La gestion de crise en entreprise

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La gestion de crise en entreprise
La gestion de crise en entreprise
Collection « L’essentiel pour agir »
La gestion de crise en entreprise
Édition 2010
Ouvrage conçu et réalisé sous la direction de Catherine FOURMOND
Auteur :
Jean-David DARSA
Suivi éditorial, conception graphique : GERESO ÉDITION
Photo de couverture : © Neustock/lstockphoto.com
© GERESO Édition 2010
26 rue Xavier Bichat – 72018 Le Mans (France)
Tél. 02 43 23 03 53
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Tous droits réservés pour tous pays
Loi du 11 mars 1957
Dépôt légal : septembre 2010
ISBN : 978-2-35953-014-8
EAN 13 : 9782359530148
GERESO SAS au capital de 160 640 euros – RCS B 311 975 577
Siège social : 28 rue Xavier Bichat – 72018 Le Mans Cedex 2
« Tout ce qui ne fut pas sera, et nul n’en est à l’abri. »
LAO TSEU
Chapitre 1
C’est quoi, une crise, au juste ?
Définition d’une crise
Avant toute chose, essayons de définir ce qu’est une crise en entreprise, ou pour l’entreprise. En effet, le terme de crise, surutilisé depuis
des années par les journalistes, les médias, les politiques et, d’une
manière générale, chaque acteur de la société humaine, ne veut plus
rien dire. Ou plutôt, cela veut désormais tout dire... ou presque ! Crise
des vocations, crise sanitaire, crise financière, crise sociale, crise économique, crise de croissance, crise conjoncturelle, crise humanitaire,
crise diplomatique, crise de foie, crise de nerfs...
À bien y regarder, tout peut faire, a fait ou fera, à un moment ou à un
autre, l’objet d’une crise. Mais de quoi parle-t-on précisément ? C’est
quoi, une crise, au juste ? Et surtout, pour le sujet qui nous préoccupe,
c’est quoi, une crise pour l’entreprise ? Qu’est-ce qui en définira les
contours essentiels ? Comment l’entreprise doit-elle s’organiser de
manière préventive ? Réagir en situation de crise avérée ? Quelles
expériences en tirer à l’issue ?
Essayons tout d’abord de revenir à certaines notions fondamentales,
peut-être triviales, mais qui, nous allons le voir, permettent de dégager
un sens profond à cette notion de crise. Et plus particulièrement, de
crise pour l’entreprise, ou dans l’entreprise.
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LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
Terminologie
Le réflexe d’aller valider au préalable le sens terminologique d’un mot
constitue souvent la première étape de la réflexion à conduire lorsque
l’on aborde un sujet, une question. Et, au-delà de l’intérêt intellectuel
de l’exercice, toujours enrichissant, cela permet souvent d’identifier
précisément la direction à suivre dans le cheminement de la réflexion
à construire. Le mot « crise » n’échappe pas à l’efficacité de cette pratique usuelle et souvent pertinente.
Chaque mot ayant un sens précis, étudions tout d’abord le terme
« crise » de manière approfondie.
Fondamentalement, le mot « crise » vient du mot grec krisis, qui signifie
« décision ». Ou, plus précisément : « la faculté de décider, c’est-à-dire
de distinguer une décision entre deux choix possibles ». Le terme de
crise implique donc par nature, et d’après son sens terminologique
nominal, une prise de décision, donc, de manière sous-jacente, l’idée
de la mise en œuvre d’une action. Ce rappel initial nous semble tout
à fait approprié, car, dans l’entreprise, il s’agira exactement, et nous
le verrons tout au long de cet ouvrage, de cela. Il faut - ou il faudra décider et agir, en permanence. Ou, plus précisément, il sera question
en permanence de la capacité de l’organisation (de ses dirigeants, de
son encadrement, de l’intégralité de ses acteurs), appuyée par des
modes de fonctionnement internes performants si possible, à savoir
prendre, et ce en contexte souvent - ou toujours - contraint (contrainte
de temps, contrainte de risque, contrainte de moyens...) la bonne décision, au bon moment, engendrant si possible les impacts souhaités.
Et permettant in fine de maîtriser la crise avérée ou à venir.
Car il s’agit bien de cela, dans la démarche recherchée de savoir gérer
et maîtriser une crise : d’une prise de décision et d’action permanente.
