pour une politique de sante publique de l`enfant et de l

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pour une politique de sante publique de l`enfant et de l
POUR UNE POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE
DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
Par Jean-Marie Le Guen, député de Paris
Le 27 avril 2011
La France est mal classée en matière de santé de l’enfant. Selon l’UNICEF, elle est 13ème en matière
de bien être général des enfants sur 25 pays de l’OCDE. Elle est même 18ème pour ce qui concerne
le bien être éducationnel.
Plusieurs indicateurs montrent que les conditions de vie générale d’un nombre croissant d’enfants se
détériorent : environ 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté ; la maltraitance, qui touche
toutes les classes sociales, reste un phénomène répandu et insuffisamment pris en compte ; les
adolescents français font partie des jeunes d’Europe les plus enclins à adopter des comportements à
risque.
Au cours du 20ème siècle, les progrès scientifiques, en particulier ceux de la médecine, nous ont
donné les moyens de lutter efficacement contre la mortalité d’origine infectieuse et dans le domaine
de la périnatalité. Néanmoins, la santé ne se résume pas au « silence des organes », selon la
formule de Paul Valéry : il ne s’agit pas d’un état fixe défini par l’absence de pathologie mais de
l’entretien et de l’amélioration d’un capital santé, sur lequel il est possible d’agir. Un ensemble de
facteurs y concourent : la lutte contre les maladies infectieuses bien sûr, mais aussi les aspects
comportementaux, le contexte familial (affectif et socio-économique) ainsi que les conditions
sociétales et environnementales.
Le système socio-sanitaire français en matière de santé des enfants repose sur quatre piliers : la
Protection Maternelle et Infantile, la Santé scolaire, les pédiatries hospitalière et libérale. Il reste
aujourd’hui principalement orienté vers les périodes dites de vulnérabilité : grossesse, naissance et
petite enfance et, dans une moindre mesure, l’adolescence, à travers le prisme déformant des
comportements à risques.
Cette approche montre ses limites et ne permet pas de répondre aux évolutions des problématiques
de santé : les accidents de la vie courante restent la première cause de mortalité avant 15 ans, les
pathologies chroniques sont de plus en plus fréquentes et potentiellement très pénalisantes tout au
long de la vie, les troubles des apprentissages et les troubles mentaux constituent autant de freins à
l’insertion sociale puis professionnelle.
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En d’autres termes, nous développons mal le capital santé de nos enfants. Face à ce constat, l’Etat
doit retrouver un rôle moteur pour engager la réorientation de la médecine de l’enfant vers une prise
en charge intégrant une dimension préventive et globale de la santé.
Souhaitable pour lui-même, un effort massif de promotion de la santé durable de l’enfant permettrait
de surcroît d’apporter une réponse au développement de la violence, des enfants comme des
adultes, et contribuerait au renforcement de la compétitivité économique de la France, par une
amélioration qualitative de la main d’œuvre, en meilleure santé, profitant d’une meilleure qualité de
vie et mieux formée.
La base d’une politique de santé durable se fonde sur une approche globale entre comportements
des individus et environnements dans lesquels ils évoluent. L’enfance est une période d’autant plus
complexe qu’elle dépend d’un milieu d’origine sur lequel l’acteur principal a peu de moyens d’agir au
départ. L’Etat doit reconnaître et se réapproprier la responsabilité qu’il a de protéger et de préserver
la santé des enfants, quel que soit leur milieu de vie.
Il ne suffit pas de procurer du soin aux enfants atteints de pathologies : il faut construire à l’intention
des enfants une politique globale intégrant l’apport des sciences médicales et sociales et structurant
« de véritables trajectoires de développement ».
Nos préconisations portent sur les actions à développer dans différents domaines et sur l’évolution
des structures existantes. La prévention doit enfin être considérée comme une entité à part entière et
bénéficier des outils, connaissances et pratiques adaptés avec des objectifs clairs. Le système de
soins doit se rendre visible et lisible pour toutes les familles et permettre une prise en charge
optimale de chaque enfant. Le repérage et l’accompagnement des enfants en situation de
vulnérabilité sont une partie intégrante de la politique de santé publique pour l’enfant. L’Etat est un
acteur principal dans la mise en œuvre de cette politique par le pilotage et les moyens à investir dans
le potentiel santé de chacun.
Les structures existantes ne répondent plus aux besoins actuels. Il ne s’agit pas de tout reconstruire
mais bien de s’appuyer sur elles et de les faire évoluer. Ainsi, le service public de la petite enfance
pourrait intégrer une dimension santé et constituer une porte d’entrée vers le système de soins.
Dans ce cadre, nos deux principales propositions sont :
- l’extension de la Protection Maternelle et Infantile jusqu'à 12 ans
- la prise en charge à 100% pour les enfants des familles les plus modestes.
Les services publics de médecine préventive ont vocation à jouer un rôle prédominant dans l’offre de
soins primaires en pédiatrie. Enfin, les facultés qui forment les professionnels de santé initialement et
en continue ont le devoir de se saisir des problématiques actuelles posées par la santé de l’enfant
actuellement et de développer la recherche.
