arrêt des contraceptifs : raisons, défis et solutions
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arrêt des contraceptifs : raisons, défis et solutions
DÉCEMBRE 2015 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS : RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS Sarah Castle et Ian Askew Population Council ARRÊT DES CONTRACEPTIFS : RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS Sarah Castle et Ian Askew Population Council REMERCIEMENTS Ce rapport a été rédigé avec l’aide de Pandora Hardtman (consultante indépendante), Nomi Fuchs-Montgomery (Fondation Bill & Melinda Gates), James Harcourt et Aisha Dasgupta (MSI), Kim Longfield (PSI), Kimberly Cole (USAID), John Cleland (LSHTM), Iqbal Shah (Harvard University) et Sarah Bradley (University of California, Berkeley). Nous sommes reconnaissants envers les différents membres du Groupe de travail Suivi de la performance et résultats de Family Planning 2020 de nous avoir donné leur avis sur les versions préliminaires de ce rapport. Nous remercions le Secrétariat FP2020, en particulier Erika Studt et Nina Miller, de leur contribution et de leur soutien à ce projet. FP2020 a été créé à la suite du Sommet de Londres de 2012 sur la planification familiale et se fonde sur le principe que toutes les femmes, où qu’elles vivent, doivent avoir accès aux contraceptifs qui peuvent sauver des vies. Atteindre l’objectif de FP2020 représente une étape importante pour garantir l’accès universel aux services de soins de santé sexuelle et reproductive d’ici 2030, comme indiqué dans l’Objectif 3 de développement durable. FP2020 soutient la Stratégie Mondiale pour la Santé des Femmes, des Enfants et des Adolescents du Secrétariat général de l’ONU. Pour plus d’informations, veuillez consulter : WWW.FAMILYPLANNING2020.ORG Le Population Council lutte contre des problèmes importants en matière de santé et de développement. Cette organisation veille notamment à stopper la propagation du VIH, à améliorer la santé reproductive et à assurer que les jeunes mènent une vie épanouissante et productive. Nous nous appuyons sur des recherches dans le domaine biomédical, des sciences sociales et de la santé publique dans 50 pays et collaborons avec nos partenaires pour offrir des solutions qui permettent de créer des politiques, des programmes et des technologies plus efficaces qui améliorent les vies des personnes partout dans le monde. Fondé en 1952 et établi à New York, le Council est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, dirigée par un conseil d’administration international. POPCOUNCIL.ORG i ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS PRÉSENTATION DES AUTEURS Dr Sarah Castle Sarah Castle est une consultante indépendante qui travaille principalement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des femmes. Forte de 20 ans d’expérience en tant que chercheuse dans la planification familiale, elle a travaillé sur une gamme de projets qui ont bénéficié de son expertise programmatique et politique. Ses connaissances lui ont permis de constituer une longue liste de clients, parmi lesquels figurent notamment l’USAID, la Banque Mondiale, l’UNFPA, le DFID, Save the Children, EngenderHealth et Concern Worldwide. Les projets sur lesquels elle a travaillé sont variés et comprennent la rédaction de rapports de pays, la conduite d’évaluations de programmes et de processus, la création de cadres d’évaluation et de formation et la participation à des consultations auprès de parties prenantes. Elle s’intéresse particulièrement aux problèmes socioculturels responsables des besoins non satisfaits et des problèmes de contraception chez les adolescents. Dr Ian Askew Ian Askew est le directeur des services et des recherches en matière de santé reproductive au sein du Population Council. Basé à Nairobi, au Kenya, le Dr Askew est responsable de la direction exécutive des initiatives de recherches et d’assistance technique qui renforcent les programmes de santé reproductive et maternelle novateurs dans le monde. Ces interventions permettent d’augmenter l’accès aux services de santé reproductive et sexuelle, de réduire la mortalité et la morbidité maternelles, d’assurer que les nouvelles technologies s’adaptent aux besoins des personnes et de mobiliser les partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Le Dr Askew participe à divers groupes consultatifs techniques, comités directeurs et panels d’évaluation. Il est à la tête du Groupe de travail Approches du développement du marché pour la Coalition pour les produits de santé de la reproduction (RHSC) et est membre du comité exécutif de la RHSC. Il est membre du Groupe de travail Suivi de la performance et résultats de FP2020 et du Groupe de travail inter-organisations sur les rapports existants entre la santé sexuelle et reproductive et le VIH et le SIDA. Le Dr Askew participe régulièrement à des réunions de groupes d’experts de l’Organisation mondiale de la Santé et est membre de son Groupe consultatif scientifique et technique. Il occupe actuellement la fonction de co-directeur du consortium Strengthening Evidence for Programming on Unintended Pregnancy (STEP UP), financé par le DFID et dirigé par le Population Council. Cette association mène des recherches liées aux politiques pour promouvoir une approche fondée sur les résultats afin d’améliorer l’accès à la planification familiale et l’avortement sûr. DÉCEMBRE 2015 ii RÉSUMÉ Selon des analyses des données de l’Enquête démographique et de santé (EDS), 38 % des femmes ayant un besoin de méthodes modernes de contraception non satisfait ont eu recours à une méthode de contraception moderne par le passé, mais ont décidé d’arrêter de l’utiliser. Ce phénomène, connu comme l’arrêt des contraceptifs, est défini comme l’interruption de l’utilisation de contraceptifs, pour quelque raison que ce soit, en étant toujours à risque de connaître une grossesse non désirée. L’arrêt des contraceptifs pour des raisons autres que le souhait de débuter une grossesse contribue à une fécondité non désirée et peut entraîner une grossesse qui pourrait être interrompue par un avortement à risque. Les arrêts ne posent pas forcément toujours problème. Certaines femmes arrêtent d’utiliser une méthode de contraception particulière parce qu’elle est difficile à utiliser ou qu’elle n’est pas bien acceptée par la femme ou son partenaire (par exemple, en raison d’effets secondaires). Elles passent donc à une autre méthode, qui leur convient mieux et qui est souvent plus efficace. Cette analyse des données est axée sur la fréquence et les causes des arrêts, sur les interventions visant à les réduire et/ou à encourager l’utilisation d’une autre méthode, et sur la mesure et la surveillance des arrêts. En moyenne, plus d’un tiers des femmes qui commencent à utiliser une méthode moderne de contraception l’arrêtent dans la première année et plus de la moitié l’arrêtent avant deux ans. On observe plus de la moitié des arrêts des contraceptifs chez les femmes qui ont connu un échec contraceptif ou qui éprouvent des difficultés à utiliser la méthode, et qui ont donc toujours besoin d’une méthode de contraception efficace pour empêcher une grossesse non désirée. La probabilité de l’arrêt est assez semblable pour toutes les méthodes, à l’exception des DIU et des implants. On estime en effet que les taux d’arrêt de ces méthodes (pour d’autres raisons que le souhait de débuter une grossesse, l’échec de la méthode ou parce que le besoin n’existe plus) sont plus bas en raison d’une meilleure efficacité de la méthode et du fait qu’elle doit être retirée par un professionnel de la santé. Cependant, nous manquons d’études longitudinales et de suffisamment de recherches qualitatives solides pour bien comprendre la prise de décision qui contribue à l’arrêt, que celle-ci se fasse de manière individuelle ou en couple, en particulier dans les pays en voie de développement. La plupart des femmes qui arrêtent d’utiliser une méthode de contraception dans d’autres circonstances que pour avoir un enfant ou parce qu’elles n’en ont plus besoin indiquent que leur décision a été motivée par des « inquiétudes liées à la méthode ». Il s’agit principalement d’effets secondaires signalés par la femme ou son partenaire, comme un saignement prolongé ou une aménorrhée, qui peuvent inquiéter ou effrayer les femmes (et leurs partenaires), surtout s’ils sont inattendus et si elles ont des difficultés à utiliser la méthode. Les effets secondaires peuvent également avoir des conséquences socioculturelles. Dans certains cas, les femmes arrêtent d’utiliser une méthode de contraception parce que les saignements anormaux ou les pertes vaginales légères les empêchent de réaliser iii ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS certaines activités (prier, préparer de la nourriture ou avoir des relations sexuelles). C’est en particulier le cas pour les femmes qui prennent des contraceptifs en secret. Les mythes et rumeurs (selon lesquels les méthodes de contraception peuvent rendre stériles ou provoquer le cancer par exemple) contribuent également à l’arrêt des contraceptifs. Certaines interventions permettent de réduire les inquiétudes liées aux effets secondaires ou à l’existence de mythes : 1. Permettre aux femmes de discuter des effets secondaires éventuels : Il est possible que la poursuite de l’utilisation de contraceptifs augmente et que le passage à une autre méthode soit plus facile lorsque les femmes peuvent discuter des effets secondaires avec des professionnels de la santé et des membres de leurs réseaux sociaux, parce qu’elles comprennent mieux la nature des effets secondaires. 2. Encourager les partenaires à s’impliquer : Il peut être efficace de renforcer la communication des couples sur les caractéristiques des méthodes pour soutenir l’utilisation continue, en particulier durant la période post-partum. 3. Garantir la confidentialité des clientes : Dans certains contextes, l’opposition des hommes à la planification familiale peut provoquer l’arrêt de l’utilisation de la méthode, quelle qu’elle soit. C’est pourquoi il est primordial d’assurer la confidentialité des clientes. 4. Lutter contre les idées fausses : Les professionnels de la santé doivent lutter contre les idées fausses concernant le choix du moment pour commencer une méthode, en particulier lors du passage à une nouvelle méthode de contraception, via la Liste de contrôle de la grossesse ou un test de grossesse. Ils doivent également réfuter l’idée selon laquelle des « périodes de repos » occasionnelles, pendant lesquelles on ne prend pas de contraceptifs, sont nécessaires. 5. Conseiller les femmes qui présentent une aménorrhée prolongée : Il peut être rassurant pour les femmes qui prévoient d’avoir des enfants de savoir qu’elles auront à nouveau leurs règles et de connaître le délai moyen avant que cela ne se produise. Selon les données de l’EDS, entre 7 % et 27 % des femmes arrêtent d’utiliser une méthode de contraception pour des raisons liées au cadre des services, y compris la qualité des services, la disponibilité d’un choix suffisant de méthodes, les ruptures de stock et les mécanismes d’orientation inefficaces. Interventions possibles pour résoudre ces problèmes : 1. Augmenter le nombre de méthodes disponibles : Il est essentiel de proposer davantage de méthodes de contraception aux femmes durant les consultations ou en les orientant vers d’autres professionnels de la santé. L’ajout d’une méthode ou de son équivalent dans un programme entraîne une diminution de l’arrêt des contraceptifs de 8 points de pourcentage. 2. Permettre aux femmes de passer immédiatement à une autre méthode de contraception : Les femmes doivent pouvoir continuer à se protéger d’une grossesse non désirée en commençant à utiliser une méthode plus acceptable et efficace immédiatement si elles font face à des problèmes. 3. Assurer des partenariats efficaces entre les différentes sources d’approvisionnement et/ou les professionnels de la santé : En partageant les tâches, par exemple, pour permettre de proposer une plus grande gamme d’options à l’heure de choisir et/ ou de passer à une méthode de contraception acceptable. 4. Améliorer les mécanismes de suivi : Il peut être utile d’envoyer aux femmes des rappels de rendez-vous pour le réapprovisionnement des méthodes de contraception, au moyen de la technologie mobile par exemple. Cela permet en effet de réduire les arrêts non volontaires des femmes qui manquent la période de grâce cliniquement acceptable pour le réapprovisionnement. 5. Apporter les méthodes aux femmes : Dans certains cas, le réapprovisionnement prend du temps et occasionne des frais de transport pour les femmes, ce qui peut causer un arrêt ou un réapprovisionnement tardif. Grâce aux services communautaires, sur le lieu de travail ou de proximité, les méthodes de contraception sont apportées directement aux femmes, ce qui peut entraîner une augmentation de la poursuite de l’utilisation de contraceptifs. On observe des taux d’arrêt des contraceptifs plus importants chez les adolescentes que chez les femmes plus âgées. Cependant, les obstacles qui s’opposent à une utilisation continue sont peu compris et dépendent souvent du contexte. Il est notamment possible que les professionnels de la santé désapprouvent les rapports sexuels avant le mariage ou aient une vision erronée de la pertinence de l’utilisation de méthodes de contraception à long terme par les femmes nullipares. L’arrêt des contraceptifs chez les adolescentes a des conséquences significatives au niveau personnel et sociétal, en particulier dans les pays qui présentent des cohortes de jeunes en pleine croissance. En effet, les taux élevés de fécondité non désirée chez les adolescentes limitent la participation des jeunes aux opportunités d’éducation et de travail, qui sont nécessaires pour obtenir un dividende démographique. En outre, l’alternance fréquente entre l’utilisation et l’arrêt de l’utilisation de contraceptifs pourrait refléter la nature sporadique des activités sexuelles de nombreuses adolescentes qui pourraient être protégées par des méthodes directement liées aux rapports sexuels (par ex., préservatifs, contraceptifs d’urgence). La motivation, l’intentionnalité et l’ambivalence des individus et des couples en ce qui concerne le souhait de débuter une grossesse ou de l’éviter, et l’influence de ces paramètres sur l’arrêt des contraceptifs, restent mal compris. Le recours aux contraceptifs par les femmes peut être influencé par une mauvaise compréhension de la physiologie et par la perception et la signification des règles normales plutôt que par les conseils médicaux d’un professionnel de la santé au sujet d’une méthode. Il est essentiel de mieux comprendre si les femmes savent en quoi consiste l’arrêt des contraceptifs. Nous pouvons ainsi leur donner des informations et des conseils appropriés de sorte qu’elles n’arrêtent pas totalement d’utiliser des contraceptifs si elles ne souhaitent pas avoir d’enfants. Nous pourrions nous inspirer des approches adoptées pour augmenter la prise d’autres produits de prévention, comme les médicaments antirétroviraux, pour soutenir les femmes qui sont ambivalentes face à l’utilisation continue d’une méthode. L’arrêt des contraceptifs a été décrit par Jain et collaborateurs comme un « seau qui fuit », qui réduit l’impact des programmes de planification familiale. Pourtant, FP2020 ne surveille pas d’indicateur précis pour mesurer les taux de la poursuite des méthodes, envisagées ensemble ou de façon individuelle (Jain 2014a). Plusieurs indicateurs du programme, y compris ceux utilisés par Family Planning 2020 (FP2020) et le Suivi de la performance et redevabilité 2020 (PMA2020), évaluent les différents facteurs associés à l’arrêt (grâce à des enquêtes du type EDS en général). Cependant, il est difficile de recueillir des informations spécifiques à la cliente concernant l’utilisation d’une méthode, car les données doivent être collectées de façon prospective. La plupart des mesures actuelles de l’arrêt et du passage à une autre méthode sont rétrospectives et sont effectuées grâce à des enquêtes sous forme de questionnaires et à des calendriers de la contraception, et les systèmes de surveillance démographique et sanitaire (HDSS) mesurent rarement les dynamiques de l’utilisation des contraceptifs. Il existe des systèmes d’information de gestion de la santé qui suivent les clientes de façon longitudinale (par ex., DHIS2, CLIC) et que l’on pourrait adapter pour mesurer, détecter et éventuellement réduire l’arrêt des contraceptifs et/ou faciliter le passage à une autre méthode. Cependant, généraliser de tels systèmes, en particulier dans des programmes du secteur public, impliquerait un investissement majeur et une modification des systèmes d’enregistrement des clientes actuels. Néanmoins, en raison de l’influence significative de l’arrêt des contraceptifs pour atteindre l’objectif de FP2020, un tel investissement semblerait non seulement justifié, mais aussi véritablement nécessaire. Nous proposons une théorie du changement qui identifie plusieurs façons dont les interventions au niveau des systèmes de santé, de la qualité des services et de l’environnement socioculturel pourraient réduire les arrêts non justifiés. Bien que de nombreuses d’entre elles se fondent sur des données qui prouvent leur faisabilité et leur efficacité dans certains contextes, des recherches de mise en œuvre sont nécessaires de toute urgence pour déterminer leur utilité dans un contexte national spécifique et au sein de différentes sous-populations. Des recherches ayant recours à des concepts quasi expérimentaux sont également nécessaires pour évaluer l’efficacité d’interventions prometteuses qui peuvent (ou non) augmenter la poursuite de l’utilisation de contraceptifs. Des recherches dans le domaine des sciences sociales sont également nécessaires pour mieux comprendre les intentions en matière de fécondité, ainsi que l’utilisation de contraceptifs dans des contextes spécifiques. DÉCEMBRE 2015 iv TABLE DES MATIÈRES 1re PARTIE Contexte PAGE 1 2e PARTIE Objectifs et méthodologie PAGES 1 ET 2 3e PARTIE Moment de l’arrêt et raisons PAGES 2 À 4 4e PARTIE Arrêt, prévalence contraceptive et méthodes disponibles PAGE 4 5e PARTIE Arrêt par profil d’utilisatrice PAGES 4 ET 5 6e PARTIE Passage à une autre méthode par rapport à l’arrêt PAGES 5 ET 6 7e PARTIE Prise de décision des femmes concernant l’arrêt PAGES 6 À 10 7. 1. Effets 8e PARTIE Sous-groupes présentant des besoins spécifiques au niveau de l’arrêt secondaires 7. 2 Rumeurs et fausses informations 7. 3 Intention, motivation et ambivalence PAGES 10 À 12 Adolescentes 8. 2 Femmes en post-partum 8. 3 Hommes 9e PARTIE Stratégies programmatiques pour réduire l’arrêt 9. 1 9. 3 10e PARTIE Suivi et évaluation des stratégies pour réduire l’arrêt PAGES 17 À 21 11e PARTIE Vers une théorie du changement pour réduire l’arrêt PAGES 21 ET 22 12e PARTIE Lacunes dans les données et recherches ultérieures PAGES 23 ET 24 13e PARTIE Conclusions PAGE 24 14e PARTIE Références PAGES 25 À 30 v 8. 1 PAGES 12 À 17 Qualité des services améliorée 9. 