Il reprocha à Monsieur C. son ‘silence stratégique’,
qualifié d’humiliation et de harcèlement moral à son égard. Il demanda à
nouveau un entretien, signalant qu’à défaut il serait obligé de transmettre le
dossier à son avocat.
Suite à ce courriel, Monsieur Y. C. eut un entretien avec Monsieur C.
novembre 2011.
le 30
Le 7 décembre 2011, Monsieur C.
répondit par écrit au courriel du 29
novembre, se référant à sa position exprimée dès le 15 février 2011 au sujet de la
fonction de Monsieur Y. C. . Il expliqua que la modification du type de véhicule
de fonction relevait de l’harmonisation générale des conditions de travail. Quant
au harcèlement moral dont Monsieur Y. C. s’est plaint, Monsieur C. répondit
qu’il ne pouvait accepter ces termes et qu’aucun acte n’avait été posé par la SA
FGAB en vue de faire pression sur lui ou de lui porter atteinte de quelque
manière que ce soit.
Monsieur Y. C. se trouva en incapacité de travail à partir 23 janvier 2012. Il
n’avait pas repris le travail au jour de l’audience.
Le 26 avril 2012, Monsieur Y. C. adressa à Monsieur C. un courriel sollicitant
une réunion en présence de son avocate.
Le 27 avril, Monsieur C. répondit qu’il était ouvert à le rencontrer et qu’il
s’arrangerait pour fixer une date. Aucune date de réunion ne fut cependant fixée,
malgré un rappel adressé par Monsieur C. le 8 mai 2012.
Le 31 mai 2012, le conseil de Monsieur C. s’adressa par écrit à la direction de la
SA FGAB. Après avoir réitéré les réserves de son client quant à sa
rétrogradation, elle indiqua que celui-ci dénonçait formellement la politique du
silence et de l’ignorance adoptée à son égard. Elle fit savoir que la charge
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psychosociale créée par cette attitude d’indifférence et de dénigrement, combinée
avec la rétrogradation, était devenue tout à fait insupportable pour Monsieur Y.
C. , était la cause de son incapacité de travail et risquait d’avoir des
conséquences désastreuses pour sa propre santé psychique et mentale ainsi que
pour sa situation familiale si des mesures n’étaient pas prises rapidement. Elle
mit la SA FGAB en demeure de prendre les initiatives adéquates afin de
remédier à la situation. À défaut, elle conseillerait à Monsieur C. de déposer
plainte pour harcèlement moral.
Les conseils de la SA FGAB répondirent à ce courrier le 13 juin 2012. Au nom
de leur cliente, ils contestèrent tant la rétrogradation dénoncée que l’existence
d’une attitude d’indifférence ou de dénigrement ou encore d’une politique du
silence et de l’ignorance à l’égard de Monsieur Y. C. . Ils contestèrent
également la qualification de ‘harcèlement et de violence au travail’, précisant
que Monsieur Y. C. était libre de saisir les personnes compétentes en cette
matière.
Monsieur Y. C. déposa une plainte formelle pour harcèlement moral entre les
mains de la conseillère en prévention du service externe le 17 juillet 2012.
Le 1er août 2012, il lança la citation qui ouvrit la présente procédure.
La conseillère en prévention déposa un rapport en septembre 2012.
II.
LE JUGEMENT DU TRIBUNAL DU TRAVAIL
Monsieur Y. C. a demandé au Tribunal du travail de Bruxelles de prononcer la
résolution judiciaire du contrat de travail qui le lie à la SA FGAB, aux torts de la
SA FGAB, et de condamner celle-ci à lui payer :
-
un montant provisionnel de 237.162,81 euros à titre de dommages et
intérêts pour dommage résultant de la perte d’emploi à la suite de la
résolution judiciaire,
- un montant provisionnel de 157,22 euros net par mois à dater du mois
de janvier 2012 jusqu’à la date de la résolution judiciaire et un
montant provisionnel de 4.079,54 euros brut par mois à dater du 1er
janvier 2013 jusqu’à la date de la résolution judiciaire, à titre de
dommages et intérêts pour perte de revenus pendant la période
d’incapacité de travail,
- un montant provisionnel de 109.459,76 euros à titre de dommages et
intérêts pour dommage moral, notamment sur base de l’article
32decies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs
lors de l'exécution de leur travail,
- un montant provisionnel de 7.500 euros à titre de frais
d’outplacement,
- un montant provisionnel de 1 euro à titre de prime de fin d'année,
- un montant provisionnel de 1 euro à titre de pécule de vacances de
sortie,
les montants précités étant à augmenter des intérêts légaux et judiciaires à
dater de leur exigibilité ;
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Il a également demandé au Tribunal de condamner la SA FGAB, sous peine
d’astreinte, à produire les documents sociaux et fiscaux légalement prescrits, à
savoir un formulaire C4, les fiches de paie, le compte individuel, les attestations
de vacances et la fiche fiscale 281.10.
Par un jugement du 18 mars 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles a déclaré
les demandes de Monsieur Y. C. recevables, mais non fondées, et l’en a
débouté. Il a condamné Monsieur Y. C. à l’indemnité de procédure, non
liquidée par la SA FGAB.