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Au 21e siècle, la santé de l’enfant ne doit plus être évaluée uniquement au regard d’indicateurs de
mortalité. D’autres paramètres, comme les inégalités de santé, doivent également être pris en
compte.
La France ne figure plus parmi les pays développés qui présentent les meilleurs indicateurs de
mortalité et de morbidité. A titre d’exemple, la mortalité infantile, qui a nettement régressé en France
au cours du 20e siècle, notamment grâce à la lutte contre les maladies infectieuses, se stabilise
autour de 3,7/1000, voire tend à augmenter, alors que d’autres pays, comme l’Allemagne, la Suède,
la Grèce ou l’Espagne, ont de meilleurs résultats.
Mais surtout, les inégalités de santé persistent et s’aggravent. Or, les inégalités sociales de santé, qui
apparaissent dès le plus jeune âge, peuvent entraver considérablement la vie adulte, car l’état de
santé a un impact majeur sur l’insertion sociale et la réalisation des potentiels individuels.
Par ailleurs, la santé de l’enfant dépend aussi du contexte, de nos modes de vie et de notre
environnement affectif, socioéconomique, physique et écologique.
Il est donc urgent d’analyser, tout d’abord, les limites du système de santé actuel, et d’identifier les
problématiques de santé émergentes. Sur cette base doit être élaborée une nouvelle politique de
santé de l’enfant, qui privilégie une approche globale de la santé pour une réalisation du plein
potentiel de chacun, et qui refonde le système de prévention et de soins dédié à l’enfant.
1 - UN SYSTEME DE SANTE COMPLEXE ET QUI MONTRE SES LIMITES
« Le niveau réel d’un pays se mesure à l’attention qu’il accorde à ses enfants, à leur santé et à leur
sécurité, à leur situation matérielle, à leur éducation et à leur socialisation, ainsi qu’à leur sentiment
d’être aimés, appréciés et intégrés dans les familles et les sociétés au sein desquelles ils sont nés. »1
1. 1 - DES RESULTATS MITIGES ET INQUIETANTS
DES INEGALITES DE SANTE CROISSANTES
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’état de santé de la population générale, et plus
particulièrement celui des enfants, s’est nettement amélioré en France : le taux de mortalité
maternelle est passé de 28,2 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1970 à 9,6 en 2010 ; le
taux de mortalité infantile est passé de 29 décès d’enfants de moins de 1 an pour 1000 naissances
vivantes en 1960 à 3,6 en 2006-20082. Par ailleurs, l’évolution du droit et de la place des enfants
1
Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Florence, « La pauvreté des enfants en perspective : vue d’ensemble
du bien-être des enfants dans les pays riches », Bilan Innocenti 7, 2007.
2
Sources INSEE, OCDE.
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dans la société a contribué à favoriser l’accès pour tous à l’éducation. Pratiquement 100% des
enfants sont désormais scolarisés dès l’âge de 3 ans.
Cependant, la comparaison internationale fait apparaître le retard de la France par rapport aux pays
de même niveau de développement socioéconomique3, notamment en matière d’inégalités. Si la
France est bien classée en matière de bien-être matériel des enfants (5e rang sur 24 pays de
l’OCDE), ce n’est pas le cas pour le bien être éducationnel (23e rang) et sanitaire (15e rang). Autre
donnée préoccupante : entre l’âge de 1 et 5 ans, les accidents de la vie courante restent une des
premières causes de décès des enfants4.
En outre, si l’état de santé moyen de la population est relativement bon, de fortes disparités existent,
que ce soit d’un département à l’autre ou entre les différentes classes sociales : l’écart d’espérance
de vie à 35 ans entre cadres et ouvriers est, par exemple, de 7 ans pour les hommes et 3 ans pour
les femmes.
Ces inégalités sont encore plus criantes en ce qui concerne la santé des enfants
En effet, les populations bénéficiant de la CMU ont moins recours à une consultation pédiatrique de
prévention que le reste de la population5. Or, c’est au cours de ces consultations que l’impact des
facteurs environnementaux sur la santé de l’enfant peut être le plus facilement appréhendé.
L’étude récemment publiée par l’IRDES6 montre l’effet dans le temps des inégalités de santé
résultant des conditions de vie, inégalités repérables dès la vie in utero et qui s’aggravent au cours
de l’enfance : des épisodes de précarité pendant l’enfance et des comportements à risque chez les
parents (tabagisme et autres addictions, mauvaise hygiène de vie et alimentation...) sont des facteurs
de risque potentiellement responsables d’un mauvais état de santé à l’âge adulte.
Le suivi prénatal, primordial pour dépister des anomalies de développement, des complications
éventuelles et assurer une prise en charge adéquate, ainsi que le suivi après l’accouchement, sont
inégaux selon les ressources du ménage. L’enquête périnatale 2003 menée par l’Inserm7 montre que
les conditions précaires chez les femmes enceintes affectent non seulement leur propre santé mais
aussi celle de l’enfant à naître (suivi médical insuffisant pendant la grossesse, taux de prématurité et
de mortalité maternelle supérieurs, état de santé global du nouveau né).
