Ds/ Exp La scolarisation des enfants sourds et malentendants dans

Transcription

Ds/ Exp La scolarisation des enfants sourds et malentendants dans
Document satellite
Collection Retour d’Expérience
La scolarisation des enfants
sourds et malentendants
dans les écoles ordinaires
du Burkina Faso
Programme Burkina Faso / Niger
Juin 2011
Ds/ E xp 03
Auteur
Sandra Boisseau
Contributeurs
Gilles Ceralli
Hannah Corps
Xavier Joubert
Edition
Handicap International
Direction des Ressources Techniques / Programme Burkina Faso - Niger
14, avenue Berthelot
69361 Lyon cedex 07
France
Editing
Stéphanie Deygas
Pôle Management des Connaissances
Publications Professionnelles
Crédits photographiques
© Sandra BOISSEAU / Handicap International
Remerciements
Cette publication n’aurait pu voir le jour sans le soutien de la Direction des Ressources
Techniques de la Fédération Handicap International. Je tiens à remercier en particulier
Hannah CORPS et Gilles CERALLI, Référents Techniques Education Inclusive, ainsi que
Xavier JOUBERT, le directeur du programme Burkina Faso-Niger, et l’ensemble de
l’équipe Education Inclusive au Burkina Faso pour leur appui permanent tout au long de
ma mission. Ils m’ont permis de disposer de documents internes qui ont facilité l’écriture
de ce document. Le texte se trouve enrichi de leurs contributions.
Mes remerciements vont également à toutes celles et tous ceux qui, au Burkina Faso,
ont participé à des réunions de travail, des rencontres et des séminaires pour créer du
savoir commun. Un grand merci aux enfants et à leurs parents pour leurs témoignages
et aux enseignants pour leur engagement.
2
Document Satellite
Collection Retour d’Expérience
La scolarisation des enfants sourds et malentendants
dans les écoles ordinaires du Burkina Faso
Introduction.......................................................................................................................... 4
Partie 1 - L’inclusion des enfants sourds et malentendants en milieu scolaire
ordinaire
I. Historique du dispositif................................................................................................... 8
II. La mise en œuvre : étape par étape........................................................................... 13
Partie 2 - Résultats et outils développés
I. Résultats..........................................................................................................................26
II. Quelques outils développés dans le cadre du suivi des enseignants..................32
Partie 3 - Quelques pistes d’action pour le développement des interventions
futures
I. Synthèse des forces et des faiblesses du dispositif ...............................................38
II. Recommandations ........................................................................................................40
Conclusion...........................................................................................................................43
Sigles et Abréviations ......................................................................................................44
Bibliographie ......................................................................................................................45
3
Introduction
Dans les pays développés comme dans les pays en développement, appréhender la
question de la scolarisation des enfants à besoins éducatifs spécifiques fait l’objet de
nombreux débats.
Enfants à besoins éducatifs spécifiques
Cette notion provient de l’anglais children with special educational needs, dont la
déclinaison est différente en fonction des pays. Un point commun : ces enfants ont
besoin d’une « éducation spéciale », mais ne sont pas pour autant exclus du système
éducatif ordinaire. Elle recouvre une population d'élèves très diversifiée avec, par
exemple, un handicap physique, sensoriel, intellectuel ; de grandes difficultés
d'apprentissage ou d'adaptation ; les enfants intellectuellement précoces ; les enfants
malades ; les enfants en situation familiale ou sociale difficile ; les mineurs en milieu
carcéral ; les enfants du voyage.
Source : « European agency for development in special needs »
Pendant longtemps, la seule réponse apportée au problème posé par les enfants et les
adolescents handicapés a été leur placement dans des structures spécialisées. Les
expériences ont montré, dans de nombreux pays, les limites d’un système qui repose
uniquement sur les structures associatives comme étant « responsables » de la prise en
charge socio-éducative des enfants handicapés. Ces enfants sont très souvent isolés et
sans véritable contact avec la société.
Alors que les cadres internationaux soulignent le droit à une éducation de qualité pour
tous les enfants, l’idée que les structures spécialisées constituent l’unique solution pour
l’éducation des enfants handicapés ne semble plus aussi forte. Aujourd’hui, les
gouvernements et les décideurs sont forcés de reconnaître la nécessité de proposer des
systèmes qui accordent une place à tous les enfants quels que soient leurs besoins
éducatifs. Les options de scolarisation prises sont parfois très différentes, certains pays
privilégiant l’existence de systèmes parallèles (système spécialisé et système
classique), d’autres préférant mettre en avant l’idée d’inclusion de tous les enfants dans
un même système éducatif. Certains pays ont fait le choix d’une approche intermédiaire,
avec la création de classes intégrées dans l’école ordinaire.
Au Burkina Faso, dans un contexte où les difficultés intrinsèques au système éducatif
sont nombreuses, envisager l’éducation des enfants handicapés dans le même
environnement scolaire et les mêmes conditions d’apprentissage que tous les autres
enfants peut apparaître hypothétique.
Pourtant, Handicap International, qui travaille avec ses partenaires dans le domaine de
l’Education Inclusive (EI) au Burkina Faso depuis plus de dix ans 1, a opté en 2005 pour
1
Voir le document satellite « Scolariser les enfants handicapés au Burkina Faso : un exemple
d’approche en éducation inclusive », Handicap International, Juillet 2011
(http://www.hiproweb.org/uploads/tx_hidrtdocs/DSExp02EIBF_light.pdf)
4
une démarche novatrice. Dans le souci de proposer un dispositif de qualité adapté aux
réalités du pays, et qui réponde aux besoins éducatifs d’un certain nombre d’élèves avec
des déficiences sévères, l’organisation a développé avec le Ministère de l’Enseignement
de Base et de l’Alphabétisation (MEBA) un dispositif d’inclusion des enfants sourds et
malentendants dans les écoles ordinaires.
Cinq ans après, l’expérimentation se doit d’être partagée, même si elle se trouve
toujours dans sa phase pilote. Les enseignements tirés de cette expérience doivent en
effet être disponibles à la fois pour les parties prenantes directement impliquées, mais
également pour tout autre acteur intéressé par la même problématique. Pour les acteurs
qui travaillent à la conception et à l’analyse de plans nationaux d’éducation, nous
espérons que ce document pourra les aider à identifier des stratégies afin de faire un
pas vers un système éducatif inclusif et que chaque enfant ait accès à une éducation de
qualité.
Le présent document se donne pour objectifs, d’une part de présenter le dispositif à
travers son fonctionnement et dans toutes ses étapes, et d’autre part de dresser un état
des lieux des résultats de l’expérimentation. La troisième partie propose des
recommandations, afin d’améliorer le dispositif existant et de planifier les actions
futures en matière d’inclusion.
Ce document vient compléter le document satellite 2 sur les 10 ans d’expérience de
Handicap International dans le domaine de l’éducation inclusive au Burkina Faso.
Méthodologie
La première étape a consisté en une revue de l’ensemble des documents disponibles sur
le programme Burkina Faso-Niger relatifs à l’expérimentation des Classes Transitoires
pour l’Inclusion Scolaire (CTIS).
La deuxième étape a été de proposer à l’appréciation de la Direction des Ressources
Techniques et du secteur Education Inclusive une version provisoire du document.
La troisième étape a permis de prendre en compte les commentaires des personnes
associées à la relecture de l’ouvrage en vue de son amélioration et de proposer la
version finale.
2
Voir le document satellite « Scolariser les enfants handicapés au Burkina Faso : un exemple
d’approche en éducation inclusive », Handicap International, Juillet 2011
(http://www.hiproweb.org/uploads/tx_hidrtdocs/DSExp02EIBF_light.pdf)
5
PARTIE 1
L’inclusion des enfants sourds et malentendants
en milieu scolaire ordinaire
I. Historique du dispositif
A) Partir du constat que les enfants avec une déficience sévère ne sont pas intégrés
dans le système scolaire classique……………………………………………………………………………………8
B) Envisager des solutions éducatives inclusives pour répondre à cette situation
d’inégalité qui prévaut……………………………………………………………………………………………………….9
II. La mise en œuvre : étape par étape
A) Consultations puis analyse des regroupements possibles pour accueillir les
CTIS…………………………………………………………………………………………………………………………………..13
B) Réhabiliter et équiper les salles de classe…………………………………………………………………..13
C) Préparer les enseignants……………………………………………………………………………………………..13
D) Doter les classes en matériel pédagogique………………………………………………………………….14
E) Plaidoyer auprès des autorités éducatives………………………………………………………………….14
F) Sensibiliser les parents d’enfants sourds et malentendants à la question de
l’éducation…………………………………………………………………………………………………………………………14
G. Visiter les familles pour lever les freins à la scolarisation de certains enfants sourds
et malentendants………………………………………………………………………………………………………………15
H) Assurer la formation continue des enseignants des CTIS et des encadreurs de la CEB
et du SPEI………………………………………………………………………………………………………………………….21
I) Soutenir les enseignants dans les classes…………………………………………………………………….21
J) Poursuivre la sensibilisation de tous les parents………………………………………………………..24
6
L’expérience des Classes Transitoires pour l’Inclusion Scolaire des enfants sourds et
malentendants est à inscrire dans le contexte plus large d’actions entreprises par
Handicap International et ses partenaires depuis 1998 pour la promotion de l’éducation
inclusive au Burkina Faso. Les interventions visent à promouvoir le droit des enfants
handicapés à une éducation adaptée et de qualité, en améliorant l’offre de service
éducative, selon une approche inclusive.
De nombreuses activités ont été menées tout au long des différentes phases des projets
développés, tant au niveau du renforcement des capacités des partenaires et des
acteurs éducatifs, que de la sensibilisation, du plaidoyer et de la conception de
dispositifs d’inclusion.
Rappel du contexte éducatif du Burkina Faso : la loi fondamentale en vigueur
stipule que tous les citoyens ont droit à l’éducation. Elle fait de l’éducation de base une
priorité nationale et rend la scolarisation obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans sans
