COMITÉ DE DISCIPLINE - Ordre des ingénieurs du Québec

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COMITÉ DE DISCIPLINE - Ordre des ingénieurs du Québec
COMITÉ DE DISCIPLINE
ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC
Canada
PROVINCE DE QUÉBEC
N° : 22-03-0284
DATE : Le 14 mars 2005
______________________________________________________________________
LE COMITÉ : Me Jean-Guy Gilbert
Président
Gérard Trépanier, ing.
Membre
Pierrette Marchand, ing.
Membre
______________________________________________________________________
Alexandre R. Khayat, ingénieur, en sa qualités de syndic adjoint de l’Ordre des
ingénieurs du Québec
Partie plaignante
c.
Daniel Kumps, ingénieur
Partie intimée
______________________________________________________________________
DÉCISION SUR CULPABILITÉ
______________________________________________________________________
[1]
Le 26 septembre 2003, le syndic de l’Ordre des ingénieurs du Québec portait
une plainte contre l’intimé, ainsi libellée:
1.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 4 décembre 1997, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps n’a pas tenu compte des
conséquences de l'exécution de ses travaux sur la propriété de toute personne
en émettant le plan RSO-1 Rév. 0, alors que ledit plan présentait une solution
incomplète au problème d’instabilité affectant l’immeuble, contrevenant ainsi aux
articles 2.01 et 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ;
2.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 11 mars 1998, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté une soumission qui
n’était pas suffisamment explicite quant aux conséquences de ses travaux,
contrevenant ainsi à l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ;
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3.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 8 juin 1998, l’ingénieur
Daniel Kumps a déclaré dans un document intitulé «Programme de subvention à
la rénovation» qu’il était l’entrepreneur général pour l’ensemble des travaux de
rénovation relatifs à l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue
Sheppard, alors que cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi
aux articles 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des
professions ;
4.
À Montréal, district de Montréal, entre le début du mois de juin et le ou
vers le 25 juin 1998, l’ingénieur Daniel Kumps a omis d’assurer une surveillance
adéquate des travaux de pieutage de l’immeuble portant les numéros civiques
2509 à 2515 rue Sheppard, contrevenant ainsi aux articles 2.01 et 2.04 du Code
de déontologie des ingénieurs ;
5.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 16 juillet 1998, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a annoté le plan RSO-1 Rév. 0 en
y apposant la mention «Tel que construit» alors que cette affirmation ne reflétait
pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 2.04 et 3.02.08 du Code de
déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions ;
6.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 30 septembre 1998, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté, en complément au
plan RSO-1 Rév. 1, des calculs datés du 25 septembre 1998 qui étaient
incomplets, contradictoires, ambigus ou insuffisamment explicites, contrevenant
ainsi à l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs
7.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 6 octobre 1998, l’ingénieur
Daniel Kumps a déclaré dans un document intitulé «Attestation de
l’entrepreneur» avoir exécuté l’ensemble des travaux de rénovation relatifs à
l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, alors que
cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 3.02.08
du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions;
8.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 3 novembre 1998, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a fait parvenir à monsieur André
Belina de Ville de Montréal le plan RSO-1 Rév. 1 ainsi qu’une déclaration écrite
affirmant la nécessité d’ajouter deux (2) pieux supplémentaires, alors que cette
affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 2.04 et
3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions;
9.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 5 janvier 1999, dans le
cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à
2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté, en complément au
plan RSO-1 Rév. 2, des calculs datés de ce même jour qui étaient incomplets,
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contradictoires, ambigus ou insuffisamment explicites, contrevenant ainsi à
l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ;
10.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 16 septembre 1999,
l’ingénieur Daniel Kumps a émis, dans une lettre adressée à monsieur Pierre
Grenier concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue
Sheppard, des avis incomplets et/ou contradictoires qui n’étaient pas basés sur
des connaissances suffisantes et d'honnêtes convictions, contrevenant ainsi aux
articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ;
11.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 1er novembre 1999,
l’ingénieur Daniel Kumps a émis, dans une lettre adressée à monsieur Pierre
Grenier concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue
Sheppard, des avis incomplets et/ou contradictoires qui n’étaient pas basés sur
des connaissances suffisantes et d'honnêtes convictions, contrevenant ainsi aux
articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ;
12.