A l’âge scolaire, les conditions de vie matérielles des enfants (logement, alimentation), les
problématiques d’accès aux soins et à la prévention et la faiblesse des liens sociaux influent sur le
3
Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Florence. « Les enfants laissés pour compte : Tableau de classement
des inégalités de bien-être entre les enfants des pays riches », Bilan Innocenti 9, 2010.
4
Source Cépidc.
5
DRESS, « La prise en charge des enfants en médecine générale : une typologie des consultations et visites », août
2007.
6
IRDES, « Les modes de vie : un canal de transmission des inégalités de santé ? », mai 2010.
7
Unité de Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des femmes, Inserm - U. 149, Enquête
périnatale 2003.
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repérage et la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires, et bien évidemment sur
l’évolution du surpoids.
L’environnement physique joue aussi un rôle dans la survenue des inégalités de santé. Ainsi, le
saturnisme touche davantage les enfants vivant dans un logement insalubre. La probabilité de
survenue d’un accident domestique, première cause de mortalité entre 1 et 14 ans, est plus grande
dans un logement non sécurisé.
UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES NOUVELLES PROBLEMATIQUES DE SANTE
Au premier rang de ces nouvelles problématiques, le développement des pathologies chroniques est
particulièrement préoccupant, du fait de leur incidence et de leurs répercussions négatives sur l’état
de santé physique et mental à l’âge adulte. Un grand nombre d’études montre que les réponses
qui y sont apportées aujourd’hui sont insuffisantes, ce qui induit une dégradation de la santé
de l’enfant.
Par exemple, la détection et la prise en charge de l’asthme, pathologie respiratoire fréquente et
potentiellement grave (en 2005, 1 enfant sur 10 scolarisé en CM2 a eu au moins une crise d’asthme
au cours des 12 derniers mois8), sont insuffisantes. Elles nécessitent souvent un avis spécialisé, un
suivi médical régulier, un cadre d’éducation thérapeutique, et parfois des interventions sur
l’environnement (lutte contre la pollution intérieure dans l’habitat), et un protocole d’accueil
individualisé (PAI) dans le cadre scolaire.
Il en va de même pour les allergies, notamment les allergies alimentaires, qui sont en très nette
augmentation. Elles nécessiteraient une adaptation du régime alimentaire impliquant un dépistage
précoce et une information des parents, éventuellement la mise en place d’un PAI à l’école.
Malgré les programmes de sensibilisation mis en place, la prévalence de l’excès de poids (environ
16% des enfants scolarisés en CM210), qui peut se manifester dès les premières années de vie, et de
l’obésité de l’enfant (environ 3,7% des enfants scolarisés en CM2), est en augmentation constante,
en particulier chez les enfants issus de milieux défavorisés. Pourtant, les effets physiques et
psychologiques à court et long terme en sont connus : à l’âge adulte, un antécédent d’excès de poids
pendant l’enfance peut être un facteur de risque de morbidité (obésité adulte, diabète, pathologies
coronariennes…) et de mortalité prématurée.
Les troubles des apprentissages, qui peuvent cacher des pathologies diverses (troubles
neurocognitifs, troubles mentaux, déficiences sensorielles…), sont insuffisamment repérés, malgré
les progrès réalisés dans le domaine des sciences neurocognitives et de l’imagerie médicale.
Actuellement, 15% des enfants n’ont pas acquis une lecture fonctionnelle et une écriture lisible en fin
de primaire9. L’illettrisme, potentiellement à l’origine d’un profond handicap social, touche encore
8
DRESS, « La santé des enfants scolarisés en CM2 en 2004-2005 », avril 2008.
9
C. Billard, « Santé des enfants et des adolescents, Rencontre-débat autour des expertises collectives Inserm »,
2009.
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plus de 10% de la population10. Des enfants confrontés à une problématique médicale et non pas
pédagogique ne sont ainsi pas pris en charge par le système de santé, alors même que le système
éducatif demeure très démuni face à ce genre de situations.
La santé mentale ne bénéficie pas d’une attention suffisante. Depuis le début du 21e siècle, l’OMS
alerte sur l’augmentation de la prévalence des troubles mentaux et des comorbidités qui leur sont
associées, notamment chez l’enfant. La morbidité imputable aux troubles mentaux pourrait ainsi
passer de 10% en 1990 à 15% en 2020, et les troubles mentaux pourraient devenir l’une des
principales causes de maladie chez l’enfant. Constat alarmant : le suicide est la deuxième cause de
décès chez les adolescents. Les passages à l'acte demeurent exceptionnels chez les moins de 15
ans (entre 30 et 100 chaque année), mais leur nombre pourrait être largement sous-estimé.
L’instrumentalisation sécuritaire de ces troubles du comportement de l’enfant, et leur assimilation à
une montée de la violence et de la délinquance par le gouvernement actuel entraînent des
confusions inquiétantes dans la population. En réaction, la méfiance engendrée par cette politique de
stigmatisation chez certains professionnels vis-à-vis de l’étude et de l’analyse des troubles du
comportement est certes justifiée, mais parfois excessive. Car cette méfiance ne favorise pas le
recueil des données objectives nécessaires, si bien que la recherche épidémiologique en santé
mentale de l’enfant demeure insuffisamment développée. Or, des recherches adaptées en la matière
permettraient de mesurer les besoins réels et d’évaluer l’offre de soins en conséquence.
Il existe donc un fort risque de laisser grandir des enfants en souffrance, ce qui peut parfois entraîner
des troubles du comportement précoces, qui peuvent à leur tour déboucher sur des comportements
violents à l’âge adulte.
La maltraitance et la négligence demeurent des phénomènes relativement fréquents : leur taux de
prévalence est estimé à environ 10% dans les pays à niveau de vie élevé11 12. La violence pendant
l’enfance est ainsi un véritable fléau, qui nécessite une approche multidisciplinaire dans son
traitement comme dans sa prévention. A ce titre, la violence en milieu scolaire appelle également une
approche préventive avant toute forme de répression.
1. 2 - UN SERVICE LAISSE A L’ABANDON
DE LA CONQUETE DES DROITS DE L’ENFANT...
Le droit des enfants a été un des piliers fondateurs des politiques sociales en France, y compris en
matière de santé. On peut en effet considérer la loi de 1841, qui interdit le travail des enfants de
moins de 8 ans dans les usines, et fixe pour ceux âgés de 12 à 16 ans une durée maximale de travail
de 12 heures par jour, comme un des actes fondateurs des interventions sociales de l’Etat en France.
Par la suite, la notion de droit de l’enfant s’est construite, tout au long de la IIIe République, à travers
10
Haut conseil de l’éducation, rapport 2007.
Tursz A, Les oubliés, Enfants maltraités en France et par la France, 2010, éditions du Seuil.
12
Gilbert R, Widom CS, Browne K, Fergusson D, Webb E, Janson S. “Child Maltreatment 1. Burden and
consequences of child maltreatment in high-income countries” Lancet, 2009; vol.373 : 68-81.
11
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le droit à la survie, le droit à la protection dans les conditions de travail, le droit à l’éducation
(scolarisation obligatoire - loi de 1882) et le droit à la protection contre les mauvais traitements (loi de
1898).
En matière de santé, la loi Roussel de 1874 relative à la protection des enfants de 1er âge a imposé
la surveillance par l’autorité publique des enfants placés en nourrice, dans une perspective de
protection de leur vie et de leur santé, et a instauré un suivi annuel des statistiques de la mortalité de
ces enfants.
En 1902 paraît la première loi de santé publique, dont les principales dispositions (règlement
sanitaire, mesures d’hygiène et de désinfection d’habitation, surveillance médicale de pathologies,
vaccination antivariolique, conseil supérieur de l’hygiène publique) sont en partie reprises dans le
code de santé publique.
Les conditions de vie de l’enfant sont progressivement améliorées par la lutte contre la mortalité
infantile, l’amélioration des conditions d’alimentation (promotion de l’allaitement maternel, début de la
notion de conservation, pasteurisation du lait) et des conditions de garde des enfants. En effet, un
nombre considérable d’enfants décédaient auparavant au cours de leur transfert ou de leur séjour
chez les nourrices. La France a ainsi longtemps été un des pays les plus en pointe dans
l’amélioration de la santé maternelle et infantile grâce à ses politiques familiales et sociales.
Le système actuel repose sur les ordonnances de 1945, qui créent un système public de santé
préventif destiné à tous les enfants avec le service de Protection Maternelle et Infantile (PMI)
et le service de médecine scolaire.
Combinant les approches sanitaires et sociales, la PMI assure gratuitement un suivi global du
développement de l’enfant durant les six premières années de vie. Selon le code de santé
publique, 20 examens médicaux sont obligatoires entre 0 et 6 ans. Ils sont pris en charge à 100% par
l’Assurance maladie.
Ces examens ont pour objectif de surveiller la croissance staturo-pondérale et le développement
psychomoteur de l’enfant et d’effectuer les vaccinations obligatoires et recommandées. Ils sont
également l’occasion d’informer les parents sur les besoins de leur enfant en matière d’alimentation
et de sommeil. Aux âges clés de la croissance sont instaurés des dépistages plus ciblés des troubles
visuels et auditifs, des troubles du langage oral et des troubles mentaux.
Pendant les années 1970, la PMI est marquée par des évolutions sociétales importantes et par un
intérêt pour la périnatalité : suivi et certificats médicaux, loi de 1970 qui rend obligatoire la délivrance
de certificats de santé de l'enfant au cours de trois examens médicaux (à 8 jours (CS8), au 9e mois
(CS9) et au 24e mois (CS24)), prise en charge à 100% des frais médicaux de la femme enceinte à
partir du 6e mois, premiers plans périnatalité visant à sécuriser la grossesse et l’accouchement. Les
plans périnatalité qui se sont succédé depuis 1970 (1970-1976, 1995-2000, 2005-2007) ont permis
une surveillance plus adéquate de la grossesse, une prise en charge optimale des grossesses à
risque avec une sécurisation de la naissance (regroupement des moyens, plateaux techniques
performants…) et le dépistage de facteurs de risque de handicap.
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Entre 1982 et 1989, la compétence de la protection maternelle et infantile a progressivement été
transférée au conseil général. Dans la même logique, la loi du 5 mars 2007 fait du président du
conseil général le responsable de la protection de l’enfance et renforce les mesures destinées à
maintenir l’enfant dans le cadre familial (plutôt que de le placer en famille ou en institution).
Grâce à ce contexte favorable, la France a pu considérablement réduire la mortalité autour de la
grossesse et de la naissance, en luttant notamment contre les carences nutritionnelles et les
pathologies infectieuses.
La santé scolaire a, quant à elle, pour mission d’assurer une visite médicale obligatoire au
cours de la 6e année de chaque enfant ainsi que des examens médicaux périodiques. Elle est
devenue le « Service de promotion de la santé en faveur des élèves » en 1991 et reste sous la tutelle
du ministère de l’Education nationale, après avoir été un temps sous le contrôle du ministère de la
Santé. Ses missions actuelles sont de dépister des déficiences ou des pathologies et de favoriser
l’accès aux soins, l’aide à l’intégration des enfants souffrant de maladies chroniques ou porteurs de
handicaps (renforcée par la loi de février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées), la prise en charge des situations de maltraitance ou à
risque, et la mise en place d’actions d’éducation et de promotion de la santé associant parents et
professionnels.
Parallèlement, le système général de soins, y compris la médecine libérale et la médecine
hospitalière, assure des activités de prévention et de dépistage. En ambulatoire, les médecins
généralistes contribuent à la prise en charge primaire des enfants, notamment pour le traitement des
pathologies aiguës, mais aussi pour leur suivi global. Les pédiatres assurent le suivi et la prise en
charge spécialisée des enfants. En milieu hospitalier coexistent les services de pédiatrie générale,
les urgences pédiatriques, et des services spécialisés, médicaux ou chirurgicaux, voire surspécialisés
dans certains domaines et maladies rares. Plus largement, des professionnels variés sont concernés
par la santé et le bien-être des enfants (puéricultrices, psychologues, orthophonistes,
kinésithérapeutes…).
...A UN RECUL DE LA PRISE EN CHARGE DE LA SANTE DE L’ENFANT
La décentralisation, qui aurait dû permettre la mise en place d’une politique de proximité en
direction des familles dans les domaines sanitaire et social, favorisant ainsi la coordination des
services, aboutit en réalité à de fortes inégalités entre les départements, en fonction de leurs
choix politiques et de leurs ressources.
On observe ainsi une quasi-disparition du service de PMI dans certains départements ou une action
minimale en direction des publics les plus modestes. N’ayant plus les moyens d’assurer ses
missions, le service de Protection Maternelle et Infantile est aujourd’hui peu attractif pour les
professionnels et peu valorisé au regard de la population. Selon les statistiques de la DRESS en
2005, on y comptait 1810 équivalents temps plein (ETP) de médecins, titulaires ou vacataires, avec
de fortes disparités interdépartementales en matière salariale, 710 ETP de sages-femmes et 3735
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ETP de puéricultrices. Des effectifs à mettre en rapport avec les 800 000 naissances par an que
compte la France.
On constate la même dégradation dans le domaine de la santé scolaire : bien qu’il n’ait pas fait l’objet
d’une décentralisation systématique, le service de santé scolaire n’a pas les moyens de jouer de
façon satisfaisante son rôle de suivi médical préventif universel, qui a depuis les années 1970 été
progressivement assumé par la médecine libérale. Avec un nombre de médecins titulaires
dangereusement bas (environ 1 médecin pour 7 500 à 12 000 élèves), on estime que seuls 2 640
000 élèves par an sont vus par les médecins scolaires, sur un total d’environ 12,5 millions d’élèves.
La situation des infirmières scolaires, très présentes dans les lycées, est tout aussi dramatique.
Le rôle et les moyens de la médecine scolaire auraient dû être renforcés par la loi du 5 mars
2007, qui prévoyait la mise en place de bilans obligatoires supplémentaires à 9, 12 et 15 ans,
pour le repérage des situations à risque de maltraitance et d’enfants en danger. C’est loin
d’être le cas, puisque les décrets d’application de cette loi n’ont jamais été pris et les
financements jamais mis à disposition.
Ainsi, les services de PMI et de santé scolaire, censés s’adresser à l’origine à l’ensemble de la
population, ont progressivement été conduits, faute de moyens adéquats, à cibler leurs actions en
direction des populations les plus vulnérables, en contradiction avec la volonté initiale de
mener des actions non stigmatisantes et universelles.
En parallèle, on assiste à un affaiblissement de la pédiatrie générale, en particulier de la santé
publique en pédiatrie. Au sein des universités comme dans le cadre des politiques publiques,
l’essentiel des moyens est dirigé vers la pédiatrie hyperspécialisée et les maladies rares (génétiques,
oncologiques…). Ce désinvestissement de la pédiatrie générale ne peut manquer d’avoir un impact
préoccupant sur l’offre de soins disponible et la prise en charge des enfants.
Alors que la France est un des pays d’Europe qui connaît le plus fort taux de natalité (environ
12,8 pour 1000 habitants13), elle fait partie de ceux qui comptent le moins de pédiatres. Seul 1
enfant sur 5 est suivi par un pédiatre en France, et le nombre de pédiatres formés chaque année
ne permettra pas de combler la pénurie actuelle de pédiatres libéraux ou hospitaliers dans certaines
régions, ni de remplacer ceux qui vont partir à la retraite dans les années à venir. L’implication des
médecins généralistes dans le suivi des enfants permet de pallier partiellement le manque de
spécialistes, mais ne peut compenser totalement la plus-value des pédiatres, qui ont une formation
théorique et clinique beaucoup plus complète.
Aux problèmes de démographie médicale s’ajoute la problématique de la diversité des pathologies
(bénignes, chroniques, aiguës, spécialisées) et des modes de prise en charge, alors que les liens
entre les différents professionnels sont trop faibles. Cette désorganisation relative de notre système
se manifeste de manière nette au moment des épidémies hivernales (bronchiolite, gastroentérite,
grippe…), où l’offre de soins en ville s’avère clairement inadaptée et rapidement dépassée, ce qui
13
INSEE 2010.
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provoque une saturation parfois dramatique des urgences hospitalières, également touchées par le
manque de moyens humains.
Même les surspécialités en pédiatrie ne sont pas épargnées : les délais d’attente pour une
consultation peuvent dépasser trois mois à l’hôpital, le secteur libéral n’étant pas accessible à tous
en raison des dépassements d’honoraires.
Les rapports dressant ainsi un état des lieux alarmant se multiplient : le rapport du professeur
Sommelet, dont la conclusion montre qu’une réforme du système actuel de santé de l’enfant est
nécessaire ; un rapport de l’IGAS14 qui suggère une réflexion sur l’organisation et l’efficience du
système actuel, notamment pour les services de santé primaire, face à l’augmentation de la
précarisation et à l’évolution des besoins.
Le principal constat qui se dégage de l’ensemble de ces réflexions est l’absence d’une politique
globale ciblée sur les besoins collectifs en prévention, en éducation et en soins de l’enfant et de
l’adolescent, mais aussi d’une politique qui prendrait en compte la personnalité, l’histoire,
l’environnement familial et social de l’enfant. Les données épidémiologiques et la recherche qui
permettraient de construire des programmes cohérents et adaptés aux besoins des populations sont
actuellement insuffisantes en qualité ou en quantité, voire inexistantes dans certains domaines.
Livrés à eux-mêmes suite au désinvestissement de l’Etat du domaine de la santé de l’enfant, parents
et professionnels sont également démunis.
Il est donc urgent de renouer avec l’ambition originelle qui fit du droit et de la santé de l’enfant
un des moteurs des politiques sociales et sanitaires de notre pays, et de mener à bien une
réforme ambitieuse du système de santé dédié à l’enfant pour redonner aux services de PMI
et de santé scolaire, à l’hôpital et à la médecine de ville les moyens de prendre en charge la
santé de tous les enfants de façon efficace et juste.
POUR UNE REELLE POLITIQUE DE SANTE DE L’ENFANT
2. 1 - DEVELOPPER UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SANTE
L’engagement pour la santé de tous, avec équité et éthique, doit être la priorité de la prochaine
décennie. La perception de la santé en France doit évoluer. Elle ne doit plus être définie uniquement
au regard de la pathologie, mais bien comme un état global de bien-être, qu’il faut constituer,
développer, promouvoir et préserver. Il faut désormais promouvoir l’égalité des chances, par la santé,
dès le début de la vie.
RENFORCER ET AMELIORER LA PREVENTION
Dans son rapport de 1997 intitulé Stratégie pour une politique de santé, le Haut Comité de la Santé
Publique définit l’enfance et l’adolescence comme « les périodes du développement physique et
14
Rapport IGAS, « La prévention sanitaire en direction des enfants et des adolescents », février 2003.
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mental, de l’acquisition d’un capital culturel et scolaire plus ou moins important, de l’intégration de la
vie sociale plus ou moins réussie… un moment d’identification personnelle et sociale… celui où
s’achève de se constituer son capital de santé ».
La préservation du capital santé de chaque enfant passe par un effort soutenu en matière de
prévention. Il faut, tout d’abord, connaître et agir sur les facteurs, dont l’alimentation, susceptibles
d’avoir un impact, positif ou négatif, sur l’état de santé de l’enfant, et créer ainsi un environnement
favorable à son développement dans ses principaux milieux de vie.