discrimination de genre, d’origine sociale, de race ou de religion (Loi n°013-2007/AN
adoptée le 30 juillet 2007).
Depuis quelques années, certaines associations nationales telles que le Centre
d’Education et de Formation Intégrée des Sourds et des Entendants (CEFISE) 3, l’Union
Nationale des Associations Burkinabé pour la Promotion des Aveugles et des
Malvoyants (UN ABPAM) 4, la Fondation Internationale Tierno et Mariam (FITIMA) 5 ou
l’Association des Parents et amis d’Enfants Encéphalopathes (APEE) 6 travaillent à
l’intégration des enfants avec une déficience sévère en milieu scolaire ordinaire, soit au
sein de leurs propres écoles, soit au sein des écoles classiques avec lesquelles une
3
Créé en 1988, le CEFISE est une association de droit burkinabé comprenant des écoles, un
service audio-logique, un service orthophonique en vue de l’épanouissement des personnes
déficientes auditives. Fort d’une longue expérience dans l’encadrement des enfants et jeunes
handicapés, le CEFISE s’est donné comme ambition leur formation dans un cadre intégré avec les
enfants entendants et leur insertion dans le tissu socio-économique du pays. Pour plus
d’informations, http://www.cefise.org/fr.
4
L’UN ABPAM a pour mission essentielle de contribuer à l'insertion sociale et professionnelle de
personnes déficientes visuelles. Elle travaille, en tant que fédération, au renforcement
organisationnel de ses quelques 60 organisations membres, participe à des réseaux et
plateformes, mène des actions de lobbying, développe un système d'éducation et de formation,
contribue à l’insertion ou à la réinsertion de personnes déficientes visuelles.
5
La FITIMA est une ONG burkinabé créée en 2003 qui a pour objectif de venir en aide aux
enfants et adolescents ayant un handicap moteur (associé ou non à une déficience intellectuelle),
et notamment de maladies neuromusculaires par une prise en charge globale (médicale,
paramédicale, nutritionnelle, socio-éducative). Pour plus d’informations, http://www.fitima.org.
6
L’APEE, créée en 1988, est une association de parents, amis et sympathisants d’enfants
déficients intellectuels atteints de troubles mentaux et de handicaps associés. Pour en savoir
plus, http://www.apee.bf.
7
collaboration existe. Dans ce cas, le processus d’intégration est précédé d’un passage
pendant au moins deux ans dans une classe spéciale de la structure. Les enfants
bénéficient d’une préparation spécifique (par exemple, apprentissage de la langue des
signes ou du braille) avant leur scolarisation à l’intérieur ou à l’extérieur de la structure
lorsque la scolarisation en milieu ordinaire est rendue possible. L’élève reçoit alors,
quelques heures par semaine, l’appui d’un intervenant extérieur – un enseignant
spécialisé de l’association - pour le soutenir dans le suivi des cours et l’aider si besoin
dans son travail scolaire.
Handicap International reste encore aujourd’hui l’un des seuls partenaires
internationaux qui appuie des expériences d’inclusion en milieu scolaire ordinaire.
Cette partie aborde les origines et le fonctionnement étape après étape du dispositif
pilote mis en place en 2004.
I. Historique du dispositif
A) Partir du constat que les enfants avec une déficience sévère ne sont pas
intégrés dans le système scolaire classique
Au cours de l’année 2004, l’identification menée au sein de la circonscription scolaire de
Tanghin Dassouri des enfants ayant une déficience a permis de repérer 77 enfants
sourds et malentendants âgés de 6 à 16 ans. 60 d’entre eux ont bénéficié d’une
consultation médicale, 39 en âge d’entrer au Cours préparatoire 1ère année (CP1) étaient
déclarés sourds et malentendants. Ces enfants ne pouvaient être inscrits en intégration
individuelle dans les classes ordinaires, faute de ressources humaines et matérielles
suffisantes pour permettre leur scolarisation.
A la rentrée scolaire 2004-2005, 61 enfants avec un handicap physique, sensoriel léger
ou une maladie invalidante (telle que la drépanocytose par exemple) sont orientés et
inscrits en classe de CP1 dans les écoles de la circonscription. Leur scolarisation, pour
qu’elle soit possible, nécessite une adaptation limitée du système scolaire. Des actions
sont mises en œuvre afin de :
 donner une formation de base aux enseignants pour les aider à prendre en charge
tous les enfants de la classe quelle que soit leur différence ;
 installer les élèves qui en ont besoin à un emplacement favorable dans la classe
pour qu’ils puissent entendre ou voir le maître ;
 rendre accessibles les locaux par divers aménagements ;
 reculer l’âge de la scolarisation.
Dans les cas de déficience sévère (surdité, cécité, polyhandicap), les légères adaptations
du système ne suffisent plus. Face à un enfant avec une déficience sévère, l’enseignant
se trouve souvent démuni. Quel mode de communication adopter avec un enfant sourd ?
Quelles méthodes pédagogiques adaptées proposer à cet enfant si le maître n’a pas suivi
de formation précise ?
8
Pour ces raisons, sur l’ensemble des enfants consultés en 2004, 41% restent sans
proposition de scolarisation en classe ordinaire 7 pour cause de déficiences sensorielles
ou mentales sévères.
Nombreux donc sont les enfants qui restent en attente de solutions éducatives. Ces
enfants qui n’ont pas la possibilité de rejoindre des structures spécialisées, car trop
éloignées de leur lieu d’habitation et trop onéreuses, sont contraints de rester en dehors
de toute forme d’éducation. Face à cette situation, il a donc fallu réfléchir à la mise en
place de procédés originaux pour permettre la scolarisation en milieu ordinaire des
enfants dont le handicap nécessite une prise en charge spécifique. C’est ainsi que
Handicap International a pris l’option d’étudier des stratégies d’intégration collective en
concertation avec les associations spécialisées et le Ministère de l’Enseignement de
Base et de l’Alphabétisation (MEBA).
B) Envisager des solutions éducatives inclusives pour répondre à cette
situation d’inégalité qui prévaut
Au cours du premier semestre 2005, les responsables de Handicap International et du
MEBA envisagent des solutions éducatives alternatives pour les enfants qui n’ont pas la
possibilité de rejoindre des structures spécialisées, car inexistantes à Tanghin Dassouri.
On s’inspire alors du « modèle » français d’intégration scolaire que l’on souhaite adapter
au contexte du Burkina Faso.
De l’idée de classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) : une classe intégrée dans
l’école
Les CLIS 8, telles que développées dans de nombreux pays francophones, permettent
l’accueil dans une école primaire ordinaire d’un groupe d’enfants présentant le même
type de handicap. Les élèves participent à la vie ordinaire de l'école et les intégrations
individuelles, à temps plus ou moins partiel, sont favorisées dans les autres classes dans
toute la mesure du possible. La mise en place d’un tel dispositif est l'affaire de tous les
enseignants de l'école et non pas uniquement des enseignants des CLIS. Pour qu'une
CLIS trouve sa place dans une école, un minimum d'adhésion et de disponibilité sont
nécessaires de la part de l'ensemble des acteurs éducatifs.
Circulaire n° 2009-087 (texte émanant du Ministère français de l’éducation
nationale)
La classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) est une classe de l’école, et son projet est
inscrit dans le projet d’école. Elle a pour mission d’accueillir de façon différenciée dans
certaines écoles élémentaires ou exceptionnellement maternelles, des élèves
handicapés, afin de leur permettre de suivre totalement ou partiellement un cursus
scolaire ordinaire.
7
Lettre mensuelle de l’EI, n°4, janvier 2005.
8
Circulaire n°2009-087 du 17-7-2009. Bulletin officiel n°31 du 27/08/2009. 9
Se démarquer du système français et souligner l’aspect transitoire
En prenant comme point de départ l’organisation de la CLIS, le dispositif développé à
Tanghin Dassouri prévoit une transition de l’élève de la CTIS vers la classe ordinaire à un
moment donné de sa scolarité. L’aspect transitoire revêt un caractère important, d’où
l’appellation de Classe Transitoire pour l’Inclusion Scolaire (CTIS). Les classes
transitoires sont vues comme un soutien nécessaire en matière d’apprentissage pour
certains enfants handicapés afin qu’ils accèdent au système éducatif ordinaire.
« Handicap International ne crée pas de systèmes ou de services nouveaux ou
supplémentaires pour les enfants handicapés, mais œuvre au sein du système existant
en aidant les services nationaux et locaux à fournir le soutien nécessaire aux enfants
handicapés » (extrait du document de positionnement en Education Inclusive de
Handicap International).
Ainsi, trois CTIS ouvrent en décembre 2005 pour les enfants sourds et malentendants
au sein de trois écoles publiques de la circonscription, qui sont choisies en fonction de la
répartition géographique des enfants à scolariser. Les écoles de Tanghin, Ouansoa et
Application « A » sont identifiées. Ces classes sont conduites par trois enseignants
volontaires.
Fonctionnement et organisation du dispositif
Les schémas ci-dessous représentent le modèle tel qu’il a été imaginé (schéma 1) et
l’organisation administrative du dispositif qui fait apparaître les différents niveaux
impliqués au sein du MEBA (schéma 2). Handicap International apporte sa contribution
financière au MEBA et l’appui technique nécessaire à la mise en place du dispositif.
L’ONG soutient également financièrement le CEFISE et la Fédération des Ecoles des
Sourds et malentendants (FES-BF), deux structures associatives identifiées pour
intervenir auprès du Service de Promotion de l’Education Intégratrice (SPEI) 9, de la
circonscription d’éducation de base (CEB) et des écoles en proposant leur expertise
dans le domaine de la prise en charge éducative de la déficience auditive.
9
Le SPEI est sous la tutelle de la Direction du Développement de l’Enseignement de Base (DDEB)
au sein du MEBA.
10
Schéma 1 - MODÈLE DÉVÉLOPPÉ
École ordinaire
Cycle primaire
CTIS 1ère année
CTIS 1ère - 2ème
années
CTIS 2ème année
Classe ordinaire CE1
Classe ordinaire CE2
Composition des classes
L’enseignant reçoit une formation initiale
en langue des signes, et accueille dans sa
classe uniquement des enfants sourds et
malentendants.
L’enseignant est recyclé à travers des sessions de
formation complémentaire. Il accueille dans sa
classe le même groupe d’enfants (enfants sourds
et malentendants).
2 enseignants : l’enseignant référent (ou enseignant
principal) est celui de la CTIS ; il reçoit des
formations complémentaires. L’enseignant
suppléant est celui de CE1, il reçoit une formation
initiale à la langue des signes et vient en appui à
l’enseignant principal. Dans la classe : groupe mixte
d’élèves constitué d’enfants entendants et enfants
sourds et malentendants de la CTIS.
Même composition que précédemment. L’enseignant
suppléant est celui de CE2. Il est formé à la langue
des signes.