2 Réduire la subjectivité des professionnels de la santé et améliorer la compétence technique Éliminer les ruptures de stock 9. 4 Améliorer l’accès grâce à diverses options de prestation de services 9. 5 Modification des politiques pour faciliter la répartition des tâches aux catégories d’un niveau inférieur ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 Durée moyenne de l’utilisation de la méthode (mois) pour les utilisatrices de 19 pays PAGE 2 LISTE DE FIGURES Figure 1 Probabilités de l’arrêt lié à la méthode à 12 mois pour 100 cas par méthode PAGE 3 Figure 2 Pourcentage des femmes qui sont passées à une méthode moderne et traditionnelle au cours des trois mois suivant l’arrêt en raison de la méthode PAGE 5 Figure 3 Résultats en matière de reproduction 12 mois après un arrêt lié à la méthode PAGE 6 Figure 4 Une théorie du changement pour expliquer l’arrêt des contraceptifs PAGES 19 ET 20 LISTE DES ANNEXES Annexe 1 Probabilités d’un arrêt en fonction de la cause aux mois 12, 24 et 36 pour 100 cas par méthode : valeurs moyennes pour 19 pays. (Enquêtes démographiques et de santé sélectionnées 2002-2008) PAGE 31 Annexe 2 Taux de la prévalence contraceptive et de l’arrêt à 12 mois chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, Enquêtes EDS 1995–2006 PAGE 32 Annexe 3 Rapports des chances provenant des modèles de risque de l’arrêt des contraceptifs de femmes ayant besoin d’une méthode de contraception au cours des trois premières années de l’utilisation, selon le cas le plus récent chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, Enquêtes EDS 2002–2006 PAGES 33 ET 34 Annexe 4 Pourcentage des utilisatrices de contraceptifs ayant arrêté une méthode dans les 12 premiers mois de l’utilisation, classées par âge et raisons pour l’arrêt, par pays avec indication de l’année de l’enquête PAGES 35 ET 36 DÉCEMBRE 2015 vi 1re PARTIE CONTEXTE Le souhait d’avoir des familles plus petites et la possibilité de prévoir les grossesses et d’espacer les naissances ont augmenté de façon significative dans les pays en voie de développement au cours des trois dernières décennies. Cependant, il existe d’importantes variations au niveau national et entre les pays en ce qui concerne l’utilisation et le besoin non satisfait de méthodes de contraception efficaces (Ali, Cleland et Shah 2012). Malgré ces augmentations, de nombreuses femmes qui ont recours à la planification familiale arrêtent d’utiliser leur méthode de contraception sans passer à une autre méthode, même si elles ne souhaitent pas tomber enceintes. Des taux d’arrêt élevés peuvent avoir un impact négatif sur les programmes de planification familiale. Une analyse de 34 Enquêtes démographiques et de santé (EDS) menée par Anrudh Jain et collaborateurs (2013) a estimé que, parmi les femmes présentant un besoin non satisfait de planification familiale, 38 % avaient arrêté d’utiliser une méthode moderne de contraception. Ce chiffre atteint 50 % ou plus dans 16 des pays analysés, principalement en Afrique subsaharienne. En outre, près d’un cinquième des femmes qui avaient déjà utilisé une méthode moderne de contraception avaient arrêté de l’utiliser même si elles avaient toujours un besoin non satisfait. Ce taux d’arrêt signifie que jusqu’à 49 millions des 258 millions de femmes qui utilisent actuellement une méthode de contraception moderne dans les 69 pays les plus pauvres (c.-à-d., les pays cibles de FP2020) pourraient arrêter d’utiliser des contraceptifs, ce qui augmenterait le nombre de femmes ayant un besoin non satisfait de planification familiale et représenterait un nouvel obstacle à l’objectif ambitieux de FP2020. Il ne faut pas oublier que l’arrêt n’est pas forcément problématique. On doit s’attendre à un certain niveau d’arrêt lié à la méthode. Les femmes peuvent en effet commencer à utiliser une méthode et se rendre compte qu’elle ne convient pas à leurs besoins ou préférences. Cependant, si ces femmes ne passent pas directement à une autre méthode de contraception et ne souhaitent pas tomber enceintes, elles sont à risque de débuter une grossesse non désirée. La moitié de toutes les grossesses non désirées dans les pays en voie de développement sont interrompues (Sedgh et collaborateurs 2014), la plupart du temps dans des circonstances illégales ou dangereuses, pouvant entraîner des morbidités ou des décès. En outre, les enfants nés de grossesses qui sont signalées comme étant « non désirées », ainsi que ceux qui sont nés peu de temps après une autre grossesse, sont susceptibles de présenter des retards au niveau psychosocial et du développement, ainsi que des problèmes de croissance (Rutstein 2005, Crissey 2005, Crowne et collaborateurs 2012). Lutter contre l’arrêt des contraceptifs peut donc avoir un impact sur la fécondité et la santé des femmes, ainsi que sur le bien-être des nourrissons et des enfants et sur la mortalité et la morbidité maternelles. En outre, l’arrêt a 1 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS des conséquences pour la croissance démographique : Blanc, Curtis et Croft (2002) ont estimé que l’Indice synthétique de fécondité d’un pays diminuerait en moyenne de 20 % à 48 % s’il n’y avait plus d’arrêts des contraceptifs. Par conséquent, si FP2020 souhaite atteindre 120 millions de femmes supplémentaires ayant un besoin non satisfait de planification familiale d’ici 2020, l’arrêt de l’utilisation de contraceptifs doit être mieux compris et appréhendé pour éviter que les programmes de planification familiale ne deviennent des « seaux qui fuient » (Jain 2014a). Les initiatives pour lutter contre l’arrêt des contraceptifs ont des implications au niveau des politiques et des ressources humaines, qui exigent des réponses coordonnées entre les organisations de prestations de services, les professionnels de la santé et les gouvernements. Les données analysées dans ce document mettent en lumière des façons importantes et novatrices d’encourager l’utilisation continue de contraceptifs et de réduire les arrêts dans le cadre de choix éclairés et de soins de grande qualité. 2e PARTIE OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE L’objectif de cette analyse est de répondre aux questions suivantes : 1. Quelles sont les raisons qui motivent l’arrêt de contraceptifs, en dehors du souhait de débuter une grossesse ? Comment pouvons-nous comprendre leurs significations sous-jacentes afin de lutter de façon efficace contre l’arrêt ? 2. D ans quelle mesure ces raisons varient-elles en fonction des caractéristiques de l’utilisatrice et des contextes culturels, et pourquoi ? 3. C ertaines prestations de services ou caractéristiques des méthodes spécifiques sont-elles associées à des taux d’arrêt plus faibles ? 4. Q uelles sont les meilleures pratiques pour empêcher l’arrêt non justifié des contraceptifs qui peuvent être résumées et partagées ? Les données présentées dans ce rapport proviennent d’une analyse rigoureuse de la littérature, y compris des articles publiés et académiques, de documents de politiques et d’instructions programmatiques d’agences internationales. Notre littérature couvre 25 ans, mais la plupart de nos sources remontent au plus tôt à l’an 2000. La plupart des données proviennent de pays en voie de développement où le besoin non satisfait est le plus élevé. Cependant, un petit nombre d’études menées aux États-Unis et dans d’autres pays développés ont également été examinées à la suite de problèmes similaires, liés à la compréhension des clientes de la physiologie reproductive et de son impact sur l’arrêt, par exemple. Les documents ont été identifiés en utilisant l’outil de recherche Popline grâce à des mots-clés, tels que « planification familiale », « effets secondaires » et « qualité des services » et grâce à des recherches sur PubMed et Google Scholar, ainsi que sur la base de données en ligne du Population Council. Cette analyse est très détaillée. Cependant, les documents que nous avons examinés ne sont pas complets et les procédures d’examen systématiques conventionnelles (par ex., examens Cochrane) n’ont pas été suivies, parce que les ressources sont limitées. Notons que l’analyse a révélé qu’il n’existait que très peu de documents sur les raisons de l’arrêt ou sur les interventions programmatiques spécifiquement destinées à réduire l’arrêt et/ou à augmenter le passage à une autre méthode. C’est pourquoi nous avons contacté des sources bien informées dans des agences importantes du domaine de la planification familiale pour des informations supplémentaires, y compris Marie Stopes International, Population Services International et l’USAID. Nous avons contacté personnellement les auteurs de deux analyses significatives des données de l’Enquête démographique et de santé (Sarah Bradley, John Cleland et Iqbal Shah) pour connaître leur avis. Une version préliminaire de ce rapport a été partagée avec les membres du Groupe de travail Suivi de la performance et résultats de FP2020 pour obtenir des avis supplémentaires. 3e PARTIE MOMENT DE L’ARRÊT ET RAISONS Une attention particulière a été portée à l’analyse des taux de l’arrêt et de ses corrélatifs au moyen des ensembles de données existants de l’EDS. Ce document ne reproduit pas ces analyses quantitatives mais renvoie le lecteur aux deux analyses les plus complètes, réalisées par Bradley, Schwandt et Khan (2009) et Ali, Cleland et Shah (2012). Nous avons sélectionné des tableaux de ces documents et les avons retranscrits ici. Ils servent de fondement pour une analyse approfondie des questions contextuelles et des processus de prise de décisions qui entourent l’arrêt. Le Tableau 1, la Figure 1 et l’Annexe 1 présentent des données recueillies grâce à la méthode du calendrier de l’EDS selon laquelle les femmes indiquent elles-mêmes leur utilisation de contraceptifs dans les cinq ans qui précèdent l’enquête. Il est probable que ces données comprennent des réponses biaisées puisqu’elles sont recueillies rétrospectivement. En effet, les femmes pourraient reclasser un « échec de la méthode » comme un « souhait de débuter une grossesse » si elles sont tombées enceintes, même si la grossesse n’était pas désirée. Curtis, Evens et Sambisa (2011) indiquent que l’arrêt des contraceptifs peut être associé à une faible motivation d’éviter la grossesse et, dans ce cas, une partie importante des grossesses qui suivent l’arrêt seront indiquées comme étant désirées. En outre, il est possible que les femmes n’expriment pas leur mécontentement avec la méthode en tant que tel s’il existe une tendance culturelle à donner des réponses positives durant les entretiens (Williams, Tableau 1 : Durée moyenne de l’utilisation de la méthode (mois) pour les utilisatrices de 19 pays Méthode Durée moyenne d’utilisation (mois) Méthodes modernes DIU 40,0 Préservatif 16,0 Pilule 14,7 Contraceptif injectable 11,9 Méthodes traditionnelles Abstinence périodique 17,5 Retrait 15,2 Toutes les méthodes 19,7 Source : Ali, Cleland et Shah (2012) Schutt-Aine et Cuca 2000). En outre, puisque l’arrêt peut être lié à diverses raisons simultanées, il est difficile de les recenser en utilisant les méthodes de recueil de données existantes utilisées par l’EDS et les enquêtes similaires (Vitzthum et Ringheim 2005). De plus, il est important de remarquer que même si une femme continue à utiliser une méthode, elle pourrait ne pas en être satisfaite et préférer une autre méthode si celle-ci était disponible. En moyenne, une femme utilise une méthode de contraception pendant près de 20 mois. Le DIU est la méthode qui est utilisée le plus longtemps (plus de trois ans) et le contraceptif injectable est celle qui est utilisée le moins longtemps (moins d’un an). Il existe des similarités entre toutes les méthodes, modernes et traditionnelles, au niveau de la durée moyenne d’utilisation (12 à 18 mois) (Tableau 1) et des probabilités d’arrêt, toutes raisons confondues1 (Annexe 1), à l’exception du DIU et des implants. Lorsque l’on examine l’arrêt de toutes les méthodes de contraception, on observe que plus d’un tiers (38 %) des femmes arrêtent d’utiliser des contraceptifs au 12e mois, plus de la moitié (55 %) au 24e mois, et près de deux tiers (64 %) au 36e mois. Si l’on exclut les DIU, ces taux moyens sont beaucoup plus élevés à chaque période de temps (c.-à-d., de 40 % à 50 % à 12 mois). En outre, à 36 mois, les utilisatrices de DIU sont deux fois plus susceptibles d’utiliser leur méthode que les utilisatrices d’autres méthodes, principalement parce que les DIU représentent une méthode appropriée pour les femmes qui veulent espacer les grossesses ou ne veulent plus d’enfants. Les implants n’étaient pas compris dans les ensembles de données de l’EDS analysés par Ali et 1. La somme de ces probabilités ne correspond pas au total puisqu’il s’agit d’estimations de décrémentation unique qui représentent la probabilité hypothétique de l’arrêt pour une raison spécifique en l’absence d’autres raisons pour l’arrêt ; il s’agit d’une méthode appropriée pour estimer les risques concurrents qui s’affectent l’un l’autre. DÉCEMBRE 2015 2 collaborateurs (2012) et Bradley et collaborateurs (2009). Les analyses d’autres études publiées indiquent que les taux de poursuite de l’utilisation de contraceptifs pour les implants oscillent entre 78 % et 96 % à un an et entre 50 % et 86 % à trois ans (Jacobstein et Polis 2014). Ils sont donc similaires aux taux des utilisatrices de DIU. Les raisons pour l’arrêt des contraceptifs varient considérablement selon la méthode, même si ces raisons sont assez constantes pour chaque méthode au fil du temps. Pour toutes les méthodes, sauf le DIU, 6 % à 11 % des utilisatrices arrêtent les contraceptifs après 12 mois car elles veulent débuter une grossesse. Un nombre de femmes similaire (6 % à 13 %) arrêtent les contraceptifs, car elles estiment ne plus avoir besoin de protection contre le risque de tomber enceinte. Très peu d’utilisatrices de DIU arrêtent de les utiliser après 12 mois pour ces raisons (1,3 % et 0,8 % respectivement), et même à 36 mois, la raison principale pour l’arrêt du DIU est liée à la méthode et non au souhait de débuter une grossesse ou au fait qu’elles n’ont plus besoin de protection. Cela suggère que la plupart des utilisatrices de DIU ont recours à des contraceptifs pour espacer les naissances le plus possible ou pour ne plus avoir d’enfants. Après 12 mois, 7 % de toutes les utilisatrices indiquent que l’échec de la méthode est la raison pour laquelle elles arrêtent les contraceptifs. Cependant, il s’agit surtout des femmes qui ont recours à la méthode du retrait et à l’abstinence périodique (15 % à 17 %), ainsi que des utilisatrices de pilules et de préservatifs (6 % à 8 %). Les taux d’échec parmi les utilisatrices de DIU et de contraceptifs injectables s’élèvent à un peu plus de 1 %. Les raisons principales pour l’arrêt du DIU sont liées à la méthode et comprennent les effets secondaires et les inquiétudes au niveau de la santé. Il est peu probable que les femmes arrêtent d’utiliser un DIU après 36 mois pour débuter une grossesse, parce que la protection n’est plus nécessaire ou en raison de l’échec de la méthode. Le fait qu’un tiers des utilisatrices de DIU arrêtent d’utiliser un DIU principalement pour des raisons liées à la méthode indique la nécessité de comprendre les différentes raisons pour les différents types de DIU et de comprendre si la façon dont ils sont fournis pourrait réduire les chances de présenter ces expériences indésirables. Les données de l’EDS sur les taux de poursuite de l’utilisation de contraceptifs en ce qui concerne les systèmes intra-utérins à libération de lévonorgestrel (SIU-LNG) ne sont pas disponibles étant donné le faible nombre d’utilisatrices dans les pays en voie de développement. Les études comparant le SIU-LNG Mirena® et le DIU au cuivre Nova-T2 indiquent des taux de poursuite similaires à cinq ans, même si dans une étude, le SIU-LNG était associé à un taux d’arrêt supérieur, en grande partie imputable aux femmes qui présentent une aménorrhée non désirée. Le produit récemment commercialisé SIU-LNG LILETTA® présentait un taux d’arrêt similaire après 12 mois (environ 10 %) que le DIU. Les taux d’arrêt des femmes prenant des pilules et des contraceptifs injectables sont similaires au fil du temps. Cependant, pour justifier l’arrêt, une grande partie des utilisatrices de pilules évoquent l’échec de la méthode 3 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS Figure 1 : Probabilités de l’arrêt des contraceptifs, toutes raisons confondues, à 12 mois pour 100 cas, par méthode : encadrés et boîtes à moustaches pour 19 pays Pilule DIU Contraceptifs injectables Préservatifs Abstinence périodique Retrait Probabilités pour 100 cas Source : Ali, Cleland et Shah (2012) (probablement en raison d’une mauvaise observance de l’utilisation régulière) tandis que davantage d’utilisatrices des contraceptifs injectables mentionnent des raisons liées à la méthode et des effets secondaires. En effet, comme le montre la Figure 1, parmi toutes les méthodes, les contraceptifs injectables sont associés à l’arrêt lié à la méthode le plus important à 12 mois en termes de niveau et d’ampleur. En raison de l’augmentation rapide de l’utilisation de contraceptifs injectables en Afrique subsaharienne, il est évident qu’il est nécessaire d’améliorer les services de conseils aux clientes en ce qui concerne les effets secondaires potentiels, de mettre en place un suivi rigoureux et des mécanismes d’orientation pour faciliter le passage à une autre méthode, et de commercialiser un produit injectable qui présente moins d’effets secondaires. Les données des enquêtes EDS dans six pays sont présentées en Annexe 3. Il s’agit d’un calcul des rapports des chances des femmes mariées qui arrêtent l’utilisation de contraceptifs tout en ne souhaitant pas débuter de grossesse au cours des trois premières années. Dans tous les pays, hormis l’Égypte (où la plupart des femmes utilisent un DIU), la probabilité d’arrêter après six mois ou plus est inférieure ou similaire à la probabilité d’arrêter dans les cinq premiers mois. En général, cependant, cette étude et les analyses similaires des données de l’EDS suggèrent qu’il existe une tendance à un arrêt élevé dans les cinq premiers mois, probablement en raison du fait que les femmes présentent des effets secondaires inattendus ou des problèmes du même type. Cependant, si les femmes utilisent une méthode pendant au moins 2. www.mirena.com/en/professional/counselling/tolerability/index.php# 6 mois, elles sont plus susceptibles de continuer à l’utiliser pendant 20 mois environ. Cela suggère que, dans le cadre de l’accompagnement, les femmes doivent être régulièrement informées des effets secondaires et doivent avoir la possibilité de changer de méthode si nécessaire. 