De la faculté de prendre la bonne décision, au bon moment, avec les
bonnes ressources mises en œuvre de la bonne manière naîtra la performance de gestion de la crise par l’entreprise, et dans l’entreprise.
Nous le verrons, chaque situation de crise appellera à une prise de
décision permanente. Ce qui induira, par nature, la mise en lumière de
la qualité des mécanismes internes de prise de décision, l’enjeu du
risque de la dilution dans la prise de décision, la temporalité du cycle
de la prise de décision, la pertinence et la performance de la décision
prise, le suivi de l’exécution de la décision prise, etc.
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C’EST QUOI, UNE CRISE, AU JUSTE ?
La racine étymologique du mot « crise » est donc riche de sens... et
permet une nouvelle fois de rappeler, si besoin était, que chaque mot
porte intrinsèquement un sens profond qu’il convient de ne pas dénaturer par un usage inapproprié, en le vidant de sa substance à force
d’utilisation exacerbée.
Au-delà de la définition terminologique du terme, et si l’on fait une
recherche sur le mot « crise » grâce aux outils modernes usuels disponibles tels Internet ou la littérature managériale dédiée sur le sujet,
nous constatons que les résultats et la signification du mot « crise »
varient, évoluent au fil du temps. Mais ils reviennent tous, dans
l’ensemble, à des dimensions voisines, pour ne pas dire identiques, et
ce malgré une approche parfois fortement différenciée.
Pour n’en citer que les principaux exemples, une crise peut être définie
de la manière suivante. Il peut s’agir :
- d’un « risque réalisé, entraînant des bouleversements sociaux » ;
- d’un « terme désignant le moment bref de retournement de la
conjoncture économique » ;
- de « l’étape d’apparition ou d’augmentation des symptômes » ;
- d’une « période particulièrement difficile » ;
- de « l’instant quand le neuf est trop neuf, et le vieux trop vieux »
(Gramci) ;
- d’une « mutation dont chacun doit apprendre à tirer le meilleur
parti » ;
- d’un « mélange de danger et d’opportunité, selon l’idéogramme
chinois » ;
ou encore
- d’une « perturbation de l’activité électrique du cerveau provoquant
des changements incontrôlables du comportement ou des fonctions
motrices ».
Ces différentes définitions ou expressions traduisent assez bien la thématique à traiter dans l’entreprise, et la problématique à résoudre, lorsque l’on parle de crise. Et si l’on observe en détail chacune de ces
définitions ou illustrations, il est amusant (surprenant ?) de constater
que chaque proposition peut tout à fait s’appliquer... à l’entreprise ! La
notion de crise constitue donc, apparemment, un attribut habituel,
aléatoire, susceptible de perturber à un moment donné un système
organisationnel, quel qu’il soit.
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LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
Ainsi, et en résumant ces différents propos ci-dessus, nous serions
tentés de dire que la notion de crise porte en elle plusieurs dimensions
permanentes et essentielles, au-delà de son caractère incertain :
- une crise apparaît comme un phénomène limité dans le temps ;
- une crise n’est pas une situation normale, elle est atypique par nature
pour l’organisation qui la subit ;
- une crise résulte de la concrétisation effective d’un ou de plusieurs
risques ;
- une crise engendre des impacts pour l’organisation qui s’y trouve
confrontée ;
- une crise peut remettre en cause la pérennité de l’organisation ;
- une crise est aussi synonyme d’opportunités, de gains à capitaliser.
À la lumière de notre expérience, il nous semble opportun de vous
proposer notre propre définition d’une crise dans le contexte de l’entreprise, ou pour l’entreprise, et qui nous apparaît plus appropriée. Sans
être révolutionnaire, cette définition applicable au monde des organisations se veut résolument pragmatique et adaptable à tous les
contextes. Mais elle aspire pour l’essentiel à être pratique et aisément
compréhensible par tous.
Selon nous, une crise peut répondre à la définition opérationnelle suivante en entreprise :
Une crise est une situation atypique, susceptible de remettre en cause
la pérennité de l’entreprise à plus ou moins longue échéance, et qui
nécessite la mise en œuvre de moyens humains, matériels, financiers
et/ou organisationnels spécifiques ou dédiés à son traitement, de
manière temporaire, destinés à en maîtriser les effets directs ou
indirects.
Il est donc essentiel de bien noter d’ores et déjà le caractère fondamentalement atypique d’une crise.
Cette notion n’est pas secondaire. Un incident relativement récurrent,
impactant l’organisation, certes, mais de manière a priori non exceptionnelle, ne sera pas à considérer comme une crise au sens propre
du terme selon notre vision. Ni à traiter en tant que telle. Nous y reviendrons ultérieurement.
Le critère de l’occurrence réelle, anticipée ou historique de l’évènement
ou de la situation à traiter, source du déclenchement des mécanismes
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C’EST QUOI, UNE CRISE, AU JUSTE ?
particuliers de gestion de crise que nous aborderons ultérieurement,
sera donc essentiel à identifier au préalable avec précision, afin de
définir notamment si l’entreprise est confrontée - ou non - à une véritable crise ou à un incident plus ou moins dommageable. Cette question, que nous aborderons plus loin, n’est pas anodine. Elle sera critique dans l’élaboration et la mise en œuvre des réponses appropriées
par l’entreprise en contexte de prévention et de traitement des crises.
Nous verrons également, dans le chapitre suivant, l’importance, pour
chaque entreprise, de définir ce qui constituera, pour elle, une crise.
Là encore, il n’y aura pas de définition ni d’idées préconçues, communes à toute entreprise.
À mon sens, il n’existe pas - et il ne doit pas exister - de catalogues
de type de crises dans l’entreprise. Ni d’inventaire à la Prévert des
fragilités à traiter au titre de la gestion de crise. L’approche à privilégier
consistera certes à identifier, comprendre et maîtriser les risques des
organisations. Mais cette démarche devra conduire in fine, à partir
d’une vision maximaliste et si possible exhaustive des enjeux à traiter,
à préparer le terreau fertile du domaine des possibles en matière de
crise potentielle pour l’entreprise.
Mais chaque entreprise, chaque organisation devra définir, en fonction
de son contexte, son histoire, son métier, son fonctionnement, ce qui
constituera pour elle - ou non - une crise, à la lumière de sa compréhension de ses risques. Il n’existera pas de paradigme d’identification
des crises au sein des organisations. Chaque structure devra identifier,
comprendre et acter sa propre vision et perception de ce qui constitue
- ou ce qui constituera - une crise pour elle.
Chaque entreprise va - devra - définir ce qui constituera effectivement
pour elle une crise, à moins que son environnement ne le lui apprenne
à ses dépens.
Critères communs
La définition d’une crise dans l’entreprise sera, nous le verrons, spécifique. Chaque organisation devra de facto définir sa propre échelle
de valeur, et « normer » ce qu’elle appellera une crise en son sein.
Toutefois, chaque crise sera caractérisée le plus souvent par un certain
nombre de critères communs, quels que soient le contexte ou le fais-
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« Rien n’est jamais perdu tant qu’il reste quelque chose à trouver. »
PIERRE DAC
Chapitre 3
Pendant la crise : survivre
Signes précurseurs, faits générateurs, activation de la cellule
de crise
D’une manière générale, une crise ne se déclenche pas toute seule,
de manière spontanée. Avant son émergence, il existe toujours, de
manière plus ou moins marquée, de façon plus ou moins visible, un
ensemble de signes précurseurs susceptibles d’alerter sur l’occurrence
naissante d’une situation atypique, potentiellement dommageable pour
l’entreprise.
Signes précurseurs
L’entreprise doit donc se doter et/ou mettre en œuvre des dispositifs
lui permettant d’identifier et de détecter les signes précurseurs susceptibles d’annoncer une crise.
De cette capacité à détecter le risque entrant dépendra l’efficacité des
actions correctives à mettre en œuvre afin de ne pas voir évoluer une
situation sensible, gérable, en crise, plus difficilement maîtrisable à
courte échéance.
Il apparaît donc essentiel de mettre en place des dispositifs de détection amont des risques susceptibles d’engager l’entreprise dans une
crise. De nombreux outils existent pour ce faire. Citons-en quelques-uns parmi les plus courants :
- Réclamations clients, réclamations fournisseurs : une réclamation de
nature anodine peut s’avérer porter le germe d’une crise majeure.
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LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
L’entreprise doit se doter des dispositifs de collecte, d’analyse et de
traitement des réclamations, afin de ne pas laisser échapper un vecteur
fort d’identification de crise potentielle.
- Collecte des incidents, des anomalies, des dysfonctionnements rencontrés au sein de l’entreprise. Très souvent, les crises opérationnelles
sont engendrées par une absence de traitement approprié de signaux
d’alertes formalisés, mais dont l’occurrence n’a pas entraîné de réaction appropriée.
• Exemples : non-prise en compte d’alertes d’exploitation, non-prise
en compte d’accélération de la fréquence d’alertes, non-prise en
compte de la gravité particulière d’un évènement parmi d’autres, défaut
de suivi d’alertes, défaut d’informations sur alertes identifiées, défaut
des processus d’escalade de l’information, défaillance de connaissances et/ou de compétences dans le traitement d’un fait générateur
potentiel de crise...
• Causes : fondamentalement, la visibilité de certaines alertes se perd
pour de multiples raisons : volumétrie trop importante de l’évènement
considéré dès lors comme « habituel », confiance trop marquée dans les
données transmises ou analysées masquant potentiellement la gravité
d’une situation, défaut de connaissances dans l’arbre de causes d’un
évènement, sous-effectifs, ressources dédiées au traitement des anomalies ou des dysfonctionnements insuffisamment dimensionnées...
- Analyse des rapports d’audit interne, d’audit externe, de démarche
qualité, qui mettent souvent en lumière des fragilités essentielles, trop
souvent non priorisées par l’entreprise, jusqu’au jour où...
- Restitution des collaborateurs, dont le vécu opérationnel, l’expérience, les connaissances constituent de précieuses sources d’enseignement et d’actions afin de contrecarrer l’émergence d’une crise.
- Mise en place de cercles de sécurité dédiés à l’enjeu « risques », à
l’enjeu « crise ».
- Veille et analyse de la presse, de ce qui arrive aux concurrents, aux
voisins, aux activités annexes.
- Imagination (que se passerait-il si... ?). Cette démarche est trop souvent laissée de côté dans les organisations.
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PENDANT LA CRISE : SURVIVRE
L’entreprise doit se doter des moyens de détection lui permettant
d’identifier la crise naissante. Dans certains cas, la détection du signe
précurseur de la crise peut être longue.
Faits générateurs
À l’origine d’une crise, il y aura toujours un ou plusieurs faits générateurs, qui vont, soit par interaction, soit par phénomène d’amplification,
engendrer la création de la situation atypique de nature « crise ».
L’entreprise doit donc définir ce qui constitue, pour elle, une crise.
Nous en avons abordé les principaux contours dans un chapitre
précédent.
L’émergence du ou des faits générateurs et leurs conséquences immédiates vont conduire l’entreprise à activer sa cellule de crise de manière
formelle. Nous n’insisterons jamais assez sur l’impérieuse nécessité
de cadrer les règles d’activation de la cellule de crise, afin de ne pas
engorger le dispositif, ni le solliciter à tort.
Les faits générateurs de crise seront, le plus souvent, immédiatement
visibles, notamment lors de la gestion de crise de type « risque opérationnel » : incendie, explosion, séquestration, atteinte à l’intégrité des
personnes, etc.
Toutefois, certaines crises présenteront un temps de latence important. Par exemple, l’empoisonnement ou l’intoxication d’un client à un
produit peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines. L’entreprise doit donc assurer la plus grande vigilance dans ses dispositifs
opérationnels à « écouter » l’arrivée d’un fait générateur susceptible
d’enclencher une crise.
Activation de la cellule de crise
Lorsque la crise se déclenche, son acceptation psychologique par
l’entreprise va être factualisée d’une manière très simple : l’activation
de la cellule de crise.
À partir du moment où une crise se déclenche, la cellule de crise de
l’entreprise se met en œuvre, constatant effectivement l’occurrence de
la crise. Il s’agit donc d’une étape essentielle dans le processus de
traitement de la crise elle-même.
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LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
En fonction du dimensionnement de l’entreprise, et du formalisme existant - ou non -, une démarche dédiée de gestion de crise va être initiée.
Cette première étape est à tracer et à figer précisément dans le temps,
ainsi que le fait générateur ayant justifié l’activation de la cellule de
crise.
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Réagir, prioriser, gérer, communiquer, piloter
À partir du moment où une crise est déclarée, certains grands principes
vont devoir être respectés, afin d’assurer la meilleure gestion de la crise
par l’organisation. Ces grands principes peuvent se présenter de la
manière suivante :
Sécurité des personnes
Sécurité des biens
Sécurité de l’environnement
Mise en œuvre de la gestion dégradée des processus
Mise en œuvre des plans de secours
Mise en œuvre des plans de retour à la normale
Gérer
Parcourons maintenant les différentes priorités à traiter, et dont la
séquence doit être respectée par défaut. Certaines priorités peuvent
être traitées parallèlement, mais il est essentiel de ne pas modifier
l’ordre des priorités.
Priorité no 1 : sécurité des personnes
Quelle que soit la nature, la gravité, la difficulté ou la complexité de la
crise à gérer, la première question à traiter par l’organisation réside
dans une contrainte permanente et prioritaire : la sécurité des
personnes.
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PENDANT LA CRISE : SURVIVRE
Assurer la sécurité physique, l’intégrité des personnes susceptibles
d’être touchées, directement ou indirectement, par la crise constitue
LA priorité critique que l’entreprise doit maîtriser.
En déclenchement de crise, la cellule de crise doit immédiatement
identifier si la sécurité des personnes, ou si l’intégrité physique des
personnes, quelles qu’elles soient, a été atteinte, est menacée, ou se
trouve potentiellement menacée. Cette question doit se poser immédiatement et instantanément :
- pour les salariés collaborateurs de l’entreprise ;
- pour les conjoints, familles, proches, voisins des collaborateurs de
l’entreprise ;
- pour les personnes physiques en relation directe ou indirecte avec
l’entreprise : clients, fournisseurs, sous-traitants, associés, actionnaires, partenaires ;
- pour toute personne humaine susceptible d’être impactée dans son
intégrité physique, morale, psychologique.
La priorité absolue consiste donc d’assurer la sécurisation physique
des personnes dont l’intégrité, la sécurité ou la pérennité individuelle
ou collective peut se trouver exposée, menacée ou impactée par la
crise elle-même. Le dommage humain est inacceptable, et tout doit
être mis en œuvre prioritairement afin de maîtriser ce risque vital.
Parmi les situations de crises à envisager et à traiter, nécessitant une
intervention immédiate sur ce sujet extrêmement sensible :
- explosion, incendie, irradiation, intoxication, pollution, empoisonnement, etc. ;
- acte terroriste, enlèvement, séquestration, hold-up, agression,
attentat... ;
- inondation, tremblement de terre, typhon, éruption volcanique,
catastrophe naturelle.
L’objectif de la cellule de crise consiste en priorité à sécuriser les
équipes opérationnelles, les personnes physiques potentiellement
impactées par l’évènement, de la manière la plus rapide possible.
L’entreprise doit se donner les moyens de réaliser cette sécurisation
dans les meilleurs délais, sans autre action immédiate. Cette sécurisation peut se faire de multiples façons, en fonction du contexte et de
la zone géographique à traiter : rapatriement sanitaire, envoi d’aide
médicalisée urgente, mise en œuvre de solutions de sauvegarde,
déplacements, etc.
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« L’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la porte. »
PROVERBE CHINOIS
Chapitre 6
Anticiper les crises en gérant les risques
Gestion des risques et gestion de crise : même combat ?
À l’approche de la fin de cet ouvrage, il semble maintenant judicieux
de s’interroger sur la pertinence, voire la cohérence des démarches
entre, d’une part, les dispositifs de gestion des risques et, d’autre
part, les démarches et les méthodes opérationnelles de gestion de
crise.
En effet, nous pourrions être tentés de considérer que la gestion des
risques ne s’attache qu’à l’identification des fragilités ou des enjeux
potentiels. Alors que la gestion de crise, elle, s’attache à assurer l’efficacité de traitement d’une situation sensible déclarée, quelle qu’elle
soit, et quels que soient les faits générateurs y ayant contribué.
Force est de constater qu’il s’agit in fine, et même si les démarches
sont différentes, du même combat.
Fondamentalement, les mécanismes de gestion de crise doivent
s’appuyer sur les outils, les méthodes et les démarches mises en œuvre
dans l’entreprise au titre de la gestion des risques. Les enjeux de détectabilité, de sévérité et d’occurrence vont notamment permettre de prioriser au mieux les thématiques à traiter de manière prioritaire.