Classe ordinaire CM1
Même composition que précédemment. L’enseignant
suppléant est celui de CM1. Il reçoit une formation
initiale en langue des signes.
Classe ordinaire CM2
Même composition que précédemment.
L’enseignant suppléant est celui de CM2. Il reçoit
une formation initiale en langue des signes.
CE 1 et 2 = cours élémentaire
CM 1 et 2 = cours moyen
11
Schéma 2 - Organisation administrative
Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (MEBA)
Structures centrales
DGEB
Rôle de coordination des activités d’éducation
DDEB
Rôle de supervision dans la mise en place du
dispositif
SPEI
Rôle de suivi de la mise en œuvre du
dispositif
Structures déconcentrées
DPEBA – Service d’appui et d’encadrement
Appui à la mise en œuvre du dispositif
CEB
Mise en œuvre du dispositif, encadrement et
suivi pédagogique des enseignants avec le
concours des associations
École Application «A»
CTIS
École
Ouansoa
CTIS
École
Tanghin
CTIS
12 II. La mise en œuvre : étape par étape
A) Consultations puis analyse des regroupements possibles pour accueillir les CTIS
La répartition par type de déficience des données de la consultation générale en début
de projet (2004) a montré que les enfants ayant une déficience sensorielle
représentaient 33% de l’ensemble des enfants consultés. Parmi eux, les enfants ayant
une déficience auditive constituaient le plus large groupe. La décision d’ouvrir une CTIS
a été ensuite évaluée en fonction du nombre d’enfants résidant dans la zone ou à
proximité, et en considérant la distance entre l’école et le lieu d’habitation de ces
enfants (tout au plus 3 à 4 kilomètres). La disponibilité d’un local pour y héberger la
classe a été le second critère du choix de l’école, car ni le MEBA ni Handicap
International ne disposaient de ressources financières pour la construction de nouveaux
bâtiments. A l’issue de ce processus, trois écoles de trois villages ont été désignées pour
abriter les CTIS : l’école Application «A» située dans le centre de Tanghin Dassouri avec
12 élèves, l’école de Tanghin à l’Ouest avec 6 élèves et l’école de Ouansoa au Nord avec
14 élèves.
B) Réhabiliter et équiper les salles de classe
Dans les trois écoles ciblées, les locaux qui
sont disponibles sont des logements de
fonction de maîtres non habités. Avant
d’envisager la rentrée des élèves dans ces
futures classes, il a fallu les réfectionner et les
aménager avec des tables bancs pour les
élèves, des bureaux pour les enseignants et un
tableau noir pour chacune des classes. Il est à
noter que comme il s’agit d’anciens logements,
les CTIS sont situées dans la cour de l’école,
mais en retrait des autres salles de classe. Ce
qui peut souligner le caractère « particulier »
de ces classes dans l’école.
C) Préparer les enseignants
La formation des enseignants, qui est proposée en plusieurs temps, leur permet
d’acquérir des compétences indispensables pour l’accompagnement scolaire des élèves
de la CTIS. La formation initiale vise l’acquisition de connaissances de base en langue
des signes. Ensuite, la formation continue doit permettre aux enseignants d’actualiser
leurs connaissances et leurs compétences pour mieux répondre aux besoins particuliers
des élèves qui leur sont confiés. Ils ont ainsi, lors de formations complémentaires ou
recyclage, la possibilité d’approfondir leurs connaissances en langue des signes et
d’aborder l’orthophonie et l’audiologie.
Il a donc été proposé au démarrage de l’expérience, d’initier durant deux semaines 32
enseignants à la langue des signes et à l’enseignement des enfants sourds et
malentendants. La formation était assurée par le CEFISE et la FES-BF. Trois enseignants
13
parmi les plus motivés ont ensuite été retenus pour une formation complémentaire
pratique de six semaines au CEFISE.
D) Doter les classes en matériel pédagogique
Afin d’encourager la scolarisation des enfants sourds et malentendants et de les mettre
dans de bonnes conditions d’apprentissage, les trois CTIS ont été dotées de fournitures
à la fois pour les enseignants et les élèves. Ainsi, des cahiers, des gommes, des crayons
de couleur et de la craie ont été distribués.
Enfants et enseignant recevant des fournitures
scolaires (école de Ouansoa)
E) Plaidoyer auprès des autorités éducatives
Le plaidoyer en faveur de la scolarisation des enfants handicapés effectué dans le cadre
du projet visait à préparer les autorités à accueillir ce dispositif d’un type nouveau. Les
classes ont été inaugurées par la Ministre de l’Enseignement de Base elle-même lors de
la journée mondiale des personnes handicapées le 3 décembre 2005.
F) Sensibiliser les parents d’enfants sourds et malentendants à la question de
l’éducation
En milieu rural, nombreux sont les parents qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école ou
de suivre des programmes d’alphabétisation. Pour ces parents analphabètes, inscrire
son enfant à l’école ne va pas toujours de soi, l’utilité de l’école étant souvent largement
remise en cause. Comment alors envisager pour ces familles l’éducation de leur enfant
sourd pour lequel elles n’ont probablement jamais entendu parler de possibilité de
scolarisation ?
Pourtant, l’adhésion des parents est indispensable à la réussite de l’expérience pilote.
Des rencontres réunissant parents d’enfants sourds et malentendants inscrits en CTIS,
membres des associations de parents d’élèves, enseignants et directeurs des écoles
concernées, agents du SPEI, encadreurs de la CEB, associations impliquées, et personnel
de Handicap International ont donc permis de lever certaines craintes. Elles ont
également permis d’aider les parents à comprendre le handicap auditif et ses causes, et
d’attirer leur attention sur leur rôle dans la réussite scolaire de leur enfant.
Toutes ces différentes étapes ont constitué un préalable pour rendre l’environnement
favorable à l’accueil des élèves sourds et malentendants dans les écoles pilotes de
14
Tanghin Dassouri. Cependant, elles ne suffisent pas à elles seules à assurer l’inclusion de
ces élèves dans de bonnes conditions.
Par la suite, d’autres actions se sont imposées tout au long de l’expérimentation afin de
rendre le dispositif d’inclusion scolaire le plus efficace possible.
G. Visiter les familles pour lever les freins à la scolarisation de certains enfants
sourds et malentendants
En suivant la scolarisation effective des enfants inscrits en CTIS, il s’est avéré que
certains d’entre eux ne fréquentaient pas l’école. Handicap International a donc décidé
de se pencher sur les raisons de l’absence des élèves dans les classes, en rendant visite
aux familles pour mieux comprendre la situation de chacun de ces enfants, et cerner les
besoins des familles pour lever les difficultés à leur scolarisation.
Cette activité a été conduite en différentes phases, lesquelles sont présentées dans le
tableau ci-dessous :
15
Phase 1 : contact avec les
services de l’action sociale
au niveau du département
où s’inscrit l’action
Acteurs impliqués :
Handicap International
(chef de projet), CEB
(encadreurs pédagogiques),
service déconcentré du
Ministère de l’Action
Sociale (chef de service et
agent en charge de
l’enfance, du handicap et du
VIH/Sida)
Phase 2 : visite préalable
des agents de l’action
sociale auprès des familles
Acteurs impliqués :
Service déconcentré du
Ministère de l’Action
Sociale, direction
provinciale (agent)
Acteurs impliqués :
Service déconcentré du
Ministère de l’Action
Sociale, direction
provinciale (agent),
Handicap International
(chef de projet)
Phase 3 : entretien avec
les familles des enfants
sourds et malentendants
qui ne fréquentent pas les
CTIS malgré leur inscription
Phase 4 : séance de
débriefing
Acteurs impliqués :
Handicap International,
direction provinciale de
l’action sociale, CEB. Il
s’agit ici des mêmes
personnes que lors de la
phase 1
Méthodologie : Handicap
International prend
directement contact avec
l’action sociale et la CEB
pour expliquer la
démarche ; la liste avec le
nom des enfants absents et
le nom de leurs parents est
communiquée à l’agent du
service de l’action sociale
de Tanghin Dassouri ;
Handicap International
élabore une trame
d’entretien (cf ci-dessous)
Activité : visites de toutes
les familles pour les
informer de l’activité à
venir ; planifier les dates de
sortie avec chaque famille
Activités réalisées :
rencontre de chaque famille
(1 parent au moins
accompagné de l’enfant)
selon le calendrier de
sorties prévu ; échanges
autour de leur enfant, des
obstacles à la scolarisation
de l’enfant selon le guide
d’entretien conçu. Rappel
sur l’existence des CTIS,
leur objectif, sensibilisation
plus large sur le handicap
et l’éducation
Activités réalisées :
rencontre à la direction
provinciale de l’action
sociale et à la CEB avec les
acteurs impliqués pour
présenter les résultats des
discussions avec les
parents, les actions à
entreprendre, et le partage
des responsabilités entre la
CEB et l’action sociale
16
L’entretien auprès des familles
[Avant de planifier les visites à domicile, réfléchir à la période et aux lieux les mieux
adaptés pour un tel exercice. Garder à l’esprit que le parent a laissé ses occupations
pour participer à l’entretien, prévoir 1h00-1h30 d’échanges maximum].
Phase 1 : Introduction
Salutations. Chaque acteur se présente. On rappelle le contexte et les objectifs de la
visite. On remercie le parent pour sa disponibilité.
Phase 2 : Recueil d’information
Le facilitateur souhaite obtenir des informations précises sur la situation de la famille, et
comprendre les barrières liées à la scolarisation de l’enfant visité. Privilégier un
entretien semi-directif afin d’obtenir des réponses aux thèmes que l’on souhaite
approfondir.
Par exemple :
Renseignements concernant la famille
Questions qui peuvent être posées (à titre indicatif) :
- Combien y a-t-il de personnes dans la famille ?
- Quelles sont les ressources de la famille/situation professionnelle ?
Renseignements sur la déficience
Origine de la déficience : maladie, accident, etc.
Aborder ensuite plus précisément les questions qui touchent à l’éducation :
- De votre point de vue, quels sont les obstacles à l’éducation en général ?
- Est-ce que votre enfant est à l’extérieur du système scolaire par choix ?
- Quelles sont les principales raisons de choisir de le maintenir en dehors de l’école ?
- Est-ce que vous voulez envoyer votre enfant à l’école ? Si oui, quelles sont les raisons
qui vous poussent à ne pas le faire ?
- D’après vous, qu’est-ce qui pourrait être fait pour envoyer votre enfant à l’école ?
Phase 3 : Echanges autour des propositions de solution.
Au cours de ce temps d’échange, les enquêteurs font passer des messages sur le
handicap et l’éducation (notamment droits à l’éducation), et l’importance de l’implication
du parent dans l’éducation de l’enfant.
Phase 4 : Synthèse
Faire une synthèse des discussions en mettant en avant les propositions qui ont été
faites.
17
Aperçu des résultats des échanges avec les parents des enfants sourds et