L’élaboration de programmes de prévention précoce et d’une stratégie de dépistage à long terme est
nécessaire, notamment en matière de santé mentale et de prévention de la violence scolaire, mais
aussi de développement des aptitudes fondamentales de l’enfant, de la construction de l’estime de
soi, et de l’apprentissage du « vivre ensemble »15.
Il faut également instaurer un suivi médical régulier pendant l’enfance, tout au long de la croissance,
pour repérer et dépister les pathologies nécessitant une prise en charge spécifique, les troubles du
développement staturo-pondéral et cognitif, la souffrance psychologique et les situations à risque de
maltraitance ou de maltraitance avérée.
En parallèle, il faut mener un effort d’information des parents sur les besoins de santé globale de leur
enfant, en se basant sur la définition de la santé de l’OMS16, afin d’assurer une complémentarité
entre les milieux familial et scolaire.
Enfin, compte tenu des progrès qu’elle pourrait permettre, une réflexion sur la place de la médecine
prédictive devrait être engagée.
IDENTIFIER ET DEVELOPPER DES PARCOURS DE SOINS CLAIRS POUR LES FAMILLES
Le système de santé en pédiatrie doit veiller à placer l’enfant au centre de son organisation.
L’empilement des programmes de santé et des structures de soins n’aboutit qu’à un morcellement de
la santé de l’enfant qui a besoin, tout au contraire, d’être envisagée dans la transversalité et la
continuité.
La constitution du dossier médical personnalisé spécifique de l’enfant permettrait ainsi de
renforcer et développer les réseaux santé en pédiatrie et de favoriser la continuité du soin, la
sécurisation de la prise en charge et la coordination des acteurs des domaines sanitaires et sociaux.
REORIENTER LA DEPENSE SOCIALE VERS LE RENFORCEMENT DU CAPITAL SANTE
La lutte contre les inégalités sociales de santé passe par la réorientation de la dépense sociale vers
le renforcement du potentiel santé, c'est-à-dire l’amélioration de l’accès aux soins et une meilleure
prise en compte de l’environnement et des déterminants de santé d’ordre psychoaffectif,
15
Observatoire International de la Violence à l’Ecole pour l’Unicef France, Enquête de victimisation et climat scolaire
auprès d’élèves du cycle 3 des écoles élémentaires, 2011.
16
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité. », OMS, 1946.
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socioéconomique et écologique. Le développement des compétences sociales17 doit devenir un axe
fort des politiques publiques destinées à l’enfant puisque, comme l’OMS l’a rappelé en 1999, elles
ont un rôle particulièrement important à jouer dans la promotion de la santé. Ce développement du
potentiel santé de chaque enfant passe nécessairement par un renforcement de la médecine
préventive en milieu scolaire.
En outre, les inégalités de santé chez l’enfant pourraient être fortement réduites par la
création d’une couverture complémentaire universelle gratuite pour chaque enfant.
Cette dernière mesure garantirait un égal accès à la médecine générale et spécialisée, y compris
pour les soins optiques et dentaires, quel que soit le niveau de revenus et de couverture des parents.
Dans un premier temps, la priorité pourrait être donnée à l’accès gratuit aux soins ainsi qu’au
suivi préventif pour les 2 millions d’enfants pauvres que compte la France.
PORTER UNE ATTENTION PARTICULIERE AUX PERIODES DE VULNERABILITE
Une attention particulière doit être portée aux périodes de vulnérabilité18 que peuvent traverser les
parents - et donc les enfants - dans leur parcours socioprofessionnel et personnel : facteurs
psychoaffectifs, conditions socioéconomiques, statut civil, immigration, handicaps et pathologies
chroniques…. Bien que les données épidémiologiques soient insuffisantes, il apparaît que, pendant
ces périodes, les populations en difficulté ont tendance à s’isoler et ont besoin d’un accompagnement
personnalisé pour une réinsertion dans un parcours de soins identifié le plus précocement possible.
Il faut de façon prioritaire soutenir la parentalité et amener le système de soins vers les
personnes en situation de vulnérabilité.
Afin de pouvoir suivre les enfants et les familles en situation de vulnérabilité, ou qui en présentent les
signes avant-coureurs, il est nécessaire de construire des instruments permettant de les identifier et
de former les médecins au repérage et à la prise en charge des cas de maltraitance physique et
psychique. A ce titre, un certain nombre d’expériences en matière de prévention précoce (par
exemple prévention de la dépression maternelle postnatale et visites à domicile) devraient être
valorisées.
2. 2 - REFONDER LE SYSTEME DE PREVENTION ET DE SOINS DEDIE A L’ENFANT
INTEGRER UNE DIMENSION SANTE AU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE
La France dispose d’un service public de la petite enfance essentiellement tourné vers l’accueil et les
modes de garde du jeune enfant, qui facilite pour les femmes la poursuite de leur activité
17
Progrès en pédiatrie 17, Club international de pédiatrie sociale, « Pédiatrie sociale ou l'enfant dans son
environnement », 2004.
