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Netcom
Réseaux, communication et territoires
29-1/2 | 2015
Tracer sa route à l'heure du numérique
L’incertitude dans l’utilisation des médias
géolocalisés : étude de deux applications reliées à
la mobilité urbaine
The uncertainty in locative media: study of two applications for urban mobility
Julia Salles
Éditeur
Netcom Association
Édition électronique
URL : http://netcom.revues.org/1843
DOI : 10.4000/netcom.1843
ISSN : 2431-210X
Édition imprimée
Date de publication : 14 décembre 2015
Pagination : 13-36
ISSN : 0987-6014
Référence électronique
Julia Salles, « L’incertitude dans l’utilisation des médias géolocalisés : étude de deux applications
reliées à la mobilité urbaine », Netcom [En ligne], 29-1/2 | 2015, mis en ligne le 15 décembre 2015,
consulté le 30 septembre 2016. URL : http://netcom.revues.org/1843 ; DOI : 10.4000/netcom.1843
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
Netcom – Réseaux, communication et territoires est mis à disposition selon les termes de la licence
Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Networks and Communication Studies,
NETCOM, vol. 29 (2015), n° 1-2
pp. 13-36
L'INCERTITUDE DANS L'UTILISATION DES MÉDIAS
GÉOLOCALISÉS : ÉTUDE DE DEUX APPLICATIONS RELIÉES À LA
MOBILITÉ URBAINE
THE UNCERTAINTY IN LOCATIVE MEDIA: STUDY OF TWO
APPLICATIONS FOR URBAN MOBILITY
SALLES JULIA 1
Résumé - À partir de la différentiation entre les pratiques stratégiques et tactiques, développée
par Michel de Certeau (1990), et du concept de l'espace hybride (De Souza et Silva, 2006; Nova, 2009),
ce travail distinguera les différents rapports à l'incertitude lors du déplacement en milieu urbain par les
utilisateurs des médias géolocalisés, notamment par l'étude de deux applications pour appareils mobiles,
Foursquare/Swarm et Walking the Edit.
Mots-clés - Géolocalisation, Incertitude, Foursquare, Walking the Edit.
Abstract - Drawing from the differentiation between strategic and tactical practices, developed
by Michel de Certeau (1990), and the concept of hybrid space (De Souza e Silva, 2006; Nova, 2009),
this paper aims to distinguish the various relationships to uncertainty in the context of location-based mobile
applications forurban mobility, through the study of two mobile applications, Foursquare/Swarm and
Walking the Edit.
Keywords - locative media; uncertainty; Foursquare; Walking the Edit.
1 Doctorante en communication à l'Université du Québec à Montréal (UQÀM), Faculté de
communication. Doctorat conjoint en communication (UQÀM, UDEM, CONCORDIA UNIV.)
Recherche financée par la CAPES (Coordenaçao de Aperfeiçoamento Pessoal de Nivel Superior) du
Ministère de l'Éducation du Brésil, avec la collaboration de la Faculté de communication de l'UQÀM
(Université du Québec à Montréal). E-mail: [email protected]
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INTRODUCTION
L'objectif de cette recherche est de comprendre les relations entre incertitude et
mobilité à travers le spectre des applications géolocalisées pour téléphones intelligents. Les
technologies mobiles de communication proposent souvent d'augmenter la connaissance
sur les espaces (location awareness). Comme l'ont affirmé Peter Maass et Megha Rajagopala,
dans un article paru au New York Times (Maass et Rajagopala, 2012: sans page): "New research
suggests that by cross-referencing your geographical data with that of your friends, it’s possible to predict your
future whereabouts with a much higher degree of accuracy. This is what’s known as predictive modeling, and
it requires nothing more than your cellphone data." Certains réseaux sociaux numériques
géolocalisés (RSNG) s'inscrivent dans cette perspective, comme l'a affirmé le cofondateur
de Foursquare, un des RSNG le plus utilisés: "The thing that we are most passionate in Foursquare
is doing that, not predictable place, but more a predictable awareness of the great stuff around you, specifically
tied to things in the real world." 2 (Crowley in: Segall, 2014: sans page). Nous cherchons alors à
savoir: comment les applications géolocalisées agissent sur les incertitudes liées à la mobilité
dans un contexte urbain? Autrement dit, qu'en est-il de l'incertitude dans un contexte de
mobilité urbaine à la lumière des nouvelles applications géolocalisées?
Pour essayer d’y répondre, nous adoptons une approche communicationnelle des
nouvelles technologies d'information et de communication (TIC), plus spécifiquement,
nous souhaitons articuler des aspects de la théorie de l'information (Terranova, 2004a;
Parisi, 2014) et des mobility studies (Massey, 2005; Frith, 2012). À travers une étude de cas,
nous allons comparer deux applications développées pour les médias géolocalisés. La
première application sera Foursquare, qui servira comme un exemple des RSNG. Le
deuxième cas étudié sera l'application Walking the Edit (WE), qui s'inscrit dans une tendance
forte du développement des médias géolocalisés, l'utilisation de ces médias pour la
production de contenu culturel en milieu urbain (dans ce cas, le documentaire interactif
géolocalisé). À partir de la différentiation entre les pratiques stratégiques et tactiques,
développée par Michel de Certeau (1990), ce travail distinguera les différents rapports à
l'incertitude lors du déplacement en milieu urbain par les utilisateurs des médias géolocalisés.
Il est important de remarquer que nous nous intéressons aux pratiques proposées
par les développeurs des applications. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir si dans la
conception des applications géolocalisées, les développeurs avaient l'intention de proposer
à l'utilisateur une expérience de l'incertitude liée à la mobilité, de réduire l'incertitude, ou
encore, si cela leur était indifférent. Ainsi, cette recherche ne s'inscrit pas dans le champ des
études de réception, mais plutôt dans les études sur la production (cultural studies of media
industries). Dans une recherche future, il serait alors intéressant de recueillir des données sur
2
https://www.youtube.com/watch?v=oaRRWP7EHZo
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l'expérience de l'utilisateur et les comparer aux résultats obtenus par les recherches dans le
champ de la production.
Dans un premier moment, nous allons aborder la question de la relation à l'espace
dans le contexte des applications géolocalisées pour smartphones, pour ensuite définir le cadre
conceptuel de cette recherche autour des relations entre incertitude et mobilité. Après une
mise en évidence de l'approche méthodologique de cette recherche, nous allons présenter
les deux cas étudiés (Foursquare et WE). Enfin, nous allons discuter les résultats observés
en termes d'incertitude dans la relation à l'espace et de l'indétermination technologique.
1.
1.1.
CADRE THÉORIQUE
Les applications géolocalisées: l'espace hybride
Diverses études sur le marché des TIC (Rapports Cisco 2013-2014; Evans, 2013)
démontrent la croissance fulgurante de l'utilisation des médias mobiles de communication
avec accès internet (téléphones intelligents et tablettes). Les données comparatives
présentées par Benedict Evans sur le nombre d'unités vendues (PC versus appareils mobiles
connectés) mettent en évidence la rapidité d'infiltration des médias de communication
mobiles avec accès internet dans le marché d'utilisateurs. Le nombre d'unités vendues de
téléphones intelligents et tablettes augmente selon une courbe très accentuée, pour passer
de moins de 50 millions en 2009 à plus d'un milliard en 2013. Par ailleurs, à partir de 2011,
pour la première fois, la vente globale d’ordinateurs de bureau (PC) commence à décliner.
Cela démontre donc une tendance de migration des utilisateurs d’ordinateurs de bureau vers
les appareils mobiles connectés à internet.
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Source : EVANS, B. (2013), Mobile is eating the world.
Le développement des tablettes numériques et la transformation des téléphones
portables en ordinateurs ultraportables ont permis à l’utilisateur d’être en ligne lors de ses
déplacements dans l’espace urbain. Ce phénomène participe à la création d'un espace
informationnel numérique (virtuel) relié à l'espace physique, ce que Adriana de Souza e Silva
(2006) a appelée l’espace hybride, soit la combinaison de l’espace physique avec le numérique.
Selon l'auteur, la possibilité d'avoir accès à l'espace numérique tout en étant en mouvement
dans l'espace urbain a créé un pont entre le contenu numérique disponible sur le web et
l'espace de la ville pratiqué par les utilisateurs. La pratique de l'espace urbain pour ces
utilisateurs équipés d'un appareil mobile avec internet est donc transformée par l'accès à
l'espace numérique.
Divers auteurs ont démontré l'impact des TIC sur l'expérience de l'espace urbain.
Jordan Frith, dans une étude sur les aspects ludiques du RSNG Foursquare, affirme: "In
other words, mobile technologies can alter the way spaces are seen through the ways individuals access new
types of digital spatial information. As Dourish and Bell (2011) write, 'Information technologies,
particularly those of mobile networking and positioning, become a new lens through which the spatialities of
urban space can be viewed.'” (Frith, 2013: 250). Frith fait référence ici à un aspect important du
concept de l'espace hybride, soit la lisibilité de l'espace. Il est intéressant de remarquer que
l'accès aux technologies mobiles de communication permet à l'utilisateur d'avoir une vision
plus large de l'espace physique. Les informations contenues dans les réseaux numériques
sont disponibles en permanence à l'utilisateur et contribuent ainsi à sa compréhension de
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l'espace physique. Les informations présentes dans l'espace hybride ont alors un impact
direct sur la mobilité de l'utilisateur.
Lee Humphreys, dans un article sur le RSNG Dodgeball 3 (Humphreys, 2008)
démontre aussi les implications de ces applications sur les choix de mobilité d'un utilisateur.
Il observe par exemple que les utilisateurs se servent de l'application pour avoir des
informations sur la localisation de ses amis et pouvoir ainsi sélectionner ses lieux de
fréquentation. Humphreys a appelé ce phénomène la "molécularisation sociale" (social
molecularisation). Humphreys résume l'impact de ces applications sur la mobilité par trois
aspects: coordinative (coordination de rencontres physiques avec le réseau numérique d'amis);
performative (la construction d'une identité numérique); cataloguing (annotations numériques
personnelles sur l'espace physique). Il conclut: "The findings suggest ways in which integrating social
networks and physical space through mobile technology can change the way users experience urban public
space." (Humphreys, 2008: 357).
Nous nous intéressons ici notamment aux implications de ces applications mobiles
sur l'incertitude présente dans l'expérience de l'espace urbain. Comme la citation de Dennis
Crowley nous fait pressentir, ces applications ont souvent comme objectif de réduire les
incertitudes par rapport à l'espace physique dans lequel l'utilisateur se retrouve. Néanmoins,
une ligne de recherche (Girardin, F., Blat, J. et Nova, N., 2010) a remarqué la présence de
sources d'incertitude dans les applications géolocalisées reliées à l'espace physique: "An
inherent spatial uncertainty embedded in mobile and location systems constantly challenges the coexistence of
digital and physical spaces." (Girardin, F. et al., 2010: 1). Cette affirmation met en lumière les
incertitudes dans les technologies mobiles concernant la localisation des utilisateurs.
Nicolas Nova (2009), dans son propre développement du concept de l'espace
hybridé, retient quatre éléments majeurs de la construction de cet espace: les médias
géolocalisés nécessitent l'infrastructure présente dans l'espace physique; un nouvel espace
se crée avec l'ajout de la dimension numérique à l'environnement physique; l'espace
numérique transforme l'engagement avec l'espace physique; une évolution partiale et
urbaine. Ses conclusions mettent en évidence l'important rôle joué par l'espace physique
dans le développement de l'espace virtuel. Il remarque que l'espace physique peut aussi agir
comme source d'incertitude dans un système de géolocalisation. Nova mentionne trois
sources principales d'incertitude d'ordre technique liée à l'espace: (1) la précision de la
localisation (cela peut varier selon des facteurs comme un signal faible, des barrières
physiques qui limitent le signal, limitations des outils, etc.); (2) l'évolution temporelle de la
3Dodgeball
est un RSNG qui a existé entre 2003 et 2009. Dodgeball a été co-développé par Dennis
Crowley, et ensuite vendu à Google, en 2005. Em 2009, Dodgeball a été remplacé par Google
Latitude. Source: http://www.engadget.com/2014/05/15/dodgeball-foursquare-swarm/
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localisation (la rapidité du système à détecter les déplacements varie selon la vitesse du signal
et les mécanismes de mise à jour de la localisation); (3) présentation de la localisation (la
manière d'afficher l'information à l'utilisateur, qui peut être géométrique, symbolique et
cartographique). L'incertitude technique est considérée alors comme un obstacle à la
construction de l'espace hybride. Cet aspect de l'incertitude sera une des variables observées
dans cette étude de cas. Dans la prochaine étape, il sera question d'établir les relations entre
incertitude et mobilité, ce qui constitue le deuxième groupe de variables observées.
1.2.
Incertitude et mobilité
Le cadre conceptuel autour de l'incertitude et de la mobilité met en évidence deux
champs d'intersection pour ces notions: le premier a lieu dans la mobilité humaine, et le
deuxième dans le flux d'information. L'incertitude présente dans le déplacement humain
sera définie ici par le champ des études sur la mobilité (mobility studies). Par ailleurs, la théorie
de l'information nous propose des éléments pour définir les rapports entre incertitude et
mobilité dans un contexte d'échange d'information.
En mobility studies, l'incertitude est considérée comme un élément inhérent de la
mobilité humaine, et ce, dans deux dimensions. La première concerne la difficulté de prévoir
le comportement humain: "Indeed, although we rarely perceive any of our actions to be random, from
the perspective of an outside observer who is unaware of our motivations and schedule, our activity pattern
can easily appear random and unpredictable." (Song et al., 2010: 1018). Notre intérêt de recherche
repose néanmoins sur la deuxième dimension de la relation incertitude-mobilité, ou
l'incertitude dans le rapport à l'espace, car le mobile est toujours pris entre une intention de
trajet et les aléas de l'espace qu'il parcourt. Cette incertitude est encore plus notable dans le
contexte urbain, comme l'a argumenté Jordan Frith, "What frightens people about cities is also
what makes them great: they are sites of unexpected encounters, encounters we cannot always control." (Frith,
2012: 141).
Doreen Massey a remarqué que la notion d'espace est souvent associée à la fixité,
comme si l'espace était un contenant immobile dans lequel les événements temporels
produiraient le changement, "If time was to be asserted as open and creative, then that business that
science got up to, pinning things down (writing them down) and taking life out of them, must be its opposite
- which they called 'space'" (Massey, 2005: 32). Comme Massey, nous considérons, au contraire,
que l'espace est mobile et ouvert. Michel de Certeau, dans sa définition de l'espace, considère
également son caractère mobile et la présence d'une dimension temporelle dans la
construction de l'espace: "Il y a espace dès qu'on prend en considération des vecteurs de
direction, des quantités de vitesse et la variable de temps. L'espace est un croisement de
mobiles. Il est en quelque sorte animé par l'ensemble des mouvements qui s'y déploient."
(de Certeau, 1990: 173; italique original).
De Certeau oppose l'espace (mobile) au lieu (configuration stable), et c'est la
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pratique des consommateurs (ou utilisateurs) qui transforme le lieu en espace: "En somme,
l'espace est un lieu pratiqué. Ainsi, la rue géométriquement définie par un urbanisme est
transformée en espace par des marcheurs" (de Certeau, 1990: 173). Or, il faut considérer
l'espace comme une construction à partir des diverses pratiques d'un lieu. De Certeau
distingue alors les pratiques stratégique et tactique de l’espace, la première étant un usage
rationnel, prévisible et en accord avec les déterminations du lieu. En revanche, les pratiques
tactiques des consommateurs sont créatives, échappent au déterminisme du lieu et bricolent
des façons nouvelles et imprévisibles de pratiquer l’espace : « Ils [les consommateurs]
tracent des ‘trajectoires indéterminées’, apparemment insensées parce qu’elles ne sont pas
cohérentes avec l’espace bâti, écrit et préfabriqué où elles se déplacent. Ce sont des phrases
imprévisibles dans un lieu ordonné par les techniques organisatrices de systèmes » (de
Certeau, 1990: 57). L’incertitude fait donc partie de la construction de l’espace dans une
pratique tactique.
Par ailleurs, dans la théorie de l'information, la notion d'incertitude est souvent
associée à celle de l'entropie. Le travail critique de Tiziana Terranova sur le concept de
l'entropie au sein de la théorie de l'information sera une des bases de notre cadre conceptuel
autour de la notion d'incertitude. Terranova revient sur les trois définitions de l'information
formulées par Claude B. Shannon : "(...) information is defined by the relation of signal and noise;
information is a statistical measure of uncertainty or entropy of a system; information implies a nonlinear
and nondeterministic relationship between the microscopic and macroscopic levels of a physical system."
(Terranova, 2004a: 9). Shannon intègre à la formalisation de l'information le concept
d'entropie, défini comme la mesure de l'incertitude de notre connaissance à propos de la
distribution des particules dans un système. Cela implique que l'information, comme
l'entropie, serait alors une moyenne statistique du comportement global d'un système, "a
measure of the irreducible uncertainty that characterizes our knowledge of physical states." (Terranova,
2004b: 64). L'intérêt de Shannon dans ce système de communication était surtout du point
de vue de l'ingénierie, notamment sur les manières de compresser l'information transmise
dans une communication, mais il est intéressant de remarquer qu'il opère un renversement
important du concept de l'information, il ancre l'incertitude de forme inhérente dans notre
connaissance du monde physique. Comme l'a affirmé Terranova: "The concept of information,
that is, always marks an approximation or uncertainty in our system of knowledge - but an uncertainty
that, as the successive emergence of quantum mechanics formalized, is constitutive of knowledge as such."
(Terranova, 2004b: 64).
Considérant alors cette entropie, ou incertitude, présente dans le système
informationnel, ce système se caractérise comme nonlinéaire, un système où "[...] there is no
simple causal relation or proportion between input and output, when information is not simply transmitted
through a channel from point A to point B but starts to jump around, mutate, and multiply from channel
to channel, from network to network, from singularity to singularity [...]." (Terranova, 2004b: 61). Cela
mène Terranova à questionner le diagramme de la communication de Shannon et sa
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proposition d'isoler le bruit (ou les incertitudes) par des algorithmes de compression de
données: "How can we still believe that information simply flows from sender to receiver (or from producer
to consumer) without any of the noise, indeterminacy, and uncertainty having any effect on the process at all
at some level?" (Terranova, 2004b: 67). Or, l'incertitude est ancrée dans le flux d'information.
Notre discussion sur les questions liées à l'incertitude dans l'utilisation des applications
géolocalisées se fera dans ce cadre théorique.
2.
APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE: ÉTUDE DE CAS
L'approche méthodologique utilisée pour aborder les questions de cette recherche
est l'étude de cas. L'étude de cas est une méthodologie qualitative qui permet une
compréhension du phénomène d'intérêt dans son contexte. Il s'agit d'une approche qui vise
à observer l'objet d'étude dans sa complexité, à travers la prise en considération des
interactions avec le milieu dans lequel il s'insère. Dans le cas de cette recherche, nous ne
pouvons pas faire fis de la dimension contextuelle, car notre phénomène d'intérêt se joue
dans la relation entre les nouvelles technologies de communication et l'espace (notamment
l'espace urbain). Cette approche nous permet aussi d'éviter un déterminisme technologique,
car elle propose "(...) une compréhension profonde des phénomènes, des processus les
composant et des personnes y prenant part." (Gagnon, 2012: 2). Les technologies de
communication étudiées (les applications géolocalisées) seront ainsi considérées comme
partie intégrante d'un ensemble qui inclut l'espace, les intentions des développeurs et
l'incertitude, et il s'agira d'observer les interactions entre ces éléments.