malentendants à travers l’exemple de quatre situations
Situation 1 - Village de Ouéguelga
La grand-mère en charge de sa petite fille Sonia a été rencontrée. Sonia est
malentendante et prononce quelques mots. Il ressort des échanges que la crainte
d’envoyer Sonia en CTIS réside dans la méconnaissance du fonctionnement et de
l’objectif même du dispositif. La grand-mère se dit inquiète de la fréquentation par sa
petite fille d’une classe où elle pourrait perdre totalement l’usage de la parole et de
l’ouïe. Il se trouve que la famille n’a pas été convoquée aux rencontres d’information à
l’intention des parents des enfants sourds et malentendants à inscrire en CTIS. Les
autres enfants de la famille sont scolarisés, les plus jeunes fréquentent le jardin
d’enfants dans le village. La grand-mère est convaincue de l’importance de l’école, ce qui
constitue un terrain favorable pour plaider en faveur de la scolarisation de Sonia en
CTIS. La grand-mère a été rassurée quant à ses préoccupations et les obstacles à l’envoi
de Sonia à l’école Application «A» (CTIS) ont été levés. La grand-mère s’est engagée à
envoyer la fillette à l’école.
Sonia et sa grand-mère
Situation 2 - Village de Ouéguelga
La rencontre se fait avec la maman de Abdou Fatail. Cet enfant entend mais a une
déficience intellectuelle sévère. Il est orphelin de père. Il a été inscrit à l’école de son
village les années passées et est allé à l’école Application «A» lors de l’ouverture de la
CTIS. Face au handicap de l’enfant, l’enseignant s’est senti démuni et l’a renvoyé de
l’école.
Dans le même quartier, un autre petit garçon est rencontré. Seni est connu de l’action
sociale car il erre régulièrement à Tanghin Dassouri. Il a été confié à une tutrice (la 2ème
épouse de son père), sa maman ayant fuit et le papa étant en Côte d’Ivoire. Il entend
mais ne parle pratiquement pas.
Abdou Fatail (à gauche) et sa maman ; Seni (à droite)
18
Situation 3 - Village de Bazoulé
L’entretien s’est fait en présence de l’ensemble de la famille et plus particulièrement le
papa Etienne et son fils Norbert. Suite à une méningite, Norbert n’entend plus et parle
peu. Sa grande sœur est en 1ère à Tanghin Dassouri où elle se rend à vélo. La distance
entre le lieu d’habitation et l’école Application «A» (7 km) et le manque de moyen de
déplacement (deux vélos pour une famille de dix personnes) ne permet pas à Norbert de
fréquenter l’école. Il n’y a pas de résistance de la part des parents à envoyer Norbert à
l’école.
Norbert et son papa
Situation 4 - Village de Tanghin
L’entretien s’est fait avec la maman, Awa, en présence de son fils Sayouba. Le garçon
est bègue, il n’a pas de déficience auditive et peut tout à fait être scolarisé à l’école qui
se trouve à proximité de son lieu d’habitation. L’enfant reste à la maison car la maman,
par manque d’information, croit qu’un enfant bègue ne peut pas aller à l’école. Deux
autres enfants dans la famille sont scolarisés en classe de CP2 et CM1.
Sayouba (à droite) et sa maman
19
Analyse des situations et propositions d’actions à entreprendre
De façon générale, et à la lecture des situations exposées, on constate que :
o le diagnostic posé sur le type de handicap se révèle trop souvent erroné,
o les familles ne sont pas réticentes à l’envoi de leur enfant à l’école,
o l’attitude de l’enseignant peut être facteur d’exclusion,
o la pauvreté des familles peut conduire à la non-scolarisation ou à la
déscolarisation de l’enfant,
o la sensibilisation n’a pas touché tous les parents,
o les propositions de scolarisation sont parfois difficiles.
En termes de propositions d’actions, on peut retenir les éléments suivants :
 La situation n°1 (Sonia) ne présente pas de difficultés particulières. Les échanges
avec la grand-mère, responsable de l’enfant, ont permis de lui apporter des
éléments pouvant la rassurer. Il reste toutefois à vérifier que son engagement
d’envoyer la fillette à l’école est réel.
 Dans le cas de la situation n°2 (Abdou), des dispositions pourraient être prises
par Handicap International et ses partenaires pour prévoir une consultation par
un spécialiste, ce qui permettrait de disposer de données précises sur le type et
le degré de sévérité de la déficience de l’enfant. Ces informations pourraient
permettre de mieux identifier les besoins éducatifs d’Abdou.
Par rapport à la situation de Séni : il y a la nécessité pour l’action sociale de
conduire une enquête sociale auprès de la famille, ce qui permettrait d’une part
de rentrer en contact avec le parent responsable de l’enfant, et d’autre part de
mieux appréhender les raisons de la marginalisation de l’enfant.
 Dans le cas de la situation n°3 (Sayouba), il est important de rencontrer la CEB
qui, à son tour, pourra favoriser l’inscription de l’enfant à l’école du village.
L’enfant n’a pas d’acte de naissance, mais un contact avec la mairie pourrait
permettre de lever cet obstacle.
 Enfin au regard de la situation n°4 (Norbert), la pauvreté des parents ne permet
pas d’envisager l’achat d’un vélo pour le déplacement de l’enfant vers l’école.
Afin de lever les obstacles liés à sa non-scolarisation, il devrait être possible de
dégager une petite enveloppe budgétaire, sur le reliquat d’une autre activité par
exemple, pour supporter l’achat du vélo.
A l’issue de ce travail, l’action sociale et la CEB ont été rencontrées pour faire le point
sur les résultats des entretiens. Chaque service a pris note des actions à entreprendre,
un suivi est inscrit dans le cadre des actions planifiées pour s’assurer de la bonne prise
en compte des propositions qui ont été faites.
20
La situation de ces enfants fin 2009 – quelles ont été les retombées des visites à
domicile ?
 Sonia a regagné l’école une fois l’équipe repartie. La grand-mère a donc tenu ses
engagements et veille à la scolarisation de sa petite fille.
 Grâce à l’implication de la circonscription scolaire, Sayouba a pu être inscrit à
l’école de son village. L’enseignant a été sensibilisé à la déficience de l’enfant.
 Norbert a reçu un vélo des mains de la CEB et du Service de Promotion de
l’Education Intégratrice (SPEI), partenaire direct de Handicap International dans
la mise en œuvre du projet, ce qui lui permet désormais de fréquenter l’école
comme les autres enfants inscrits dans la CTIS.
 Ni Abdou ni Séni n’ont, quant à eux, reçu d’aide particulière. L’action sociale n’a
pas poursuivi sur le dossier de Séni et les limites du projet n’ont pas permis à
Abdou de bénéficier d’un accompagnement médico-social.
H) Assurer la formation continue des enseignants des CTIS et des encadreurs de la
CEB et du SPEI
La formation initiale reçue par les enseignants avant l’ouverture des CTIS ne suffit pas à
leur donner toutes les connaissances nécessaires à la conduite de ces classes.
Une grande partie des actions menées dans le cadre de la mise en place du dispositif
pilote a consisté à proposer aux enseignants des séances régulières de recyclage à
travers des phases théoriques et pratiques. Ceci afin de renforcer leurs compétences
tant en termes d’apprentissage de la langue des signes et qu’en termes de méthodes
pédagogiques pour l’enseignement des enfants sourds et malentendants.
La surdité entraîne souvent un trouble du langage, c’est pourquoi il est prévu, dans le
programme de formation, des modules d’orthophonie et d’audiologie pour rendre la
formation plus complète et pour une prise en charge de qualité. Outre les mots et
expressions signés, les participants ont acquis des connaissances générales dans ces
deux domaines.
La formation continue est indispensable au regard à la fois du caractère évolutif de la
langue des signes et des programmes officiels d’enseignement qui exigent toujours plus
de nouveaux mots à signer. Ce sont au total huit sessions de formations
complémentaires assurées par le CEFISE et la FES-BF, et d’une durée moyenne d’une
quinzaine de jours qui ont pu être proposées aux enseignants prenant part à l’expérience
pilote. Les enseignants ont été répartis par groupe de niveau : niveau débutant pour les
derniers recrutés, niveau avancé pour ceux ayant démarré en 2005.
I) Soutenir les enseignants dans les classes
Au-delà des sessions de formation, un appui pédagogique de proximité est apporté aux
enseignants des CTIS et des classes inclusives. Les encadreurs pédagogiques du CEFISE
et de la CEB, associés au partenaire institutionnel (c’est-à-dire le ministère à travers le
SPEI) effectuent régulièrement des visites de classe (au moins une sortie par trimestre).
L’objectif est d’identifier les besoins de formation et d’appui nécessaires à la bonne
poursuite des activités d’insertion.
21
Objectif général du suivi : soutenir les enseignants dans la prise en charge
psychopédagogique des enfants sourds et malentendants dans les CTIS et classes
inclusives.
Objectifs spécifiques :
• Apporter des corrections à la façon de signer certains mots,
• Recueillir les difficultés des enseignants sur le plan pédagogique et matériel,
• Apporter et/ou proposer des solutions aux différentes difficultés de présentation de
certaines leçons,
• Recueillir les attentes des enseignants en vue d’orienter les prochaines activités de
suivi.
L’identification des besoins d’appui des enseignants a notamment conduit à
l’organisation au CEFISE de sessions de recyclage en langue des signes, en orthophonie
et en techniques d’assouplissement des mains.
Les sorties de suivi sont également l’occasion, à travers des leçons d’essai, d’apporter
aux enseignants l’appui pédagogique et psychologique dont ils ont besoin pour assurer
de façon efficace l’insertion scolaire des élèves sourds et malentendants.
Exemple de programme de suivi
Au préalable, il est nécessaire d’effectuer une planification rigoureuse des sorties. Elle
doit se préparer en concertation entre les agents du SPEI, de la CEB visitée et avec la
structure associative sollicitée pour assurer les sorties de suivi. La planification est
ensuite partagée avec Handicap International.
Voici comment se présente une planification des sorties :
22
Date de
sortie
JJMMAAAA
Nombre Equipe chargée
de suivi du suivi
2
SPEI : nom
CEB : nom
Association : nom
Classe visitée
Classe
inclusive CE1 école
Application
«A»
CTIS - école
Application
«A»
JJMMAAAA
1
SPEI : nom
CEB : nom
Association : nom
Ecole
Application
«A»
Enseignant
rencontré
Enseignant 1 :
nom ;
enseignant 2 :
nom
Enseignant 1 :
nom ;
enseignant 2 :
nom
ensemble des
enseignants
Thème abordé
Expression écrite
Vocabulaire
Animation sur le modèle des
GAP (Groupe d’Animation
Pédagogique) : synthèse des
suivis réalisés, échanges et
partage d'expérience
Déplacement
assuré par :
Logistique
Handicap
International
Logistique
Handicap
International
23 J) Poursuivre la sensibilisation de tous les parents
Des rencontres avec tous les parents sont organisées en présence des acteurs éducatifs
et des partenaires pour préparer au mieux l’intégration des enfants sourds et
malentendants dans les écoles, et assurer leur maintien. Sans l’adhésion et l’appui des