III. L’APPEL ET LES DEMANDES SOUMISES À LA COUR DU
TRAVAIL
Monsieur Y. C. demande à la Cour du travail :

de réformer le jugement du Tribunal du travail ;

de constater la résolution judiciaire du contrat de travail à la date du
prononcé de l’arrêt, et ce aux torts de la SA FGAB ;

de condamner la SA FGAB à lui payer les montants suivants :
-
237.162,81 euros provisionnels à titre de dommages et intérêts pour
dommage résultant de la perte d’emploi à la suite de la résolution
judiciaire,
- 157,22 euros net provisionnels par mois à dater du mois de janvier
2012 jusqu’à la date de la résolution judiciaire à titre de dommages et
intérêts pour perte de revenus pendant la période d’incapacité de
travail,
- 4.205,24 euros brut par mois à dater du 1er janvier 2013 jusqu’à la
date de la résolution judiciaire à titre de dommages et intérêts pour
perte de revenus pendant la période d’incapacité de travail,
- 109.459,76 euros provisionnels à titre de dommages et intérêts pour
dommage moral, notamment sur base de l’article 32decies de la loi du
4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de
leur travail,
- un euro provisionnel à titre de prime de fin d'année,
- un euro provisionnel à titre de pécule de vacances de sortie,
les montants précités étant à augmenter des intérêts légaux et judiciaires à
dater de leur exigibilité ;

de condamner la SA FGAB, sous peine d’astreinte, à produire les documents
sociaux et fiscaux légalement prescrits, à savoir un formulaire C4, les fiches
de paie, le compte individuel, les attestations de vacances et la fiche fiscale
281.10 ;

de condamner la SA FGAB aux dépens des deux instances.
IV. EXAMEN DE LA CONTESTATION
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1. Les principes
1.1. La modification unilatérale des conditions de travail
En vertu de l’article 1134 du Code civil, les parties au contrat de travail sont
tenues de respecter les conditions du contrat. Aucune des parties ne peut
modifier unilatéralement les conditions de travail convenues (Cass., 20 décembre
1993, JTT 1994, p. 443).
Les conditions de travail qui n’ont pas fait l’objet d’un accord entre les parties
peuvent être fixées par l’employeur en vertu de l’autorité que lui confère la
relation de subordination, dans le respect de la loi et des conventions collectives
de travail applicables.
La nature de la fonction exercée par le travailleur constitue en principe un
élément essentiel du contrat de travail, à moins que les parties n’aient convenu
du contraire (Cass., 16 septembre 2013, inédit, RG n° S100084F).
Cependant, la fonction convenue n’impose pas nécessairement une liste
intangible de tâches qui devraient être réalisées selon un modus operandi figé.
L'employeur, responsable de l’organisation de son entreprise, a le droit, dans le
respect de la fonction du travailleur, de déterminer les tâches à effectuer et leurs
modalités d’exécution. La nature de la fonction et le niveau de responsabilité du
travailleur doivent être maintenus (S. GILSON, « La modification unilatérale du contrat
de travail : vue d’ensemble », in S. GILSON (dir.), La modification unilatérale du contrat de
travail, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2010, p. 21, 23 et 31 ; Cass., 11 octobre 2010, inédit, RG
n° S090117F).
En cas de transfert conventionnel d’entreprise dans le cadre juridique de la
convention collective de travail n°32bis, les droits et obligations qui résultent du
contrat de travail sont transférés du cédant au cessionnaire. Celui-ci est tenu de
respecter les conditions du contrat de travail dans les mêmes limites que le
cédant.
1.2. La charge psychosociale et le harcèlement moral au travail
La loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de
leur travail impose à tout employeur de prendre les mesures nécessaires afin de
promouvoir le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail (article
5).
Le bien-être au travail est notamment recherché par des mesures qui ont trait à la
charge psychosociale occasionnée par le travail (article 4, § 1er, alinéa 2, 3°).
Il s’agit de toute charge, de nature psychosociale, qui trouve son origine dans
l’exécution du travail ou qui survient à l’occasion de l’exécution du travail, qui a
des conséquences dommageables sur la santé physique ou mentale de la
personne (article 2, 3° de l’arrêté royal du 17 mai 2007 relatif à la prévention de la charge
psychosociale occasionnée par le travail dont la violence, le harcèlement moral ou sexuel au
travail). La notion de ‘charge psychosociale occasionnée par le travail’ englobe le
harcèlement moral ou sexuel et la violence au travail, mais elle ne s’y limite pas.
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Elle inclut également des situations de stress ou de conflit (article 3, alinéa 2, de
l’arrêté royal du 17 mai 2007) caractérisées par une souffrance relationnelle au travail
(voy. sur cette notion : T.trav. Bruxelles, 12 février 2007, Chr.D.S., 2008, p. 758 ).
Le harcèlement moral au travail se définit comme « Plusieurs conduites abusives
similaires ou différentes, externes ou internes à l’entreprise ou l’institution, qui
se produisent pendant un certain temps, qui ont pour objet ou pour effet de
porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique
d’un travailleur (…), lors de l’exécution de son travail, de mettre en péril son
emploi ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant
ou offensant et qui se manifestent notamment par des paroles, des intimidations,
des actes, des gestes ou des écrits unilatéraux » (article 32ter, 1°, de la loi du 4 août
1996).
Lorsque des actes de harcèlement moral au travail sont portés à la connaissance
de l'employeur, celui-ci doit prendre les mesures appropriées (article 32septies de la
loi du 4 août 1996). Il doit notamment assurer l’accueil et le conseil aux personnes
qui déclarent être l’objet de harcèlement moral au travail (article 32quater, § 1er,
alinéa 3 de la loi du 4 août 1996).
Lorsque le travailleur qui s’estime victime de harcèlement moral a déposé une
plainte motivée entre les mains du conseiller en prévention, celui-ci doit
examiner la plainte en toute impartialité. À l’issue de cet examen, il remet un
rapport écrit à l'employeur, comportant notamment un avis motivé sur la
question de savoir si les faits peuvent être considérés comme de la violence ou
du harcèlement moral au travail ou comme des faits d’une autre nature qui créent
une charge psychosociale du fait du travail. Le rapport du conseiller en
prévention se termine par un avis sur les mesures qui doivent être prises dans le
cas individuel pour mettre fin aux faits ainsi que sur les autres mesures de
prévention à mettre en œuvre (article 28 de l’arrêté royal du 17 mai 2007).
L'employeur doit informer le plaignant et la personne mise en cause des mesures
individuelles qu’il envisage de prendre à la suite de à cet avis (article 29 de l’arrêté
royal du 17 mai 2007).