Si nous partons de notre question centrale de recherche: comment les applications
géolocalisées agissent sur les incertitudes liées à la mobilité dans un contexte urbain?, il ressort de sa
formulation que nous aurons à analyser les discours des développeurs, notamment ce qui a
trait aux objectifs des applications qu'ils ont contribué à créer. Ainsi, la technique de la
collecte de données sera l'analyse documentaire des discours reproduits dans les médias
(scientifiques ou non) des développeurs sur les applications étudiées, notamment sur les
intentions.
La sélection des cas observés s'est reposée principalement sur le critère suivant:
représenter deux tendances fortes du développement des médias géolocalisés (selon Nova,
2009), la navigation/services urbains et l'art interactif. Pour la première catégorie,
l'application retenue est Foursquare. Ce choix se justifie, en premier lieu par la popularité
de l'application, mais aussi par l'abondance de discours des développeurs (principalement
Dennis Crowley) dans les médias. Dans la deuxième catégorie (art interactif), il existe une
grande diversité de sous-tendances, et en raison de nos études précédentes (Paz et Salles,
2013), nous avons choisi d'aborder le documentaire interactif. Comme pour la plupart des
dispositifs de ce type, il s'agit d'une application de niche, or la popularité n'a pas été évaluée
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comme un critère de sélection. L'application WE, en raison de son articulation de mobilité
et incertitude, intérêt central de la présente recherche, a été retenue pour l'étude de cas.
À la suite de la sélection des cas à être observés, nous avons procédé à la collecte
de données. Dans le cas de Foursquare, la présence médiatique de Dennis Crowley a facilité
cette étape. Néanmoins, peu d'informations de la part d'Ulrich Fischer, développeur de WE
était disponible au public. Nous avons alors contacté Ulrich Fischer qui nous a fourni des
ressources complémentaires sur l'application WE pour l'étude de cas. Après une première
période d'observation des discours, nous avons utilisé les deux groupes de variables
(incertitude et mobilité; incertitude et dispositif) pour interroger les cas étudiés et structurer
les observations.
3.
PRÉSENTATION DES CAS ÉTUDIÉS
3.1. Foursquare et Swarm : les réseaux sociaux numériques géolocalisés (RSNGs)
Le premier des cas étudiés s'insère dans le genre d'application appelée RSNG. Ce
sont des réseaux sociaux numériques tels que Facebook, Twitter, Orkut, et autres, mais avec
la particularité d'utiliser la fonction de géolocalisation (normalement à travers le GPS). Frith
et De Souza e Silva (2010) remarquent que la construction des RSNG se fait en quatre
étapes:
1. Ce sont des réseaux structurés par des nœuds (utilisateurs) mis en connexion
sur internet.
2. À travers l'utilisation de médias numériques avec internet mobile, les nœuds
deviennent mobiles, car les utilisateurs peuvent communiquer par le réseau
pendant leur déplacement dans l'espace urbain.
3. Les RSNG deviennent alors des applications pour appareil mobile disponibles
à des utilisateurs enregistrés.
4. Enfin, ce sont des applications d'un type particulier, car ces réseaux utilisent la
fonction de géolocalisation de l'appareil pour localiser les nœuds (utilisateurs) d'un
réseau social sur une carte affichée sur un appareil mobile.
Foursquare, créé en 2009, comptait en janvier 2014 avec 45 millions d'utilisateurs 4,
ce qui le qualifie comme un des RSNG plus utilisés. En mai 2014, le groupe new-yorkais
4 Source:
Cooper Smtih, URL: http://www.businessinsider.com/foursquare-surpasses-45-millionregistered-users-and-begins-collecting-data-in-new-ways-2-2014-1, consulté le 5 mai 2015.
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Foursquare prend une décision importante et décide diviser les fonctionnalités de
l'application, créant ainsi une nouvelle application, Swarm. Cette décision stratégique nous
intéresse ici dans la mesure où elle met en évidence les principales utilisations proposées par
RSNG: (1) localiser son réseau d'amis sur une carte et (2) avoir des informations sur les
services, commerces, etc., qui se situent à proximité physique. Dennis Crowley justifie la
décision de séparer Foursquare en deux applications notamment par un retour important
des utilisateurs concernant la surcharge de fonctionnalités de Foursquare: "We wanted to make
two easier, simpler, lighter experiences. One that's dedicated to really keeping up and meeting up with friends,
being able to have this awareness of where people are, and that's everything that we put into Swarm. And
then, trying to build the best version of personalised local search product possible, and that's what we're
turning Foursquare into."(Crowley in Segall, 2014: sans page).
Dans Swarm, l'intérêt principal est le réseau d'amis et la fonction du check in. Comme
nous pouvons remarquer dans les captures d'écran, dans Swarm, il est possible de voir la
distance physique entre l'utilisateur et son réseau d'amis, planifier des activités avec son
réseau de contacts, entre autres fonctionnalités proposées par l'application.
Source: Site web de Swarm, consulté le 15 août 2014.
Les informations géolocalisées sur les commerces, services et attractions à
proximité sont partagées dans l'application Foursquare, qui garde donc la deuxième utilisation
et agit comme un répertoire numérique d'informations sur l'espace physique où l'on se situe.
Crowley explique le point de départ de Foursquare: "How do you build a search engine that tells
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you what is awesome about the real world as opposed to you having to go into your phone all the time and
teasing that information out of it?" (Crowley in: Rose, 2014: sans page). Selon Crowley, l'objectif
principal de l'application est de proposer à son utilisateur une connaissance de l'espace où
il se trouve physiquement (location awareness): "I can get off the plane in San Francisco and
Foursquare wakes up and tells you: 'you are in San Francisco? These are the three places that you should
go to based off of the things that you've done in New York.'" (Crowley in: Segall, 2014: sans page).
Dans Foursquare, il est possible aussi de déterminer certaines préférences et chercher
des services à proximité qui correspondent à ces critères. Il est aussi possible de consulter
les pages des commerces et services pour obtenir des informations comme la localisation,
les horaires d'ouverture, etc. Crowley revient sur l'importante base de données de
l'application sur l'espace urbain et sur les activités de ses utilisateurs: "We have one of the best
place databases in the world. (...) But we are also generating all these other data that's not being used, it's
been used by us but not by our API partners. We know what are the interesting places around this area on
Monday morning, and which ones are gonna be interesting for some type of people. (...) We are very smart
about the local data that we have." (Crowley in: Rose, 2014: sans page).
Source: Site web de Foursquare, consulté le 15 août 2014.
Les informations présentées par l'application ne seront pas identiques pour tous les
utilisateurs, elles sont sélectionnées en fonction des préférences identifiées de l'utilisateur,
comme définie Crowley: "personalized local search" (Crowley in: Morris, 2013: sans page). Les
informations présentées par Foursquare sont choisies par des algorithmes qui considèrent
des paramètres tels que les activités précédentes de l'utilisateur et son profil.