4e PARTIE ARRÊT, PRÉVALENCE CONTRACEPTIVE ET MÉTHODES DISPONIBLES Il est important de déterminer si l’augmentation de la prévalence contraceptive et des méthodes disponibles a un impact sur l’arrêt des contraceptifs, surtout pour les programmes qui commencent à se développer au niveau de leur ampleur et de leur portée. L’association entre la prévalence contraceptive et l’arrêt à 12 mois (toutes méthodes et toutes raisons confondues) a été analysée à l’aide de données longitudinales de deux séries d’EDS de huit pays (Bradley, Schwandt et Khan 2009). Les résultats (voir Annexe 2) ne sont pas concluants. En Indonésie et en République dominicaine, par exemple, la prévalence a augmenté et l’arrêt a diminué. Au Bangladesh et au Zimbabwe, la prévalence a augmenté et on n’a observé aucune différence au niveau de l’arrêt. En Égypte, la prévalence et l’arrêt ont tous deux augmenté. En Arménie, on a observé une diminution de la prévalence et de l’arrêt. Au Kenya, la prévalence a peu changé et l’arrêt a augmenté, tandis qu’en Colombie, la prévalence a suivi la même tendance, mais l’arrêt a diminué. Ces informations sont importantes, car elles indiquent que l’on ne peut pas partir du principe que les investissements qui permettent d’augmenter la prévalence contraceptive avec succès contribuent également à réduire l’arrêt. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour compléter les initiatives qui permettent d’augmenter la prévalence afin d’assurer que les taux d’arrêt diminuent avec l’augmentation de la prévalence, ou au moins qu’ils n’augmentent pas. Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer s’il existe un changement au niveau des méthodes proposées lorsque la prévalence augmente, et si c’est le cas, si ce changement a un impact sur les taux d’arrêt en général, et pour les femmes au niveau individuel. Les données suggèrent que la disponibilité d’une plus grande variété de méthodes peut permettre aux femmes de passer plus facilement à une autre méthode après avoir arrêté d’utiliser des contraceptifs (plutôt que d’arrêter de les utiliser totalement). Jain et collaborateurs (2013) ont estimé qu’en ajoutant une méthode supplémentaire ou son équivalent au nombre de méthodes disponibles, l’arrêt des contraceptifs diminuait de 8 points de pourcentage. En outre, l’amélioration de la variété des méthodes disponibles a été associée à une diminution de l’arrêt de 6 points de pourcentage. Il est très important d’avoir plus de choix si les effets secondaires d’une méthode représentent la raison principale de l’arrêt (Barden-O’Fallon et Speizer 2011). Cependant, des mécanismes réactifs et efficaces pour permettre le passage à une autre méthode doivent également être disponibles. Des analyses récentes ont révélé que la variété des contraceptifs disponibles est très pauvre dans de nombreux pays, où seules une ou deux méthodes représentent plus de la moitié de l’utilisation des contraceptifs (Bertrand et collaborateurs 2014, Ross, Keesbury et Hardee 2015). Pour ces pays en particulier, il est particulièrement important de comprendre le rôle des méthodes utilisées vis-à-vis de l’arrêt et du passage à une autre méthode. L’augmentation généralisée de l’utilisation des contraceptifs injectables en Afrique subsaharienne s’accompagne dans certains pays d’une réduction des méthodes utilisées, car presque toutes les nouvelles utilisatrices choisissent cette méthode, même lorsque d’autres méthodes sont disponibles. Il est important de s’assurer que les femmes qui utilisent des contraceptifs injectables ont la possibilité de passer facilement à une autre méthode, d’une efficacité équivalente ou supérieure, pour plusieurs raisons : (i) Pour les contraceptifs injectables, les raisons évoquées pour l’arrêt sont principalement les effets secondaires et les raisons liées à la méthode. En Afrique du Sud, Baumgartner et collaborateurs (2012) ont découvert qu’entre 29 % et 42 % des utilisatrices de contraceptifs injectables étaient en retard de jusqu’à 2 semaines pour leur réapprovisionnement et que de 16 % à 25 % des utilisatrices arrivaient de 2 à 12 semaines en retard. Dasgupta et collaborateurs (2015a) ont découvert que seuls 51 % des nouvelles utilisatrices au Malawi recevaient leur injection de suivi dans les 13 semaines. (ii) L’utilisation des contraceptifs injectables a été associée à des intervalles de naissance plus courts que les autres méthodes ou même que l’absence de méthode (Ngianga-Bakwin et Stones 2005). (iii) L’incertitude actuelle au niveau du rôle potentiel des contraceptifs injectables dans l’acquisition du VIH (par ex., Polis et collaborateurs 2014) pourrait pousser les utilisatrices de contraceptifs injectables à passer à une autre méthode. 5e PARTIE ARRÊT PAR PROFIL D’UTILISATRICE L’Annexe 3 utilise des données des enquêtes EDS datant de 2002 à 2006 pour calculer les rapports des chances des femmes mariées qui arrêtent d’utiliser des contraceptifs tout en ne souhaitant pas tomber enceinte dans les trois premières années de l’utilisation, en fonction de variables sociodémographiques. Il est intéressant de noter que les femmes sont plus susceptibles d’arrêter d’utiliser des méthodes modernes de contraception que des méthodes traditionnelles au Kenya, en Arménie, au Bangladesh, en Indonésie, en République dominicaine et en Colombie, tandis que les femmes sont moins susceptibles d’arrêter d’utiliser des méthodes modernes au Zimbabwe et en Égypte. Les programmes nationaux peuvent néanmoins jouer un rôle pour influencer (de façon positive ou négative) l’utilisation des méthodes modernes de contraception par rapport aux méthodes traditionnelles. DÉCEMBRE 2015 4 Traditionnelle Turquie Maroc Moldavie Pérou Vietnam Jordanie Bangladesh Colombie Indonésie Philippines Égypte Éthiopie Zimbabwe République dominicaine Kenya Malawi Figure 2 : Pourcentage des femmes qui sont passées à une méthode moderne et traditionnelle au cours des trois mois suivant l’arrêt en raison de la méthode, pour 17 pays Tanzanie Les femmes de plus de 25 ans sont toujours moins susceptibles d’arrêter les contraceptifs que les femmes plus jeunes. La probabilité de poursuivre l’utilisation de contraceptifs est plus faible pour les femmes plus âgées et plus élevée pour les adolescentes (Blanc et collaborateurs 2009). Les femmes qui ont travaillé au cours de l’année précédente sont moins susceptibles d’arrêter les contraceptifs que celles qui n’ont pas travaillé, vraisemblablement parce qu’elles souhaitent garder leur emploi plutôt que de connaître une grossesse non désirée. Les probabilités de l’arrêt diminuent avec chaque augmentation annuelle de l’éducation des femmes, même si la relation avec ce facteur est faible. Dans ces pays, il n’existe pas de lien clair entre l’exposition médiatique et l’arrêt des contraceptifs. Ce résultat suggère qu’il pourrait être efficace d’utiliser les médias pour lutter contre l’arrêt, mais que l’utilisation des médias doit être bien pensée et mise en œuvre pour éviter les messages contradictoires qui pourraient ne pas être compris. Dans une certaine mesure, on associe le fait de vivre dans une communauté où l’utilisation des contraceptifs est importante à un arrêt réduit. Le souhait d’avoir plus d’enfants que son partenaire (ce qui est susceptible d’indiquer une mauvaise communication entre les conjoints) est associé à un arrêt des contraceptifs plus important dans certains pays (Kenya, Bangladesh et Indonésie). Moderne Source : Ali, Cleland et Shah (2012) 6e PARTIE PASSAGE À UNE AUTRE MÉTHODE PAR RAPPORT À L’ARRÊT Des analyses des données de l’EDS sur les comportements en ce qui concerne le passage à une autre méthode de Bradley et collaborateurs (2009) et d’Ali et collaborateurs (2012) ont révélé que trois mois après avoir arrêté l’utilisation de contraceptifs pour des raisons liées à la méthode (c.-à-d., pas en raison du souhait de débuter une grossesse), une plus grande partie est ensuite passée à une autre méthode. La Figure 2 atteste de variations importantes au niveau transnational, de 80 % en Moldavie, au Maroc, en Turquie et au Vietnam à moins de 40 % dans les pays d’Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Zimbabwe), le Malawi présentant le taux de passage à une autre méthode le plus faible avec 14 %. Entre 4 % et 20 % des femmes qui n’étaient pas passées à une autre méthode après trois mois ont signalé avoir débuté une grossesse. Le reste des femmes qui ne sont pas passées à une autre méthode étaient à risque de débuter une grossesse. Ce chiffre allait de 73 % des femmes au Malawi à de 12 % à 17 % des femmes en Moldavie, au Maroc, en Turquie et au Vietnam. La plupart des femmes qui passent à une autre méthode commencent à utiliser une méthode moderne réversible ou passent à une autre méthode moderne, même si dans certains pays (surtout ceux qui présentent le niveau de passage à une autre méthode le plus élevé), plus de 20 % passent d’une méthode moderne à une méthode traditionnelle, et plus de 10 % passent aux préservatifs. Il est probable que ce comportement trahisse l’existence de problèmes liés à la méthode ou à la façon dont elle est fournie en ce qui concerne les méthodes hormonales. 5 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS Une analyse des ensembles de données de l’EDS dans 14 pays par Ali, Park et Ngo (2014) a révélé que la durée moyenne de l’utilisation de DIU sans interruption était de 37 mois. 13 % des femmes arrêtaient les contraceptifs après 12 mois, 9 % d’entre elles pour des raisons liées à la méthode. Dans les trois mois suivant l’arrêt pour des raisons liées à la méthode, la moitié des femmes étaient passées à une autre méthode moderne réversible, 12 % à des méthodes traditionnelles, 12 % sont tombées enceintes et 25 % restaient à risque de tomber enceintes. Les femmes plus instruites, plus riches et celles qui ne voulaient plus d’enfants étaient plus susceptibles de passer à une autre méthode moderne de contraception réversible. Une étude des femmes qui ont arrêté l’utilisation du DIU reçu via un programme de franchise sociale au Pakistan (Hameed et collaborateurs 2015) a révélé que 40 % de ces femmes ne sont pas passées à une autre méthode et étaient donc à risque d’une grossesse non désirée. Celles qui sont passées à une autre méthode ont eu recours à une méthode à court terme ou traditionnelle, en particulier celles qui avaient utilisé de telles méthodes avant d’utiliser le DIU. Les stratégies recommandées pour augmenter la probabilité que les personnes qui arrêtent d’utiliser un DIU passent à une autre méthode consistent notamment à offrir un service de conseils aux clientes immédiatement après le retrait, à assurer un suivi par un professionnel de la santé et à garantir que des méthodes à long terme et permanentes sont disponibles et abordables. Parmi plusieurs pays qui ont un taux élevé de passage à une autre méthode de contraception (par ex., la Moldavie, la Turquie et le Vietnam), environ la moitié des femmes passent à un DIU. À l’inverse, dans les quatre pays de l’Afrique de l’Est dont le taux de passage à une autre méthode est le plus bas, la plupart des femmes passent à une méthode hormonale, très peu de femmes (3 % à 6 %) passent à des méthodes traditionnelles et pratiquement aucune ne passe à un DIU. La majorité des femmes qui passent à des méthodes traditionnelles le font en raison d’inquiétudes concernant leur méthode hormonale. Il est difficile de déterminer si cela reflète une véritable préférence pour une méthode ou le caractère limité de la gamme des méthodes disponibles. Ali et collaborateurs (2012) indiquent également que le passage d’une méthode hormonale à une autre est fréquent (c.-à-d., entre les pilules et les contraceptifs injectables ou vice versa). Les effets secondaires ou les inquiétudes au niveau de la santé peuvent donc ne pas représenter un obstacle à l’utilisation d’options hormonales alternatives si elles existent. Même les femmes qui n’ont aucun problème avec les effets secondaires pourraient essayer différentes méthodes l’une après l’autre pour trouver celle qui leur convient le mieux. Par exemple, au Burundi, les professionnels de la santé ont indiqué qu’un grand nombre de femmes avaient tendance à « essayer » l’utilisation de contraceptifs injectables avant de passer aux implants (APHRC 2013). La Figure 3 indique une grande variation au niveau des résultats en matière de reproduction 12 mois après Source : Ali, Cleland et Shah (2012) Grossesse inopportune Vietnam Zimbabwe Turquie Ukraine Tanzanie Pérou Philippines Maroc Moldavie Kenya Grossesse désirée Malawi Jordanie Indonésie Égypte Éthiopie Colombie Enfant mort-né République dominicaine Arménie Bangladesh Figure 3 : Résultats en matière de reproduction 12 mois après un arrêt lié à la méthode, pour 19 pays Grossesse non désirée l’arrêt lié à la méthode. Ali et collaborateurs (2012) indiquent que 3 % à 20 % des femmes qui ne passent pas à une autre méthode dans les trois mois tombent enceintes (vraisemblablement de façon involontaire), le reste étant toujours à risque de débuter une grossesse. Des taux élevés de grossesses (jusqu’à 38 % au Malawi) peuvent se présenter, une grande proportion de celles-ci (de 15 % à 25 %) étant indiquées comme étant non désirées ou inopportunes (c.-à-d., accidentelles) (par ex., en République dominicaine, au Kenya, au Malawi et au Zimbabwe). Ces grossesses sont susceptibles de refléter l’impossibilité pour les femmes de passer à une autre méthode ou d’avoir accès à des services d’avortement lorsqu’elles tombent enceintes. Cependant, dans certains pays (par ex., en Égypte, en Indonésie, en Moldavie et en Ukraine), plus de la moitié des femmes qui tombent enceintes ou qui ont eu un enfant les définissent comme étant désirées. Cela peut indiquer qu’elles avaient de toute façon l’intention d’arrêter la méthode dans un avenir proche. Cependant, il est plus probable que cela indique qu’elles ont changé d’avis après être tombées enceintes ou avoir accouché. 7e PARTIE PRISE DE DÉCISION DES FEMMES CONCERNANT L’ARRÊT 7. 1. Effets secondaires Une grande partie des femmes qui évoquent des raisons liées à la méthode pour l’arrêt ont interrompu l’utilisation de contraceptifs en raison d’effets secondaires. Les méthodes hormonales (c.-à-d., les contraceptifs injectables suivis de la pilule) présentent le taux le plus élevé des arrêts liés à la méthode. Les fabricants du contraceptif injectable le plus souvent utilisé, Depo-Provera, remarquent que « tandis que les femmes continuent à utiliser Depo-Provera, elles sont moins nombreuses à présenter des cycles de saignement irréguliers et plus nombreuses à présenter une aménorrhée. Après 12 mois, l’aménorrhée a été signalée chez 55 % des femmes et après 24 mois, elle a été signalée chez 68 % des femmes qui utilisent Depo-Provera » (Pfizer 2013:12). Toujours plus de données suggèrent que l’on peut remarquer des variations physiologiques significatives dans le monde au niveau des effets secondaires présentés par les femmes. Vitzthum et Ringheim (2005) constatent qu’il pourrait y avoir un fondement biologique (peut-être lié au régime alimentaire, à la nutrition ou à d’autres facteurs métaboliques) qui expliquerait les variations au niveau de la tolérance de la contraception hormonale par les femmes. Ils présentent des résultats de recherches réalisées auprès de femmes boliviennes qui semblent avoir des profils hormonaux normaux significativement plus bas que ceux des femmes aux États-Unis, auprès desquelles les essais cliniques de nombreux contraceptifs hormonaux sont menés. Ces résultats suggèrent qu’il est « nécessaire de mener des recherches physiologiques davantage ciblées sur la population, visant à analyser le rapport possible entre DÉCEMBRE 2015 6 les différences au niveau des hormones endogènes et la poursuite de l’utilisation de contraceptifs » (Vitzthum et Ringheim 2005:13). Par exemple, les femmes qui reçoivent des doses bien plus faibles de contraceptifs oraux en Amérique latine et en Thaïlande présentaient des taux plus faibles de saignements irréguliers et moins d’effets secondaires, ce qui signifie qu’elles étaient moins susceptibles d’arrêter les contraceptifs (Koetsawang et collaborateurs 1995). Des recherches qualitatives indiquent que souvent les inquiétudes des femmes en ce qui concerne les effets secondaires ne sont pas prises au sérieux par les professionnels de la santé, alors que l’aménorrhée ou les saignements prolongés peuvent avoir un impact vraiment négatif sur la vie de nombreuses femmes, au niveau psychosocial et même économique (Tolley et collaborateurs 2005, Var et collaborateurs 2014). Si, dans le cadre des services de conseils, les clientes ne sont pas bien informées des effets secondaires éventuels, elles pourraient avoir des inquiétudes et même être effrayées par des changements inattendus au niveau de l’humeur, des menstruations ou du poids. La plupart des effets secondaires peuvent être gérés par des interventions simples (par exemple, en donnant des comprimés oraux ou de l’ibuprofène aux utilisatrices de contraceptifs injectables, d’implants et de DIU qui souffrent de ménorragie) tandis que les autres doivent être adressés par les professionnels de la santé qui doivent rassurer et donner des informations correctes aux femmes. Si les professionnels de la santé n’aident pas les femmes à s’attendre à des effets secondaires et à les gérer, il est possible qu’elles arrêtent les contraceptifs ou passent à une nouvelle méthode alors que ce n’est pas nécessaire. Les femmes bénéficiant d’un niveau d’éducation supérieur semblent arrêter les contraceptifs moins souvent (Bradley, Schwandt et Khan 2012), probablement parce qu’elles connaissent mieux leur physiologie et qu’elles peuvent plus facilement obtenir et comprendre les informations des professionnels de la santé ou autres lorsqu’elles présentent des effets secondaires. Souvent, les professionnels de la santé eux-mêmes ne sont pas certains des effets physiologiques de la contraception et ne savent pas comment gérer les effets secondaires s’ils se présentent. Leur première réaction pourrait être de conseiller aux femmes de passer à une autre méthode plutôt que de leur suggérer de continuer à utiliser la méthode jusqu’à ce que les effets secondaires disparaissent. Castle et Hardtman (2014) ont découvert qu’à Madagascar, les professionnels de la santé conseillaient souvent aux utilisatrices de contraceptifs injectables qui présentaient des saignements inter-menstruels de passer aux implants plutôt que de les rassurer en leur disant que cela disparaîtrait au fil du temps ou de leur proposer des comprimés ou des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens. Au Ghana, les mêmes auteurs ont noté que les consultations de suivi des femmes qui s’inquiétaient des effets secondaires entraînaient des coûts supplémentaires qu’elles ne pouvaient pas se permettre. Il est donc possible que 7 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS certaines utilisatrices arrêtent les contraceptifs en raison d’effets secondaires dont elles ne peuvent pas parler avec leur professionnel de la santé puisqu’elles ne peuvent pas se permettre une visite supplémentaire. Il pourrait également être bénéfique pour les femmes qui souffrent d’effets secondaires de parler à des membres de leur famille et à d’autres personnes de leurs réseaux sociaux. Fallon et Speizer (2011) ont découvert que plus de 4 femmes sur 10 au Honduras arrêtaient leur méthode initiale pendant la période d’étude de 12 mois et que les « personnes qui arrêtent » étaient moins susceptibles de communiquer leurs inquiétudes que les « personnes qui passent à une autre méthode ». Dans les deux groupes, un plus grand nombre de femmes ont informé les agents de santé qu’elles souffraient de problèmes de saignements par rapport aux femmes qui ont signalé des maux de tête, même si plus de 40 % des femmes qui souffraient de maux de tête ont indiqué que cela posait problème dans leur couple. Les femmes qui demandaient l’aide d’un hôpital ou d’un agent de santé pour les effets secondaires étaient considérablement plus susceptibles de passer à une autre méthode que d’arrêter la méthode de contraception complètement. En outre, les femmes qui avaient parlé de la possibilité d’arrêter l’utilisation de contraceptifs avec leur partenaire étaient trois fois plus susceptibles de passer à une autre méthode que d’arrêter. Les auteurs concluent que le programme de planification familiale du Honduras devrait « les encourager à parler avec leur partenaire, les membres de leur famille et d’autres personnes au sujet de l’arrêt ou du passage à une autre méthode avant de prendre une décision et d’agir en conséquence » (Fallon et Speizer 2011:22). Les effets secondaires peuvent être inquiétants ou gênants, mais pas uniquement. En effet, ils peuvent également avoir un impact sur les relations sociales et sexuelles des femmes, leurs pratiques religieuses et l’activité économique. Par exemple, la sécheresse vaginale associée à l’utilisation de contraceptifs injectables peut avoir un impact sur les relations sexuelles des femmes, entraînant des problèmes entre les époux. Au Mali, une étude qualitative a révélé que les troubles menstruels (sous forme d’aménorrhée ou de saignements prolongés) pouvaient avoir de graves répercussions, les femmes pouvant notamment être accusées de sorcellerie et de comportement immoral. Ce phénomène pouvait entraîner le divorce ou l’acquisition d’une femme supplémentaire par le mari (Castle 2003). En Ouganda, Hytell et collaborateurs (2012) indiquent que les effets secondaires, tels que les saignements et la fatigue ont un impact sur la capacité des femmes à travailler dans les champs et réduit donc leur contribution à la productivité du foyer. Un informateur de sexe masculin nous a dit : « Les saignements deviennent un problème, car nous travaillons toujours beaucoup. Si elle a beaucoup de saignements, qu’elle a mal au ventre et a la tête qui tourne, ça veut dire qu’elle arrêtera de travailler. Si elle ne récolte pas mon millet, qu’est-ce qu’elle mangera demain ? » Les effets secondaires peuvent être plus graves pour les femmes qui utilisent des contraceptifs sans en informer leur mari. Par exemple, les troubles menstruels représentaient la raison principale de l’arrêt des contraceptifs chez les femmes qui prenaient des contraceptifs en secret au Mali, car elles avaient peur que leur mari se rende compte de leur utilisation de contraceptifs (Castle et collaborateurs 1999). Dans les sociétés islamiques, une femme qui a ses règles ne peut pas prier, et dans d’autres sociétés, elles ne peuvent pas préparer de la nourriture ou avoir des relations sexuelles. Les troubles menstruels deviennent donc « visibles » pour les partenaires et les autres membres de la famille. Dans les contextes où la prévalence est faible, les hommes et les parents plus âgés s’opposent souvent à la planification familiale. La découverte de l’utilisation secrète peut donc être dangereuse et entraîner pour les femmes un risque de divorce ou de violence de genre parce qu’elles ont désobéi à leur mari (Castle et collaborateurs 1999). Dans de tels contextes, l’accompagnement des couples peut ne pas être approprié et les professionnels de la santé pourraient devoir protéger activement la confidentialité de l’utilisation secrète des contraceptifs par les femmes. Dans d’autres cas, l’accompagnement des couples peut convaincre les hommes de jouer un rôle dans la planification familiale et se traduire par une communication améliorée et une utilisation continue des contraceptifs (OMS/OPS 2002). Ces observations renforcent l’importance de l’accompagnement individualisé adapté aux circonstances spécifiques des femmes en ce qui concerne le rôle des hommes. 7. 2. Rumeurs et fausses informations Peu de recherches ont été menées pour analyser de façon spécifique le lien entre les rumeurs au sujet des méthodes et l’arrêt et le passage à une autre méthode. Les données suggèrent que, dans certains contextes, les mythes et les rumeurs au sujet des conséquences biologiques et comportementales de l’utilisation de la contraception peuvent mener à moins d’utilisations de contraceptifs et à un arrêt prématuré de l’utilisation de contraceptifs (Castle 2011). En général, la nature des mythes et des rumeurs dépend de la méthode. Pourtant, curieusement, elle est similaire dans les différents pays et cultures, résultant d’un mélange d’expérience personnelle et de ouï-dire (Diamond-Smith, Campbell et Madan 2012). Dans certains contextes, on pense que l’utilisation de contraceptifs encouragera les femmes à avoir des mœurs légères, les rendra stériles ou pourrait provoquer le cancer ou d’autres maladies. Certaines sociétés associent l’utilisation de contraceptifs à un infanticide ou pensent, à juste titre ou non, que cela va à l’encontre de leur religion (Sargent 2006). Au Nigéria, par exemple, une étude révèle que les femmes qui étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle la planification familiale entraînait une stérilité féminine étaient bien moins susceptibles (0,14 fois) d’avoir utilisé une méthode que celles qui ne l’étaient pas. De la même façon, celles qui pensaient que les méthodes de contraception pouvaient provoquer le cancer étaient beaucoup moins susceptibles (0,19 fois) d’utiliser une méthode que celles qui ne le pensaient pas (Ankomah, Anyanti et Oladosu 2011). Les mythes sont souvent créés et renforcés par les interactions sociales des femmes dans des contextes informels, comme au marché ou au puits, où elles échangent des informations. Dans le cadre d’une étude sur les échanges des réseaux, on a découvert que les femmes kenyanes avaient des doutes sur la planification familiale et complétaient les informations reçues des professionnels de la santé avec les expériences des femmes dont le corps et les circonstances étaient similaires aux leurs (Watkins 1997). Les programmes de planification familiale pourraient améliorer leur efficacité en envisageant les clientes et les professionnels de la santé en tant qu’individus ainsi qu’en tant que membres d’importants réseaux d’informations informels. Au Mali, par exemple, les échanges informels dans les lieux publics influençaient la prise de décision et l’emportaient souvent sur les conseils donnés par les professionnels de la santé (Castle 2011). Au Cambodge, Samandari et O’Connell (2011) ont découvert que l’utilisation de contraceptifs à long terme chez les femmes mariées de moins de 30 ans et bénéficiant de 12 à 14 ans d’éducation était grandement liée à leur capacité à réfuter les idées fausses qui circulaient au sujet des contraceptifs et à supporter les effets secondaires, ainsi qu’au soutien de leur partenaire et des professionnels de la santé. Même si elles ont reconnu avoir entendu des rumeurs, la plupart des femmes qui ont continué à utiliser des contraceptifs ne les ont pas écoutées et ont décidé de se fier à leur propre jugement et expérience. En outre, elles ont demandé l’avis de leurs professionnels de la santé, ont discuté des rumeurs avec eux et ont été rassurées par leurs explications (voir encadré). Les femmes qui ont continué à utiliser des contraceptifs manifestaient une plus grande confiance en elles et un sentiment d’efficacité personnelle plus important que celles qui ont arrêté, ce qui leur a permis de ne pas « Sur l’un des marchés, où ils vendent des noix de cola, les femmes disent que si on prend la pilule, elles s’accumulent dans l’estomac, et la femme devient stérile. C’est pour ça que j’ai arrêté de prendre la pilule. Après, j’ai commencé à prendre des contraceptifs injectables et je n’ai eu aucun problème. » Femme ayant pris la pilule, 31 ans, sans éducation, vendeuse de condiments CASTLE (2011) DÉCEMBRE 2015 8 « Le médecin m’a dit de ne pas croire les rumeurs. Tout va bien. Donc maintenant, je n’ai plus peur du tout. » Femme continuant d’utiliser des contraceptifs, Cambodge SAMANDARI ET O’CONNELL (2011) croire les rumeurs et de donner la priorité à leurs souhaits en matière d’utilisation de contraceptifs. Dans d’autres contextes, les femmes moins instruites pourraient ne pas avoir les compétences psychosociales leur permettant de dépasser les croyances normatives et pourraient laisser les rumeurs les pousser à arrêter d’utiliser des contraceptifs. 7. 3. Intention, motivation et ambivalence Les données sur les raisons contextuelles de l’arrêt se limitent généralement aux recherches qualitatives sur le fait que les femmes ne sont pas satisfaites de la méthode et sur le rôle des rumeurs et des effets secondaires, ce qui implique que les femmes décident volontairement d’arrêter les contraceptifs pour ces raisons. La réalité est néanmoins plus complexe. Par exemple, les femmes peuvent choisir de faire une courte pause et d’interrompre l’utilisation de la méthode hormonale tout en indiquant qu’elles l’utilisent de façon continue. Cela peut affecter la validité des méthodes de collecte de données rétrospectives (comme le calendrier de l’EDS) et fausser les interprétations de résultats d’études sur l’utilisation de contraceptifs hormonaux (Smit et Beksinska 2013). Peu de recherches ont été menées sur l’intentionnalité de l’arrêt et on reconnaît peu le fait que de nombreuses femmes peuvent arrêter les contraceptifs de façon involontaire ou non préméditée. Les femmes identifiées dans les enquêtes comme étant des « utilisatrices ayant arrêté les contraceptifs » pourraient en réalité ne pas se considérer comme telles. Au lieu de cela, ces interruptions à court ou à long terme pourraient être dues, par exemple, à une mauvaise compréhension de l’importance de la ponctualité pour le réapprovisionnement ou les nouvelles injections ou à l’impossibilité d’avoir accès à un professionnel de la santé en raison d’un manque de temps ou d’argent. Certaines femmes peuvent avoir des doutes sur la poursuite de la contraception même si elles ne veulent pas tomber enceintes, tandis que d’autres pourraient ressentir le besoin d’arrêter l’utilisation de la méthode, notamment en raison de troubles menstruels. Par exemple, en Afrique du Sud, une étude de cohorte menée auprès de 189 utilisatrices de contraceptifs injectables a révélé que 78 femmes ont arrêté cette méthode après deux ans. Parmi celles-ci, 31 ont signalé qu’elles « faisaient une pause » (Baumgartner et collaborateurs 2007). D’autres voulaient avoir la 9 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS certitude qu’elles auraient de nouveau leurs règles. Cette inquiétude est soulignée par l’EDS menée en Afrique du Sud, qui a révélé que « le souhait de voir ses règles » était une raison majeure des interruptions provisoires de l’utilisation de contraceptifs (MRC 2001). Beksinska, Rees et Smit (2001) ont découvert que la durée moyenne de l’absence d’utilisation de contraceptifs s’élevait à sept mois (fourchette de 2 à 13 mois). Les auteurs ont conclu qu’il était vraiment nécessaire de fournir des services de conseils améliorés pour assurer une utilisation correcte et continue de la méthode. Ils remarquent également que, dans de nombreux contextes (y compris aux États-Unis), les professionnels de la santé pensent souvent que les femmes doivent faire une pause afin de « reposer leur corps » de la contraception hormonale et que certaines femmes ne comprennent pas qu’elles peuvent tomber enceintes même si elles n’ont pas leurs règles (2001:309). Les résultats de Baumgartner et collaborateurs (2007) sur « l’arrêt involontaire » de l’utilisation de contraceptifs injectables en Afrique du Sud soulignent le besoin de faciliter le passage immédiat à une autre méthode de contraception ou d’offrir des services de conseils améliorés qui insistent sur l’importance de l’utilisation continue. Cette mesure est en particulier nécessaire pour les utilisatrices de pilules et de contraceptifs injectables qui ont besoin d’un réapprovisionnement régulier de leurs produits. Les programmes de planification familiale pourraient également redoubler d’efforts pour permettre aux clientes de dépasser les obstacles logistiques qui les empêchent de se rendre aux rendez-vous à l’heure, grâce notamment aux services de proximité et à l’utilisation de téléphones mobiles et de messages texte pour leur rappeler les rendez-vous. Certaines femmes ont de vraies difficultés à se rendre régulièrement dans des établissements de soins ou ne vivent pas dans des zones desservies par des professionnels de la santé établis dans la communauté ou mobiles. Il serait opportun pour celles-ci de passer à des méthodes à long terme ou permanentes, en particulier pour celles qui ne veulent pas être à risque de tomber enceintes. De nombreux professionnels de la santé doivent être mieux préparés à identifier la possibilité qu’une cliente soit enceinte et à suggérer l’utilisation de méthodes non hormonales alternatives, comme les préservatifs, jusqu’à ce que le statut de la grossesse soit confirmé. On reconnaît, cependant, que dans de nombreux cas, la dynamique des rapports hommes-femmes et les relations de pouvoir rendent la négociation pour l’utilisation de préservatifs difficile. Les facteurs qui influencent l’arrêt des contraceptifs peuvent être similaires à ceux qui affectent l’observance des traitements médicaux thérapeutiques. Lors d’une analyse des examens de l’observance des traitements médicaux (van Dulmen, Sluijs, van Djik et collaborateurs 2007), on a découvert que les solutions techniques, telles que la simplification du régime du traitement, étaient efficaces. Smit et Beksinska (2013) indiquent que les services de conseils de haute qualité améliorent l’observance du traitement antirétroviral et ils recommandent que la même attention soit portée aux services de conseils en matière de planification familiale, en particulier à ceux qui impliquent l’utilisation de méthodes de réapprovisionnement. Des recherches longitudinales sont nécessaires pour mieux comprendre comment la contraception hormonale peut être utilisée de façon plus systématique (Halpern, Lopez et Grimes et collaborateurs 2013). Dans les contextes où les femmes sont peu instruites, les femmes qui semblent avoir un faible sentiment d’auto-efficacité et des niveaux de fatalisme importants pourraient considérer la prévention de la grossesse comme un élément qu’elles ne peuvent pas contrôler (Upadhyay, Gipson, Withers et collaborateurs 2014). Dans de telles situations, la conception pourrait ne pas être désirée, mais elle est laissée au hasard par mégarde (contrairement à délibérément), car les femmes considèrent la planification familiale comme n’étant pas une responsabilité personnelle ou un problème urgent. Des études qualitatives supplémentaires fondées sur les notions psychosociales du pouvoir et de l’intentionnalité permettraient de déterminer la façon dont des programmes pourraient aborder des attitudes aussi fatalistes. 8 PARTIE e SOUS-GROUPES PRÉSENTANT DES BESOINS SPÉCIFIQUES AU NIVEAU DE L’ARRÊT 8. 1. Adolescentes Blanc et collaborateurs (2009) ont analysé des données de l’EDS de 40 pays pour décrire la dynamique d’utilisation de contraceptifs parmi les adolescentes sexuellement actives âgées de 15 à 19 ans (Annexe 4). Par rapport aux adultes, le comportement des adolescentes en matière de contraception se caractérise par des périodes plus courtes d’utilisation continue, des taux d’échec de l’utilisation des contraceptifs plus importants et de plus grandes chances d’arrêter d’utiliser des contraceptifs pour des raisons autres que le souhait de tomber enceinte. Dans presque tous les pays, davantage de femmes âgées de 15 à 19 ans que de femmes âgées de 20 à 49 ans ont signalé l’échec de la méthode dans l’année suivant le début de l’utilisation de la méthode. En moyenne, les taux d’échec étaient supérieurs d’environ 25 % pour les adolescentes âgées de 15 à 19 ans que pour les femmes plus âgées (âgées de 20 à 49 ans). Dans tous les pays, sauf un (Éthiopie), davantage d’adolescentes que de femmes plus âgées ont arrêté d’utiliser des contraceptifs alors qu’elles en avaient toujours besoin. Les femmes plus jeunes sont confrontées à davantage d’obstacles liés au manque d’accès ou d’informations, au manque d’expérience lié au fait qu’elles commencent seulement à utiliser des contraceptifs ou à la stigmatisation sociale souvent associée à l’activité sexuelle des adolescentes non mariées. Dans de nombreux contextes, les jeunes femmes mariées sont poussées à concevoir immédiatement ou au début du mariage. L’utilisation de contraceptifs est souvent débutée lorsque la fertilité a été « prouvée » et l’arrêt précoce de l’utilisation de contraceptifs peut être dû à la pression sociétale, aux maris ou aux belles-mères poussant les femmes à avoir un enfant. Au Mali, par exemple, les femmes et jeunes filles sexuellement actives et non mariées avaient peur d’utiliser des méthodes hormonales parce qu’elles craignaient que les troubles menstruels les rendent stériles. Dans les contextes où le statut d’une femme dans le mariage est mesuré par sa fertilité, elles préféraient utiliser des préservatifs ou aucune contraception afin de ne pas risquer de « devenir stériles » (Castle 2003). De la même façon, en Afrique du Sud, des recherches qualitatives (Wood et Jewkes 2006) ont révélé que les jeunes femmes étaient poussées par leur partenaire et les membres de leur famille à avoir un enfant pour prouver leur fertilité avant le mariage. D’autres obstacles à l’utilisation continue de contraceptifs par les adolescentes comprennent des notions erronées au niveau médical sur la façon dont la conception se « On commence par leur donner une leçon sur les dangers que représentent les rapports sexuels précoces avant qu’ils nous convainquent de leur donner ce qu’ils veulent ! » Professionnel de la santé, province de Limpopo, Afrique du Sud WOOD ET JEWKES (2006) produit et sur le fait que les professionnels de la santé réprimandent les filles sexuellement actives qui souhaitent utiliser un moyen de contraception. Le refus des professionnels de la santé de reconnaître les expériences des adolescentes en tant qu’utilisatrices de contraception affaiblit l’utilisation continue des contraceptifs par les jeunes femmes. Par exemple, certaines d’entre elles préfèrent partager les contraceptifs oraux entre amies plutôt que de devoir se rendre à une consultation avec un professionnel de la santé dans une clinique (Wood et Jewkes 2006). Les jeunes femmes ont également indiqué que les infirmières les grondaient si elles étaient en retard pour une visite de suivi ou si elles avaient perdu ou endommagé leurs cartes. Dans certains cas, elles préféraient arrêter d’utiliser des contraceptifs complètement plutôt que de devoir faire face à la colère des professionnels de la santé. 8. 