La perception de l`Europe et le sens d`appartenance à l

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La perception de l`Europe et le sens d`appartenance à l
La perception de l’Europe et le sens d’appartenance à
l’Union européenne
Contribution des sections Madrid, Ile-de-France, Normandie et Suisse de
l’Association Européenne de la Pensée Libre (AEPL)
Rapporteur : Roger Eraers
Les peuples européens sont en détresse. Le niveau de vie ne cesse de chuter, la précarité et la
pauvreté d’augmenter. Nul n’échappe à la crise, des jeunes en quête de travail aux vieillards
restreints dans leurs moyens. Des chômeurs s’immolent par le feu. Les associations caritatives
ne parviennent plus à nourrir ceux qui ne mangent pas à leur faim. Alors que le Programme
européen d'aide aux plus démunis (PEAD) subit des coupes drastiques (de - 40%) dans son
budget, comment se fait-il que l’argent du prix Nobel de la paix décerné à l’Union européenne
ait été attribué aux pays en voie de développement et non pas aux plus pauvres de l’Union
européenne ? Cela a été une erreur psychologique de première importance. Des erreurs de ce
genre sont incompréhensibles, lourdes de conséquence et ne favorisent assurément pas le
sentiment d’appartenance du citoyen européen à l’Union.
Les problèmes d’une union politique, économique et sociale entre 27 pays sont certes
nombreux et difficiles à traiter. Mais les tergiversations sans fin de l’Europe pour aboutir
finalement à une incapacité à prendre des décisions – voire à une paralysie totale – naguère
dans les conflits de l’ex-Yougoslavie, aujourd’hui face à une dégradation dramatique des
conditions économiques et de l’emploi - déroutent le citoyen européen, le découragent et
finissent par l’accabler. Une crise provoquée par les dérives des financiers et des banquiers est
en train d’être payée par le citoyen européen ordinaire, qui la vit avec un profond sentiment
d’injustice. Comment ne pas alimenter ainsi l’incompréhension ?
Les quatre sections de l’AEPL qui ont préparé le colloque de ce jour sont toutes arrivées à la
même conclusion : la structure politique actuelle de l’Union européenne est inadaptée à
la situation présente. Je laisse le soin à ma collègue représentant les sections qui ont travaillé
sur les aspects politiques du problème d’entrer dans le détail. Mais il est d’ores et déjà clair
pour l’Association Européenne de la Pensée Libre que 27 gouvernements d’Etats souverains
Commentaire [OU1]:
ne peuvent plus résoudre de façon adéquate les problèmes auxquels sont confrontés
quotidiennement les citoyens de l’Europe. ()
Commentaire [OU2]:
Une des grandes difficultés pour les institutions européennes, et la Commission en particulier,
c ‘est de communiquer efficacement avec les citoyens européens. Or, vu le caractère
extrêmement complexe de la construction européenne, avec un empilement de 7 traités, la
tâche des communicateurs est très difficile, surtout que les médias nationaux ne jouent guère
un rôle pédagogique en la matière. A cela s’ajoute que, du côté des Etats membres, les
ministres qui se réunissent régulièrement à Bruxelles ou à Luxembourg,
n’expliquent
quasiment jamais ce qu’ils sont allés y faire. Le plus souvent, les hommes politiques font
sciemment l’impasse sur l’Europe. En revanche quand ils s’engagent , on arrive fréquemment
au scénario suivant :
lorsque la Commission doit appliquer une décision du Conseil de
ministres qui n’est pas populaire, comme la libéralisation des services postaux, qui touche
directement les citoyens européens, les hommes politiques, ministres ou chefs d’Etat
désignent Bruxelles comme le bouc émissaire alors qu’ils ont contribué à emporter la
décision. Ce sont eux qui ont délibéré. En revanche, si la décision est bien reçue par la
population, alors c’est bien sûr grâce à l’acharnement de tel ou tel ministre ou président que
la décision a pu être prise. Dans le langage populaire et aussi médiatique, ce qui se passe au
niveau européen est très souvent la faute à Bruxelles. Bruxelles est devenu un qualificatif
collectif pour désigner la bureaucratie de la Commission et tout ce qui ne va pas dans l’Union
La Commission pêche gravement à cet égard par manque d’audace et d’esprit
européenne.
