Droit à l`autodéterminaquoi ? Le 26 juin 1945 à San Francisco, la

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Droit à l`autodéterminaquoi ? Le 26 juin 1945 à San Francisco, la
Droit à l’autodéterminaquoi ?
Le 26 juin 1945 à San Francisco, la Charte des Nations Unies
est signée par les représentants de 50 des Etats membres de
l’époque. Parmi ses buts principaux figure celui de
« développer entre les nations des relations amicales fondées
sur le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit
à disposer d’eux-mêmes » (article 1, §2). Ce droit à
l’autodétermination implique le libre choix d’un Etat de son
statut politique et de son développement économique, social et
culturel, mais aussi la souveraineté des peuples sur leurs
ressources naturelles, la non-discrimination, le règlement
pacifique des différends, la bonne foi dans l’accomplissement
des obligations et dans les relations internationales, le nonrecours à la force, la coopération internationale et le respect
des Etats de leurs engagements internationaux, notamment en
matière de droits humains[1].
A titre préliminaire, il faut préciser que le droit, bien qu’étant
une discipline très utile, visant un certain équilibre et une
justice, est aussi une discipline très frustrante. En médecine, il
arrive que, malgré la perfection des gestes du médecin et des
outils dont il dispose, il ne parvienne à sauver son patient. Ici,
c’est exactement pareil. En droit international public, cette
frustration est particulièrement forte, car 70 ans après la mise
en place de cette Charte, il va sans dire que dans certains
Etats, ses buts ne représentent même pas une lumière au bout
d’un long tunnel.
A son article 56, la Charte prévoit que les « membres
s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’article 55
[qui contient notamment le même principe qu’à l’article 1], à
agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec
l’Organisation ». Vraisemblablement, nombreux sont les Etats
qui ont de la peine à saisir le sens de cette disposition. Ces
derniers, liés par la Charte, sont généralement représentés par
des délégués onusiens qui excellent dans l’art de la rhétorique
politique. Ces représentants aiment affirmer en Commission,
de but en blanc, que l’objectif prioritaire de leur pays est le
respect des droits humains et des outils internationaux, alors
qu’au moment où ils sont assis confortablement dans les salles
de réunions genevoises ou newyorkaises, pianotant sur leurs
téléphones, les pires exactions sont commises.
Le droit à l’autodétermination a constitué, lors de la deuxième
moitié du XXème siècle, le fondement juridique et politique
du processus de décolonisation, qui a donné naissance à une
soixantaine de nouveaux Etats[2]. En plus de la Charte
précitée, il est prévu dans de nombreux autres outils : les
Pactes internationaux relatifs aux droits humains de 1966,
mais aussi la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux
pays et aux peuples coloniaux (ou Résolution 1514 (XV) de
l’Assemblée générale de l’ONU, adoptée le 14 décembre
1960). Cette dernière estime que « la sujétion des peuples à
une subjugation, à une domination et à une exploitation
étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de
l’homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et
compromet la cause de la paix et de la coopération
mondiales ». Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et celui relatif aux droits
civiques et politiques prévoient également le droit à
l’autodétermination, dans des termes semblables à ceux de la
Charte. Enfin, ce droit est aussi consacré par des instruments
régionaux, comme la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples, adoptée en 1981 et ratifiée par 53 Etats de
l’Union africaine.
Concrètement, en parallèle à l’établissement de traités, des
demandes sont faites auprès de commissions onusiennes pour
faire en sorte que le droit à l’autodétermination de certains
peuples, qu’ils font valoir depuis des lustres, soit respecté, des
forums et des festivals de films de droits humains se mettent
en place, des articles de journaux sont rédigés sur le sujet, des
débats se font dans des cafés, des actions sont organisées sur
les réseaux sociaux, des manifestations prennent place dans les
rues, mais, en réalité, la Communauté internationale reste
spectatrice du non-respect de ce droit par de nombreux
gouvernements.
Malgré tout, certaines instances ont permis à des peuples de
retrouver leur droit à disposer d’eux-mêmes : au niveau
régional, la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples, un instrument de contrôle quasi-judiciaire, a pour
rôle de surveiller, entre autres, le respect de la Charte du
même nom. Les Etats parties doivent lui présenter des rapports
sur les mesures prises pour respecter les buts de la Charte et
des individus ou ONG peuvent lui adresser des réclamations
en cas de violations. Cependant, ses recommandations ne sont
pas contraignantes[3]. La Cour africaine des droits de
l’homme, un instrument de contrôle judiciaire créé en 1998,
permet de réparer le tort de victimes de violations de la Charte
par des Etats parties. De l’autre côté de l’Atlantique, la
Commission interaméricaine des droits de l’homme et la Cour
du même nom surveillent la bonne application de la
Convention américaine des droits de l’homme par les Etats
parties[4].
Au niveau international, seule la Cour internationale de justice
permet un contrôle judiciaire du droit à l’autodétermination.
Cette Cour a notamment eu l’occasion de se prononcer sur le
droit à la souveraineté du Nicaragua, après violation des EtatsUnis de l’obligation de ne pas intervenir dans les affaires d’un
autre Etat, de ne pas recourir à la force et de ne pas porter
atteinte à la souveraineté d’un autre Etat[5]. Seulement, cette
dernière ne peut être saisie que par l’intermédiaire d’un Etat,
alors que le cœur du problème réside, dans certains cas, dans
le fait qu’un peuple se réclame d’un Etat qui n’est pas reconnu
par l’ensemble de la Communauté internationale. De plus,
comme la plupart des cours internationales, elle croule sous le
nombre de dossiers à traiter. La clé du respect du droit à
l’autodétermination est donc malheureusement le temps, qui
permettra la création de plus de commissions et de cours et de
ce fait, un contrôle plus strict et effectif.
Laurence Amsalem
[1] Melik Özden, Christophe Golay, Le droit des peuples à
l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles sous l’angle des droits humains, p. 12.
[2] Melik Özden, Christophe Golay, Le droit des peuples à
l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles sous l’angle des droits humains, p. 3.
[3] Melik Özden, Christophe Golay, Le droit des peuples à
l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles sous l’angle des droits humains, p. 48.
[4] Melik Özden, Christophe Golay, Le droit des peuples à
l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles sous l’angle des droits humains, p. 50.
[5] Melik Özden, Christophe Golay, Le droit des peuples à
l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles sous l’angle des droits humains, p. 53.