2. Femmes en post-partum Les femmes en post-partum qui tombent enceintes dans les 24 mois qui suivent un accouchement font face à des risques de santé plus importants. C’est pourquoi il DÉCEMBRE 2015 10 est très important qu’elles bénéficient d’une protection continue pendant cette période. L’arrêt des contraceptifs chez les femmes en post-partum n’a pas été largement étudié. La plupart des analyses se concentrent sur le concept de l’utilisation d’une méthode « superflue » lorsqu’elle coïncide avec l’abstinence post-partum et/ou l’aménorrhée due à l’allaitement (par ex., Sambisa et Curtis 1997, Bradley, Schwandt et Khan 2011). Bradley et collaborateurs ont également découvert que « la probabilité de l’échec augmente fortement avec le temps chez les femmes dont l’épisode précédent était une grossesse/naissance, mais ne diminue ou n’augmente que légèrement chez les autres femmes. Cette même tendance a également été observée chez les femmes qui ont arrêté les contraceptifs alors qu’elles en avaient toujours besoin, ce qui suggère que les femmes peuvent connaître l’échec du contraceptif et le signaler comme un arrêt de l’utilisation de contraceptifs alors qu’il existe toujours un besoin » (page 58). Il est évident que des recherches ultérieures sont nécessaires pour mieux comprendre l’arrêt, l’aménorrhée post-partum et la grossesse non désirée pendant la période post-partum. Les ensembles de données de l’EDS disposent de données suffisantes qui pourraient être analysées pour améliorer les connaissances en la matière. Par chance, de telles données deviennent désormais disponibles. Plusieurs études sur l’arrêt post-partum ont été présentées pendant l’édition 2014 du Séminaire international « Promouvoir la planification familiale post-partum et après avortement » (UIESP), ce qui a permis d’obtenir des informations nouvelles et importantes. Dans le document de synthèse, Cleland et Shah (2014) ont conclu que les femmes qui avaient commencé à utiliser la méthode avant le retour de leurs règles étaient moins susceptibles d’avoir arrêté de l’utiliser au 12e mois que les femmes qui l’ont commencée après le retour de leurs règles. Les femmes qui avaient commencé à utiliser une méthode à court terme avant le retour de leur fertilité utilisaient en réalité une protection « superflue » (avec les coûts que cela implique) pendant cette période, qui pouvait être de plus de six mois dans les populations où l’allaitement est prolongé. Cependant, ce phénomène était compensé par un taux d’arrêt plus bas après 12 mois. Cleland, Shah et Benova (2015, 160) concluent que : « pour la plupart des femmes, il n’est pas recommandé de promouvoir l’utilisation précoce des méthodes utilisées le plus fréquemment (les contraceptifs injectables et oraux), en raison des taux d’arrêt élevés et des faibles taux de passage à une méthode alternative ». Cleland et Shah mentionnent également des études selon lesquelles les femmes vivant dans des populations où l’allaitement est plus long qui commencent la contraception post-partum de façon précoce et utilisent des méthodes réversibles étaient plus susceptibles de connaître des grossesses moins espacées en raison de l’association de la protection superflue et des taux d’arrêt élevés, une conclusion soutenue par Jain en utilisant une modélisation mathématique (Jain 2014b). En résumé, il est difficile de dire si les femmes qui commencent à utiliser des contraceptifs au début de la période post-partum les prennent de façon continue plus longtemps que celles qui commencent plus tard, étant donné le rôle de 11 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS l’allaitement et des facteurs de population et de méthode qui influencent l’arrêt. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que les femmes qui débutent des méthodes post-partum à longue action ou permanentes sont plus susceptibles d’éviter une grossesse non désirée. Des recherches de mise en œuvre au niveau communautaire ont testé l’impact des programmes post-partum du secteur public qui essayent d’impliquer les maris dans la prise de décisions sur l’utilisation de contraceptifs après l’accouchement et font participer les chefs masculins à des activités de sensibilisation communautaire. En Égypte, il était possible et acceptable de diffuser des messages sur l’espacement des naissances aux femmes bénéficiant d’une faible parité durant les soins prénataux et post-partum et également aux maris via des activités de sensibilisation communautaires. À entre 10 et 11 mois post-partum, 43 % à 48 % des femmes vivant dans des communautés où une intervention avait été menée pour impliquer les hommes avaient recours à une méthode par rapport à 31 % des femmes dans les communautés de contrôle (Abdel-Tawab, Loza et Zaki 2008). En Inde, une intervention de communication visant le changement comportemental a été menée, avec la participation des agents communautaires du Family Welfare Program, pour promouvoir la contraception post-partum, notamment la méthode de l’aménorrhée lactationnelle. Suite à cette action, qui comprenait une campagne éducative axée sur les hommes, 57 % des femmes utilisaient une méthode moderne à neuf mois (dont 41 % utilisaient des préservatifs), un chiffre significativement plus important que le taux de 44 % dans les villages de contrôle (Sebastian, Khan, Kumari et Idnani 2012). 8. 3. Hommes À ce jour, il n’existe que très peu d’études menées auprès de couples et ayant examiné les points de vue des hommes et des femmes sur le moment et les raisons de l’arrêt des contraceptifs. Cependant, de telles informations pourraient être utiles pour promouvoir des réponses programmatiques adressées aux deux sexes. Même si les recherches sur l’arrêt des contraceptifs ont abordé les points de vue des hommes (par ex., Hytell et collaborateurs 2012, Shattuck et collaborateurs 2011), les différences des comportements en matière de contraceptifs des hommes et des femmes n’ont pas vraiment été expliquées (Cleland, Harbison et Shah 2014). Les femmes qui arrêtent d’utiliser des contraceptifs peuvent prendre une telle décision et aller à l’encontre de l’avis des hommes ou au contraire agir de la sorte pour respecter leur avis. Dans les contextes où la prévalence est faible, de nombreuses femmes utilisent les contraceptifs en secret parce que les hommes s’y opposent et qu’elles craignent des conséquences négatives si l’utilisation est découverte. Cependant, des interventions ont révélé que lorsque les hommes connaissent les avantages économiques de la planification familiale, ils sont parfois plus enclins à soutenir leur utilisation par leur conjointe ou partenaire (Khosla 2009, Gribble et Graff 2010). Au Malawi, par exemple, il était plus efficace pour convaincre les hommes de souligner les avantages financiers de l’utilisation de la planification familiale plutôt que de parler uniquement des avantages en matière de santé maternelle et de l’enfant (Shattuck et collaborateurs 2011). On a observé que les programmes qui encouragent la communication entre les conjoints et facilitent la prise de décision commune entraînent une augmentation de l’utilisation continue. Par exemple, au Bangladesh, on a observé un lien entre l’existence d’un service de conseils en matière de contraceptifs destiné aux maris et un taux d’arrêt inférieur pour les méthodes à action prolongée telles que les implants (Amartya et collaborateurs 1994). Après 36 mois, on a observé une différence de 10 points de pourcentage au niveau de tous les taux d’arrêt, toutes méthodes confondues, entre le groupe des maris conseillés (32 %) et le groupe de contrôle (42 %). En outre, cette intervention avait le plus d’impact pour les clientes qui se rendaient dans des cliniques associées à des taux d’arrêt plus élevés. contraceptifs, mais que leur partenaire souhaite qu’elles arrêtent (Exavery et collaborateurs 2012, Nanda, Schuiler et Lenzi 2013). De telles compétences de négociation peuvent également servir pour insister sur la nécessité d’utiliser des préservatifs pendant les périodes durant lesquelles elles ne sont pas protégées par la contraception. En outre, certaines femmes pourraient ne pas vivre avec leur conjoint ou celui-ci pourrait s’absenter régulièrement en raison d’une migration à court ou à long terme. C’est pourquoi, il est possible qu’elles ne soient pas confrontées à la pression des époux qui leur demande d’arrêter les contraceptifs, aient besoin de planification familiale ou de se protéger contre une grossesse constamment. Les professionnels de la santé devraient donc connaître les contextes changeants de l’utilisation et de la dynamique du couple qui déterminent le risque que représentent l’arrêt et la grossesse au fil du temps et du cycle de la vie. 9e PARTIE « Parfois elles se plaignent parce que les pilules les fatiguent, entraînent des sautes d’humeur et parfois il y a une baisse de libido. Alors l’homme se plaint et commence à accuser la femme d’avoir été infidèle. » Utilisatrice de planification familiale, Mombasa, Kenya OCHAKO ET COLLABORATEURS (2015) STRATÉGIES PROGRAMMATIQUES POUR RÉDUIRE L’ARRÊT Cette rubrique examine les données disponibles sur les stratégies qui ont été utilisées par les programmes de planification familiale ou pourraient l’être à l’avenir pour réduire la probabilité de l’arrêt et/ou augmenter le passage à une autre méthode. L’arrêt des contraceptifs peut avoir un impact très négatif sur l’efficacité d’un programme à réduire les grossesses non désirées. C’est pourquoi le manque d’investissements dans des interventions qui visent explicitement à réduire l’arrêt et le manque de recherches sur leur faisabilité, acceptabilité et le rapport coût/efficacité qui en résulte, représentent un défi majeur que FP2020 doit relever de toute urgence. 9. 1. Qualité des services améliorée Comme indiqué ci-dessus, la participation des maris aux discussions concernant la planification familiale post-partum et l’implication des chefs masculins dans la mobilisation au niveau communautaire améliorent le taux de poursuite de l’utilisation de contraceptifs durant la période post-partum. Les hommes peuvent également encourager leur partenaire à arrêter l’utilisation parce qu’ils perçoivent les effets secondaires comme étant nocifs ou parce qu’ils pensent que la planification familiale changera l’attitude de leur conjointe, qui se comportera de façon plus libérée (voir encadré) (Eliason et collaborateurs 2014, Ochako et collaborateurs 2015). Dans de tels contextes, les programmes de sensibilisation et d’éducation doivent impliquer les hommes et leur donner des informations précises. D’autres approches programmatiques peuvent impliquer de fournir aux femmes les compétences de négociation nécessaires pour qu’elles puissent participer à des discussions raisonnées et fondées sur les faits avec leur partenaire masculin si elles souhaitent continuer d’utiliser des Bruce (1990) a défini un cadre de référence sur la qualité des soins qui sert toujours de guide pour les programmes de nombreux pays. Il est composé de six facteurs de qualité pour la planification familiale : choix des méthodes de contraception, informations données aux clientes, compétence technique, relations interpersonnelles, mécanismes de suivi/continuité et gamme de services appropriée. Le contexte actuel se caractérise par le souhait d’intégrer les services de planification familiale dans d’autres services de santé, comme la santé des enfants, les services de maternité et les services liés aux VIH et IST. Il existe également une volonté de diversifier les moyens de fournir les services de planification familiale, pour dépasser le cadre des cliniques et atteindre les foyers et les communautés, s’inscrire dans des programmes de clinique ambulatoire et de proximité et être présents dans des établissements commerciaux (Kerber et collaborateurs 2007). Dans de telles circonstances, il n’est pas évident de conceptualiser, mesurer et évaluer la qualité des services de planification familiale. Les clientes ont le droit d’exiger et de recevoir des soins respectueux et des informations complètes, correctes DÉCEMBRE 2015 12 et impartiales, avec compassion (OMS 2014a, OMS 2014b, Hardee et collaborateurs 2014). On a également observé que la qualité des services de planification familiale a un impact direct sur la volonté d’une femme à continuer, arrêter ou changer de méthode de contraception. Par exemple, Blanc, Curtis et Croft (2002) ont analysé la qualité des soins au moyen de l’indice d’effort programmatique de planification familiale et ont découvert qu’entre 7 % et 27 % des femmes arrêtaient d’utiliser des contraceptifs en raison de la mauvaise qualité des services et qu’entre 40 % et 60 % du taux d’arrêt global reflétait des décisions basées sur la qualité des soins. Les auteurs ont conclu que, alors que l’utilisation de contraceptifs augmente, il serait bénéfique de changer la direction des programmes de planification familiale, pour que les investissements soient davantage destinés à la réduction du taux d’arrêt des contraceptifs plutôt que d’être principalement consacrés à atteindre de nouvelles clientes. Cette conclusion est soutenue par les analyses de Jain et collaborateurs (2013) décrites ci-dessus. Le défi, néanmoins, est de déterminer la façon dont les programmes peuvent améliorer la qualité des soins de sorte que les droits de la femme soient respectés et que l’arrêt soit réduit. Notre examen de la littérature nous a permis de trouver quelques exemples d’une intervention visant à améliorer la qualité des services, dont l’impact sur l’arrêt a été évalué de façon claire. Jain et collaborateurs (2014) résument ces résultats, y compris ceux des simulations et des études transversales et longitudinales. Par exemple, en Indonésie, les femmes qui ont reçu la méthode de leur choix ont continué à l’utiliser plus longtemps que les femmes qui n’ont pas reçu leur méthode préférée (Pariani, Heer et Van Arsdol 1991). Aux Philippines, la qualité des soins reçus lors de la consultation a été mesurée sur une échelle de 20 points (Jain et collaborateurs 2011). Un entretien de suivi, mené auprès de ces femmes environ deux ans plus tard, a révélé que la poursuite de l’utilisation de contraceptifs chez les femmes qui recevaient les soins de la plus mauvaise qualité s’élevait à 53 %, par rapport à 63 % pour les femmes qui recevaient des soins de la meilleure qualité. En outre, les naissances non désirées étaient deux fois plus fréquentes chez celles qui recevaient des soins de mauvaise qualité par rapport à celles qui recevaient des soins d’une qualité supérieure (16 % par rapport à 8 %). Au Sénégal, Sanogo et collaborateurs (2003) ont découvert que la probabilité de la poursuite de l’utilisation de contraceptifs était supérieure lorsque les femmes recevaient des soins d’une meilleure qualité lors de la visite initiale. Ils ont indiqué que les femmes qui recevaient des soins d’une bonne qualité avaient 1,3 fois plus de chance d’utiliser une méthode environ 18 mois plus tard que celles qui recevaient des soins d’une qualité moindre. Il semble donc que la qualité des services de conseils que les femmes reçoivent lorsqu’elles commencent à utiliser une méthode est liée à la probabilité qu’elles poursuivent l’utilisation de contraceptifs. RamaRao et Mohanam (2003) ont examiné des études menées au Niger et en Gambie et ont conclu que les femmes qui avaient l’impression de ne pas avoir reçu des conseils appropriés étaient plus susceptibles d’arrêter 13 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS les contraceptifs. Les différences étaient assez frappantes. Par exemple, en Gambie, 51 % des femmes qui pensaient ne pas avoir reçu des services de conseils appropriés ont arrêté d’utiliser des contraceptifs, par rapport à 14 % de celles qui pensaient que les services de conseils reçus avaient été satisfaisants (Cotton et collaborateurs 1992). Des données similaires ont été rapportées en Chine (Lei et collaborateurs 1996). En Inde, on observait une amélioration du taux de poursuite de l’utilisation des DIU à 12 mois lorsque les femmes recevaient des services de conseils qui comprenaient des informations sur les effets secondaires et la physiologie reproductive, grâce à une intervention visant à améliorer les services de conseils avant l’insertion (48 % par rapport à 77 %) (Patel, Patel et Mehta 1999). Cependant, certaines études quasi expérimentales évaluant les interventions pour améliorer la qualité des soins et la poursuite de l’utilisation ne sont pas parvenues à démontrer un effet significatif de ces interventions. Ramarao et Mohanam (2003) suggèrent que les recherches n’ont pas déterminé de façon adéquate si certains aspects de la qualité des services (par ex., les services de conseils, le choix de la méthode, les interactions entre les professionnels de la santé et les clientes, les informations, notamment l’amélioration des connaissances de la physiologie, etc.) sont plus susceptibles d’influencer l’utilisation continue, soit seuls ou en association. Par exemple, selon l’évaluation menée aux Philippines (Jain et collaborateurs 2011) et décrite ci-dessus, même si les femmes qui recevaient des soins de santé d’une meilleure qualité étaient plus susceptibles de continuer à utiliser des contraceptifs après trois ans, et de signaler moins de grossesses non désirées et de naissances non souhaitées, l’intervention de la formation du professionnel de la santé n’avait pas d’effet direct sur la poursuite de l’utilisation, même si elle améliorait tout de même les connaissances du professionnel de la santé et les interactions entre le professionnel de la santé et la cliente. Les auteurs suggèrent que c’est parce que d’autres facteurs contextuels et logistiques, ainsi que l’environnement socioculturel, peuvent également avoir influencé la qualité des soins reçus, comme le choix de la méthode, l’accès et le coût. Donc, même s’il est peu probable qu’un élément unique de la qualité des soins influence le taux de poursuite, les investissements qui améliorent les différents éléments de la qualité des services pourraient avoir l’impact souhaité. Halpern et collaborateurs (2013) ont examiné huit essais d’intervention contrôlés et randomisés pour améliorer l’observance et l’acceptabilité de la contraception hormonale et ont découvert que l’on observait une amélioration pour trois d’entre eux uniquement. Cependant, certaines études avaient des tailles d’échantillons plus petites (moins de 100 personnes pour deux études) et six études étaient associées à de nombreuses pertes au suivi. De plus, presque toutes les études étaient menées dans des pays développés. La qualité globale des données était considérée comme étant modérée, et le type et l’intensité de l’intervention variaient largement selon les études. Les auteurs concluent que l’association de services de conseils intensifs et de nombreux contacts et rappels aux clientes peut être nécessaire pour améliorer l’observance et l’acceptabilité des réapprovisionnements des méthodes hormonales. Cependant, des évaluations plus approfondies des interventions sont nécessaires dans les pays en voie de développement. 9. 2. Réduire la subjectivité des professionnels de la santé et améliorer la compétence technique La subjectivité des professionnels de la santé se réfère au comportement des professionnels de la santé lorsqu’ils pensent être mieux qualifiés pour choisir la méthode la plus appropriée à leur cliente et/ou lorsqu’ils ont une préférence personnelle pour ou contre certaines méthodes, sentiment qu’ils peuvent ensuite communiquer à la cliente. La subjectivité des professionnels de la santé peut empêcher les femmes d’utiliser une méthode appropriée à leurs circonstances et à leurs besoins et donc entraîner un arrêt précoce des contraceptifs (PRB 2002). La subjectivité des professionnels de la santé peut se manifester lorsqu’ils proposent des services (et qu’ils n’ont pas reçu de formation adéquate) et/ou lorsqu’ils imposent des valeurs ou des croyances personnelles de façon inappropriée. Ils peuvent également faire preuve de subjectivité s’ils reçoivent des incitations, de type financier ou autre, basées sur les performances, qui les poussent à proposer certaines méthodes (Stanback et Twum-Baah 2001). Il est important de diminuer la subjectivité des professionnels de la santé, car les femmes sont moins susceptibles d’utiliser une méthode de façon optimale s’il ne s’agit pas de celle qu’elles préfèrent ou si une approche de la prise de décision partagée entre le professionnel de la santé et les clientes n’est pas adoptée et qu’elles ne comprennent pas pourquoi elles utilisent une certaine méthode (Dehlendorf, Krajewski et Borrero 2014). Au Kenya, Tumlinson et collaborateurs (2014) et Hyttel et collaborateurs (2012) ont observé qu’il existait des obstacles médicaux, tels que des mauvaises informations et des conditions non nécessaires, pour prouver l’absence de grossesse lors des visites des clientes. Il s’agit là d’une conséquence de la subjectivité des professionnels de la santé, qui contestent l’utilisation de contraceptifs injectables par les femmes nullipares parce qu’ils ne disposent pas de connaissances suffisantes sur le temps nécessaire pour redevenir fertile (voir encadré). L’utilisation accidentelle de méthodes hormonales pendant une grossesse ne représente aucun danger pour la femme ou la grossesse (OMS 2004). Les professionnels de la santé qui souhaitent être relativement certains que leur cliente n’est pas enceinte peuvent utiliser la Liste de contrôle de la grossesse, une aide simple, créée par FHI 360 (FHI 2002). On a observé que la formation de professionnels de la santé en ce qui concerne l’utilisation constante et correcte de la Liste de contrôle dans les établissements où la disponibilité des tests de grossesse était limitée réduisait le refus des professionnels de la santé de fournir des services de contraception parce qu’ils soupçonnaient une grossesse (Stanback et collaborateurs 2005). Baumgartner et collaborateurs (2012) ont découvert des différences importantes entre les professionnels de la santé d’Afrique du Sud au niveau de leur réaction par rapport au retard des femmes pour le « Les femmes peuvent passer deux ans sans avoir leurs règles. C’est pour ça qu’on dissuade généralement les jeunes mères... celles qui ont un enfant, de prendre Depo. On ne le leur donne pas. » Sage-femme d’un établissement public, Kenya M. HYTTEL ET COLLABORATEURS (2012) réapprovisionnement. Au Cap-Occidental, les professionnels de la santé ont suivi les directives nationales3 et presque toutes les femmes qui se sont rendues au rendez-vous dans les deux semaines de la date prévue ont reçu la nouvelle injection, tandis qu’au Cap-Oriental, 36 % des femmes qui étaient en retard n’ont pas reçu la nouvelle injection. Parmi celles-ci, 64 % des femmes n’ont pas reçu d’autre méthode et étaient donc sans protection. En outre, pour mieux conseiller les femmes sur le besoin de se rendre aux rendez-vous en temps opportun et sur la possibilité d’une période de grâce, les professionnels de la santé doivent utiliser un test de grossesse ou la Liste de contrôle de la grossesse chez les femmes qui reviennent après deux semaines pour être sûrs qu’elles ne sont pas enceintes avant de les conseiller sur la poursuite de l’utilisation du contraceptif injectable ou sur le passage à une autre méthode. Pour que la nouvelle génération d’agents de la santé soit mieux préparée à réduire l’arrêt, la formation initiale en soins infirmiers et métier de sage-femme doit inclure des stratégies pour offrir des services de conseils impartiaux et aider les femmes à passer rapidement et facilement à une autre méthode plutôt que d’arrêter d’utiliser des contraceptifs. Au Mali, par exemple, la plupart des infirmières et des sages-femmes sont formées dans des écoles de soins infirmiers privées qui relèvent de la compétence du ministère de l’Éducation. Cependant, le ministère de la Santé ne supervise pas le contenu du programme, les méthodes d’enseignement ou les performances des étudiants. En 2012, une évaluation du programme en matière de planification familiale des écoles de soins infirmiers publiques et privées au Mali a indiqué que le contenu du programme concernant la planification familiale n’abordait pas la physiologie de la reproduction ou la gestion des effets secondaires. Des observations en salle de cours ont révélé que les enseignants donnaient souvent la même importance à l’efficacité des méthodes traditionnelles et modernes (Castle 2011). La plupart des 3. Les directives d’Afrique du Sud autorisent une « période de grâce » de deux semaines après la date de la réinjection, car pour la plupart des femmes l’injection précédente est toujours efficace et un test de grossesse n’est pas nécessaire. DÉCEMBRE 2015 14 « Les femmes qui connaissent des troubles menstruels sont plus susceptibles d’arrêter d’utiliser des implants. Par conséquent, pour que les services de conseils soient efficaces, ils doivent se centrer sur la gestion pratique des effets secondaires et rassurer les femmes que les changements courants du cycle menstruel et les effets secondaires tels que maux de tête, douleurs abdominales légères et sensibilité des seins sont facilement traités et généralement transitoires. Ces mesures sont nécessaires pour assurer que les femmes prennent des décisions appropriées et informées, et également pour aider à améliorer l’utilisation continue de la méthode. Il est également important d’indiquer aux femmes qu’elles peuvent revenir quand elles le souhaitent, pour des conseils, un traitement ou le retrait de l’implant. » RÉPUBLIQUE DU MALAWI, GUIDE DE RÉFÉRENCE ET DE FORMATION INITIALE EN PLANIFICATION FAMILIALE (2010) enseignants étaient des agents de santé formés il y a plus de 30 ans. Ils ne connaissaient pas bien les méthodes hormonales modernes et ne savaient pas quoi faire en cas d’effets secondaires. Au Malawi (voir encadré), l’assistance technique a mené le développement d’un programme qui donne des informations détaillées sur les effets de chaque méthode sur la physiologie et pour lutter contre l’arrêt des contraceptifs (MS du Malawi/IntraHealth 2010). Avec un peu de chance, les nouvelles cohortes d’agents de santé seront ainsi mieux outillées pour aider les clientes de la planification familiale en leur donnant des informations correctes, pour réduire l’arrêt des contraceptifs. Comme l’a dévoilé une évaluation (décrite ci-dessus) d’une intervention menée aux Philippines, visant à former les professionnels de la santé, l’amélioration des services de conseils des professionnels de la santé et de la performance ne représente que l’un des facteurs qui permettent d’améliorer la continuation. D’autres aspects des programmes doivent être renforcés pour réduire l’arrêt des contraceptifs. Davantage de recherches, notamment des recherches qualitatives, sont nécessaires pour étudier les éléments spécifiques des interactions entre le 15 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS professionnel de la santé et la cliente (pas seulement en ce qui concerne les services de conseils, mais, par exemple, au sujet de l’obtention et de la compréhension d’informations), ce qui améliore l’utilisation continue. Il est donc probable que des recherches participatives et observationnelles soient également nécessaires pour compléter les études randomisées, afin de déterminer si la qualité des soins a un effet sur la poursuite de l’utilisation de contraceptifs ou non. 9. 3. Éliminer les ruptures de stock Une analyse plurinationale des données de l’EDS dévoile que jusqu’à 5 % des arrêts sont dus aux ruptures de stock (Futures Group 2013). Hubacher et collaborateurs (2012: 512) remarquent que « les méthodes hormonales à court terme, comme les contraceptifs injectables et les pilules, sont populaires dans de nombreux pays d’Afrique, mais que l’utilisation continue est menacée par les ruptures de stock ». Ils suggèrent que « l’amélioration de la disponibilité de toutes les méthodes de longue durée permettra aux utilisatrices à long terme de les utiliser au lieu d’avoir recours aux méthodes de courte durée et réduira donc les problèmes de ruptures de stock de ces produits. Une évaluation des établissements de santé dans les régions urbaines et rurales, relevant du domaine public et privé, en Ouganda (Hyttel et collaborateurs 2012) a dévoilé que des contraceptifs oraux combinés et des préservatifs masculins étaient disponibles dans 80 % des établissements. Par conséquent, il était peu probable que des ruptures de stock de ces méthodes de réapprovisionnement représentent un problème pour la plupart des utilisatrices de contraceptifs. Cependant, des méthodes de longue durée et permanentes étaient disponibles dans moins de 5 % des établissements, ce qui réduit le choix pour les femmes qui veulent utiliser de telles méthodes. Les ruptures de stock ont été attribuées à un manque de financement, des problèmes de réglementation et des difficultés à faire des prévisions. Les professionnels de la santé et les responsables ont indiqué que la planification et les commandes devaient être améliorées, car on laissait souvent les stocks s’amenuiser ou s’épuiser avant de commander de nouveaux stocks (Mugisha et Reynold 2008). Dans le cadre de la supervision formative, il faut vérifier que les professionnels de la santé savent comment et quand passer une nouvelle commande de fournitures de contraceptifs, puisque souvent ils l’ignorent simplement (voir encadré). Les ruptures de stock peuvent également occasionner davantage de coûts et de désagréments pour la cliente, ce qui peut entraîner un arrêt de l’utilisation de contraceptifs. Au Kenya, McClain Burke et Ambasa-Shisanya (2011) ont découvert que lorsque les cliniques publiques venaient à manquer de contraceptifs injectables, le personnel demandait aux clientes de les acheter à la pharmacie et de revenir à la clinique pour l’injection. Les pharmacies facturent les contraceptifs injectables à un prix beaucoup plus élevé que les services de santé gouvernementaux, ce qui peut dissuader les femmes d’acheter les contraceptifs. Les déplacements supplémentaires associés à l’achat « Cela faisait trois semaines que les services de planification familiale n’étaient pas opérationnels dans une clinique rurale du Rwanda, dans laquelle travaillaient des sages-femmes nouvellement qualifiées. Lors de l’évaluation, on a donné comme raison pour le manque de services qu’aucune méthode n’était disponible dans l’établissement : “Les tiroirs sont vides !”. Aucune des sages-femmes et aucun des membres du centre de santé ne savait comment se procurer les méthodes de planification familiale. En outre, un groupe de huit sages-femmes ne savait pas comment remplacer les produits en cas de rupture de stock de la clinique et de la pharmacie de planification familiale. “Si l’hôpital ou la pharmacie du centre de santé n’a pas le contraceptif, on dit juste aux femmes de revenir.” Lorsque l’on a posé davantage de questions aux professionnels de la santé sur la façon d’obtenir les produits de la pharmacie de la région ou des réserves centrales du ministère de la Santé, on a remarqué qu’aucun d’entre eux ne semblait connaître les étapes à suivre pour réapprovisionner la clinique. » Pandora Hardtman, formatrice d’infirmière/sage-femme, Fondation Clinton/ministère de la Santé, Rwanda des produits se traduisent par du temps perdu et une augmentation des coûts financiers. Récemment, le Sénégal a développé et testé un modèle « Informed Push » auquel on doit, dans une large mesure, la quasi-élimination des ruptures de stock des fournitures de contraceptifs dans le pays (Daff et collaborateurs 2014). Cette initiative s’accompagne d’un leadership et d’une volonté politiques déterminés, essentiels pour un programme réussi et efficace. La diminution des ruptures de stock pourrait être en partie liée aux diminutions récentes de la prévalence contraceptive au Sénégal, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour vérifier ce lien. Cet exemple démontre qu’une analyse minutieuse de la logistique d’approvisionnement nationale permet d’obtenir des informations pour guider les interventions appropriées afin de considérablement réduire les ruptures de stock de produits qui doivent être réapprovisionnés. 9. 4. Améliorer l’accès grâce à diverses options de prestation de services Grâce aux données de l’EDS et de l’Enquête sur la disponibilité des services pour l’Égypte, Ali (2001) a découvert que les utilisatrices de contraceptifs oraux sont plus susceptibles d’arrêter d’utiliser des contraceptifs dans les zones où l’accès aux services de planification familiale est plus difficile. Parmi les femmes qui se sont présentées dans des cliniques, celles qui se sont rendues dans des établissements disposant de peu de professionnels de la santé formés en planification familiale, ou qui avaient un accès limité à des professionnels de la santé de sexe féminin étaient également plus susceptibles d’arrêter de prendre la pilule. Ali a également découvert que l’accès à une gamme limitée de méthodes plus efficaces était également lié à un taux de poursuite supérieur. Il s’agit là d’une information importante. Même si l’accès limité aux alternatives pourrait réduire efficacement l’arrêt des contraceptifs, l’absence d’options porte atteinte aux droits des femmes et des filles d’avoir accès à une gamme complète de méthodes contraceptives. Avec la prolifération de types de professionnels de la santé et de sources de fournitures pour tous les types de contraceptifs dans tous les pays, la plupart des utilisatrices ont accès à une plus grande gamme d’options de livraison de services qu’auparavant, même si l’accès à toute méthode, et en particulier à un éventail de méthodes, reste limité pour de nombreuses personnes. En outre, le manque d’accès en soi n’est pas souvent mentionné comme une raison d’arrêter les contraceptifs ou de ne pas passer à une autre méthode, même s’il pourrait s’agir de l’une des nombreuses « raisons liées à la méthode ». À l’exception de l’étude menée par Ali (2001), nous ne connaissons pas d’autres analyses ayant étudié la relation entre l’accès à différentes sources de fournitures et l’arrêt des contraceptifs. Certaines données limitées prouvent l’existence du rôle potentiel des services communautaires dans la réduction de l’arrêt des contraceptifs. Dans leur étude comparant la fourniture de contraceptifs injectables par des agents de vulgarisation de la santé (HEW) basés dans les établissements avec celle des agents de santé reproductive basés dans les communautés (CBRHA) en Éthiopie, Prata et collaborateurs (2011) ont découvert qu’une plus grande partie des clientes des CBRHA (79 %) que des clientes des HEW (62 %) avaient reçu la 3e injection, ce qui indique un taux de poursuite plus long. On a expliqué ce phénomène par le fait que les CBRHA pouvaient fournir un accès rapide et confidentiel aux contraceptifs injectables. Il existe néanmoins des lacunes importantes au niveau de notre compréhension du rôle que les autres points de prestation de services qui ne sont pas basés en cliniques peuvent avoir, par exemple, les établissements DÉCEMBRE 2015 16 de vente sociaux et commerciaux (par ex., pharmacies, parapharmacies, kiosques, etc.), les programmes fondés sur le travail et les programmes de proximité mobiles, ainsi que de l’efficacité relative des cliniques du domaine public par rapport au domaine privé pour assurer la poursuite de l’utilisation de contraceptifs. La plupart des programmes de distribution communautaires font appel à des agents de santé communautaires (ASC) volontaires et formés, désignés par leurs communautés, qui peuvent également s’attaquer à d’autres problèmes de santé, comme la prévention de la malaria et l’identification et le traitement des maladies de l’enfant, et peuvent apaiser les peurs des effets secondaires (qui poussent souvent à un arrêt prématuré). 9. 5. Modification des politiques pour faciliter la répartition des tâches aux catégories d’un niveau inférieur En Éthiopie, le succès des CBRHA, décrit ci-dessus, a encouragé d’autres pays (notamment l’Afghanistan, le Kenya, Madagascar, le Malawi, le Nigeria et l’Ouganda) à mettre en œuvre des politiques nationales pour permettre aux agents de santé communautaires de fournir des contraceptifs injectables. De la même façon, plusieurs pays permettent désormais aux agents sanitaires de niveau moyen de fournir des implants, qui sont généralement associés à des taux d’arrêt plus bas. Par exemple, en février 2013, le Service de santé du Ghana (GHS) a annoncé un changement de la politique pour permettre aux infirmières communautaires (CHN) de proposer les implants, selon des données crédibles prouvant la demande d’implants, ainsi que la faisabilité et la sécurité de la formation et de l’envoi des CHN pour offrir la méthode dans des enceintes de santé communautaires. Le GHS accélère actuellement la mise en œuvre de la politique (Population Council 2014). De telles initiatives de politiques de répartition des tâches sont importantes dans les pays qui imposent des restrictions inutiles en ce qui concerne les catégories de professionnels de la santé qui sont considérées comme étant compétentes pour fournir et réapprovisionner chaque méthode. À la suite de la publication des recommandations sur l’Optimisation des rôles du personnel de santé de l’OMS concernant les différentes catégories du personnel, des agents de santé non professionnels aux professionnels de la santé de niveau moyen, qui pourraient être formées et soutenues pour fournir les diverses méthodes de contraception en toute sécurité (OMS 2012), de nombreux programmes examinent et révisent désormais leurs politiques. Grâce à cela, les femmes devraient avoir accès à un nombre plus important de points de prestation de services, en particulier dans les zones rurales et difficiles à atteindre. De plus, une gamme plus large de types de professionnels de la santé devrait être disponible pour l’initiation de la méthode et le réapprovisionnement (en supposant que les chaînes d’approvisionnement sont fonctionnelles). Des recherches sont nécessaires de toute urgence pour déterminer si ces modifications de politique se traduisent par une réduction de l’arrêt, ainsi qu’une augmentation de l’utilisation en général. 