de décision : elle se drape le plus souvent dans le silence alors qu’elle devrait ne pas hésiter
à expliquer, et ce sans relâche, que le pouvoir de décision appartient aux Conseils de
ministres et au Parlement européen. L’Association européenne de la Pensée Libre est d’avis
que le manque d’audace dans la communication de la Commission européenne envers les
citoyens européens est un problème majeur, engendrant une perception fausse de l’Europe et
éloignant
le
sentiment
d’appartenance,
qui
doit
être
résolu
au
plus
vite.
La crise dure depuis 5 ans et les politiques de l’Union européenne, au lieu d’améliorer le
niveau de vie des employeurs et des travailleurs, les ont fait baisser. Il n’est donc pas
surprenant que les citoyens de l’Europe soient de plus en plus désenchantés par le projet
européen. Il y a toujours eu des opposants au projet mais il est inquiétant de voir que
l’opposition gagne aussi désormais d’anciens fervents partisans du projet européen. Loin de se
renforcer, le sentiment d’appartenance à l’Europe tend à se déliter.
Lorsque nous avons préparé ce colloque, les membres du BEPA nous ont demandé de ne pas
nous limiter aux critiques mais d’apporter aussi des propositions concrètes. C’est
effectivement notre intention. Mais nous nous rendons compte que la plupart de ces
propositions requièrent des actions sur la scène politique dans des domaines pour lesquels les
institutions européennes n’ont actuellement pas de compétences. Il ne s’agit plus aujourd’hui
de changer
quelques
points et virgules ; il faut modifier l’institution européenne en
profondeur .
Notre première proposition concerne les symboles et le langage. Beaucoup de nos membres
souhaiteraient que des symboles tels l’hymne européen soient davantage utilisés; toutefois, si
nous voulons nous adresser à la jeunesse européenne, il vaudrait sans doute mieux remplacer
l’Hymne à la joie de Beethoven par la chanson Imagine de John Lennon . Des symboles
existants comme le drapeau européen ou encore la journée de l’Europe du 9 mai devraient être
mis davantage en avant . Nous savons cependant que les symboles à eux seuls ne suffisent pas
. Les membres de l’Association Européenne de la Pensée Libre souhaiteraient aussi que les
dirigeants européens adoptent un nouveau langage et fassent usage de l’adjectif ‘européen”
chaque fois qu’ils mentionnent les telecommunications, , les chemins-de-fer ou d’autres
services à l’échelle européenne. Pourquoi continuer à qualifier d’international un déplacement
en Thalys entre Bruxelles et Paris ou inversément? Pourquoi la facture du téléphone qualifiet-elle d’“appel international” une communication téléphonique entre p.e. l’Ecosse et la
Belgique ou la France? Il convient de substituer au terme ‘international’ le mot ‘européen’.
De même faudrait-il bannir le mot “étranger” lorsque l’on parle d’une personne ayant la
citoyenneté d’un pays appartenant à l’Union européenne. En d’autres termes, l’identification à
l’Union européenne passe aussi par une adaptation du vocabulaire car, comme le disait
Goethe, “céder sur les mots c’est céder sur les choses”. Comme nous l’a suggéré le président
Barroso lui- même, nous comptons soumettre cette proposition respectivement aux
Commissaires
Kallas,
responsable
des
transports
et
Kroes,
responsable
des
telecommunications.
Deuxième proposition, nous souhaitons voir s’implanter un système éducatif qui éduque
sciemment la jeunesse à penser “européen” en lieu et place de “national”. Il est absolument
nécessaire de
mettre en place un programme pédagogique traitant du projet européen.
Commentaire [OU3]:
Devraient faire partie de cet enseignement des cours obligatoires sur la construction
européenne : son origine et son fonctionemment.