La gestion des risques permet à la gestion de crise de rationaliser et
de factualiser ces démarches préventives. La concrétisation et la mise
en œuvre des plans de continuité d’activité vont s’appuyer sur l’expérience acquise au titre de la gestion des risques.
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LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
Il semble donc que les démarches de gestion des risques constituent
le cœur des dispositifs de gestion de crise. C’est, tout à la fois, vrai et
faux.
C’est vrai, car les principaux faits générateurs des crises que rencontrera l’entreprise trouveront leur source dans les risques de l’organisation. Plus les risques seront détectés, identifiés et maîtrisés de manière
préventive et plus le dispositif de gestion de crise sera efficient.
Mais c’est faux, car la dynamique de traitement des crises n’a rien de
comparable avec les mécanismes de gestion des risques. Alors que la
gestion des risques s’attache à identifier de manière exhaustive puis
priorisée les éventuelles fragilités, susceptibles de remettre en cause
la pérennité de l’organisation, les processus de gestion de crise s’attachent, quant à eux, à agir et réagir dans l’immédiateté, la soudaineté,
en assurant la plus grande clairvoyance dans la décision.
En situation de crise, l’heure n’est pas à l’analyse, mais à l’action.
Les processus de gestion de risques et de gestion de crises semblent
donc s’opposer sur ce point majeur. En fait, et à bien y regarder, il ne
s’agit pas d’une opposition, mais d’une complémentarité de vues et
d’actions.
Gestion de risques, un vecteur d’anticipation
Les dispositifs de gestion des risques dans l’entreprise visent pour
l’essentiel à identifier au mieux les risques entrants. De fait, la gestion
des risques s’attache à anticiper l’émergence de fragilités susceptibles
de déstabiliser l’organisation de manière préventive.
L’art de la gestion des risques consiste donc à mettre en œuvre des
processus opérationnels robustes, permettant à l’entreprise d’identifier
les enjeux principaux à traiter. La réflexion s’inscrit dans la durée, sur
le long terme, avec un objectif essentiel à atteindre : préserver la pérennité de l’organisation.
Au sein de l’entreprise, les dispositifs de gestion des risques contribuent prioritairement à l’analyse et à la détection des risques potentiels
susceptibles d’impacter l’organisation à terme.
142
ANTICIPER LES CRISES EN GÉRANT LES RISQUES
Gestion de crise, vecteur de survie
Fondamentalement, les dispositifs de gestion de crise s’attachent,
quant à eux, à assurer la pérennité de l’organisation à très court terme,
dans un contexte contraint de ressources, de temps, fragilisé par
l’occurrence d’un évènement majeur, déstabilisant.
La démarche de gestion de crise consiste donc à rechercher le renforcement certain et immédiat de la pérennité de l’organisation, sans
trop se préoccuper des enjeux de long terme. L’immédiateté, la mise
en œuvre d’actions et de décisions permanentes caractérisent les
mécanismes de gestion de crise, sur une échelle de temps le plus
souvent restreinte.
Les dispositifs de gestion de crise ont un objectif commun : assurer la
pérennité immédiate de l’entreprise, fragilisée par un fait générateur
impactant et fragilisant.
Complémentarité
De fait, les mécanismes de gestion des risques et de gestion de crise
sont profondément complémentaires. Ils s’attachent, l’un comme
l’autre, à renforcer la pérennité des organisations. Mais leur horizon est
différent. La gestion de crise travaille dans l’immédiateté, la réactivité,
l’instant. Les démarches de gestion des risques privilégient la réflexion
approfondie, la vision maximaliste des enjeux, le long terme.
Au final, les dispositifs de gestion des risques et de gestion de crise
sont fondamentalement complémentaires. Ils doivent être mis en
œuvre en complémentarité et en complète cohérence, s’appuyant pour
l’essentiel sur des évènements, des faits et dispositifs communs.
Les démarches de gestion des risques et de gestion de crise sont complémentaires. Leurs horizons temporels et d’objectifs sont différents,
mais ils contribuent tous deux au même but : la recherche de la pérennité de l’organisation.