17 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS 10e PARTIE SUIVI ET ÉVALUATION DES STRATÉGIES POUR RÉDUIRE L’ARRÊT Parmi les femmes qui ne souhaitent pas tomber enceintes et sont sexuellement actives, l’impact de l’arrêt des contraceptifs sans passage à une autre méthode est significatif, au niveau de la grossesse non désirée que peuvent connaître les femmes et les couples et des répercussions négatives sur les objectifs nationaux et globaux visant à réduire les besoins non satisfaits et la fécondité non désirée. En reconnaissant cet impact négatif sur l’efficacité des programmes, on reconnaît également le besoin d’investissements plus importants pour surveiller et évaluer les tendances des taux d’arrêt, en particulier parmi les populations plus susceptibles d’arrêter des contraceptifs, ainsi que pour créer des stratégies visant à réduire l’arrêt et à augmenter le passage à une autre méthode. Les enquêtes à grande échelle telles que l’EDS représentent actuellement le mécanisme principalement utilisé pour générer des informations sur l’arrêt et le passage à une autre méthode, et ces données peuvent être utilisées pour définir la conception et la mise en œuvre des programmes. Ces méthodes, qui reposent principalement sur les données recueillies via des calendriers rétrospectifs, peuvent être affectées par des biais de rappel et une tendance à reclasser les raisons pour l’arrêt, en particulier si l’arrêt a entraîné une grossesse (Callahan et Becker 2012, Bellizzi et collaborateurs 2015). En outre, les utilisatrices peuvent arrêter les contraceptifs alors qu’elles ont toujours besoin de se protéger contre le risque de débuter une grossesse pour de multiples raisons (par ex., inquiétudes physiologiques, défis logistiques et opposition socioculturelle). Cette méthodologie est associée à de nombreux inconvénients et ne permet pas de mesurer avec précision les véritables raisons pour l’arrêt sans passage à une autre méthode pour les femmes qui ne veulent pas débuter de grossesse. C’est pourquoi, même si ces enquêtes peuvent nous donner des informations sur la fréquence et les raisons de l’arrêt, elles ont tendance à peu servir pour définir la conception et la mise en œuvre des programmes, la surveillance et l’évaluation de la performance des programmes et la contribution à la réduction des besoins non satisfaits. Les programmes de planification familiale surveillent et évaluent leur performance grâce à une variété d’indicateurs. FP2020 a compilé 10 indicateurs de base4 qu’il recommande d’utiliser. Cependant, aucun de ces indicateurs ne mesure l’arrêt ou le passage à une autre méthode de façon directe. L’indicateur « Couple-années de protection (CAP) » est fréquemment utilisé. Il sert à mesurer le volume des produits distribués et à estimer la durée de la protection fournie par ces produits au moyen d’un « facteur de conversion ». Il s’agit soit de la durée connue de l’utilisation de méthodes devant être réapprovisionnées (par ex., pilule, contraceptif 4. http://progress.familyplanning2020.org/fp2020-core-indicators injectable, préservatif), soit de la durée moyenne estimée pour les méthodes qui dépendent du comportement de l’utilisatrice (par ex., programmes de contraceptifs réversibles à action longue durée [LARC] et méthodes traditionnelles) (Stover et collaborateurs 1997). Par conséquent, même si le taux d’arrêt lié à la méthode de contraception est intégré dans cette mesure, connaître le nombre de CAP ne donne aucune indication des taux ou des causes de l’arrêt ou du passage à une autre méthode. Le programme Suivi de la performance et redevabilité 2020 (PMA2020) utilise un système de collecte de données par téléphone portable pour collecter des données régulièrement et mettre à jour les indicateurs principaux de la planification familiale (www.pma2020. org/indicators-topic-area). Ce programme collecte des données annuellement sur un nombre d’indicateurs qui mesurent les taux d’arrêt (c.-à-d., la durée moyenne de l’utilisation de contraceptifs, par méthode principale) et sur de nombreux facteurs du système de santé et programmatiques décrits ci-dessus. Ces données, même si elles sont limitées à 10 pays engagés envers FP2020, pourraient permettre d’estimer l’efficacité et la rentabilité de diverses interventions visant à améliorer la qualité des services, qui sont mises en œuvre dans ces pays dans le cadre des interventions de FP2020. Grâce à de modestes investissements dans la recherche pour analyser les associations entre les améliorations du système de santé et les dynamiques de l’utilisation des contraceptifs, ainsi que les tendances en la matière, nous pourrions obtenir des données critiques pour réduire l’arrêt non désiré dans le monde. Il est difficile de mener une enquête longitudinale, à l’échelle de la population, basée sur les clientes, sur l’arrêt des contraceptifs, le passage à une autre méthode et les raisons qui y sont liées, puisque les données doivent être collectées prospectivement auprès de femmes, de façon individuelle, et à différents moments. Une option consiste à suivre les femmes qui participent à des systèmes de surveillance démographique et sanitaire (HDSS), par exemple, ceux organisés par Indepth Network (www.indepth-network. org). Bien que de tels systèmes de collecte de données pourraient fournir ces informations, ainsi que d’autres renseignements importants sur le profil des femmes qui arrêtent d’utiliser des contraceptifs, ces données ne concerneraient que les populations couvertes par les HDSS. Par conséquent, alors que les HDSS permettent de pallier certaines des lacunes connues dans les données grâce à des études de recherche, ils ne permettent pas de suivre les performances des programmes visant à réduire l’arrêt des contraceptifs. Une autre possibilité consiste à suivre individuellement les clientes qui reçoivent leurs services contraceptifs dans une clinique. Le système de suivi individualisé des clientes de la planification familiale qui se rendent dans des cliniques développé par Marie Stopes International en est un exemple (Duvall et collaborateurs 2014). Connu sous le nom de Centre d’informations clientes (CLIC), il s’agit d’une association d’outils logiciels et papier qui suivent les informations des profils des clientes, notamment les services et les produits reçus durant les interactions entre le professionnel de la santé et la cliente et tout événement indésirable présenté durant les visites (voir encadré). CLIC permet aux responsables des programmes d’identifier et de répondre à l’arrêt et au passage à une nouvelle méthode. En effet, lorsque la cliente est inscrite, le système relie les données de la visite de la cliente entre les établissements et au fil du temps. Il sera sans aucun doute difficile de généraliser de tels systèmes, en particulier dans les programmes du secteur privé. Néanmoins, il est encourageant d’assister au développement de ce système novateur. Des HDSS menés à Karonga, au nord du Malawi, ont récemment démontré la faisabilité du système de suivi des clientes en clinique, ainsi que les bénéfices des recherches sur les dynamiques de l’utilisation des « Les rapports intégrés permettent au personnel d’accéder à des informations. Ils leur permettent notamment de savoir quelles sont les clientes qui doivent venir à des visites de retour, ainsi que de voir des informations statistiques présentées de façon conviviale sur nos clientes et les services qu’elles reçoivent au fil du temps. Le numéro des clientes, si elles acceptent de le partager, est saisi dans le CLIC de sorte que les professionnels de la santé puissent envoyer des rappels de rendez-vous, des informations sur les effets secondaires légers comme les changements des menstruations, des informations sur les horaires et les emplacements des services de retrait et les options disponibles en matière de contraceptifs après le retrait. Grâce à ce nouveau système, MSI dispose d’un outil puissant, mais facile à utiliser pour suivre les clientes après la procédure et mieux comprendre leur comportement pendant le suivi. » TECHNOLOGIE CLIC DE MARIE STOPES INTERNATIONAL DUVALL ET COLLABORATEURS (2014) DÉCEMBRE 2015 18 Figure 4 : Une théorie du changement pour expliquer l’arrêt des contraceptifs QUALITÉ DES SERVICES ÉLÉMENTS DU SYSTÈME DE SANTÉ • Suppression des ruptures de stock • Méthodes proposées adéquates • Ressources humaines suffisamment formées et guidées • Accès garanti grâce à l’existence de nombreuses options pour fournir les services • Environnement de politique de soutien •Services de conseils complets et objectifs •Informations détaillées sur le passage à une autre méthode •Éliminer la subjectivité du professionnel de la santé •Traitement respectueux des clientes •Gestion systématique des clientes qui sont en retard pour le réapprovisionnement •Implication adéquate des partenaires masculins SUIVI DES CLIENTES INDIVIDUALISÉ ET 19 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS RÉSULTATS COMPRÉHENSION SOCIOCULTURELLE DE : •La signification et l’interprétation des effets secondaires et des idées fausses •L’intentionnalité, la motivation et l’ambivalence •Identification des personnes ayant arrêté les contraceptifs et aide à la reprise de l’utilisation de contraceptifs ou au passage à une autre méthode •Identification des utilisatrices et aide à la poursuite de l’utilisation de contraceptifs RETOUR POUR UNE MEILLEURE GESTION DÉCEMBRE 2015 20 contraceptifs au sein d’un HDSS. Dasgupta et collaborateurs (2015b) se sont inspirés d’un passeport sanitaire existant, un dossier médical que toutes les clientes doivent avoir sur elles lorsqu’elles utilisent des services de soins de santé publics, et ont créé une carte de la planification familiale qui se joint à ce passeport. Pendant un an, les différentes expériences des services par les femmes ont été saisies sur les cartes. Après cela, les cartes ont été collectées et les données ajoutées aux données des femmes obtenues des HDSS avant d’être analysées pour générer des données sur les dynamiques d’utilisation des contraceptifs, notamment l’arrêt et le passage à une autre méthode. Étant donné l’influence significative de l’arrêt des contraceptifs sur les efforts nationaux et mondiaux pour atteindre l’objectif de FP2020, des investissements significatifs dans des systèmes de suivi des clientes, comme le CLIC et le passeport sanitaire, et l’utilisation des données qu’ils génèrent sur l’arrêt des contraceptifs semblent non seulement justifiés, mais véritablement constituer une priorité. Les dossiers de santé des clientes, à la fois sous la forme de documents papier et de plateformes de téléphonie mobile en ligne, reçoivent une attention importante dans les initiatives de renforcement des systèmes d’information de gestion de la santé élargis (Turner et Fuller 2011). S’il est possible d’intégrer les services de planification familiale à ces systèmes émergents, il sera plus facile de contrôler et de lutter contre l’arrêt des contraceptifs, de façon plus efficace. 11e PARTIE VERS UNE THÉORIE DU CHANGEMENT POUR RÉDUIRE L’ARRÊT En nous appuyant sur les données présentées ci-dessus, nous avons développé une théorie du changement préliminaire (voir la Figure 4 aux pages 19 et 20) pour expliquer les processus qui mènent à l’arrêt des contraceptifs et pour identifier les interventions potentielles pour réduire l’arrêt et/ou augmenter le passage à une autre méthode. Notre analyse dévoile les informations suivantes : les femmes qui arrêtent d’utiliser des contraceptifs le font généralement peu de temps après avoir commencé la méthode ; celles qui prennent des LARC sont les moins susceptibles d’arrêter les contraceptifs ; la plupart des femmes arrêtent d’utiliser des contraceptifs sans consulter un professionnel de la santé ; et le fait de ne pas être satisfait de la méthode et les effets secondaires sont les raisons principales de l’arrêt. Cependant, nous en savons peu sur les processus de prise de décision qui mènent à l’arrêt des contraceptifs, les moyens que les femmes utilisent quand elles arrêtent l’utilisation de contraceptifs ou la motivation des femmes à arrêter malgré le fait qu’elles ne souhaitent toujours pas être enceintes. Nous avons identifié trois facteurs déterminants de l’arrêt des contraceptifs et pour chacun de ces facteurs nous avons suggéré des interventions 21 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS programmatiques ou politiques qui pourraient augmenter les chances qu’une femme continue à utiliser des contraceptifs lorsqu’elle souhaite ne pas débuter de grossesse. Alors que certaines de ces interventions sont soutenues par des données basées sur des recherches, comme décrit ci-dessus, nombreuses d’entre elles sont intuitives et/ou déduites des expériences et bénéficieraient donc de recherches rigoureuses sur la mise en œuvre et l’évaluation de l’impact pour déterminer leur faisabilité et efficacité dans de nombreux domaines. Tout d’abord, certains aspects pertinents du système de santé doivent être instaurés comme des conditions nécessaires pour minimiser les chances qu’une femme arrête une méthode après avoir commencé à l’utiliser. Ces aspects comprennent : • Minimiser les ruptures de stock des produits et fournitures pour permettre aux femmes de : –c ontinuer à avoir accès aux méthodes de réapprovisionnement ; –c ommencer à utiliser des méthodes à long terme ou permanentes dès que la méthode a été choisie. • Assurer qu’une variété suffisante de méthodes soit disponible, soit au point de la prestation de services, soit via un mécanisme d’orientation efficace, pour faciliter : – la sélection et l’instauration de la méthode préférée de la femme ; – le passage à une autre méthode si elle connaît des problèmes liés à la méthode. • Assurer que des employés formés de façon adéquate (de préférence via une formation initiale améliorée) soient disponibles pour conseiller les femmes sur toutes les méthodes et leur permettre de : – prendre une décision éclairée qui leur permette au mieux d’accomplir leurs intentions en matière de fertilité ; – recevoir la méthode désirée dès que possible, soit en l’obtenant immédiatement (si le professionnel de la santé est autorisé à fournir la méthode sélectionnée) soit via une orientation vers un autre professionnel de la santé, avec l’octroi d’une méthode temporaire pour une protection immédiate si nécessaire ; – recevoir des services de conseils qui sont opportuns et continus (pour de multiples méthodes, si nécessaire) et assurer que les femmes n’arrêtent pas juste parce qu’une méthode particulière ne leur convient pas. • Favoriser un environnement de politiques de soutien pour faciliter : • assurant un traitement respectueux de toutes les clientes par le personnel de l’établissement de sorte que les femmes ne soient pas dissuadées de revenir pour le réapprovisionnement, le passage à une autre méthode ou le retrait ; – la disponibilité des méthodes appropriées aux niveaux les plus bas possible du système de santé et dans les points de service non cliniques et non médicaux ; • mettant en place des mécanismes systématiques pour gérer de façon appropriée les clientes qui cherchent à obtenir leur réapprovisionnement de pilules et de contraceptifs injectables en retard pour éviter une interruption temporaire ou non intentionnelle ; – l’autorisation des catégories inférieures des professionnels de la santé à fournir chaque catégorie de méthode comme recommandé par l’OMS ; si nécessaire, soutenir le partage des tâches pour permettre à davantage de catégories de professionnels de la santé de fournir les méthodes. • décidant du caractère approprié de l’accompagnement des couples au cas par cas pour maximiser les opportunités de bénéficier de l’engagement des partenaires tout en évitant les éventuelles réponses négatives. • Développer la gamme des façons disponibles de fournir les services, notamment via des organisations commerciales et à but non lucratif, des programmes communautaires et de proximité, de sorte que les utilisatrices puissent avoir accès aux méthodes et au réapprovisionnement/suivi d’une source acceptable qui les incitera à continuer à utiliser les contraceptifs. Ensuite, les interventions visant à maximiser la qualité des services doivent être généralisées de sorte que la façon dont les clientes sont traitées par le système de santé en général, et le professionnel de la santé en particulier, n’influence pas de façon négative leur décision ou celle de leur partenaire de poursuivre l’utilisation de contraceptifs, notamment en : • assurant des services de conseils complets et objectifs grâce auxquels les clientes reçoivent des informations complètes sur la façon dont les méthodes fonctionnent et sont utilisées, y compris les effets secondaires, de sorte qu’elles connaissent les effets secondaires éventuels et savent comment les gérer s’ils se manifestent ; • fournissant des informations complètes sur la possibilité de passer à une autre méthode si la méthode choisie s’avère problématique ou que la femme nécessite de changer de méthode, y compris sur les méthodes alternatives et leur source ; • assurant que les professionnels de la santé ne communiquent aucune subjectivité qui pourrait décourager les femmes et les inciter à ne pas utiliser la méthode qu’elles préfèrent, sans raison, ou porter préjudice aux femmes aux caractéristiques personnelles particulières (par ex., adolescentes, pauvres, sans éducation, atteintes du VIH, etc.) ; Enfin, il est essentiel de comprendre la signification des effets secondaires et de leurs conséquences sociales et la nature des rumeurs et des idées fausses qui circulent dans les diverses populations desservies par un programme de planification familiale pour assurer que : • les effets secondaires et rumeurs connus sur chaque méthode sont abordés dans le contexte de leur signification locale de sorte que les femmes puissent interpréter les conséquences possibles et les prendre en compte lorsqu’elles choisissent une méthode ; • les raisons potentielles pour que les femmes arrêtent d’utiliser une méthode particulière puissent être envisagées dans le cadre de l’accompagnement et que des stratégies appropriées pour gérer la situation ou passer à une autre méthode soient suivies. Grâce à ces facteurs déterminants, les programmes devraient pouvoir identifier les femmes qui arrêtent d’utiliser des contraceptifs actuellement ou sont à risque de le faire et les aider à passer immédiatement à une autre méthode, d’une efficacité équivalente ou supérieure. Ils devraient également pouvoir assurer un soutien continu des personnes qui prennent actuellement des contraceptifs pour les aider à continuer à les utiliser jusqu’à ce qu’elles désirent débuter une grossesse ou n’aient plus besoin de protection. Toutes ces interventions ont pour toile de fond la nécessité d’instaurer un système d’information de gestion de la santé qui puisse suivre les clientes de façon individuelle et longitudinale et constituer un retour d’informations efficace pour permettre la création d’un programme qui engage des actions destinées aux personnes qui sont à risque d’arrêter d’utiliser des contraceptifs (comme