parents, les activités visant à rendre l’école inclusive ne peuvent avoir l’effet escompté.
Les rencontres se déroulent dans les écoles, en début et en fin d’année scolaire, et à
l’occasion de l’ouverture des CTIS.
Beaucoup de parents d’enfants non handicapés se disent inquiets de l’arrivée des
enfants sourds et malentendants dans les écoles. En témoignent ces questions maintes
fois posées lors des réunions parentales: « le niveau de la classe va-t-il baisser ? Y aurat-il plus de violence à l’école? Nos enfants vont-ils être influencés par ces enfants pas
comme les autres ? »
Il faut donc les rassurer, les informer sur le contexte dans lequel l’expérience s’inscrit,
rappeler les notions de droit, et laisser la parole aux acteurs éducatifs. Ces rencontres
sont également l’occasion de faire le point sur l’intégration dans les classes et
d’échanger sur les difficultés que peuvent rencontrer les enfants.
Notons que ces rencontres nécessitent parfois la présence d’autres partenaires comme :
le personnel de l’action sociale, de la santé, de la mairie, et de la Direction Provinciale de
l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (DPEBA).
24
PARTIE 2
Résultats et outils développés
I. Résultats
A) Aperçu de l’évolution en termes d’effectifs scolarisés………………………………………………26
B) En termes d’intégration sociale…………………………………………………………………………………..28
C) En termes d’apprentissage………………………………………………………………………………………….29
D) La parole aux parents………………………………………………………………………………………………….31
E) La motivation, un paramètre déterminant dans la réussite des CTIS…………………………31
II. Quelques outils développés dans le cadre du suivi des enseignants
A) Regard sur le suivi dans les classes………………………………………………………………...............32
B) Le groupe d’animation pédagogique - un cadre d’échange utile………………………………..35
C) Comment parer aux difficultés d’intégration de certains enfants ?................................36
25
Nous venons de voir comment le dispositif a été mis en place. Arrêtons-nous désormais
sur les résultats qu’une telle démarche a pu avoir sur les bénéficiaires, que ce soit les
enfants, les enseignants et les parents des zones concernées par l’expérimentation, qui
s’est déroulée en deux phases. Nous présenterons ensuite quelques outils développés
dans le cadre du suivi dans les classes.
I. Résultats
La première phase (2005-2006) a concerné 32 élèves déficients auditifs qui ont,
pendant leurs deux premières années scolaires (CP1 et CP2), suivi un enseignement en
langue des signes dans les CTIS des écoles de Tanghin, Application «A» et Ouansoa.
La deuxième phase démarrée en 2007 a permis de tester l’aspect transitoire avec la
scolarisation des enfants en classe inclusive de CE1 puis de CE2. En parallèle, des CTIS
ont été ré-ouvertes dans les écoles de Ouansoa et Application «A», avec cette fois trois
années consacrées à l’acquisition du programme de CP1 et CP2. A Tanghin, la démission
du maître formé à la gestion des CTIS n’a pas permis d’envisager l’inscription de
nouveaux élèves dans cette école.
Ce sont au total 52 enfants sourds et malentendants qui ont directement bénéficié du
dispositif mis en place.
A) Aperçu de l’évolution en termes d’effectifs scolarisés
Année
scolaire
2005/2006
1ère année de
mise en
place du
dispositif
2006/2007
2ème année
de mise en
place du
dispositif
Ecole/classe
Effectif total des élèves
de la classe
Dont élèves malentendants
F
G
T
F
G
T
CTIS
Application «A»
– niveau CP1
-
-
-
NC
NC
12
CTIS Ouansoa –
niveau CP1
-
-
-
NC
NC
14
CTIS Tanghin –
niveau CP1
-
-
-
NC
NC
6
CTIS
Application «A»
– niveau CP1 –
CP2
-
-
-
NC
NC
10
26
2007/2008
3ème année
de mise en
place du
dispositif
2008/2009
4ème année
de mise en
place du
dispositif
2009/2010
5ème année
de mise en
place du
dispositif
CTIS Ouansoa –
niveau CP1 –
CP2
-
-
-
NC
NC
12
CTIS Tanghin –
niveau CP1 CP2
-
-
-
NC
NC
6
CTIS
Application «A»
– niveau CP2
-
-
-
NC
NC
10
CTIS Ouansoa –
niveau CP2
-
-
-
NC
NC
12
Application «A»
- CE1
39
33
72
3
7
10
Boulsin - CE1
35
45
80
7
5
12
CTIS
Application «A»
– niveau CP1
-
-
-
5
4
9
CTIS Ouansoa –
niveau CP1
-
-
-
2
5
7
Application «A»
- CE2
36
38
74
2
6
8
Boulsin - CE2
35
39
74
7
4
11
CTIS
Application «A»
- niveau CP1 CP2
-
-
-
5
5
10
CTIS Ouansoa
-
-
-
1
5
6
Niveau CP1 CP2
27
Commentaires
Le tableau montre une déperdition du nombre d’enfants sourds et malentendants
inscrits entre les deux premières années de scolarisation (au total, 4 enfants). Les
raisons sont le déménagement de parents pour deux d’entre eux, et l’abandon de deux
autres compte tenu de leur âge (14 ans au moment de leur inscription en CP1). La
troisième année d’expérimentation ne compte plus que deux écoles sur les trois au
départ, du fait de l’abandon de l’enseignant d’une CTIS. A ce stade, il était difficile de
trouver un nouvel enseignant pour reprendre la classe, les enfants ont dû poursuivre une
scolarité dans les autres classes de l’école.
La 4ème année de mise en place du dispositif a permis de voir l’inscription des enfants
venant des CTIS dans les classes inclusives de CE1 des écoles Application «A» et
Boulsin. L’école de Ouansoa ne disposant que de trois classes, il a été nécessaire
d’identifier une école à proximité pour permettre aux enfants et au maître de continuer
en CE1. C’est pourquoi l’école de Boulsin, distante d’environ 1 km de Ouansoa, apparaît à
partir de la 4ème année.
Classe inclusive de Boulsin : une équipe de deux enseignants, 80 élèves, dont 12
enfants malentendants (7 filles).
Cette même année, les CTIS de Ouansoa et Application «A» ont permis d’accueillir de
nouveaux élèves avec une déficience auditive. De nouveaux enseignants ont été affectés
par le MEBA et formés par le CEFISE avant d’intégrer les CTIS. Aucune solution n’a été
trouvée pour « remettre en marche » la CTIS de Tanghin.
La 5ème année voit l’augmentation de l’effectif de la CTIS Application «A». Un enfant
préalablement scolarisé à Ouagadougou à l’école des Sourds et Malentendants intègre la
classe. Par contre, trois enfants ne poursuivent plus leur scolarité dans les classes
inclusives pour des raisons de déménagement des familles.
B) En termes d’intégration sociale
Il ressort des évaluations effectuées en 2007 10 et 2009 11, avec les titulaires des classes,
les directeurs et les parents d’élèves, que l’intégration des enfants se révèle
satisfaisante dans chacune des écoles. Ils ne sont ni exclus, ni séparés des autres
enfants. Ils s’amusent tous ensemble.
Tous les enseignants témoignent de situations où les enfants des CTIS jouent et
interagissent spontanément avec les autres enfants (participation aux matchs de foot,
et aux jeux dans la cour). Les camarades non handicapés viennent parfois les voir ou
jouer dans leurs salles de classe. Certaines activités sont effectuées ensemble comme
par exemple le jardinage, ou l’embellissement de l’école.
Témoignage
« A Ouansoa, le gardien de l’équipe de foot est un enfant malentendant de la CTIS »,
enseignant de Ouansoa.
Les visites des équipes de Handicap International et du SPEI dans la classe inclusive de
Boulsin ont permis de constater que certains élèves non handicapés ont appris la langue
10
11
Evaluation par le comité de pilotage, 10 juillet 2007.
Rapport de l’étude portant sur le dispositif des CTIS, I.C.I, Janvier 2009. 28
des signes pour communiquer avec les élèves malentendants. Un des enseignants a
relevé l’intérêt et l’attention des autres élèves lorsqu’il signe.
Au niveau du corps enseignant, les instituteurs des CTIS, même s’ils font l’objet de
plaisanteries (on les appelle parfois les sourds-muets), bénéficient du soutien de leurs
collègues dans la résolution des problèmes rencontrés en classe.
Dans une des écoles, trois collègues sont venus observer le fonctionnement des CTIS et
demander une initiation à la langue des signes.
Cependant, malgré un intérêt mutuel et des efforts réciproques de communication, le
manque de connaissance de la langue des signes par les autres élèves et les autres
maîtres entrave les interactions et une réelle connaissance mutuelle. Comme nous
l’avons précédemment souligné, le manque de locaux appropriés a conduit le projet à
aménager en salles de classe les logements des maîtres non habités. Ces bâtiments sont
excentrés par rapport aux autres classes, ce qui renforce l’aspect atypique des CTIS.
C) En termes d’apprentissage
Concernant les acquis scolaires, les résultats sont plus mitigés. Toujours selon les
évaluations faites pendant les différentes phases de projet, le niveau atteint par les
enfants des CTIS varie d’une école à l’autre, et surtout d’une matière à l’autre. Alors que
l’appui aux enseignants a été le même, la motivation et l’engagement plus prononcé de
certains d’entre eux a de toute évidence eu un impact considérable sur la qualité de
l’enseignement dispensé, et donc sur le niveau scolaire des enfants.
L’ouverture tardive des CTIS en milieu d’année scolaire (janvier 2007 et janvier 2009),
l’apprentissage d’une nouvelle langue (la langue des signes) et l’importance de se
familiariser avec de nouveaux concepts et outils en écriture, calcul et lecture ont
conduit les responsables à maintenir les élèves de CTIS durant trois années scolaires au
cours préparatoire, au lieu de deux années prévues dans le cadre du cycle
d’apprentissage au Burkina Faso. Les élèves des CTIS bénéficient d’une année
supplémentaire pour renforcer leur maîtrise de la langue des signes et consolider leurs
acquis scolaires, afin d’envisager un passage dans de bonnes conditions en classe
ordinaire.
Les résultats scolaires des élèves dans les classes inclusives sont quant à eux très
encourageants.
29
Exemple de notes obtenues par des élèves entendants et malentendants à la
composition de fin du premier trimestre 2008-2009 à l’Ecole de Boulsin 12,
classe de CE1.
Note (sur 10)
Matières
Elèves Malentendants
Elève A
Elève B
Elève C
Calcul
Grammaire
Dessin
Observation
Expression
écrite
Vocabulaire
Géographie
Conjugaison
Ecriture
Histoire
Dictée
Moyenne
Elèves Entendants
Elève A
Elève B
8
10
8
10
9
8
9
8
10
2
3
8
6
8
2
8
9
7
8
8
10
9
8
10
9
6
10
7
7
10
4
6
7
8
4
10
7
2
6
0
8
4
9
5
6
10
6
8
10
10
8
10
10
8
6
10
10
9
9
Le tableau laisse entrevoir que les enfants progressent au même rythme que les autres
élèves de la classe. On ne constate pas de véritables différences entre le niveau scolaire
des enfants entendants et malentendants en classe inclusive. L’élève C qui semble être
plus en difficulté est un enfant polyhandicapé, qui est malentendant avec un langage non
articulé et des malformations aux mains.
Témoignage
« L’enfant apprend vraiment. Il écrit très bien et commence même à articuler, ce qu’il ne
faisait pas avant. Je suis vraiment contente. Je ne pensais pas qu’il deviendrait ainsi un
jour. Si je dis que je ne suis pas contente, je mens », une maman.
Les élèves quant à eux semblent satisfaits de l’enseignement dispensé. Les propos ciaprès recueillis auprès des élèves entendants et élèves malentendants témoignent de
leur satisfaction.