Ni la loi, ni l’arrêté royal ne confèrent un caractère contraignant à l’avis du
conseiller en prévention sur les mesures à prendre. L'employeur n’est donc pas
lié par les mesures préconisées par le conseiller en prévention. En sa qualité de
responsable de la politique du bien-être dans l’entreprise, c’est à l'employeur
qu’incombe la responsabilité de décider des mesures à prendre (J.-Ph. CORDIER, P.
BRASSEUR, S. BILLY, « La procédure interne en matière de violence et harcèlement moral ou
sexuel au travail : quelques balises pour l'employeur », in Questions choisies de droit social,
Anthémis, CUP, vol. 133, 2012, p. 105 ). L'employeur a à répondre de l’adéquation ou,
le cas échéant, de l’absence des mesures prises suite à l’avis du conseiller en
prévention.
Il ressort de l’économie des dispositions qui viennent d’être rappelées que la loi
protège non seulement les travailleurs dont il est démontré qu’ils sont victimes
de violence ou de harcèlement au travail, mais également, à un stade antérieur,
tout travailleur qui se plaint d’en être victime ainsi que tout travailleur qui fait
état d’une souffrance due à une charge psychosociale au travail.
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L'employeur a l’obligation de prendre des mesures de prévention et de protection
en la matière, notamment d’assurer l’accueil et le conseil au travailleur qui se
plaint et de prendre des mesures adéquates lorsque des faits sont portés à sa
connaissance. Le cas échéant, l'employeur doit prendre des mesures suite au
rapport du conseiller en prévention sur les faits.
À défaut, l'employeur voit sa responsabilité engagée. Le manquement peut
donner lieu, le cas échéant, à une indemnisation (Trib. trav. Bruxelles, 12 février 2007,
Chr.D.S., 2008, p. 758, conf. par C.trav. Bruxelles, 2 avril 2008, inédit, RG n° 49.642 ), à la
résolution judiciaire du contrat de travail (C.trav. Bruxelles, 15 septembre 2010,
Chr.D.S., 2011, p. 49 (somm.) ), voire à un constat d’acte équipollent à rupture dans le
chef de l'employeur (C.trav. Bruxelles, 13 janvier 2004, Chr.D.S., 2004, p. 459 ).
1.3. La résolution judiciaire du contrat de travail
Le contrat de travail peut prendre fin soit par les modes spécifiques de résiliation
visés par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, soit selon les
modes généraux d’extinction des obligations (article 32 de la loi du 3 juillet 1978).
Parmi les modes généraux d’extinction des obligations figure la résolution
judiciaire prévue par l’article 1184 du Code civil en ces termes :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats
synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait
point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de
plein droit.
La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix
ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est
possible ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au
défendeur un délai selon les circonstances ».
En vertu des alinéas 2 et 3 de cette disposition, la partie à un contrat, dont le
cocontractant manque à ses obligations, peut demander au juge de prononcer la
résolution judiciaire du contrat. Ce mécanisme est applicable au contrat de
travail en vertu de l’article 32 de la loi du 3 juillet 1978.
La résolution judiciaire du contrat de travail suppose que le manquement
reproché à l’autre partie soit suffisamment grave pour justifier une telle mesure
(Cass., 22 décembre 2003, www.cassonline.be, n° S030055F).
Selon le droit commun, la résolution judiciaire produit en principe ses effets
rétroactivement à la date de la conclusion du contrat. Cependant, pour ce qui
concerne les contrats à prestations successives, tel le contrat de travail, il n’y a
pas lieu de remettre en cause la période durant laquelle le contrat a été exécuté à
la satisfaction réciproque des parties (P. WÉRY, Droit des Obligations, vol. 1, 2ème éd.,
Larcier, 2011, n° 677). C’est pourquoi la Cour de cassation juge qu’en règle, la
résolution judiciaire d’un contrat synallagmatique à prestations successives
remonte au jour où la demande en justice a été introduite (Cass., 5 juin 2009,
www.cass.be, RG n° C070482N ; Cass., 28 juin 1990, www.cass.be, RG n° 8654 ; Cass., 29 mai
1980 et concl. Av. gén. Declercq, www.cass.be et Pas., p. 1199).
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Étant donné que la résolution judiciaire ne peut, par la force des choses, avoir
pour effet d’annuler les prestations réciproques effectuées en exécution du
contrat lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de restitution, l’effet rétroactif de la
résolution du contrat à prestations successives, remontant en principe à la date de
la demande, est cependant limité à la date à partir de laquelle l’exécution du
contrat n’est plus poursuivie et où, dès lors, il n’y a pas lieu à restitution (Cass., 19
mai 2011 et concl. Av. gén. Génicot, www.cass.be, RG n° C090645F ; Cass., 14 avril 1994,
JLMB, 1995, p. 1240 et note J. JEUNEHOMME et www.cass.be, RG n° C930161F ; Cass., 25
février 1991 et concl. Av. gén. Leclerq, Pas., p. 616 et RDS, 2001, p. 196 ; Cass., 28 juin 1990,
www.cass.be, RG n° 8654). Le juge qui prononce la résolution d’un contrat à
prestations successives à la date de la demande alors qu’il a constaté que des
prestations non susceptibles d’être restituées ont été effectuées en exécution du
contrat après cette date méconnaît l’article 1184 du Code civil (Cass., 19 novembre
2009, www.cass.be, RG n° C080459N). En revanche, en l’absence de toute prestation
ou lorsque les prestations effectuées en exécution du contrat peuvent être
restituées, l’effet rétroactif de la résolution judiciaire s’impose ; ainsi, ne justifie
pas légalement sa décision, le juge qui prononce la résolution d’un contrat à
prestations successives à une date postérieure à celle de la demande sans
constater l’existence de prestations effectuées après la demande en justice, qui
n’étaient pas susceptibles de restitution (Cass., 23 juin 2006, www.cass.be, RG n°
C050215F ; Cass., 10 avril 1997, www.cass.be, RG n° C950468F).