Notre troisième proposition, condition nécessaire, mais pas suffisante, est la mise en place
d’un gouvernement européen fédéral. Les Européens sont las d’un système qui nécessite
d’interminables réunions et recherches de compromis de la part des gouvernements
souverains des 27 pays. S’il y a bien une chose qui a détruit l’image de l’Union européenne,
c’est la complexité du processus des réunions de crise qui n’arrivent pas à résoudre la crise.
Ce qui est exigé maintenant par les Européens, c’est un gouvernement fort et démocratique et
non pas un leadership faible et non démocratique. Le déficit démocratique s’est accru avec la
crise car les élections législatives nationales à l’intérieur de l’Union européenne ne sont en
réalité plus démocratiques . En effet, si un parti politique remporte les élections sur la base
d’un programme voulant réduire le déficit budgétaire en stimulant la croissance plutôt que
l’austérité, une fois au gouvernement, il ne pourra pas mettre en oeuvre cette politique car les
traités européens l’en empêcheront. En revanche, s’il y avait un seul gouvernement européen,
les partis politiques pourraient proposer des programmes alternatifs et le parti vainqueur
pourrait effectivement appliquer son mandat. De cette façon, les populations de l’Europe
pourraient se réapproprier le projet européen. Etablir des élections européennes aurait un sens
parce que le résultat des votes individuels aurait un impact direct sur la direction future de
l’Union. Les responsables de la Commission européenne ne sont toutefois pas en mesure de
pouvoir proposer un tel projet fédéral. MM. Barroso à la Commission et Van Rompuy au
Conseil sont limités et entravés dans le rôle politique qu’ils peuvent jouer. Arrivant l’un et
l’autre au terme de leur mandat, nous pouvons espérer qu’ils feront preuve de leadership en
proposant, sur la base de leurs expériences et des problèmes qu’ils ont rencontrés, la création
d’une Europe fédérale. Pour le public, MM. Barroso, Van Rompuy et Schulz, ainsi que Lady
Ashton représentent les visages de l’Europe ; en conséquence, ils sont perçus aujourd’hui, de
façon injuste, comme étant les causes plutôt que les solutions du marasme que connaît
l’Europe actuellement.
Les jeunes veulent une Europe de l’interdépendance plutôt que celle de la solidarité. Parler
aux personnes de moins de 60 ans de la façon dont le projet européen a amené la paix sur un
continent historiquement en guerre de façon chronique avec lui-même est une perte de temps.
Les guerres mondiales du 20ème siècle n’ont guère joué un rôle dans leur histoire personnelle.
L’Europe doit regarder maintenant vers l’avenir. Si notre but est désormais de ré-enchanter la
population européenne avec le projet européen, si nous voulons que nos compatriotes
européens se forgent une image positive de notre continent, il faut impérativement répondre à
deux conditions :
D’une part, que les politiques européennes contribuent réellement aujourd’hui à la prospérité
de la population. Ce qui implique de modifier les politiques actuelles qui n’atteignent
absolument pas cet objectif. Il faut des mesures qui apportent à la fois la compétitivité
économique et la justice sociale. L’Europe doit rester capable d’offrir à
des peuples
distincts, aux coutumes différentes, son superbe idéal humaniste visant à établir la
concrétisation d’une justice sociale. Nous croyons que le développement d’un système effectif
de protection sociale européenne est le « baume » nécessaire pour réconcilier l’Europe avec
ses citoyens;
Et
D’autre part, deuxième condition: que les personnes responsables du projet européen soient
crédibles aux yeux de la population. La crédibilité est fondamentale par les temps de crise
profonde . Or, nous avons le regret de constater que la génération actuelle de dirigeants
européens a perdu cette qualité essentielle. Il en résulte l’émergence de courants populistes
qui, quasi systématiquement, rejettent tout ce qui est européen et invitent au ralliement autour
de tout ce qui est national.
En conclusion, la Commission européenne peut aider à atteindre les deux objectifs que j’ai
mentionnés, prospérité et crédibilité, par la présentation de propositions adéquates, et ce de
préférence avant les elections européennes de 2014. Ces objectifs devront ensuite faire l’objet
d’une initiative politique.
Commentaire [OU4]: