La rentrée du gouvernement… et la nôtre

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La rentrée du gouvernement… et la nôtre
13 septembre 2012
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La rentrée du gouvernement…
et la nôtre
Cher(e)s Camarades,
Dans les mesures prises par le gouvernement, au-delà des emplois d'avenir et des
contrats de génération, trois dossiers sont déterminants en cette rentrée.
Le second est une négociation sur l'emploi. Alors qu'à l'issue de la conférence sociale le
Premier Ministre avait retoqué les accords compétitivité-emploi, ils semblent revenir sous
la pression du patronat et l'acquiescement de la CFDT. (source : éditorial de JeanClaude Mailly, Secrétaire général de Force Ouvrière, mercredi 5 septembre 2012)
Le droit du travail, en tant qu’il établit un droit collectif à bénéficier de protections qui ne
sont pas fondées sur un simple lien individuel mais sur une garantie collective d’égalité de
traitement, serait remis en cause.
Des compromis sociaux peuvent, certes, exister à un moment donné au sein des
entreprises, mais il est indispensable qu’ils obéissent au code du travail, garantie de
l’égalité de traitement de tous les travailleurs.
Dans une société qui s'individualise, qui se technicise,
la vigilance est de mise
pour préserver les droits, la liberté, la sécurité, la santé.
Gérard VERGER
Analyste juridique FEC FO
Sommaire : p. 1 : éditorial - p. 2 : Heures supplémentaires - p. 3 : le refus de négocier ne constitue pas un délit d'entrave p. 4 : emplois d'avenir et égalité H/F - p. 5: le suicide d'un cadre reconnu comme "accident du travail" –
p. 5 : harcèlement - p. 6 : le forfait-jours a 12 ans !
Fédération des Employés et Cadres Cgt Force Ouvrière – 28 rue des petits Hôtels 75010 Paris
RELEVE DES HEURES SUPPLEMENTAIRES EFFECTUEES :
IL DOIT ETRE REDIGE AU FIL DU TEMPS
La production par le salarié d'un relevé écrit de manière identique dans leur
présentation et avec le même stylo durant 4 ans, n'est pas une preuve admissible.
Les faits
Un salarié licencié, réclamait à son ancien employeur le paiement des heures
supplémentaires qu'il avait effectué. Il saisit la juridiction prud'homale d'une action en
paiement de la somme de 14 000 euros au titre des HS non réglées sur les années 2003,
2004, 2005 et 2006.
• Il faisait grief à l'arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes, de l'avoir débouté de sa
demande en paiement d'une somme à titre d'heures supplémentaires fondée sur un
relevé qu'il avait personnellement réalisé avec minutie.
• Il fait valoir devant la Cour de Cassation, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou
au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa
demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires
effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses
propres éléments (article L. 3171-4 du code du travail).
Décision de la Cour de Cassation
S’en remettant au pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond, elle confirme que
l'existence des heures supplémentaires non récupérées n'était pas établie.
Pourquoi ?
Le salarié "produisait les pages d'un cahier écrites de manière identique dans leur
présentation et avec le même stylo pour les années 2002 à 2006", ce qui laissait penser
que le récapitulatif avait été rédigé en une fois et non pas au fur et à mesure de
l'accomplissement des heures supplémentaires, ce qui compte tenu de la période
couverte, ne pouvait pas refléter la réalité.
Commentaire
La preuve des heures supplémentaires accomplies doit être constituée au fil des jours,
afin de relater la réalité, avec si possible indication à chaque fois des raisons du
dépassement horaire (type de dossier, travail, type d'intervention effectuée, nom du client
etc.) et ainsi prouver plus facilement la réalisation des HS.
Cass. Soc. 11 juillet 2012 n°10-27888
2
LE REFUS DE NEGOCIER NE CONSTITUE PAS
NECESSAIREMENT UN DELIT D'ENTRAVE
Les faits
Selon la convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires
du 30 juin 2000, l'employeur qui envisage de fixer l'heure de fermeture au-delà de
20 heures doit préalablement engager des négociations avec les délégués syndicaux. Ces
discussions visent notamment à prévoir des contreparties en faveur des salariés (art. 7-8).
Dans cette affaire, la directrice d'un grand magasin avait justement décidé de reporter
l'heure de fermeture au-delà de 20 heures à titre « exceptionnel et temporaire », pendant
l'été 2008.
Elle n'avait pas engagé de négociations avec les délégués syndicaux, contrairement à ce
que prévoyait la convention collective.
Deux syndicats (CGT et CFDT) avaient en conséquence intenté une action en délit
d'entrave, pour demander des sanctions pénales à l'encontre de l’employeur en raison de
la violation d'une obligation conventionnelle et non d'une obligation légale
Décision de la Cour de Cassation
Contrairement à la Cour d'Appel, qui avait condamné la directrice du grand magasin
pour délit d'entrave, la Cour de Cassation estime que le texte invoqué par les syndicats
dans cette affaire ne pouvait pas s'appliquer.
L’obligation conventionnelle de négocier en cas de "nocturne" n'avait pas été instituée par
la convention collective en application d'une disposition législative expresse dans une
matière déterminée.
Il était donc impossible d'infliger des sanctions pénales à l'employeur en raison de la
violation de cette obligation.
Commentaire
Les juges montrent la marche à suivre en précisant que la méconnaissance de l'obligation
conventionnelle pouvait donner lieu à des recours civils.
Les syndicats pouvaient donc saisir le tribunal de grande instance en référé pour obtenir,
sous astreinte, le déclenchement de la négociation.
Une autre voie possible : réclamer des dommages et intérêts en raison de la mise en
place de nocturnes sans négociation préalable.
Cass. crim. 19 juin 2012, n° 11-84884
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EMPLOIS D'AVENIR ET EGALITE HOMMES-FEMMES
Le projet de loi sur les emplois d'avenir prévoit que dans les entreprises d'au moins
300 salariés, le défaut d'accord collectif sur l'égalité hommes-femmes devra être
"attesté par un procès-verbal de désaccord".
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, avait annoncé dès le mois
de juin son intention de réviser le décret du 7 juillet 2011 sur l'égalité hommes-femmes,
jugé trop en retrait par rapport aux dispositions de la loi.
Lors de la conférence sociale, partenaires sociaux et ministres ont confirmé cette
orientation. Un premier pas en ce sens vient d'être franchi.
Un amendement au projet de loi sur les emplois d'avenir modifie la législation en
vigueur. Ce prélude à la modification du décret vise deux objectifs :
donner une priorité à la négociation par rapport à l'initiative unilatérale de
l'employeur notamment dans les grandes entreprises ;
prévoir une transmission à l'Etat des plans unilatéraux des employeurs.
Privilégier la négociation
Le projet de loi prévoit que dans les entreprises d'au moins 300 salariés, le défaut
d'accord collectif sur l'égalité hommes-femmes devra être "attesté par un procès-verbal de
désaccord". Cette modification est loin d'être mineure.
Cette disposition vise manifestement à contraindre les entreprises concernées à ouvrir des
négociations avant, éventuellement, de passer par un plan d'action unilatéral. Jusqu'à
présent elles pouvaient décider d'élaborer un plan d'action sans ouvrir au préalable de
négociations.
L'obligation de déposer un procès-verbal de désaccord oblige par ailleurs les
entreprises à acter et à formaliser l'échec des négociations.
Déposer les plans d'action unilatéraux
Le texte crée une autre obligation. Les entreprises qui auront finalement élaboré un plan
d'action devront le déposer auprès de l'autorité administrative. L'obligation concerne là
toutes les entreprises quel que soit leur effectif.
Où en est le texte ?
Etape précédente : adoption en commission des affaires sociales à l'Assemblée
nationale
Etape actuelle : examen à l'Assemblée nationale lors de la session extraordinaire
qui débute le 11 septembre (L'urgence a été déclarée sur ce texte).
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LE SUICIDE D'UN CADRE RECONNU COMME
"ACCIDENT DU TRAVAIL"
Le suicide d'un cadre de l'entreprise de transport logistique Gefco, filiale de PSA, a été
reconnu comme accident de travail par la CPAM de Gironde dans une décision du
16 juillet 2012 selon le syndicat FO.
L’affaire
Un salarié âgé de 46 ans, chef de l'agence Gefco de Bordeaux, père de deux enfants,
avait laissé un courrier détaillant les causes de son "geste désespéré".
Il y évoquait des "objectifs intenables avec la perte de clients importants", "l'animosité et
les réflexions acerbes" de l'un de ses responsables hiérarchiques et "l'insuffisance des
moyens commerciaux" pour maintenir le chiffre d'affaires.
Les "pressions" et "l'angoisse" l'avaient conduit à consulter un médecin, mais en dépit des
médicaments prescrits, son anxiété n'avait pas faibli, racontait-il dans une lettre adressée
aux représentants de FO.
"Je me sens acculé et abandonné par Gefco, les premiers éléments de résultat de février
sont mauvais et c'est pour ces raisons que j'ai décidé aujourd'hui de mettre fin à mes
jours», a-t-il encore écrit.
Selon FO, ce salarié avait demandé sa mutation «pour un poste inférieur», une demande
inhabituelle "qui n'a pourtant fait tilter personne".
Il s'inquiétait aussi de projets de la direction visant à supprimer l'activité de messagerie de
cette société de 9 400 salariés, filiale à 100% de PSA, qui transporte aussi des
automobiles.
HARCELEMENT :
METTRE A JOUR VOTRE REGLEMENT INTERIEUR
La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 (J.O. du 7 août) relative au harcèlement sexuel est
entrée en vigueur le 8 août. Elle a modifié en substance certains articles du code du travail
relatifs aux harcèlements moral et (surtout) sexuel.
Ces dispositions doivent être rappelées dans le règlement intérieur de l'entreprise
(c. trav., art. L. 1321-2). Il est donc nécessaire de mettre à jour ce document.
Sont concernés les articles L. 1152-1 et suivants (harcèlement moral) et L. 1153-1 et
suivants (harcèlement sexuel) du code du travail.
L. n° 2012-954, 6 août 2012 : JO, 7 août
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LE FORFAIT-JOURS A DOUZE ANS !!!
Il a été institué par la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000.
Le forfait-jours permet à l’entreprise de comptabiliser la durée du travail d’un salarié non
en heures mais en jours, l’intéressé ne pouvant toutefois sauf exception, travailler plus de
218 jours par an.
Les salariés sous forfait-jours ne sont pas soumis :
à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures ;
ni à la durée quotidienne maximale de travail de 10 heures ;
ni même à la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures.
Le forfait-jours est soumis à des contraintes légales et surtout jurisprudentielles de plus en
plus lourdes.
Faute pour l’employeur de les respecter, la convention de forfait-jours est nulle et de nul
effet, et les salariés sous forfait-jours pourront alors demander le paiement des heures
supplémentaires, éventuellement travaillées au-delà de 35 heures hebdomadaires.
6 points à vérifier
1 - Vous devez être un "cadre autonome"
Peuvent être employés sous forfait-jours les cadres, qui n’entrent, ni dans la catégorie des
cadres dirigeants, ni dans celle des cadres astreints à l’horaire collectif de travail, ainsi que
les salariés non cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur temps
de travail (article L 3121-43 du Code du travail).
Le forfait-jours concerne donc à la fois :
les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du
temps, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire
collectif de travail ;
les salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peuvent être
prédéterminés, ou qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de
leur emploi du temps.
2 - Vous devez avoir conclu une convention individuelle écrite de forfait-jours
avec votre employeur
Le cadre sous forfait-jours doit avoir conclu, par écrit, avec son employeur, une convention
de forfait-jours. A défaut, celui-ci n’est pas valable et le salarié pourra demander le
paiement des heures supplémentaires.
A SAVOIR :
Dans un arrêt du 28 février 2012 (n°10-27839), la Cour de Cassation a jugé que
l’employeur qui soumet un cadre au forfait-jours sans avoir conclu une convention
individuelle de forfait-jours, doit être condamné à verser l’indemnité forfaitaire de 6 mois de
salaire prévue en cas de travail dissimulé (article L. 8223-1 du code du travail).
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3 – Un accord collectif doit autoriser votre forfait-jours
En effet, le forfait-jours n’est applicable et valable que si :
un accord collectif de branche étendu et/ou un accord collectif d’entreprise en
permet la mise en œuvre (le contrat de travail ne peut pas à lui seul suppléer
l’absence d’accord d’entreprise ou de branche) ;
cet accord doit garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des
repos journaliers et hebdomadaires.
4 –Chaque année vous devez avoir un entretien individuel avec votre
employeur, sur votre charge de travail
En effet, l’article L. 3121-46 du code du travail prévoit que l’employeur doit tenir un
entretien individuel annuel portant sur la charge de travail du salarié ; l’organisation du
travail dans l’entreprise ; l’articulation entre activités professionnelle et vie personnelle et
familiale ; la rémunération du salarié.
A défaut d’entretien individuel, le forfait-jours est privé d’effet (Cass. Soc. 29 juin 2011).
5 - L’accord collectif autorisant votre forfait-jours doit comporter des
garanties suffisantes pour le droit à la santé et au repos
En se fondant sur le droit à la santé et au repos des travailleurs, figurant parmi les
"exigences constitutionnelles", la Cour de Cassation contrôle la validité des conventions
collectives encadrant les forfaits-jours.
En effet, l’accord collectif doit être très précis quant au contrôle et au suivi de la charge de
temps de travail des salariés.
Il doit comporter "des modalités de mise en œuvre et de contrôle" en précisant
lesquelles.
6 - Les accords collectifs encadrant une convention de forfait-jours doivent
prévoir des dispositions telles que :
l’établissement par l’employeur d’un document de contrôle faisant apparaître le
nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la
qualification des jours de repos ;
un suivi régulier de l’organisation du travail et de la charge du salarié par le supérieur
hiérarchique ;
un entretien annuel avec le manager ;
la garantie d’une amplitude de travail devant rester raisonnable et d’une bonne
répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.
A défaut de répondre aux prescriptions ci-dessus, votre forfait-jours serait nul.et
vous seriez fondé à réclamer le paiement des éventuelles heures supplémentaires
travaillées, dans la limite de la prescription de 5 ans.
Bien évidemment, il vous faudra prouver ces heures supplémentaires (agenda, email,
système de badge, attestation, etc.).
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