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Or, les fonctionnalités proposées par Swarm et Foursquare les inscrivent dans le
domaine des RSNG, mais il existe aussi d'autres divers types d'applications géolocalisées.
Dans le prochain cas étudié, l'expérience proposée à l'utilisateur est très différente de celle
proposée par les RSNG.
3.2.
Walking the Edit: le documentaire interactif géolocalisé
Le développement des médias numériques a transformé les formes de production,
réalisation et diffusion du film documentaire: la grande majorité des images documentaires
sont sur un support numérique (plutôt qu'en pellicule), les ordinateurs sont devenus
essentiels au processus de montage, la diffusion des films se fait souvent sur internet ou
bien avec des projecteurs numériques. Enfin, le numérique est présent dans toutes les étapes
de la vie d'un documentaire. Mais le numérique n'a pas seulement transformé les modes de
production, il a aussi rendu possible l'existence de nouvelles formes du documentaire,
notamment le documentaire interactif géolocalisé.
Nous considérons le documentaire interactif comme un documentaire dans lequel
l'interactivité est centrale dans ses formes de diffusion (Galloway et al., 2007). Cette
définition du documentaire interactif, proche de la tautologie, est volontairement très
étendue, car nous ne voudrions pas restreindre le documentaire interactif à des supports
déterminés (tel que le web) ou à des modes spécifiques d’interactivité. Nous gardons ainsi
seulement ces deux éléments essentiels : l’exigence d'une approche factuelle (ou
documentaire) et l’utilisation de l’interactivité dans la diffusion du projet auprès du public.
Ces nouvelles formes du documentaire interactif sont très diverses, et nous
pouvons distinguer des modes d'interaction très différents. Plusieurs taxonomies pour les
différents types de documentaire interactif ont été proposées (Gifreu, 2013; Galloway et al.,
2007; Gaudenzi, 2013), mais nous allons nous intéresser ici à un mode particulier
d'interaction au sein du documentaire, le mode expérientiel (experiential mode) 5, que nous
allons appeler le documentaire interactif géolocalisé. Le mode expérientiel d'interactivité est
celui qui intègre les médias géolocalisés (locative media) dans le dispositif d'interaction.
Une étude de l'application pour téléphone intelligent WE peut contribuer à
comprendre certains aspects des documentaires interactifs géolocalisés. Il s'agit d'un
dispositif qui permet à l'utilisateur muni d'un iPhone et d'écouteurs, d'activer des extraits de
vidéos (provenant des archives de la ville ou réalisés au préalable par une équipe liée au
projet) lors de sa marche dans un espace urbain déterminé (pour l'instant l'application est
disponible pour les villes de Bruxelles, Paris et Bagnols-sur-Cèze). L'expérience de la ballade
5 Sandra Gaudenzi a proposé quatre modes d'interaction dans le documentaire interactif:
conversationnel, hypertextuel, participatif et expérientiel (Gaudenzi, 2013a).
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25
se trouve donc enrichie par ces divers fragments audiovisuels liés au lieu de passage. Le
dispositif enregistre le parcours et le rythme de marche de l'interacteur, pour, à partir de ces
paramètres, monter une vidéo avec les extraits qui ont été joué pendant la ballade, "En
fonction de ses déplacements dans l’espace urbain, de son rythme de marche, en somme de
son comportement, le promeneur produit un montage, reflet formel de son parcours, au
travers de cette mémoire audio-visuelle partagée qui existe virtuellement autour de lui."
(Walking the Edit [site web]: sans page). Les diverses vidéos réalisées sont affichées sur un
site internet, à côté de la trace du parcours marquée sur une carte. Nous pouvons aussi nous
déplacer avec l'aide du curseur sur la carte et regarder les images réalisées par l'interaction
du participant avec le dispositif (illustration).
Source: Capture d’écran du site web Walking the Edit 6
Par cette description de l'application, nous remarquons un des premiers aspects de
ce mode d'interaction: il s'agit d'une interaction qui prend en considération des paramètres
de l'espace physique dans lequel se situe le documentaire, normalement à travers l'usage du
GPS, et qui agit, dans la plupart des cas, dans la relation de l'interacteur avec l'espace. Le
contexte spatial dans lequel on fait l'expérience du documentaire acquiert donc une grande
relevance, ce qui restreint souvent l'œuvre à un lieu spécifique. Dans le cas de WE,
l'expérience du documentaire est exclusive au lieu pour lequel la pièce a été conçue. Mais
6http://walking-the-edit.net/fr/films/paris/?movie_id=faa93cf2-a1c7-4f55-9b55-e0ce8ffbbac1,
consulté le 30 juin 2014.
26
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
cela n'est pas le cas pour toutes les œuvres, dans MILK Project 7 par exemple, le GPS a été
utilisé pour retracer les parcours des personnages qui participent à la production de fromage
à travers toutes ses étapes (de la ferme laitière en Lettonie à la commercialisation du fromage
aux Pays Bas). Les parcours sont alors disponibles sur le site internet du projet, avec les
commentaires des personnages, des images et des cartes. Le documentaire, même s'il est
relié à un contexte particulier, est accessible partout à travers un site internet.
Un autre aspect important de l'interactivité géolocalisée est la mobilité de
l'interacteur. Comme l'a souligné Pengkai Pan, "The paradigm of computer-human interaction
through mobile channels is quite different from desktop-based computer-human interaction. The fundamental
difference is that the audience’s body becomes a “mouse point” to navigate through space." (Pan, 2004: 29).
L'expérience de ce mode d'interaction fait appel dans une large mesure au corps en
mouvement, car le participant est invité à agir dans l'espace, et non seulement dans une
interface numérique comme dans la plupart des cas. La relation à l'espace, intégrée au
dispositif par les mouvements de l'interacteur, constitue alors une importante dimension du
documentaire géolocalisé. Entre les nombreuses implications de l'intégration du
mouvement dans l'espace à l'interaction, nous nous intéresserons ici à l'incertitude,
caractéristique des rencontres imprévues lors d'un déplacement dans l'espace, qui est
apportée à l'expérience du documentaire.
4.
DISCUSSION
La question initiale de cette recherche concernait le problème de l'incertitude liée à
la mobilité urbaine dans le contexte des applications géolocalisées. Nous avons observé,
dans un premier moment, que l'incertitude appartient à la mobilité notamment à travers les
pratiques tactiques de l'utilisateur. Par ailleurs, la croissance de l'utilisation des applications
mobiles, souvent avec de la géolocalisation, intervient aussi dans la relation de l'utilisateur à
l'espace. À partir des deux cas présentés plus haut, nous allons maintenant considérer la
manière comment ces applications peuvent interférer dans l'incertitude liée à la mobilité.
Dans un premier moment, nous allons aborder l'incertitude sous l'aspect du rapport à
l'espace, pour ensuite considérer l'incertitude liée spécifiquement au dispositif numérique,
ou l'indétermination technologique.