un élève de l’école Application «A» de Tanghin Dassouri : « Il n’y a pas de
problème entre nous. Nous nous entendons bien et étudions bien ensemble ».

un élève malentendant de l’école de Boulsin : « Je suis content d’être en classe
avec des élèves entendants. Nous jouons ensemble dans la cour de l’école ».
12
Rapport final Etude portant sur le dispositif des CTIS, I.C.I, janvier 2009.
30

une élève malentendante de l’école de Boulsin : « Le maître s’occupe bien de
nous, comme des autres élèves entendants ».

un élève entendant de l’école Application «A» de Tanghin Dassouri : « Les élèves
malentendants réussissent leurs devoirs, parfois même mieux que les élèves
entendants ».
D) La parole aux parents
Lors des rencontres parentales, les échanges avec les parents d’élèves entendants et
d’élèves malentendants ont permis de recueillir les témoignages suivants :

un parent d’élève malentendant de l’école de Boulsin : « L’école a éveillé mon
enfant. Il n’est plus violent envers ses camarades comme avant ».

un parent d’élève entendant de l’école de Boulsin : « Parfois un élève
malentendant aide mon enfant, qui est entendant, à faire son devoir à domicile.
C’est une bonne chose ».

un parent d’élève malentendant de l’école Application «A» de Tanghin Dassouri :
« Mon enfant a changé de comportement grâce à l’école. Il aime bien aller à
l’école. Il sait quels sont les jours de l’école, et se prépare en conséquence à aller
à l’école ».

un parent d’élève entendant de l’école Application «A» de Tanghin Dassouri :
« Des élèves ayant un handicap auditif conseillent leurs camarades qui ne vont
pas à l’école afin qu’ils se conduisent mieux : c’est bien ».
E) La motivation, un paramètre déterminant dans la réussite des CTIS
En partant à la rencontre de Laurent Songzabré, aujourd’hui enseignant principal de la
classe inclusive de CE2 à Boulsin, on comprend un peu mieux ce qui l’a poussé à
s’investir depuis 5 ans, et donné le meilleur de lui-même pour assurer une éducation de
qualité à tous les enfants de sa classe.
« Avant la sensibilisation et l’intervention du MEBA et de Handicap International à
Tanghin Dassouri, j’avais des préjugés car je ne connaissais pas les enfants
malentendants ; pour moi, ils ne pouvaient pas être comme les autres, ils ne pouvaient
pas apprendre puisqu’ils ne pouvaient pas entendre. En tant qu’enseignant, je me sentais
curieux de savoir comment enseigner à des enfants sourds-muets. Si on leur donne une
chance, pourquoi moi je ne pouvais pas leur donner cette chance ? C’est alors que je me
suis porté volontaire pour tenter l’expérience aux côtés des partenaires (…). Lorsque
nous sommes arrivés à l’école de Boulsin depuis Ouansoa, il a fallu un temps
d’adaptation. Les enfants de la CTIS se trouvaient dans un environnement qui leur était
étranger, ils n’avaient plus de repères. Les enfants entendants et malentendants ne se
connaissaient pas (…). La difficulté d’enseigner aux enfants sourds et malentendants,
c’est qu’ils comprennent difficilement certaines notions, ce qui est abstrait par exemple
comme la soustraction, la multiplication, la retenue. Il faut adapter les mots, rendre les
notions plus concrètes. Ils sont plus à l’aise dans les leçons d’observation car ils peuvent
manipuler (…). Parler en signant demande beaucoup de concentration, il faut qu’il y ait
31
une concordance entre ce qui est dit et la traduction en langue des signes.
Heureusement, dans les classes inclusives, nous travaillons en équipe. Un maître
suppléant corrige les devoirs et apprend la langue des signes. Cela allège un peu mon
travail. Je ne perçois pas d’indemnités particulières, je suis un enseignant comme les
autres (…). Aujourd’hui, je ne regrette rien. Il y a des enfants sourds et malentendants
qui suivent bien, des élèves entendants qui sont en difficulté, on ne peut pas faire de
généralités. Tous les enfants jouent ensemble dans la cour (…). La motivation est
déterminante dans notre métier d’enseignant. Adhérer à ce type de projet pilote
suppose un engagement important, en termes de préparation des leçons, et de conduite
de la classe. C’est une expérience riche qui permet de réfléchir sur son propre métier, de
développer des pratiques pédagogiques bénéfiques à l’ensemble de la classe ».
Parfois, cet enseignant fortement engagé dit connaître des périodes de doutes. « Face à
certaines difficultés pédagogiques ou certains comportements qui restent difficiles à
comprendre, mes compétences pour faire le travail sont limitées, et il m’arrive de
remettre en question mon choix ».
Photo : Laurent Songzabré
II. Quelques outils développés dans le cadre du suivi des enseignants
A) Regard sur le suivi dans les classes
Un suivi de l’enseignant dans sa classe s’apparente à une leçon d’observation pour
l’équipe de suivi en visite (CEB, SPEI, CEFISE). La leçon dure en moyenne 30 minutes, ce
qui suffit aux encadreurs pour relever les aspects importants dans la tenue de la classe
et les méthodes pédagogiques utilisées par l’enseignant. Une fiche d’observation est
conçue à cet effet.
32
Exemple d’une fiche d’observation utilisée par l’équipe de suivi dans une des
classes inclusives de CE1 13
Noms de la classe et de l’enseignant suivis :
Matière : Expression Orale
Notions : emploi de comme ou ressemble à
Points satisfaisants
Points à améliorer
Conseils
- Méthodologie suivie dans
son ensemble.
- Exercice d’application non
porté à l’avance au tableau.
- Porter l’exercice
d’application à l’avance au
tableau. Pour cela, placer
un rideau pour cacher les
exercices selon
l’exploitation du tableau.
- Interrogation des
malentendants,
participation satisfaisante.
- Confusion des notions du
jour avec les autres mots.
- Utiliser la craie de couleur
pour mettre les notions en
relief.
- Forte intonation.
- Numéroter les phrases à
compléter par les nouvelles
notions, et inviter les
élèves à porter tout
simplement le numéro de la
phrase et la notion ou
réponse qui convient.
- Texte de support porté au
tableau.
- Phase concrète bien
menée pour faciliter
l’acquisition des notions
par les malentendants.
- Mot « ressemble » mal
signé.
- Eviter la confusion des
signes.
- Correction de l’exercice
d’application par les élèves
entendants et
malentendants.
- Evaluation de l’exercice
non faite.
- Toujours évaluer pour
avoir une idée sur les
performances et la
progression des élèves.
- Les élèves du fond ne
- Ecrire suffisamment gros
et appuyer sur la craie pour
faciliter la lecture à
13
Rapport de suivi des CTIS et classes inclusives, MEBA, Mars 2009.
33
- Certains enfants
entendants « tuteurs »
signent les mots.
lisent pas aisément
certains mots.
- Certains tuteurs sont trop
zélés et dérangent les
bénéficiaires.
- Communication totale
insuffisante.
- Existence d’une pendule.
- Pendule non fonctionnelle.
certains élèves.
- Encourager la
collaboration entre les
élèves (tutorat), tout en
veillant au comportement
du tuteur avec le tutoré.
- Toujours joindre la parole
au geste.
- Acheter de bonnes piles,
la lecture et la gestion du
temps est très importante,
surtout pour les
malentendants.
Les commentaires de l’équipe de suivi sur la « prestation » de l’enseignant observé sont
joints à la fiche de suivi, et peuvent porter sur les aspects suivants :

l’attitude de l’enseignant (en termes de motivation, d’implication),

le travail de préparation de l’enseignant,

la gestion de la classe (en termes de collaboration et tutorat, participation, etc.).
Des conseils peuvent être prodigués à l’enseignant au-delà de la leçon d’observation, par
exemple concernant :

la disposition spatiale de l’équipement scolaire : disposer les tables bancs de
façon à ce que les enfants malentendants voient les mouvements de tous les
élèves,

l’utilisation de supports : varier autant que possible les supports pédagogiques,
en utilisant par exemple des livres avec images pour illustrer de façon concrète le
thème abordé.
Lors de chaque sortie et avant de quitter l’enseignant, il est important de faire une
situation de la classe visitée (relever l’effectif, les difficultés éventuelles rencontrées
par les élèves), afin de s’assurer d’une part que tous les enfants inscrits poursuivent leur
scolarité, et d’autre part pour envisager des actions en vue de remédier à certains
problèmes liés à l’insertion de l’enfant. Il est également important d’encourager
l’enseignant et de le remercier pour tous les efforts consentis pour la bonne marche de
sa classe.
34
B) Le groupe d’animation pédagogique - un cadre d’échange utile
En dehors des visites individuelles aux enseignants dans leur classe, des rencontres
régulières sont organisées. Elles constituent des cadres de formation continue et
d’échanges pour partager les expériences réussies et les difficultés rencontrées.
L’ensemble des enseignants des CTIS et des classes inclusives se retrouve une fois par
trimestre avec des représentants de la CEB, du CEFISE et du SPEI dans une des écoles
participant à l’expérience pilote. L’objectif de ces rencontres est de donner la parole aux
enseignants le plus possible, afin qu’ils s’expriment sur les expériences vécues dans les
CTIS et les classes inclusives. La méthode d’animation employée doit les amener à
partager les techniques qui fonctionnent pour réussir la gestion de leur classe sur le plan
pédagogique et organisationnel. Les exemples réussis des uns peuvent permettre aux
autres de surmonter certaines difficultés. Ces rencontres sont organisées à l’image des
groupes d’animation pédagogique (GAP) qui sont des cadres d’échanges et de partage
mis
en
place
pour
tous
les
enseignants
du
Burkina
Faso.
Une fois par trimestre, la rencontre prend une forme un peu différente. Un des
enseignants se trouve en situation de classe avec ses élèves ; les autres enseignants et
l’équipe pédagogique d’encadrement apprécient la prestation de l’enseignant.
CTIS de Ouansoa
L’enseignant organise sa classe. Il encourage ses élèves en leur faisant don de morceaux
de craies, il reprend certaines leçons pour une meilleure assimilation, et a le souci de
concrétiser en permanence les leçons.
L’enseignant signe le nom de chacun des enfants et chaque élève connaît son nom et
signe le nom de ses camarades de classe. Pour y parvenir, il a demandé l’aide d’un autre
enseignant, référent de la classe de CE1 inclusive à l’école voisine de Boulsin. Il a
compris le système de partenariat en enseignement : des félicitations lui sont adressées.
Le maître note les signes étudiés au coin du tableau et les représente sous une forme
imagée. Il explique qu’il est important de laisser des traces des notions abordées sous la
forme de dessins, soit au tableau soit sur un papier kraft si la classe en dispose. Ceci
permet de soutenir la mémoire de l’enfant (mémorisation) et de renforcer ses acquis
(révision). Cette pratique est bien appréciée des autres participants à la rencontre.
Une suggestion faite par l’équipe d’encadrement est la présence dans la classe, en plus
des dessins produits par les élèves et le maître, d’illustrations présentant les thèmes et
scènes de la vie quotidienne, comme la famille, l’environnement, les objets...
35
C) Comment parer aux difficultés d’intégration de certains enfants ?
Même si les résultats de l’expérience pilote sont globalement positifs, certaines
situations ont rendu l’inclusion sociale et scolaire des enfants sourds et malentendants
difficiles.
Prenons l’exemple de l’enseignant qui a été contraint de déménager avec ses élèves de
la CTIS de Ouansoa à Boulsin par manque de classe de CE1. Cette situation a provoqué
chez certains enfants des difficultés d’adaptation allant parfois jusqu’à un repli sur euxmêmes. Les élèves n’avaient pas été suffisamment préparés à ce changement, et se
sentaient dépaysés, étrangers à ce nouvel environnement. Il y avait chez certains
d’entre eux un refus à participer, ce qui a conduit le maître à développer des stratégies
nouvelles.
Il a par exemple :

favoriser la coopération entre les enfants entendants et les enfants
malentendants par des travaux en petits groupes, ce qui à terme a conduit à
améliorer la communication entre eux et à renforcer le respect de l’autre,