représenté par l’encadré en dessous de la flèche sur la Figure 4). Le suivi individualisé permet également d’obtenir des données qui peuvent améliorer les trois groupes de facteurs déterminants. DÉCEMBRE 2015 22 12e PARTIE LACUNES DANS LES DONNÉES ET RECHERCHES ULTÉRIEURES Cette analyse a identifié de nombreuses actions qui peuvent être prises par les programmes de planification familiale pour réduire la probabilité de l’arrêt des contraceptifs chez les femmes qui ne veulent pas débuter de grossesse et augmenter la probabilité du passage à une autre méthode lorsque la méthode est arrêtée parce qu’elle ne répond pas aux besoins de la femme. Pour certains programmes, ces actions peuvent être lancées et/ou mises en place assez facilement, puisque les mesures à prendre sont évidentes. Pour d’autres, il pourrait être nécessaire d’entreprendre des recherches de mise en œuvre pour déterminer comment instaurer ces actions recommandées au mieux, de sorte qu’elles soient configurées de façon appropriée et efficace dans le cadre des programmes nationaux (et infranationaux), selon les normes et attitudes sociales prévalentes répandues. Voici une liste non exhaustive des questions auxquelles les responsables des programmes doivent répondre via les recherches de mise en œuvre : • Quels sont les facteurs du système de santé qui déterminent si une femme arrête d’utiliser des contraceptifs de façon permanente, temporaire ou peut passer à une autre méthode immédiatement ? • Si l’on évalue l’approche globale du marché, est-il possible d’améliorer les méthodes proposées et/ou les configurations des moyens de prestation de services disponibles via une coordination intégrée du secteur public et du secteur privé pour garantir de meilleurs taux de poursuite de l’utilisation de contraceptifs, toutes méthodes confondues, en facilitant la disponibilité des méthodes préférées et la possibilité du passage à une autre méthode ? • Comment la formation continue et initiale peuvent-elles permettre de mieux lutter contre la subjectivité des professionnels de la santé, assurer les connaissances des méthodes et garantir des soins respectueux de sorte que les services de conseils aux clientes réduisent le risque d’arrêt des contraceptifs sans passage à une autre méthode ? •C omment les programmes peuvent-ils impliquer les partenaires et les chefs masculins ainsi que les réseaux sociaux des femmes pour soutenir les services de conseils et la prestation de services ? • Comment les programmes peuvent-ils améliorer les services offerts aux adolescentes non mariées (qui présentent les taux d’arrêt de contraceptifs les plus élevés) pour qu’elles puissent être constamment protégées contre les grossesses grâce à l’utilisation continue d’une méthode de contraception efficace et/ou à l’utilisation occasionnelle de méthodes directement liées aux relations sexuelles (par ex., préservatifs, contraception d’urgence), si nécessaire ? 23 ARRÊT DES CONTRACEPTIFS RAISONS, DÉFIS ET SOLUTIONS Les recherches de mise en œuvre propres aux programmes, qui se fondent sur une évaluation rigoureuse des facteurs qui déterminent la probabilité de l’arrêt de l’utilisation de contraceptifs avec ou sans passage à une autre méthode, peuvent contribuer à améliorer les programmes progressivement. Notre analyse a souligné des interventions considérées comme pouvant améliorer les taux de poursuite de l’utilisation de contraceptifs. Cependant, les preuves de leur efficacité ne sont pas concluantes et l’évaluation d’approches spécifiques d’interventions grâce à des études quasi expérimentales pourrait être très utile dans différents contextes. Par exemple : • Des approches visant à améliorer la qualité des soins reçus par les clientes pendant les consultations, en particulier en ce qui concerne les services de conseils. • En plus d’informer les femmes des effets secondaires potentiels, il est utile de déterminer l’effet que peut avoir sur l’arrêt des contraceptifs le fait d’offrir aux femmes un paquet de produits prophylactiques (par ex., ibuprofène, serviettes hygiéniques, contraceptifs oraux). • Des systèmes de suivi des clientes qui peuvent surveiller les dynamiques d’utilisation, aider les femmes à passer à une autre méthode si elles décident d’arrêter d’utiliser des contraceptifs ou prévenir l’arrêt, en rassurant les femmes au sujet des problèmes liés à la méthode. Les applications mHealth peuvent contribuer grandement au fonctionnement de tels mécanismes de soutien à grande échelle. Notre analyse a également souligné des lacunes dans les données pour lesquelles des recherches en sciences sociales sont nécessaires. Les sciences sociales pourraient être utiles pour pallier, entre autres, les lacunes suivantes : •Comment les femmes et les hommes interprètent-ils les effets secondaires ou autres problèmes liés à la méthode qui entraînent souvent l’arrêt des contraceptifs ? Dans cette situation, qu’est-ce qui les pousse à continuer ou arrêter d’utiliser des contraceptifs ? •P uisqu’il existe un risque de connaître des naissances peu espacées si l’arrêt des contraceptifs durant les 12 premiers mois post-partum entraîne une grossesse, les dynamiques d’utilisation des contraceptifs chez les femmes qui ont commencé, recommencé ou utilisé une méthode pendant la période post-partum doit être mieux comprise. •C ertains pays (par ex., Égypte, Indonésie, Vietnam, Zimbabwe) sont associés à des taux d’arrêt, toutes méthodes confondues, bien plus bas que la moyenne mondiale. Des études de cas visant à comprendre les facteurs qui contribuent à ces taux relativement bas permettraient d’éclairer la compréhension des éventuelles interventions qui pourraient être adaptées dans des contextes de système de santé et sociaux similaires partout dans le monde. 13e PARTIE CONCLUSIONS L’arrêt des contraceptifs est un phénomène mal compris. Il a des répercussions significatives, non seulement au niveau de la planification familiale et de la santé maternelle et de l’enfant, mais aussi de la croissance de la population et du développement économique global des pays. La plupart des femmes qui arrêtent les contraceptifs le font au début de leur utilisation de contraceptifs et sans consulter de professionnel de la santé. Ce phénomène représente un problème pour les interventions programmatiques. La probabilité de l’arrêt est liée à la méthode. Les femmes qui utilisent des méthodes à long terme, plus efficaces et qui doivent être retirées par un professionnel de la santé sont moins susceptibles d’arrêter les contraceptifs. Cependant, si les femmes peuvent discuter des effets secondaires avec des professionnels de la santé, ainsi qu’avec d’autres membres de leurs réseaux sociaux, une amélioration des taux de poursuite des contraceptifs ou du passage à une autre méthode est possible. Cependant, dans les contextes où les femmes utilisent des contraceptifs en secret, il est possible qu’elles arrêtent de les utiliser de peur de connaître des répercussions sociales si l’utilisation de contraceptifs est découverte. Il est probable que l’amélioration de la qualité des services entraîne une diminution de l’arrêt des contraceptifs. Il est en particulier nécessaire de mettre en place des stratégies efficaces pour diminuer la probabilité des ruptures de stock et améliorer la planification des réapprovisionnements et le passage de nouvelles commandes. L’existence d’une variété de méthodes disponibles permet aux femmes de pouvoir choisir une méthode préférée et de passer à une autre méthode. Cela pourrait impliquer de passer des partenariats créatifs avec le secteur privé et/ou de créer des systèmes de bons subventionnés, ainsi que d’améliorer les disponibilités des ressources humaines grâce à la répartition des tâches. Il est nécessaire de lutter contre la subjectivité des professionnels de la santé et les idées fausses (par ex., le caractère inapproprié de l’utilisation des contraceptifs injectables et des implants par les femmes nullipares). Cependant, envisagées seules, l’amélioration de la formation des professionnels de la santé et la communication d’informations ne mènent pas nécessairement à une réduction de l’arrêt des contraceptifs (Jain et collaborateurs 2011). Les programmes peuvent également exploiter la technologie mobile pour l’envoi de rappels des rendez-vous en temps opportun et la surveillance de la disponibilité des produits. Les services de proximité peuvent permettre d’éliminer les difficultés financières et les pertes de temps auxquelles font face certaines femmes pour avoir accès aux contraceptifs. Il est nécessaire de réfléchir davantage sur l’ambivalence, l’intentionnalité et la motivation. Les femmes interrompent parfois l’utilisation de contraceptifs de façon temporaire, mais ne considèrent pas cela comme étant un arrêt. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment les femmes interprètent l’arrêt à court terme et non désiré. Des données suggèrent que les programmes qui engagent les maris dans la prise de décision et impliquent les chefs masculins dans des activités de sensibilisation communautaire de façon active permettent de diminuer l’arrêt de contraceptifs. Il faut corriger les idées fausses des professionnels de la santé concernant le moment opportun pour commencer la première utilisation de contraceptifs. En outre, il faut renforcer les outils de travail pour assurer que les femmes ne sont pas enceintes et pour assurer le réapprovisionnement immédiat. Les programmes doivent être attentifs aux défis particuliers auxquels les adolescentes font face pour utiliser les contraceptifs de façon continue en fournissant des services appropriés, non moralisateurs et confidentiels. Les investissements pour diminuer l’arrêt et favoriser le passage à une autre méthode doivent être suivis par des systèmes solides de collecte de données et de création de rapports longitudinaux et individualisés. Même si ces processus peuvent être complexes au niveau technique et requérir des investissements, les améliorations rapides des technologies mHealth réduisent les difficultés associées à leur généralisation dans les programmes nationaux. De tels systèmes pourraient permettre de pallier les lacunes dans les données actuelles sur l’arrêt et le passage à une autre méthode. En outre, et c’est plus important encore, ils pourraient permettre aux professionnels de la santé d’identifier les femmes qui arrêtent les contraceptifs, ou sont susceptibles de le faire, pour pouvoir leur offrir une aide adéquate. Étant donné l’impact significatif de l’arrêt sur les efforts nationaux et mondiaux pour atteindre les objectifs de FP2020, investir dans de tels mécanismes de mesure et d’utilisation des données semble constituer une priorité. Alors que les programmes de planification familiale se développent et que l’accès augmente, l’arrêt inutile et non désiré des contraceptifs sans passer à une autre méthode représente un problème important et pourtant négligé. Cette analyse démontre qu’il n’existe pas de « solutions rapides » pour réduire l’arrêt. L’arrêt ne diminuera que lorsque les services de planification familiale seront d’une meilleure qualité et respecteront une approche fondée sur les droits. Comme l’a déclaré Anrudh Jain : « Il ne s’agit pas seulement d’ajouter des méthodes aux méthodes proposées dans un pays ou d’améliorer la qualité des services de conseils en soi. Il s’agit plutôt de répondre aux besoins de santé reproductive des femmes, à leur droit de choisir parmi des méthodes de contraception, à leur droit de prendre des décisions éclairées et à leur droit de recevoir des professionnels de la santé des informations correctes sur la méthode qu’elles ont sélectionnée et sur le passage à une autre méthode lorsque la méthode initiale ne convient plus » (Jain 2014a). DÉCEMBRE 2015 24 14e PARTIE RÉFÉRENCES Abdel-Tawab, N., Loza, S., and A. Zaki (2008) Helping Egyptian women achieve optimal birth spacing intervals through fostering linkages between family planning and maternal/child health services. Cairo: Population Council. Barden-O’ Fallon, J. and I. Speizer (2011) What differentiates method stoppers from switchers? Contraceptive discontinuation and switching among Honduran women, International Perspectives in Sexual and Reproductive Health, 37(1): 16–23. Adetunji, J. 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Organisation mondiale de la Santé (2014b) Déclaration de l’OMS sur la prévention et l’élimination du manque de respect et des mauvais traitements lors de l’accouchement dans des établissements de soins. Genève : OMS. DÉCEMBRE 2015 30 Annexe 1 Probabilités d’arrêt en fonction de la cause, aux mois 12, 24 et 36 pour 100 cas par méthode : valeurs moyennes pour 19 pays Méthode Toutes les méthodes Pilule DIU Contraceptif injectable Préservatif Abstinence périodique Retrait Mois Toutes raisons Échec signalé Lié à la méthode Effets secondaires/ Préoccupations pour la santé Souhait de débuter une grossesse Plus besoin de protection 12 37,7 7,2 19,9 10,4 6,1 7,8 24 54,6 13,9 28,4 16,8 16,7 12,5 36 64,3 18,9 34,5 21,7 22,9 15,3 12 43,5 5,6 25,4 20,1 10,4 8,5 24 65,0 11,7 37,9 30,3 20,8 12,1 36 76,3 15,6 45,7 37,4 30,5 14,9 12 13,1 1,1 8,8 7,7 1,3 0,8 24 26,3 2,2 13,8 13,0 4,0 1,7 36 36,7 3,8 20,2 19,3 7,2 2,9 12 40,6 1,5 34,8 26,9 6,6 5,7 24 62,8 2,9 50,6 39,8 15,4 10,0 36 77,1 4,3 58,0 50,6 24,5 13,9 12 50,4 7,6 23,1 2,6 11,1 12,7 24 64,5 16,3 28,8 4,7 19,2 17,8 36 73,9 22,2 33,6 5,0 26,1 23,8 12 40,3 17,4 12,7 1,0 7,3 6,6 24 61,2 28,7 19,7 1,2 17,5 10,4 36 70,9 36,3 23,9 1,2 22,9 14,1 12 40,0 15,3 11,7 1,1 7,8 9,2 24 61,5 31,3 17,7 1,1 21,6 15,2 36 73,8 40,8 22,3 1,2 30,0 18,9 5. Le taux de l’arrêt des préservatifs féminins, toutes raisons confondues, s’élève à 59 % (Reeves et Schwartz 2011). 31 Annexe 2 Taux de la prévalence contraceptive et de l’arrêt à 12 mois chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, Enquêtes EDS 1995–2006 TPC total Taux d’arrêt total à 12 mois Kenya 1998 39,0 32,7 Kenya 2003 39,3 36,0 Zimbabwe 1999 53,5 18,3 Zimbabwe 2005–2006 60,2 17,7 Arménie 2000 60,5 39,9 Arménie 2005 53,1 30,6 Égypte 2000 56,1 29,5 Égypte 2005 59,2 32,0 Bangladesh 1999–2000 54,3 48,7 Bangladesh 2004 58,5 49,3 Indonésie 1997 57,4 24,1 Indonésie 2002–2003 60,3 20,8 Colombie 2000 76,9 52,6 Colombie 2005 78,2 43,8 République dominicaine 1996 63,7 63,0 République dominicaine 2002 69,8 54,6 Afrique Subsaharienne Afrique du Nord/Asie de l’Ouest/Europe Asie du Sud/Asie du Sud-Est Amérique latine et Caraïbes Source : Bradley, Schwandt et Khan (2009) 32 Annexe 3 Rapports des chances provenant des modèles de risque de l’arrêt des contraceptifs de femmes ayant besoin d’une méthode de contraception au cours des trois premières années de l’utilisation, selon le cas le plus récent chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, Enquêtes EDS 2002–2006 Kenya 2003 Zimbabwe 2005–2006 Arménie 2005 1,00 1,00 1,00 Pilule 4,15** 0,31** Contraceptif injectable 2,60** 0,71 Préservatif masculin 5,58** 1,22 2,82** 1,10 0,75 4,52** 1,00 1,00 1,00 25 à 34 ans 0,33** 0,53** 0,51 35 à 49 ans 0,17** 0,21** 0,55 0–1 (réf.) 1,00 1,00 1,00 2–3 1,03 0,82 1,57 4+ 1,20 1,77* 2,34 A yant travaillé au cours de l’année précédente (non = réf.) 0,89 1,04 0,33** Années d’éducation 0,94* 0,96 0,91* 1,03 0,98 1,05 1,00 1,00 1,00 1,64** 0,83 0,89 Moins 1,34 1,08 0,85 Ne sait pas 1,50* 1,01 1,36 Exposition aux médias 0,90 0,92 1,44* TPC communautaire 0,71 0,64 0,45 Résidence (urbaine = réf.) 0,97 0,99 1,10 Niveau le plus bas 1,06 1,45* 1,31 Moyen (réf.) 1,00 1,00 1,00 Niveau le plus élevé 0,96 1,03 1,91 Méthode de contraception Traditionnelle (réf.) DIU Autres méthodes modernes Âge lors de l’arrêt 15 à 24 ans (réf.) Parité à l’arrêt Sensibilisation à la contraception Désir de fertilité du partenaire Même (réf.) Plus Statut économique Source : Bradley, Schwandt et Khan (2009). 33 Égypte 2005 Bangladesh 2004 Indonésie 2002–2003 Colombie 2005 République dominicaine 2002 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,53** 6,56** 5,76** 3,64** 1,08 0,80* 8,91** 2,63** 5,06** 2,31** 0,11** 6,67** 3,86** 2,99** 1,55** 0,87 1,36* 0,73* 0,17** 0,46** 3,70** 1,18 3,25** 2,06** 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,54** 0,40** 0,58** 0,37** 0,61** 0,28** 0,30** 0,47** 0,21** 0,27** 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,97 1,18 1,09 1,17* 0,96 0,96 1,51* 1,64** 1,76** 1,35** 0,97 1,09 0,79** 1,06 0,86* 0,99 0,97* 1,00 0,98* 0,98* 1,02 0,97 1,08** 1,01 1,02 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,06 1,67** 1,31** 1,01 0,91 1,67** 1,53** 0,97 0,91 0,86 1,19 1,39 1,15 1,22 0,93 0,91* 0,91 0,98 1,11 1,07 0,21** 0,45** 0,87 1,13 0,91 0,91 0,90 1,03 1,09 0,98 1,12 1,41** 1,09 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,84* 0,83 1,12 0,78** 0,86 0,85** 34 Annexe 4 Pourcentage des utilisatrices de contraceptifs ayant arrêté une méthode au cours des 12 premiers mois de l’utilisation, classées par âge et raisons pour l’arrêt, par pays avec indication de l’année de l’enquête 15 à 19 ans Toutes Ayant arrêté les contraceptifs Échec de la méthode Passées à une autre méthode Total Besoin de contraceptifs Pas de besoin de contraceptifs Mois d’exposition Bangladesh, 2004 60,0 6,4 25,5 28,0 8,1 19,9 3 188 Bolivie, 1994 59,7 19,1 17,7 22,9 8,2 14,7 527 Brésil, 1996 52,3 7,2 16,8 28,3 16,5 11,8 1 764 Colombie, 2005 54,6 9,4 20,2 24,9 9,0 16,0 7 710 Égypte, 2005 43,2 4,1 15,6 23,3 12,7 10,6 1 128 Éthiopie, 2005 54,7 2,4 15,2 32,9 11,3 21,6 407 Guatemala, 1999 62,7 7,7 11,3 43,7 28,3 15,4 297 Inde, 2006 44,5 5,1 7,8 29,6 8,5 21,2 5 058 Indonésie, 2002 29,2 2,9 8,2 18,0 5,5 12,5 1 935 Jordanie, 2002 61,7 13,6 15,0 33,1 13,4 19,7 252 Kenya, 2003 53,2 8,4 8,5 36,4 22,6 13,8 608 Malawi, 2004 49,3 4,3 4,6 40,3 19,9 20,5 945 Maroc, 2003 50,7 6,6 13,2 30,8 4,0 26,9 872 Moldavie, 2005 45,5 5,9 22,3 17,2 5,8 11,4 752 Pérou, 2004 59,9 9,6 27,6 22,8 11,4 11,4 1 433 Philippines, 2003 54,9 13,1 15,6 26,3 15,6 10,7 407 République dominicaine, 2002 63,5 7,9 15,6 39,9 24,9 15,0 3 669 Tanzanie, 2004 50,1 2,9 13,0 34,2 16,9 17,3 768 Turquie, 2003 56,3 9,8 22,6 23,9 5,8 18,1 762 Vietnam, 2002 45,3 9,3 17,7 18,3 6,1 12,2 147 Zimbabwe, 2005 28,4 3,1 4,1 21,2 7,9 13,4 1 024 Source : Blanc, A., Tsui, A., Croft, T. et J. L. Trevitt (2009) 35 20 à 49 ans Toutes Ayant arrêté les contraceptifs Échec de la méthode Passées à une autre méthode Total Besoin de contraceptifs Pas de besoin de contraceptifs Mois d’exposition 44,2 3,6 23,9 16,8 6,0 10,8 7 114 38,6 11,1 14,3 13,1 7,4 5,8 3 972 41,0 5,5 20,9 14,5 8,9 5,7 6 484 37,9 6,4 17,8 13,7 5,9 7,7 22 704 31,5 3,1 12,9 15,5 7,5 8,0 14 269 38,2 1,0 11,3 23,9 13,5 10,4 2 027 39,0 5,6 15,4 18,0 10,9 7,1 1 856 24,2 2,9 5,5 14,7 5,3 9,4 30 048 19,5 1,9 9,1 8,4 3,9 4,5 14 477 41,2 10,3 14,9 15,9 6,3 9,7 6 019 34,4 4,9 7,6 21,9 14,1 7,8 3 081 32,8 3,1 3,5 26,2 16,5 9,7 4 347 42,5 5,2 16,8 20,5 3,6 16,8 9 286 36,3 6,8 17,0 12,5 5,4 7,1 3 800 47,7 5,8 26,8 15,1 6,7 8,4 8 296 38,0 7,4 13,1 17,4 10,7 6,7 5 378 42,1 5,5 12,9 23,7 14,0 9,7 11 210 35,3 4,1 8,6 22,5 13,0 9,5 3 904 37,8 8,5 19,0 10,4 3,2 7,1 6 394 23,9 7,5 9,9 6,5 1,9 4,7 3 404 18,4 1,9 4,6 11,9 5,4 6,6 4 272 36 WWW.FAMILYPLANNING2020.ORG POPCOUNCIL.ORG