4.1.
L'incertitude dans le rapport à l'espace
Frith remarque que certains outils de géolocalisation sont utilisés dans la
perspective de réduire l'incertitude reliée à l'espace physique: "Location based social networks
(LBSNs), such as Foursquare, Loopt, Brightkite, GoWalla and Lattitude, are designed to overcome
randomness and chaos." (Frith, 2012: 142). Ce type de RSNG agit de mode à sélectionner le
7
Esther Polak, 2004, http://milkproject.net/en/fls/main.html
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
27
connu (le réseau d'amis, les endroits déjà visités et commentés par le réseau, etc.) dans un
entourage inconnu. Cette ambition a été formulée dans par le site The Verge, par la phrase
"[m]aking serendipity less creepy", (faire le hasard moins effrayant, traduction libre; Popper et
Hamburguer, 2014: sans page). Cette formulation met en évidence que l'expérience de
Foursquare/Swarm propose aux utilisateurs d'avoir une mainmise sur ses rencontres
inopinées, de pouvoir mieux contrôler ses déplacements dans la ville, "What they want is for
friends to be ambiently aware of where they are, so when they got out of the train in Williamsburg, they can
say, ‘Who are my 10 friends in Williamsburg?’" (Popper et Hamburger, 2014: sans page).
Comme nous l'avons observé dans les objectifs de Foursquare énoncés par Crowley
et dans les résultats observés par Frith et par Humphreys, la connaissance du lieu (location
awarness) proposée par les algorithmes de l'application oriente les choix de mobilité de
l'utilisateur vers une expérience de l'espace moins incertaine. L'algorithme agit comme un
filtre de l'espace selon des paramètres prédéterminés (les préférences, les habitudes, le réseau
d'amis). Les données sur les habitudes et préférences de l'utilisateur recueillies par
l'application agissent alors pour déterminer un profil d'utilisateur, prévoir ses
comportements, et ensuite proposer à l'utilisateur de pouvoir mieux maîtriser les
incertitudes d'un lieu.
Par ailleurs, Nova a constaté que l'espace physique agit également comme une
source d'incertitude pour les dispositifs géolocalisés. Il affirme: "Naturellement, ce nouvel
espace est fragile, puisqu'instable. Il ne sera pas à l'abri de pannes et d'imperfections qui
rendront son accès hasardeux, tout comme les feux de signalisation sont parfois hors
service." (Nova, 2009: 146). Nous avons remarqué un grand effort de la part de Foursquare
pour réduire ces sources d'incertitude.
En 2015, Foursquare a développé Location Cloud, un service qui propose un accès
à leur technologie de géolocalisation et d'analyser les données recueillies: "As Dennis Crowley,
CEO and co-founder of the company describes it, the Location Cloud will be the company’s big repository
for all of its location data and geotechnology, used not just by its own two flagship apps, Swarm and
Foursquare, but by other companies." (Lunden, 2015: sans page). Selon les développeurs, une des
qualités de Location Cloud est de proposer un système de géolocalisation très précis: "Build
your next app with the most accurate location data." (Foursquare: Cloud [site web]: sans page). Les
données sur l'espace physique de Location Cloud cherchent à répondre aussi aux principales
sources d'incertitude remarquées par Nova (précision de localisation, évolution temporelle;
présentation de la localisation): "The APIs part of our Snap-to-Place Technologies enable you to
accurately find POIs 8 based on how Foursquare sees places — not as static points in space, but as actual
shapes with geometry and relevancy that changes based on time of day, popularity, and other
8Points
Of Interest.
28
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signals."(Foursquare: Places [site web]: sans page).
Nous interrogeons alors les pratiques proposées par Foursquare à la lumière des
concepts des pratiques tactiques et stratégiques, développés par de Certeau. Reprenons sa
définition de la stratégie: "Le calcul des rapports de forces qui devient possibles à partir du
moment où un sujet de vouloir et de pouvoir est isolable d'un 'environnement'. Elle postule
un lieu susceptible d'être circonscrit comme un propre et donc de servir de base à une gestion
de ses relations avec une extériorité distincte." (de Certeau, 1990:XLVI). Nous avons
compris que la pratique stratégique de l'espace correspond à une expérience en accord avec
les règles formelles d'un lieu, et ces prédéterminations du lieu sont extérieures à l'utilisateur
(au sujet de vouloir et de pouvoir, dans les mots de de Certeau). Or, un des premiers objectifs
des développeurs de Foursquare est d'offrir à son utilisateur une meilleure connaissance des
aspects prédéterminés du lieu où il se retrouve, autrement dit, de proportionner une pratique
stratégique d'un lieu.
Mais comme Gaudenzi l'a constaté, les médias géolocalisés ont aussi le potentiel
d'ouvrir le documentaire interactif aux rencontres imprévisibles avec l'espace: "If interactivity
is going to happen in a physical and open environment, and maybe with other people, the interaction will
depend on multiple variables (people’s reactions, weather, slippery shoes, traffic etc…) most of which are not
predictable." (Gaudenzi, 2013: 62). Dans ce sens, nous nous questionnons, dans le cas de WE,
si la mobilité de l'interacteur est présente dans le dispositif de forme à embrasser ou à essayer
de prescrire l'incertitude de la relation à l'espace. Autrement dit, est-ce que WE agit pour
encourager les rencontres aléatoires ou faire ressortir le hasard présent dans la relation à
l'espace ? Il faudrait souligner ici encore une fois que notre travail se concentre sur les
objectifs et les intentions des créateurs de l’application.
Comme l'a constaté Thierry Davila, le marcheur est toujours pris entre une
intention de trajet et les aléas de l'espace qu'il parcourt: "Or, le marcheur est simultanément
celui qui donne un profil à son chemin, ouvre ou trace une voie, et celui qui adapte ce trajet
à un contexte, le construit en fonction des accidents et des contraintes du parcours, des
événements scandant la progression de ses déplacements, et qui invente un rythme au gré
des vicissitudes de la flânerie" (Davila, 2007: 22). Ulrich Fisher, le développeur de WE, note
que ce croisement typique de la marche (entre détermination et aléas) s’élargit au film qui
est construit dans le dispositif. Il remarque que « […] le film porte les fruits du hasard et de
la détermination » (Fisher, 2009: 8), dans la mesure où le film qui résulte de l’usage de
l’application est construit dans le croisement entre des paramètres déterminés (les
contraintes de l’espace et du dispositif) et des paramètres imprévisibles (les aléas rencontrés
dans l’espace et l’indétermination technologique).
La posture créative dans le rapport à l'espace proposée à l'utilisateur de WE est très
proche de nombreuses pratiques artistiques. Thierry Davila analyse ce type de pratique sous
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
29
le terme de cinéplastique. Davila revient sur la démarche situationniste de la dérive par Guy
Debord, ainsi que celles d'artistes contemporains (Francis Alÿs, Stalker et Gabriel Orozco)
et il soulève aussi l'importance de l'incertitude présente dans le rapport à l'espace
(notamment la marche) pour ce type de travail artistique: "Souvent, la marche parvient à
déplacer la réalité la plus routinière vers des zones d'incertitude et d'étrangeté qui la font
renaître à elle-même et qui nous mettent face à une autre ville, un autre décor, comme
incrusté dans les rues et les passages que nous croyions pourtant connaître." (Davila, 2007:
160). Nous remarquons que la cinéplastique propose un dispositif qui renoue le marcheur
à l'incertitude et transforme ainsi sa relation à l'espace. WE s'insère dans cette tradition de
la cinéplastique, car il s'agit d'un dispositif, cette fois-ci numérique qui réclame comme un
de ses « […] enjeux artistiques: "Explorer les formes narratives ouvertes, en particulier celles
dont la structure causale et formelle n’est pas prévue d’avance et repose, dans notre cas de
figure, sur la logique d’un parcours qui n’est pas entièrement maîtrisé par le créateur du
dispositif (l’hypothèse de départ pour le projet)" (Fisher, 2009: 12).
Il nous semble alors que WE propose à son utilisateur d’avoir un engagement
d’ordre tactique à l’espace, dans la mesure où le dispositif invite l’interacteur à avoir une
relation incertaine avec l’environnement, enrichie par le contenu audiovisuel auquel il aura
accès, et qui constituera le matériel pour un montage original. Un des objectifs stipulés par
Ulrich Fisher, le concepteur de WE, est justement de rouvrir la relation à l’espace, que WE
soit un dispositif qui permette à l’utilisateur de se réapproprier de l’espace de forme créative :
"En somme, comment peut-on raconter le territoire en faisant surgir un certain profil que
l’on ne voit plus à force de le traverser ?" (Fisher, 2009: 12). Fisher souhaite que l’application
puisse sortir l’interacteur d’une pratique habituelle (ou stratégique) pour improviser des
nouvelles manières de vivre l’espace. Ces nouvelles manières sont les tactiques : "Bien
qu'elles soient relatives aux possibilités offertes par les circonstances, ces tactiques traversières
n'obéissent pas à la loi du lieu." (de Certeau,1990: 51).
Or, comme exprimé dans le dossier de présentation de l'application WE, l'objectif
de ce dispositif est justement d'identifier les manières de marcher dans un espace urbain
déterminé pour ensuite les traduire dans un film (les paramètres de la marche organisent un
montage à partir d'une base de données audiovisuelle) : "Nous avons cherché à spécifier des
types de structures de parcours et d’événements significatifs qui puissent fonder une
structure formelle pour le montage. (...) Le visiteur doit donc pouvoir comprendre la
structure formelle du film qu’il regarde comme étant la traduction directe de la manière dont
il a marché à travers le territoire. Pour donner un exemple: quelqu’un qui marche de manière
chaotique et désordonnée avec variations de vitesse provoque un montage lui aussi
chaotique avec des variations de plans longs et plans courts." (Fisher, 2009: 31-32). Son
intention est de chercher à découvrir les différentes manières de marcher en ville, pour en
tirer des modèles pour les montages audiovisuels. Comme il explique, "nous avons
provisoirement posé les types d’analyses suivants pour le parcours (du plus important au
30
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
plus particulier):
• localisation: en fonction de notre place sur le territoire, le moteur d’analyse
cherche les médias [des extraits audiovisuels] qui sont posés par-dessus notre lieu au
moment donné. Pour information: vu que les médias ont un rayon qui est défini par un
coefficient de leur durée, il est probable (et souhaitable) qu’il y ait au moins 30 à 50 médias
qui soient appelables à ce stade-là du processus;
• vitesse moyenne: notre vitesse moyenne calculée sur les x dernières secondes (30
secondes à priori, à tester) détermine la durée des médias pouvant être choisis; à nouveau,
le nombre de médias potentiels se réduit;
• type de parcours: la manière dont on bouge dans l’espace urbain est définie de 2
manières (linéaire et chaotique), en y ajoutant les moments spécifiques tels que définis plus
haut." (Fisher, 2009: 32)
Nous retenons ainsi que dans WE les trois critères principaux qui détermineront le
montage du documentaire sont la localisation, la vitesse moyenne et le type de parcours.
Les critères constituent alors les règles, ou le cadre formel déterminé qui est proposé par
l’application WE. L’incertitude est dans ce qui se produit à l’intérieur de ce cadre.
L’expérience proposée par l’application se situe entre le hasard et le déterminé, dans les
termes de Jean-Luc Lioult, il s’agit d’un « cadrage de l’inopiné » (Lioult, 2007).
Examinons maintenant l'incertitude dans le contexte des dispositifs numériques, ou
l'indétermination technologique, selon Grégory Chatonsky (2004).
4.2.
L'indétermination dans le dispositif numérique
De Certeau, dans un chapitre dédié à l'indétermination, voit une polarisation entre
la technologie (fonctionnaliste) et la théorie (indéterministe): "Chiasme étrange: la théorie
va vers l'indéterminé, et la technologie vers la distinction fonctionnaliste en quoi elle
transforme tout et se transforme elle-même. Comme si l'une s'engageait, lucide, sur les
sentiers retors de l'aléatoire et de la métaphore, alors que l'autre s'acharnait à supposer
'naturelle' la loi utilitariste et fonctionnaliste de son propre mécanisme." (de Certeau, 1990:
292). Cette antithèse soulevée par de Certeau a été récemment révisée par certains auteurs.
Grégory Chatonsky propose le concept d'indétermination technologique dans une
esthétique des médias interactifs pour répondre à la question: "comment les programmes
peuvent-ils engendrer de l’indétermination, de l’improbable et de l’improgrammable?"
(Chatonsky, 2004: 80). L'idée d'un comportement autonome et imprévisible des algorithmes
est aussi au cœur de la pensée de Luciana Parisi.
Dans son livre Contagious Architecture (2013), Parisi considère l'indétermination qui
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
31
existe au sein des systèmes informatiques, et non seulement dans le rapport des dispositifs
au monde extérieur. Selon Parisi, aujourd'hui, il n'est plus possible de considérer les
algorithmes comme des codes simples, ou des instructions à être suivies par la machine. Les
algorithmes sont capables de traiter les données de manière autonome, ils sont des "(...)
actualities that select, evaluate, transform and produce data." (Parisi, 2013: ix). Dans un modèle
postcybernétique, Parisi affirme que l'indétermination (randomness) dans un système n'est pas
exclusive à l'interaction de celui-ci avec l'extérieur, mais elle est aussi présente à l'intérieur
du système, dans ce cas, le système informatique d'algorithmes. "Entropic data are operative
agents of irreducible size that crack and rescript the source program of the system from within.(...)