L’effet rétroactif de la résolution judiciaire du contrat à prestations successives
peut remonter à une date antérieure à celle de la demande en justice dans
l’hypothèse où aucune prestation de nature à être restituée n’a plus été effectuée
dès ce moment (Cass., 31 janvier 1991, www.cass.be, RG n° 8803).
1.4. La charge de la preuve
En matière de résolution judiciaire du contrat de travail, conformément aux
articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il incombe à la partie qui
fonde sa demande sur des manquements commis par l’autre partie de démontrer
la réalité et la gravité de ces manquements.
Dès lors, le travailleur, qui demande la résolution judiciaire en raison de la
modification unilatérale de ses conditions de travail par l'employeur, supporte la
charge de la preuve de la réalité et de la gravité de la faute reprochée à
l'employeur.
La même règle s’applique à la preuve des manquements de l'employeur à ses
obligations inscrites dans la loi du 4 août 1996 et dans ses arrêtés d’exécution, à
l’exception de l’hypothèse où des actes de harcèlement ou de violence au travail
lui sont reprochés (J.-Ph. CORDIER et P. BRASSEUR, « La charge psychosociale au
travail : le point sur la réforme de 2007 », Chr.D.S., 2008, p. 721).
En matière de harcèlement moral au travail, la loi du 4 août 1996 dispose que :
« Lorsqu’une personne qui justifie d’un intérêt établit devant la juridiction
compétente des faits qui permettent de présumer l’existence de violence ou de
harcèlement moral ou sexuel au travail, la charge de la preuve qu’il n’y a pas eu
de violence ou de harcèlement moral ou sexuel incombe à la partie
défenderesse » (article 32 undecies de la loi). Cette règle s’applique à la preuve des
faits de harcèlement moral au travail invoqués pour fonder une demande de
résolution judiciaire du contrat de travail.
R.G. N°2013/AB/530
11ème feuillet
1.5. L’indemnisation
Le juge qui prononce la résolution judiciaire du contrat peut condamner la partie
fautive à indemniser l’autre partie du préjudice qu’elle lui a causé, et ce sur la
base du droit commun de la responsabilité civile (Cass. 16 février 2009, JT, 2010, p.
352, n° 14 ; Cass., 8 octobre 1987 et note M. FONTAINE, RCJB, 1990, p. 379 ). La partie
préjudiciée doit établir l’existence et l’importance de son dommage.
La personne qui s’estime victime de harcèlement moral peut demander des
dommages et intérêts (article 32tredecies de la loi). Elle doit, pour ce faire, prouver
la réalité du harcèlement moral. Elle bénéficie à cet effet de la règle de preuve
qui vient d’être rappelée. La victime doit, par ailleurs, établir le préjudice qu’elle
a subi et le lien de causalité entre le harcèlement moral et ce préjudice,
conformément au droit commun de la responsabilité civile. Elle supporte
entièrement la charge de la preuve de ces deux éléments. La loi ne prévoit pas
d’indemnisation forfaitaire au bénéfice de la personne victime de harcèlement.
Seul le travailleur qui a déposé une plainte formelle avant d’être licencié peut
prétendre à une indemnisation forfaitaire s’il est mis fin à son contrat de travail
en représailles à cette plainte (article 32tredecies de la loi).
Le manquement de l'employeur aux obligations qui lui sont imposées par ou en
vertu de la loi en matière de bien-être au travail peut être sanctionné par une
indemnisation, pourvu que le travailleur démontre non seulement la faute, mais
également le préjudice qu’il subit et le lien de causalité entre la faute commise et
celui-ci.
2. Application des principes en l’espèce
2.1. La résolution judiciaire du contrat de travail
La Cour prononce la résolution judiciaire du contrat de travail avec effet au
1er janvier 2013.
Cette décision est motivée par les raisons suivantes :
Il n’est pas contesté que le contenu de la fonction et la position de Monsieur Y.
C. au sein de l’entreprise ont fortement évolué en raison de la reprise des
activités de Chrysler Belgium Luxembourg par la SA FGAB en juin 2010, suivie
de la réorganisation du département marketing en janvier 2011.
Il incombe à la Cour de vérifier si la nature de la fonction de Monsieur Y. C. ,
son niveau de responsabilité et son niveau hiérarchique ont été respectés.
La comparaison est rendue ardue par la différence importante entre Chrysler
Belgium Luxembourg, équipe d’une trentaine de personnes dont les dépenses
marketing n’atteignaient pas 4 millions d’euros et la SA FGAB, occupant une
centaine de personnes et dont le budget marketing était de l’ordre de 15 millions
d’euros. Monsieur Y. C. ne peut exiger le même niveau hiérarchique dans une
entreprise occupant 100 personnes qu’au sein d’une équipe de 30 ; le maintien de
R.G. N°2013/AB/530
12ème feuillet
toutes les responsabilités qu’il exerçait précédemment, mais avec un budget
presque quatre fois supérieur, aurait constitué en réalité une importante
promotion. C’est pourquoi Monsieur Y. C. ne pouvait prétendre, de plein droit,
au poste marketing manager au sein de la SA FGAB. La décision de la SA
FGAB de ne pas le nommer à ce poste ne constitue pas une modification
unilatérale de sa fonction ni de sa position hiérarchique.
Afin de respecter les conditions de travail de Monsieur Y. C. , la SA FGAB a
l’obligation de lui attribuer une autre fonction dont la nature, le niveau
hiérarchique et le niveau de responsabilités doivent être équivalents à ceux qui
caractérisaient son ancienne fonction, sans pour autant devoir être identiques.
La Cour du travail considère que la fonction attribuée à Monsieur Y. C. après la
réorganisation du département marketing ne répond pas à cette exigence.
Le fait que le périmètre de ses activités ait été limité, excluant toutes les activités
BTL, n’est pas en soi critiquable, pourvu que le niveau de ses responsabilités sur
le périmètre d’activités qui lui a été dévolu soit maintenu.