Fédération
Au-delà des enjeux de pérennité, non négligeables (!), la mise en œuvre
de mécanismes robustes de gestion de crise dans les organisations
va permettre à l’entreprise de cultiver deux dimensions riches de sens :
143
LA GESTION DE CRISE EN ENTREPRISE
la fédération des équipes autour d’un objectif commun, ainsi qu’un
véritable levier de différenciation.
À partir du moment où une crise se déclare dans une organisation,
toutes les forces vives doivent être mobilisées, motivées et fédérées
autour d’un objectif commun : la maîtrise effective de la crise et la sortie
de crise, dans les meilleures conditions pour tous. Il s’agit donc d’un
vecteur fort de fédération des équipes, qu’il convient de consolider et
cultiver en permanence.
La plongée de l’entreprise dans un contexte fondamentalement incertain, risqué, va conduire à l’exacerbation des caractères, des comportements, des tensions. Ce phénomène est tout à fait naturel, la mise
sous tension d’une organisation mettant en permanence en lumière les
caractéristiques intrinsèques de chacun, points forts comme points
d’amélioration. Il est primordial que l’entreprise, en contexte de crise,
assure la fédération des équipes autour de l’objectif commun de tous :
la sortie de crise dans les meilleures conditions.
Déployer des dispositifs structurés de gestion de crise contribue à
fédérer les équipes et les collaborateurs sur la sensibilité de ce genre
de situation atypique, et permet notamment d’affirmer l’attachement,
l’engagement des uns et des autres autour d’un enjeu commun : la
préservation de la structure, donc de l’emploi, donc de l’intérêt individuel et collectif.
L’entreprise doit fédérer les équipes autour de la pérennité de l’organisation, d’une manière générale. Cette dimension devient particulièrement prégnante en contexte de crise.
De même, et de la même manière que les mécanismes de gestion de
risques, la mise en œuvre de démarches de gestion de crise va accroître la compétence et la connaissance des acteurs de l’entreprise : sens
critique et de l’observation développé, capacité accrue de relativisation
et de pragmatisme, gestion des priorités et des contraintes, transversalité des actions et des décisions, prise en compte permanente de
l’incertitude, adaptabilité... Autant de leviers permettant d’améliorer
l’efficacité, la performance et les compétences des équipes.
La gestion de crise, au-delà de l’expérimentation, irremplaçable,
constitue une formidable école de formation et de vie, au-delà des
enjeux opérationnels à maîtriser dans l’organisation.
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ANTICIPER LES CRISES EN GÉRANT LES RISQUES
Différenciation
En outre, la mise en œuvre de dispositifs de gestion de crise contribue
fortement à l’amélioration des éléments de différenciation de l’entreprise. Face à une crise déclarée, en fonction de la maturité des équipes,
de la fiabilité et de l’efficacité des méthodes déployées, l’entreprise se
différencie de ses concurrents, de ses clients, de ses partenaires.
Une crise bien gérée, c’est la preuve d’une pérennité, de la robustesse
des dispositifs internes de gestion et de traitement des enjeux critiques. Et de l’acuité de la vision de l’équipe dirigeante, qui a su investir
sur des pratiques essentielles.
Une crise bien gérée, c’est un retour d’expérience à partager avec ses
clients, ses prospects, ses partenaires, ses fournisseurs. Véhicule
d’image de performance et d’efficacité.
Par contre, une crise mal gérée, c’est peut-être une entreprise à terre,
fragilisée durablement, en qui la confiance des tiers peut - va s’émousser. C’est la promesse d’instabilité durable, de pérennité
remise en cause, de mort annoncée...
La mise en place de mécanismes et de dispositifs de gestion de crise
conforte la pérennité de l’organisation. Elle doit s’appuyer sur des dispositifs de gestion des risques robustes, mais doit être comprise et
déployée de manière dédiée, compte tenu de la spécificité des
démarches à conduire.
Apports méthodologiques de la gestion des risques au pilotage
des crises
Comme nous l’avons précisé dans une précédente publication, les
démarches méthodologiques mises en œuvre au titre de la gestion des
risques en entreprise s’avèrent être particulières. Peut-on s’appuyer
sur ces référentiels dans la mise en œuvre de processus de gestion
de crise ?
La réponse à cette question va être assez simple : oui !
Fondamentalement, la gestion de crise va s’appuyer sur les mécanismes de la gestion des risques. Notamment, les phases d’identifica-
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