18
« La prise en charge de la santé de l’enfant et de l’adolescent doit tenir compte des facteurs de vulnérabilité liés à
l’évolution de l’environnement socio-familial, du mode de vie et de l’irruption des nouvelles techniques d’information
et de communication, dont le revers de la médaille est l’exposition à des risques de violence physique et morale ».
(Rapport Pr. Sommelet)
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professionnelle sans renoncer à la maternité. L’accueil collectif du jeune enfant représente également
un atout majeur dans la socialisation précoce, bénéfique pour son adaptation ultérieure à la
collectivité et pour le développement de ses compétences sociales.
Cependant, ce service reste insuffisant pour accueillir l’ensemble des enfants qui en ont
besoin et n’a pas une dimension santé suffisante. En effet, les établissements d’accueil des
jeunes enfants constitueraient un lieu idéal pour promouvoir la santé et lutter ainsi contre les
inégalités sociales de santé, tout comme le serait le milieu scolaire. Cette approche du jeune enfant
et de sa santé n’impliquerait pas une réforme du service de la petite enfance. Elle viendrait insérer
une politique de santé dans ce cadre préexistant.
Pour cela, il est impératif d’augmenter les capacités d’accueil des jeunes enfants en
collectivité et d’y faciliter la socialisation précoce, en sollicitant quand cela est nécessaire les
professionnels qualifiés (éducateurs, travailleurs sociaux, psychologues …).
En complément, informer et éduquer les parents et les professionnels sur la santé des jeunes enfants
permettrait de constituer une porte d’entrée efficace dans le système de soins.
MODERNISER ET VALORISER L’OFFRE DE SOINS PRIMAIRES
« Le concept de « soins primaires » (primary care) est porteur d’une ambition de justice sociale visant
à garantir l’accès de tous à des soins de base. Cette dénomination est également mobilisée pour
désigner l’organisation des systèmes de soins extra-hospitaliers. »19
PMI et médecine scolaire sont censées assurer la prévention, la promotion de la santé et l’éducation
à la santé pour tous. En réalité, en l’absence de pilotage national, en fonction des choix politiques, de
la territorialisation des politiques de santé et en raison de l’évolution des pratiques médicales et des
besoins, ce système ne peut assurer l’ensemble de ses missions et ne répond pas de manière
optimale aux besoins actuels. Parallèlement, l’offre de soins primaires en milieu libéral se raréfie. Les
professionnels ne cessent d’alerter les pouvoirs publics sur cette problématique (une pétition de
l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire, « Toujours plus d’enfants, toujours moins de
pédiatres… », vient d’être remise au gouvernement).
Dans la perspective d’une évolution défavorable de la démographie médicale et de pratiques de plus
en plus spécialisées en milieu hospitalier, le système de soins primaires devient le premier
recours pour le suivi préventif et la prise en charge de la santé globale des enfants. De même,
avec l’évolution de la médecine de ville, fortement sollicitée pour la prise en charge des pathologies
aiguës de l’enfant mais aussi des pathologies nécessitant un avis et un suivi spécialisés à plus ou
moins long terme, il est impératif de revaloriser la place et les missions du service public dédié à
l’enfant afin de lutter contre les disparités territoriales et d’assurer au service public les
moyens de réaliser ses missions.
19
IRDES, Questions d'économie de la Santé n°141, "Trois modèles types d'organisation des soins primaires en
Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande", avril 2009.
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C’est pourquoi il paraît essentiel d’étendre le suivi de l’enfant par la PMI jusqu’à 12 ans et de
coordonner le suivi PMI avec celui de la santé scolaire, en valorisant leur pluridisciplinarité,
notamment dans leurs actions de soutien à la parentalité.
Dans cette optique, des transferts de compétences entre professionnels de santé (médecins,
puéricultrices, infirmières) pourraient être envisagés, afin notamment de dégager du temps médical et
de valoriser l’action de chaque professionnel. L’interdiction de prescription des médecins de PMI et
de médecine scolaire mérite d’être réévaluée.
AMELIORER LA FORMATION ET LA RECHERCHE
Il est impératif de relancer la réflexion universitaire en santé publique pédiatrique autour du concept
de santé globale de l’enfant dans son environnement, par exemple par la création de chaires de
santé publique en pédiatrie dans les facultés de médecine, et le développement de la recherche en
épidémiologie pédiatrique et psychiatrique.
Ce dispositif pourrait être complété par le renforcement de la formation initiale des enseignants et des
professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux, ainsi que par des mesures destinées à rendre
plus attractive la pédiatrie ambulatoire et le mode d’exercice des pédiatres.
CONCLUSION
Les enfants et les adolescents représentent environ un quart de la population française. La
préservation de leur capital santé et la réalisation de leurs potentialités doivent redevenir des priorités
car elles conditionnent la situation sanitaire et sociale de demain.
Pour y parvenir, il est urgent de modifier notre perception de l’enfant, de son bien-être, de sa santé et
de son évolution, et de refonder aussi bien le système de prévention que le système de soins dédiés
à l’enfant.
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