encourager les élèves entendants à apprendre quelques signes, ce qui a été perçu
par les enfants malentendants comme une valorisation de la langue des signes.
36
PARTIE 3
Quelques pistes d’action pour le développement
des interventions futures
I. Synthèse des forces et des faiblesses du dispositif
II. Recommandations
A) Complémentarité d’actions………………………………………………………………………………………..40
B) Flexibilité du système éducatif…………………………………………………………………………………..41
C) Implication forte de l’État…………………………………………………………………………………………..41
D) Consolidation des acquis……………………………………………………………………………………………41
E) Formation des enseignants………………………………………………………………………………………..42
37
Le dispositif d’inclusion scolaire des enfants sourds et malentendants en milieu ordinaire
en est toujours à sa phase d’expérimentation. Plusieurs évaluations réalisées au cours
des cinq années de mise en œuvre ont permis de mettre en lumière les axes sur lesquels
des améliorations pouvaient être apportées. Il n’en reste pas moins qu’il convient de
poursuivre la réflexion, afin de disposer d’un modèle qui tente de répondre au mieux aux
contraintes du système éducatif burkinabé.
I. Synthèse des forces et des faiblesses du dispositif
En présentant une synthèse des forces et des faiblesses du dispositif, il se dégage des
éléments de recommandation à prendre en compte pour la poursuite d’actions dans le
domaine de l’inclusion des enfants avec une déficience auditive en milieu scolaire
ordinaire.
En termes de formation
FORCES
- Formation en langue des
signes dans les structures
spécialisées
- Durée des formations trop courte
- Coût élevé de la formation spécialisée
- Pas de formation des directeurs d'école, qui ont
- Existence d’un dispositif de
pourtant un rôle à jouer dans l'encadrement des
formation initiale et continue
enseignants
des enseignants et des
encadreurs de la CEB et du SPEI
- Contenus de formation adaptés
aux besoins des enseignants
- Suivi trimestriel par une équipe
d’encadreurs formés (CEB et
SPEI) et spécialisés
(association)
En termes de suivi
FAIBLESSES
- Rencontres d’échanges entre
enseignants
- Déplacements des équipes de suivi assurés par
Handicap International (le suivi des enseignants
dans les CTIS et les classes inclusives est une
activité indispensable à la bonne réussite de
l’intégration scolaire des enfants sourds et
malentendants) ; le suivi nécessite des ressources
(humaines et matérielles) importantes,
actuellement supportées par Handicap
International
- Insuffisance de planification des sorties, ce qui
entraîne parfois la non-disponibilité des
encadreurs
38
- Local disponible dans l’enceinte - Limites dans l’identification des écoles (école à 3
de l’école pour héberger la CTIS
classes)
- Personnel enseignant de la
fonction publique, et affecté sur
la base du volontariat
En termes de conception
- Adhésion du MEBA
- Appui des associations
spécialisées
- Localisation excentrée du bâtiment vis-à-vis des
autres classes
- Soutien financier de Handicap International dans
toutes les étapes
- Approche multisectorielle peu développée
- Peu d’actions en faveur des parents
- Aspect transitoire
- Peu d’actions en faveur des enfants entendants et
malentendants
- Disparité des âges entre élèves entendants et élèves
malentendants
- Absence initiale de discussion sur la contribution
financière de l’État
En termes d’appropriation
- Ressources disponibles
formées
- Ancrage institutionnel
- Implication des partenaires au
niveau local
- Peu de concertation avec les autres acteurs
internationaux pour des complémentarités d’actions
- Forte mobilité du personnel enseignant
- Non-maîtrise par le MEBA de la stratégie mise en
œuvre ; manque de vision à long terme de la part du
MEBA sur les besoins qu’exige un tel dispositif
(particulièrement en termes de ressources humaines)
- Pas de cycle spécialisé dans les écoles de formation
- Bonne collaboration avec les
structures spécialisées
39
II. Recommandations
Au regard de ce qui précède, nous pouvons tenter de faire des recommandations pour
envisager des stratégies d’extension à long terme du dispositif d’inclusion en milieu
scolaire ordinaire.
A) Complémentarité d’actions
Les leçons tirées de l’expérience mettent en avant la nécessaire complémentarité entre
les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre du dispositif, et l’impératif d’une
synergie d’action autour de ces classes. L’insertion des enfants sourds et malentendants
implique, pour qu’elle soit pleinement réussie, un certain nombre de partenariats à tisser
et à entretenir : enseignants, encadreurs pédagogiques, spécialistes du handicap,
associations spécialisées dans l’éducation d’élèves avec un type de handicap précis,
autorités politiques décentralisées, autorités administratives décentralisées (action
sociale, santé), autorités éducatives au niveau central et local, parents d’élèves, enfants
handicapés. Le dispositif doit être développé en prenant en compte la dimension
multisectorielle pour réussir pleinement la mise en œuvre des CTIS et des classes
inclusives. Chaque acteur a un rôle important à jouer pour que l’ensemble fonctionne
harmonieusement : les spécialistes du handicap pour établir le diagnostic qui va ensuite
orienter la prise en charge scolaire ; les ressources spécialisées dans le type de
handicap concerné pour former et appuyer les enseignants dans leurs pratiques
éducatives ; les autorités éducatives pour travailler à rendre le système plus inclusif et
accepter les nouvelles adaptations pédagogiques qu’un tel système requiert ; les
parents pour encourager les enfants dans leur scolarisation, et les enfants eux-mêmes
pour tenter l’expérience.
Au niveau du partenariat technique, il paraît important de rappeler la nécessité de
travailler à renforcer la concertation entre les ONG internationales intervenant sur la
question de l’éducation inclusive au Burkina Faso. En effet, il n’est pas rare de voir
l’implication de plusieurs ONG vis-à-vis des mêmes groupes cibles, des mêmes
partenaires, et intervenant parfois sur les mêmes terrains. Chaque structure développe
une expertise dans un domaine donné : formation, Réadaptation à Base Communautaire,
etc. Rassembler les compétences permettrait de développer des actions
complémentaires utiles à l’ensemble des acteurs. Des échanges réguliers existent déjà
entre Handicap International et Light for the World sur la question du partenariat avec le
MEBA. Formaliser un partenariat permettrait de prendre en compte plusieurs
composantes d’un même domaine d’intervention. Sensorial Handicap Corporation est
une autre ONG intervenant dans le domaine du handicap et qui travaille à développer la
formation spécialisée au niveau des écoles de maîtres au Burkina. Une collaboration
pourrait se construire autour du suivi et du recyclage des enseignants.
40
B) Flexibilité du système éducatif
La conception du dispositif et son expérimentation ont été l’occasion de penser
autrement les choses, de questionner les méthodes et les habitudes, et parfois de les
remettre en cause. L’innovation est un enrichissement pour tout système scolaire qui a
la volonté de s’adapter aux changements qu’une telle innovation impose. Cela prend du
temps et suppose de préparer l’ensemble des acteurs directs et indirects au travers d’un
travail de sensibilisation et d’information. Il est notamment important de rappeler à ceux
qui ont la responsabilité de l’éducation de tous les enfants les dispositions existantes au
niveau national. Souvent mal connues et donc très peu appliquées, elles prévoient des
possibilités en termes de scolarisation pour les enfants handicapés. Par exemple, la
priorité doit être donnée aux enfants handicapés pour qu’ils puissent s’inscrire dans les
établissements scolaires les plus proches de leur lieu de domicile. Autre exemple : la
limite d’âge d’inscription au CP1 pour un enfant handicapé a été reculée à 12 ans.
Par ailleurs, les enfants avec une déficience sévère peuvent avoir besoin d’un temps
d’enseignement plus important, ou d’autres méthodes d’apprentissage. Dans ce cas, la
réorganisation des ressources disponibles (en utilisant différemment le temps disponible
par exemple) s’impose afin de faciliter l’insertion.
C) Implication forte de l’État
La stratégie d’extension du dispositif et sa viabilité sur le long terme nécessite une
implication forte du MEBA dans la validation du mécanisme à retenir et son intégration
dans le système éducatif burkinabé. Ainsi, pour inscrire l’action dans la durée, il est
important que les premiers responsables au niveau central participent à la réflexion sur
les besoins et les ressources nécessaires sur les six années de scolarité au primaire (du
CP1 au CM2), en termes de formation des maîtres et des encadreurs pédagogiques, de
recrutement et d’encadrement des enseignants, d’identification des besoins matériels et
pédagogiques des enfants et des enseignants, de construction éventuelle de salles de
classe. L’ensemble de ces besoins doit ensuite faire l’objet d’une priorisation et
s’inscrire dans un plan d’action de plusieurs années afin que les ressources financières
nécessaires soient disponibles pour une prise en charge au moins partielle du système
par l’État. L’absence de vision à long terme entraîne l’absence de planification. Dans le
partenariat entrepris avec le MEBA, Handicap International doit veiller au stade actuel à
ce que ces discussions soient une réalité afin d’envisager la prise en compte du
dispositif au niveau du ministère. Les problèmes soulevés par les vacances de poste, les
choix d’écoles à trois classes ou la forte mobilité des enseignants formés pourraient
trouver une solution si l’engagement des directions centrales était plus marqué.
D) Consolidation des acquis
Les évaluations et les échanges avec les partenaires laissent apparaître un réel intérêt
pour l’extension du dispositif à d’autres types de handicap et sur d’autres zones
géographiques. Pourtant, il semble préférable de consolider les acquis et de s’assurer
d’une bonne maîtrise des mécanismes par les acteurs impliqués, avant d’envisager de
répliquer le système mis en place. L’expérience est encore trop récente et des
améliorations à apporter au dispositif sont encore nécessaires pour véritablement
assurer, dans de bonnes conditions, l’inclusion scolaire en milieu ordinaire de tous les
enfants, quelque soit le type de handicap.
41
E) Formation des enseignants
Au Burkina Faso, il n’existe pas encore de formation spécialisée pour les futurs
enseignants à l’école de formation des maîtres (ENEP). Comme nous l’avons vu
précédemment, l’instituteur qui exerce la fonction d’enseignant principal n’est autre
qu’un enseignant ordinaire, qui a accepté de s’engager dans le cadre de l’action pilote.
La motivation des maîtres n’est pas suffisante pour relever tous les défis d’une
expérience de ce type. Envisager une année de spécialisation dans les ENEP permettrait
au MEBA de disposer d’un vivier d’enseignants spécialisés, qui par la suite pourraient
être placés dans les classes inclusives.
42
Conclusion
L’expérience des CTIS et des classes inclusives dans la circonscription scolaire de
Tanghin Dassouri suscite l’admiration, l’intérêt et la curiosité de nombreux acteurs
éducatifs, au niveau national comme au niveau régional. Cette expérience novatrice a
permis d’ouvrir les portes de l’école à des enfants jusque-là maintenus en marge du
système du fait du degré de sévérité de leur déficience.
Le dispositif d’inclusion des enfants sourds et malentendants dans le système scolaire
ordinaire avait pour ambition de répondre à un double besoin : celui de scolariser des
enfants avec une déficience sévère dans les écoles de leur quartier, tout en prenant en
compte les ressources limitées du milieu. Les résultats constatés, que ce soit en termes
d’intégration sociale ou de représentation vis-à-vis des enfants sourds et
malentendants, sont positifs. Dans la circonscription de Tanghin Dassouri, les acteurs
éducatifs et les parents d’enfants malentendants et entendants sont aujourd’hui
convaincus de la capacité des enfants à suivre une scolarité aux côtés d’enfants non
handicapés et de la possible réussite des enfants à l’école ordinaire. La logique
d’inclusion au travers de l’aspect transitoire, du passage d’un enseignement collectif en
CTIS à un enseignement individualisé en classe inclusive, montre, malgré quelques
difficultés, des résultats plutôt encourageants.
L’investissement financier, bien qu’important au départ, s’avère être à terme moins
coûteux que la scolarisation dans une structure spécialisée. Par ailleurs, les partenariats
noués avec les associations telles que le CEFISE ou la FES-BF favorisent l’interaction
nécessaire entre école spécialisée et école ordinaire dans la mise en place d’activités
inclusives.
Au-delà de cet engouement suscité par l’aptitude des enfants sourds et malentendants à
lire, écrire, calculer et communiquer avec autant de facilité que les autres élèves, un
certain nombre de questionnements soulevés par cette expérience novatrice au Burkina
Faso reste à considérer.
Ce projet a été mené en deux phases. Les améliorations apportées au modèle initial
développé se doivent d’être poursuivies, pour répondre de manière efficace aux objectifs
de qualité qu’il s’est donné, et assurer une certaine pérennité du système.
L’existence de cette expérimentation a été l’occasion, pour les responsables du
Ministère de l’Éducation et l’ensemble des acteurs éducatifs impliqués, de penser le
système éducatif autrement. La volonté politique et les efforts combinés de tous les
acteurs restent un aspect central pour le développement de cette innovation.
Ce document n’a pas l’ambition d’évaluer le dispositif, mais bien de rappeler le contexte
dans lequel il a été mis en place et de présenter les résultats disponibles à travers
quelques outils utiles et témoignages des bénéficiaires des actions. Les
recommandations formulées laissent entrevoir quelques pistes de réflexion dans la
poursuite des actions en faveur de ce dispositif d’un nouvel ordre dans le contexte
éducatif du Burkina Faso.
43
Sigles et Abréviations
AME
Association des Mères Educatrices
APE
Association des Parents d’Elèves
APEE
Association des Parents et Amis d’Enfants Encéphalopathes
CEB
Circonscription d’Education de Base
CEFISE
Centre d’Education et de Formation Intégrée de Sourds et Entendants
CPI
Conseiller Pédagogique Itinérant
CTIS
Classe Transitoire pour l’Inclusion Scolaire
DDEB
Direction du Développement de l’Enseignement de Base
DGEB
Direction Générale de l’Enseignement de Base
DPEBA
Direction Provinciale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation
DREBA
Direction Régionale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation
ENEP
Ecole Nationale des Enseignants du Primaire
EPT
Education Pour Tous
FITIMA
Fondation Internationale Thierno & Mariam
GAP
Groupe d’Animation Pédagogique
MEBA
Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation
PDDEB
Plan Décennal de Développement de l’Education de Base
REPEI
Réseau pour la Promotion de l’Education Intégratrice
SHC
Sensorial Handicap Cooperation
SPEI
Service de la Promotion de l’Education Intégratrice
UE
Union Européenne
UN-ABPAM Union nationale des Associations Burkinabè pour la Promotion des
Aveugles et Malvoyants
44
Bibliographie
Bulletins École Pour Tous n°5, 8, 9 et 10, Lettre mensuelle de l’école inclusive,
publication Handicap International Burkina Faso, 2004 et 2005
Corps H. Document de positionnement de Handicap International dans le domaine de
l’Education Inclusive, Domaine Insertion, juin 2008
DFID. Learning from differences, understanding community initiatives to improve
access to education, December 2003
Gansoré N. Expérience des classes transitoires d’insertion scolaire au Burkina Faso,
Handicap International, septembre 2007
Kafando T. Rapport de formation en langue des signes des enseignants et
encadreurs pédagogiques, septembre 2009
Ministère de l’Éducation Nationale / Direction générale de l’enseignement scolaire.
Scolariser les élèves handicapés, Collection Repères Handicap, janvier 2008
Naré J. Rapport général des activités de suivi des CTIS et des classes inclusives
recevant des déficients auditifs de TD, SPEI, décembre 2009
Sanwidi I. Étude portant sur le dispositif des CTIS, I.C.I, janvier 2009
Save the children UK. Making the schools inclusive, how change can happen, Save the
children’s experience, 2008
Tran A. Enjeux et perspectives, quel est l’atout des CTIS ? Handicap International,
Novembre 2007
Trani J-F. Towards inclusion and equality in education, National disability survey in
Afghanistan, Handicap International, 2006
45
La scolarisation des enfants
sourds et malentendants
dans les écoles ordinaires
Ce document présente la mise en place
d’un dispositif unique d’inclusion
d’enfants sourds et malentendants
dans les écoles ordinaires du Burkina Faso.
Dans un premier temps, le fonctionnement
et toutes les étapes du dispositif sont
présentés.
Dans un second temps, un état des lieux
des résultats de l’expérimentation est
proposé.
Enfin, des recommandations sont
formulées afin d’améliorer le dispositif
existant, et de planifier les actions
futures en matière d’inclusion.
HANDICAP INTERNATIONAL
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69361 LYON Cedex 07
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