Randomness has become the condition of programming culture" (Parisi, 2013: ix). Cela implique que
les algorithmes ne soient pas restreints à la réduction binaire de l'information, et qu'à partir
du moment où ils intègrent le hasard (des données irréductibles), ils agissent pour organiser
l'information et sortir du champ de probabilités prédéfinies. Parisi développe le concept de
incomputable probability pour décrire les données qui échappent à la description probabiliste,
soit les données irréductibles caractéristiques du hasard, "(...) the randomness of data isat the
core of computation, and yet these data cannot be fully explained in either mathematical or physical terms."
(Parisi, 2013: 14).
Ce nouveau statut de l'algorithme mène Parisi à repenser l'interactivité.
L'interactivité, comprise dans le cadre cybernétique comme l'adaptation aux interventions
extérieures, ne considère pas que l'indétermination, ou la source de l'intervention qui génère
l'adaptation, peut se trouver à l'intérieur même du système, "(...) interaction now includes a
computational tendency to anticipate responses and programmingin determinacies that stem from within the
system, and need not rely on direct sense perception and cognition." (Parisi, 2013: 27). Ainsi, une couche
supplémentaire d'indétermination pourrait être intégrée aux médias géolocalisés:
l'indétermination inhérente au système informatique. Il faudrait noter que Parisi travaille
principalement sur le domaine de l'architecture, et c'est dans ce domaine où elle puise ses
principaux exemples 9, mais nous argumentons ici que ses conclusions sur le rôle du hasard
dans le mode opérationnel des algorithmes sont aussi valables au domaine des applications
géolocalisées.
Dans le cas de WE, cette indétermination de l'algorithme est clairement recherchée
par les concepteurs de l'application. La mise en place d'un moteur autonome pour le
montage est défendue comme un des enjeux techno-scientifiques du projet: "Développer
des scripts ou un logiciel dédié permettant d’aboutir aux films, en l’occurrence : créer et
automatiser partiellement le processus d’indexation de données, analyser le parcours et
traduire cette analyse en décisions de montage, réaliser la compression et l’automatisation
9Interactive Wall (2009), par le collectif Hyperbody; Homeostatic Membrane (2008), par Anders
Christiansen.
32
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
de la mise en ligne vers un site dédié. -En somme, développer un algorithme doté
d’intelligence artificielle (notre moteur de montage)" (Fisher, 2009: 13). Ainsi, dans WE,
l’indétermination du dispositif s’ajoute à l’incertitude de la relation à l’espace, et le résultat
de l’expérience proposée par l’application est d’autant plus imprévisible et ouvert.
L’intention derrière ce dispositif n’est pas d’imposer un usage ou anticiper les résultats, mais
au contraire, de chercher à encourager la créativité et laisser la place à une grande ouverture
de pratiques, autant du point de vue de l’utilisateur que de celui des technologies employées.
Dans le cas de Foursquare, nous avons observé également une forte tendance à
l'indétermination technologique. Les algorithmes développés par Foursquare agissent de
plus en plus dans l'organisation des données recueillies: "Starting in 2011, we got really serious
about it, we started building shapes that are designed around the patterns that we see check ins emerging,
building our own stop detection algorithms, getting really smart with searching recommendations." (Crowley
in: Lunden, 2015: sans page). Ainsi, une part importante de l'organisation des données de
Foursquare est relayée aux algorithmes.
Au moment où Dennis Crowley aborde ses intentions pour le futur de Foursquare,
il démontre qu'une des ambitions de l'application est de développer des algorithmes avec
des attributs des organismes vivants: "I really want Foursquare to speak to you. I want this thing to
say: 'hey, Dennis, whatever you're in the middle of, there's this thing around the corner you got to know
about.' (...) We are learning about you, we can wake up and tell you something interesting." (Crowley in:
Lunden, 2015: sans page). Il s'approche ainsi des conclusions de Parisi, selon lesquelles les
algorithmes peuvent aussi être des systèmes ouverts et indéterminés: "The second-order
cybernetics understanding of computation certainly points out that dynamics or change can only be derived
from the indeterminacy of living systems. Yet I will argue here against this predominant tendency, as it
discards the possibility that change could concern the formal logic of computation, and by doing so forces the
abstract reality of algorithms to become a mere effect of the biophysical world." (Parisi, 2014: 11). Comme
Parisi, Crowley estime que les algorithmes de Foursquare peuvent se comporter de manière
indéterminée, en se rapprochant du comportement des organismes vivants. Néanmoins, au
contraire de WE, l'intention derrière l'indétermination technologique (ou le fait d'attribuer
une certaine autonomie aux algorithmes) de Foursquare est de réduire l'incertitude dans le
rapport à l'espace. Nous arrivons alors à une conclusion d'apparence contradictoire
concernant les rapports entre l'indétermination technologique et l'incertitude dans le cas de
Foursquare: une grande indétermination technologique s'oriente vers la réduction de
l'incertitude dans le rapport à l'espace. Dans nos recherches futures, il serait nécessaire de
travailler davantage sur les rapports entre l'indétermination technologique et l'incertitude.
NETCOM, vol. 29, n° 1-2, 2015
33
CONCLUSION
Le développement des médias géolocalisés a transformé la relation de ses usagers à
l’espace et les outils de géolocalisation sont souvent utilisés dans la perspective de réduire
l'imprévisibilité associée à la mobilité. Les réseaux sociaux numériques géolocalisés, par
exemple, agissent de mode à sélectionner le connu (le réseau d'amis, les endroits déjà visités
et commentés par le réseau, etc.) dans un entourage inconnu et à réduire ainsi les incertitudes
associées à la mobilité urbaine. Néanmoins, on constate également une tendance contraire
lorsque certains usages des médias géolocalisés ont l'intention d'ouvrir l'usager aux
rencontres imprévisibles avec l'espace. C'est le cas de certaines applications, comme WE,
qui proposent à l'utilisateur un rapport surprenant et créatif à l'espace. Ainsi, les applications
géolocalisées peuvent proposer à ses utilisateurs autant des pratiques stratégiques que
tactique de l'espace, selon les intentions du développeur.
Nous avons observé que l'indétermination technologique est un aspect recherché
dans les deux cas étudiés, dans la mesure où les développeurs ont l'objectif de créer des
applications qui utilisent des algorithmes capables de répondre de manière indéterminée à
des données complexes. Néanmoins, l'indétermination technologique, dans le cas de
Foursquare, est dissociée de l'incertitude dans le rapport à l'espace, ce qui n'est pas le cas de
l'application WE.
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