Or, suite à la réorganisation, Monsieur Y. C. ne dirige plus d’équipe, alors qu’il
était responsable de deux personnes avant la reprise. Il en résulte la perte des
responsabilités managériales liées à la direction d’une équipe, responsabilités qui
étaient inscrites dans sa description de fonction chez Chrysler Belgium
Luxembourg. Concrètement, il en découle également que les tâches d’exécution
que Monsieur Y. C. confiait précédemment à ses collaborateurs sont désormais
assumées par lui-même, ce qui implique une réduction du niveau de sa propre
fonction.
Par ailleurs, les éléments soumis à la Cour établissent une perte d’autonomie et
une réduction du niveau de responsabilité dans l’exercice des fonctions dévolues
à Monsieur Y. C. . Ceci ressort, d’une part, des déclarations faites par son
supérieur hiérarchique, Monsieur D. P. , à la conseillère en prévention. Il en
ressort que non seulement Monsieur D. P. supervisait le travail de Monsieur Y.
C. , mais en outre qu’il intervenait dans celui-ci, notamment auprès des agences
de communication. Or, avant la réorganisation, Monsieur Y. C. était autonome
dans ses activités.
Cette réduction du niveau des responsabilités est confirmée par les déclarations
écrites de Monsieur Herrera et de Madame Olemans, qui attestent tous deux du
fait qu’après la réorganisation, Monsieur Y. C. n’avait plus de tout le même
niveau de responsabilité que dans ses fonctions précédentes. Ces deux
personnes, dont aucun élément du dossier ne permet de mettre la sincérité en
doute, sont les personnes les mieux placées pour attester des responsabilités
effectives de Monsieur C. avant et après la réorganisation, puisque l’un a été
supérieur hiérarchique de Monsieur C. dans les deux entreprises et que l’autre
était sa collaboratrice et est devenue sa collègue.
Le niveau hiérarchique relatif de Monsieur Y. C. n’a pas non plus été maintenu,
Monsieur C. se trouvant placé au même niveau hiérarchique que son ancienne
subordonnée, Madame O. Celle-ci atteste qu’elle n’a bénéficié d’aucune
promotion. La SA FGAB ne prouve pas ses allégations en sens contraire.
R.G. N°2013/AB/530
13ème feuillet
À défaut de pouvoir lui attribuer, après la réorganisation, une fonction de même
niveau que son ancienne fonction, et faute d’accord de Monsieur Y. C. sur une
autre fonction, la SA FGAB devait prendre ses responsabilités et mettre fin au
contrat de travail qu’elle n’était plus en mesure d’honorer.
Le choix d’imposer à Monsieur Y. C. , contre son gré, une nouvelle fonction
d’un niveau inférieur constitue un manquement grave de la SA FGAB à ses
obligations d’employeur. Ce manquement justifie que la résolution du contrat de
travail soit prononcée à ses torts.
Conformément aux principes qui ont été exposés, la résolution judiciaire doit
produire ses effets à la date à partir de laquelle le contrat n’a plus donné lieu à
des prestations non susceptibles de restitution.
Les prestations de travail ont cessé le 23 janvier 2012, date depuis laquelle
Monsieur Y. C. se trouve en incapacité de travail.
Jusqu’au 31 décembre 2012, Monsieur Y. C. a bénéficié, en complément de
l’intervention de la mutuelle, d’un revenu complémentaire payé par la SA Delta
Lloyd Life dans le cadre du volet ‘revenu garanti’ de l’assurance de groupe
contractée par la SA FGAB au bénéfice de ses travailleurs. Le maintien de cette
couverture d’assurance est l’une des obligations découlant du contrat de travail
dans le chef de la SA FGAB, qui perdure en cas de suspension de l’exécution du
contrat de travail pour cause d’incapacité de travail et que la SA FGAB a dûment
honorée. Il n’y a pas lieu de mettre cette couverture à néant par l’effet rétroactif
de la résolution judiciaire.
La résolution judiciaire du contrat de travail prendra donc effet le 1er janvier
2013, date à partir de laquelle l’assureur a cessé d’intervenir (pièce 44 de Monsieur
Y. C. ).
2.2. Les manquements en matière de bien-être au travail
La SA FGAB a manqué à ses obligations de prévention et de protection en
matière de bien-être au travail.
Cette décision est motivée par les raisons suivantes :
Le fait d’avoir imposé à Monsieur Y. C. une modification unilatérale de sa
fonction constitue un manquement contractuel grave, comme il a déjà été dit. Il
ne s’agit pas pour autant d’un acte de harcèlement moral au travail. Certains des
faits relevés par le Ministère public s’inscrivent, à l’estime de la Cour, davantage
dans le cadre de la modification de fonctions et de ses conséquences que dans le
cadre d’un harcèlement moral au travail : le fait d’être privé de personnel sous sa
responsabilité, le fait d’être supervisé par Monsieur D. P. (selon la Cour, il n’est
pas établi que celui-ci ait critiqué Monsieur Y. C. auprès d’agences de
publicité), le fait pour Monsieur C. de ne pas pouvoir choisir les réunions
auxquelles il participe. La Cour considère que ces faits sont fautifs dans le chef
de la SA FGAB, mais ne permettent pas de présumer l’existence d’un
harcèlement moral au travail.
R.G. N°2013/AB/530
14ème feuillet
Il ressort des pièces soumises à la Cour que la direction de la SA FGAB, en
particulier le DRH, a répondu par écrit ou par la tenue de réunions aux courriers
que Monsieur Y. C. lui a adressés au sujet de sa modification de fonctions :
- lettre du 15 février 2011 en réponse à la lettre du 31 janvier,
- lettre du 2 mars 2011 en réponse au courriel du 22 février,
- entretien le 25 mai 2011 en réponse à la lettre du 3 mai 2011,
- entretien le 30 novembre 2011 et courriel du 7 décembre 2011 en
réponse au courriel du 16 septembre 2011, pour ce qui concerne le
changement de catégorie de véhicule ; même si cette réponse a été
quelque peu lente, ce retard ne permet pas, selon la Cour, de présumer
l’existence de harcèlement moral.
Ces faits ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral au
travail.
En revanche, la Cour partage l’avis du Ministère public en ce qu’il souligne que
Monsieur Y. C. subissait une charge psychosociale importante du fait de la
modification de sa fonction et de sa position hiérarchique, et que la SA FGAB
n’a pas donné les suites adéquates aux multiples plaintes exprimées par
Monsieur Y. C. à ce sujet.
Dès le 5 mai 2011, Monsieur Y. C. s’est plaint par écrit de subir une pression
qu’il qualifiait de harcèlement moral. Une réunion a été tenue le 25 mai 2011
entre Monsieur Y. C. et le DRH au sujet des fonctions de Monsieur Y. C. , mais
aucune suite n’a été donnée à la lettre du 3 mai pour ce qui concerne la
dénonciation de pressions et du harcèlement moral ressenti par Monsieur Y. C. .
Ce n’est qu’après deux rappels (par courriels des 16 septembre et 29 novembre)
et après que Monsieur C. ait fait mention de l’intervention de son avocat que
Monsieur C. a réagi pour la première fois à ce sujet, par un courriel du 7
décembre 2011. Il s’est borné à affirmer que la SA FGAB ne pouvait accepter
les termes tels que ‘harcèlement moral’ ou ‘tentative d’intimidation’ et qu’aucun
acte n’avait été posé par la SA FGAB en vue de faire pression sur Monsieur Y.
C. ou de lui porter atteinte de quelque manière que ce soit.
La Cour doit constater que bien que la SA FGAB ait été informée par Monsieur
Y. C. de faits que celui-ci considérait comme constitutifs de harcèlement moral
au travail, elle n’a ni assuré l’accueil et le conseil requis par la loi, ni pris aucune
mesure à ce sujet, en contrariété avec les dispositions légales rappelées ci-dessus
(articles 32quater, § 1er, alinéa 3 et 32septies de la loi du 4 août 1996).
La SA FGAB a réitéré cette attitude après que Monsieur Y. C. , se trouvant en
incapacité de travail, lui ait demandé le 26 avril 2012 de le recevoir avec son
avocate. La réunion demandée n’a pas eu lieu, malgré un rappel du 8 mai.
Le 31 mai 2012, le conseil de Monsieur Y. C. a adressé à la SA FGAB une lettre
circonstanciée concernant non seulement la problématique du changement de
fonction, mais également la charge psychosociale créée par ce changement,
combiné à l’attitude d’indifférence et de dénigrement reprochée à la SA FGAB.
Le conseil de Monsieur Y. C. indiquait expressément que cette charge
psychosociale risquait d’avoir des conséquences désastreuses pour la santé
psychique et mentale de son client ainsi que pour sa situation familiale, si des
mesures n’étaient pas prises rapidement. La SA FGAB se contenta, sur ce point,
R.G. N°2013/AB/530
15ème feuillet
de contester toute attitude d’indifférence et de dénigrement dans son propre chef
et d’écarter la qualification de ‘harcèlement et de violence au travail’, ajoutant
que Monsieur Y. C. était libre de saisir les personnes compétentes en cette
matière.
À nouveau, bien qu’informée de la souffrance au travail ressentie par Monsieur
C. du fait d’une charge psychosociale importante liée à la modification de sa
fonction et à l’attitude de la direction, la SA FGAB n’a pas assuré à Monsieur C.
l’accueil ni le conseil requis et n’a pris aucune mesure ; elle s’est contentée de
nier le problème.
Il faut dès lors constater que la SA FGAB a failli à ses obligations imposées par
les articles 32quater et septies de la loi du 4 août 1996.
Le rapport de la conseillère en prévention a été déposé en septembre 2012. Il
n’est pas utile de se prononcer sur le bien-fondé des critiques émises par la SA
FGAB au sujet du travail de la conseillère en prévention, la Cour s’étant forgé sa
propre opinion sur la base des autres éléments du dossier. Par contre, force est
de constater que la SA FGAB n’a pas informé Monsieur Y. C. des mesures
individuelles qu’elle envisage de prendre suite au rapport, comme elle y est
pourtant tenue (article 29 de l’arrêté royal du 17 mai 2007). Cette abstention constitue
également une faute dans son chef.
2.3. L’indemnisation
La SA FGAB doit indemniser Monsieur Y. C. à hauteur de 237.162,81
euros pour la perte d’emploi et 2.500 euros à titre de dommage moral. Une
expertise est ordonnée avant de fixer l’indemnisation de la période
d’incapacité de travail.
Cette décision est motivée par les raisons suivantes :
2.3.1. Le dommage résultant de la perte d’emploi
Du fait de son manquement à ses obligations contractuelles, manquements qui
ont causé la résolution judiciaire du contrat de travail, la SA FGAB est
responsable de rupture du contrat de travail et donc la perte d’emploi de
Monsieur Y. C. .
Cette perte d’emploi constitue un préjudice matériel et moral que la SA FGAB
est tenue d’indemniser.
Monsieur Y. C. se trouvant toujours en incapacité de travail, le temps qui lui
sera nécessaire pour trouver un nouvel emploi équivalent à l’emploi perdu ne
peut être déterminé. C’est pourquoi la Cour du travail évalue forfaitairement le
préjudice matériel et moral causé par la perte d’emploi à la rémunération
mensuelle, majorée des avantages acquis en vertu du contrat, multipliée par le
R.G. N°2013/AB/530
16ème feuillet
nombre de mois que l’on peut raisonnablement estimer nécessaire au
reclassement professionnel de Monsieur Y. C. , soit 26 mois.
Les dommages et intérêts pour perte d’emploi s’élèvent donc à 109.459,76 euros
x 26/12 = 237.162,81 euros.
Il s’agit d’une indemnisation forfaitaire déterminée à la date de la résolution
judiciaire, le 1er janvier 2013.
Il n’y a pas lieu d’en déduire les indemnités d’incapacité payées par la mutuelle
ni le revenu garanti payé par l’assureur-groupe jusqu’au 31 décembre 2012. En
effet, rien ne justifie la déduction de sommes payées avant la date à laquelle la
résolution du contrat de travail produit ses effets.
Il n’est pas davantage justifié de réduire l’indemnisation à concurrence des
indemnités d’incapacité de travail, puis des indemnités d’invalidité payées par la
mutuelle depuis le 1er janvier 2013. En effet, il s’agit d’un revenu de
remplacement couvrant une période d’incapacité de travail. Les dommages et
intérêts, quant à eux, ne couvrent pas une période déterminée, mais indemnisent
de manière forfaitaire le préjudice résultant de la perte d’emploi. Le prétendu
cumul dénoncé par la SA FGAB n’existe pas car, d’une part, l’indemnisation de
la perte d’emploi est forfaitaire et, d’autre part, quand bien même pourrait-elle
être rapportée à une période déterminée, il ne peut s’agir de la période
d’incapacité de travail durant laquelle Monsieur C. n’a pu ni travailler, ni
rechercher un nouvel emploi.
2.3.2. La perte de revenus pendant la période d’incapacité de travail
Monsieur Y. C. fait valoir que son incapacité de travail, qui a occasionné une
perte de revenus, est due au comportement fautif de la SA FGAB.
La SA FGAB rétorque que Monsieur Y. C. n’établit pas que son incapacité de
travail trouve sa cause exclusive dans des manquements commis par elle. Elle
fait également valoir que l’incapacité de travail est inférieure à 25 %.
Au vu du comportement fautif de la SA FGAB, déjà relevé, des plaintes allant
crescendo de Monsieur Y. C. au sujet de la charge psychosociale qu’il subissait
et du déroulement des faits dans le temps, il est établi que l’incapacité de travail
de Monsieur Y. C. à partir du 23 janvier 2012 a été causée, en tout ou en partie,
par le comportement fautif de la SA FGAB. Ce comportement fautif consiste
tant en la modification unilatérale de la fonction de Monsieur Y. C. qu’en
manquements de la SA FGAB à ses obligations en matière de prévention et de
protection contre la charge psychosociale au travail.
Toutefois, Monsieur Y. C. ne produit aucun certificat médical ni autre pièce
permettant de vérifier que ces manquements sont les causes exclusives de son
incapacité de travail. Cet élément étant contesté par la SA FGAB, il y a lieu de
le vérifier.
Cette problématique présentant des aspects médicaux déterminants, la Cour
souhaite être éclairée à ce sujet par l’avis d’un expert médecin, à moins que les
parties ne se concilient sur ce point.
R.G. N°2013/AB/530
17ème feuillet
2.3.3. Le dommage subi du fait de harcèlement moral
Le harcèlement moral au travail reproché par Monsieur Y. C. n’est pas établi.
En revanche, la SA FGAB a failli à ses obligations de prévention et de protection
en matière de bien-être au travail.
La Cour estime établi, au vu des pièces produites, que ce manquement a causé à
Monsieur Y. C. un préjudice moral consistant en un sentiment de dévalorisation
et de mépris, après 24 ans de carrière au sein de l’entreprise.
La Cour évalue ce préjudice forfaitairement et en équité à 2.500 euros.
2.3.4. La prime de fin d'année et le pécule de vacances de sortie
Il incombe à Monsieur Y. C. de déterminer le montant de sa demande, la date de
la résolution judiciaire étant fixée du 1er janvier 2013.
V.
DÉCISION DE LA COUR DU TRAVAIL
POUR CES MOTIFS,
LA COUR DU TRAVAIL,
Statuant après avoir entendu les parties,
Après avoir lu l’avis du Ministère public ;
Déclare l’appel recevable et fondé ; réforme le jugement attaqué ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution judiciaire du contrat de travail avec effet au 1er
janvier 2013 ;
Condamne la SA FGAB à payer à Monsieur Y. C. :
- 237.162,81 euros à titre d’indemnisation de la perte d’emploi, à
majorer des intérêts calculés au taux légal depuis le 1er janvier
2013,
- 2.500 euros à titre de dommage moral dû au manquement aux
obligations en matière de bien-être au travail, à majorer des
intérêts calculés au taux légal depuis le 1er août 2012 ;
Condamne la SA FGAB à délivrer un formulaire C4 conforme au présent
arrêt ; sursoit à statuer au sujet des autres documents sociaux demandés ;
R.G. N°2013/AB/530
18ème feuillet
Sursoit à statuer sur la demande de prime de fin d'année et de pécule de
vacances de sortie et invite Monsieur Y. C. à préciser le montant de sa
demande ;
Avant de se prononcer sur la demande de dommages et intérêts pour perte
de revenus pendant la période d’incapacité de travail, décide de faire
procéder à une expertise médicale ;
Désigne en qualité d’expert le Dr Jean-Pierre DEHON dont le cabinet est
situé à Avenue de Tervuren, 223 à 1150 Bruxelles ;
Charge l’expert de la mission d’expertise suivante :
Mission d’expertise
Pour la période prenant cours le 1er janvier 2013, dire si, à son avis,
1. la cessation d’activité professionnelle de Monsieur Y. C. a pour cause
directe ou indirecte, en tout ou en partie, les manquements de la SA
FGAB à ses obligations d’employeur, relevés aux points 2.1. et 2.2. du
présent arrêt,
2. dans l’hypothèse où ces manquements sont en partie la cause de la
cessation d’activité durant cette période, dire dans quelle proportion la
cessation d’activité est la conséquence directe ou indirecte de ces
manquements, d’une part, et d’autres causes, d’autre part,
L’éventuel refus de la mission
À compter de la notification du présent arrêt par le greffe, l’expert disposera
d’un délai de huit jours pour refuser la mission qui lui est confiée, s’il le
souhaite, en motivant dûment sa décision.
L’expert avisera les parties par lettre recommandée et le juge et les conseils
par lettre missive.
R.G. N°2013/AB/530
19ème feuillet
Fixation de la première réunion d’expertise
Sauf refus de la mission, les lieu, jour et heure de la première réunion
d’expertise seront fixés par l’expert dans les 8 jours de la notification du
présent arrêt.
La procédure ultérieure
Au plus tard lors de la première réunion d’expertise, les parties remettront
à l’expert un dossier inventorié rassemblant tous les documents pertinents.
Sauf dispense expresse, la convocation en vue de travaux ultérieurs se fera
par lettre recommandée à l’égard des parties et par lettre missive à l’égard
du juge et des conseils.
L’expert entendra les parties et examinera Monsieur Y. C. .
Il recueillera tous les renseignements utiles et pourra, dans la mesure
strictement nécessaire à l’accomplissement de sa mission, procéder ou faire
procéder à des examens spécialisés et autres investigations.
A la fin de ses travaux, l’expert enverra pour lecture au juge, aux parties et
à leurs conseils, les constatations auxquelles il joindra un rapport
provisoire.
Il fixera un délai raisonnable dans lequel les parties devront formuler leurs
observations. Il répondra aux observations qu’il recevra dans ce délai.
L’expert établira un rapport final qui sera motivé, daté et relatera la
présence des parties lors des travaux, leurs déclarations verbales et leurs
réquisitions. Il contiendra en outre le relevé des notes et documents remis
par les parties.
Le rapport final doit être signé par l’expert, à peine de nullité. La signature
de l’expert devra, à peine de nullité, être précédée du serment ainsi conçu :
« Je jure avoir rempli ma mission en honneur et conscience, avec
exactitude et probité ».
L’original du rapport final sera déposé au greffe au plus tard dans les 6
mois à partir de la notification du présent arrêt.
Avec ce rapport, l’expert déposera les documents et notes des parties ainsi
qu’un état de frais et honoraires détaillé. Cet état inclura les frais et
honoraires des spécialistes consultés et mentionnera, pour chacun des
devoirs accomplis, leur date et, le cas échéant, les numéros de la
nomenclature correspondant à la prestation effectuée.
Le jour du dépôt du rapport final, l’expert en enverra copie de son rapport
final et de son état de frais et honoraires par courrier recommandé aux
parties et par lettre missive à leurs conseils.
R.G. N°2013/AB/530
20ème feuillet
La prolongation éventuelle du délai de dépôt du rapport final
Seul le juge peut prolonger le délai pour le dépôt du rapport final.
Dans le cas où il ne pourrait déposer son rapport dans le délai imparti,
l’expert devra solliciter de la Cour du travail, par lettre motivée,
l’augmentation de ce délai.
Tous les 6 mois, l’expert devra adresser à la Cour du travail, aux parties et
aux conseils un rapport intermédiaire sur l’état d’avancement de ses
travaux.
Les frais et honoraires de l’expert
La provision est fixée à 1.000 euros.
La SA FGAB consignera cette provision au greffe dans les huit jours de la
notification du présent arrêt. La provision de 1.000 euros peut être
immédiatement libérée au profit de l’expert en vue de couvrir ses frais.
En cours de mission, l’expert pourra demander qu’une provision
complémentaire soit consignée et, le cas échéant, partiellement libérée pour
couvrir les frais déjà exposés et les prestations déjà accomplies.
Toutes ces demandes seront soumises au juge, qui rendra une décision
motivée.
A l’issue de sa mission, l’expert établira et déposera au greffe l’état détaillé
de ses frais et honoraires.
Les parties pourront faire part de leurs observations sur cet état.
Sauf en cas de désaccord exprimé de manière motivée par l’une des parties
dans les 30 jours de son dépôt, l’état de frais et honoraires sera taxé par le
juge au bas de la minute.
Les montants seront taxés dans la décision finale comme frais de justice.
Contestations et contrôle de l’expertise
Toutes les contestations relatives à l’expertise survenant au cours de celleci seront réglées par le juge. Les parties et l’expert s’adresseront à la Cour
du travail par lettre motivée.
Pour l’application de l’article 973 du Code judiciaire et de tous les articles
dudit code relatifs à l’expertise qui prévoient l’intervention du juge, il y a
lieu d’entendre par : « le juge qui a ordonné l’expertise, ou le juge désigné
à cet effet » ou encore par « le juge » :
-
les conseillers composant la 4ème chambre lors de l’audience du 15
octobre 2013,
R.G. N°2013/AB/530
21ème feuillet
-
en cas d’absence d’un conseiller social, Madame F. BOUQUELLE,
conseillère professionnelle siégeant seule,
-
à défaut, le conseiller professionnel présidant la 4e chambre au
moment où survient la contestation relative à l’expertise,
-
ou le magistrat désigné dans l’ordonnance de fonctionnement de la
Cour du travail de Bruxelles pour l’année judiciaire.
Dit que la cause sera ensuite ramenée à l’audience par la partie la plus
diligente.
Réserve les dépens.
22ème feuillet
R.G. N°2013/AB/530
Ainsi arrêté par :
F. BOUQUELLE,
Conseillère,
C. VERMEERSCH,
Conseillère sociale au titre d'employeur,
A. VAN DE WEYER,
Conseiller social au titre d'employé,
Assistés de G. ORTOLANI,
Greffier
G. ORTOLANI,
A. VAN DE WEYER,
C. VERMEERSCH,
F. BOUQUELLE,
et prononcé, en langue française à l’audience publique de la 4ème Chambre de la
Cour du travail de Bruxelles, le 17 décembre 2013, où étaient présents :
F. BOUQUELLE,
Conseillère,
G. ORTOLANI,
Greffier
G. ORTOLANI,
F. BOUQUELLE,