À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 12 avril 2000, l’ingénieur
Daniel Kumps a présenté, relativement à l’immeuble portant le numéro civique
2507 Sheppard, une soumission qui était incomplète, contradictoire, ambiguë ou
insuffisamment explicite et n’était pas basée sur des connaissances suffisantes,
contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des
ingénieurs ;
13.
À Montréal, district de Montréal, l’ingénieur Daniel Kumps a tenu des
propos contradictoires concernant les travaux de pieutage de l’immeuble portant
les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard en affirmant d’une part, le ou
vers le 13 août 2001 dans le cadre d’une rencontre avec le plaignant, que lesdits
travaux avaient été confiés à un sous-traitant et en affirmant par ailleurs, le ou
vers le 19 septembre 2002 dans le cadre d’un interrogatoire hors cour mené par
Me Patrice Morin, que lesdits travaux avaient été effectués par les employés de
Les Fondations Micropiles Inc., contrevenant ainsi aux articles 59.2 et 114 du
Code des professions ;
14. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 13 août 2001 dans le cadre
d’une rencontre avec le plaignant et le ou vers le 19 septembre 2002 dans le
cadre d’un interrogatoire hors cour mené par Me Patrice Morin, l’ingénieur Daniel
Kumps a tenu des propos contradictoires sur la fréquence de ses visites de
surveillance des travaux de pieutage de l’immeuble portant les numéros civiques
2509 à 2515 rue Sheppard, contrevenant ainsi aux articles 59.2 et 114 du Code
des professions ;
[2]
Le 28 avril 2004, lors d’une rencontre pour gestion d’instance, l’audition est fixée
au 13, 14 et 15 juillet 2004.
[3]
Le 13 juillet 2004, lors de l’audition les parties sont présentes.
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[4]
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L’intimé est représenté par Me Michel Gendron et le plaignant par Me Simon
Venne.
[5]
L’audition a duré 3 jours.
[6]
Cinq témoins furent entendus pour le poursuivant.
[7]
En défense, l’intimé a témoigné.
[8]
Le poursuivant a déposé quarante-huit pièces et l’intimé huit.
[9]
Une volumineuse jurisprudence a été déposée de part et d’autre.
Preuve du poursuivant :
[10]
Le témoin David Pitts déclare :
o
Il est propriétaire du 2509 Sheppard et il a confié le mandat de gestionnaire à
M. Pierre Grenier, qui n’est pas ingénieur, pour chercher des subventions à la
Ville de Montréal dans le cadre de son Programme de revitalisation des
quartiers centraux. M. Grenier devait voir aussi à retenir les services des
ressources requises pour l’exécution de travaux d’arrêt de l’enfoncement de la
maison de M. Pitts (S-16).
o
Il a acheté la résidence en 1981.
o
Monsieur Grenier a fait une demande de subvention pour le 2509-2515
Sheppard, un édifice de trois étages comprenant 5 logements vacants lors de
la production de cette demande. (S-17)
o
Ladite demande est signée par M. P. Grenier et datée du 3 septembre 1996.
o
Il déclare qu’il a envoyé le 24 décembre 1998 une « lettre recommandée » aux
intervenants de son projet (2509 Shepppard), à savoir L’équipe PCG, Les
Fondations Micropiles inc., M. Jacques Chartrand, ing., Centre de rénovation et
construction B.L. pour les informer que l’arrière de son bâtiment s’est enfoncé
après l’exécution des travaux par Les Fondations Micropiles inc.
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o
Il a rejoint monsieur Kumps qui lui a affirmé, après avoir inspecté le sous-sol de
la maison et le 3e étage là où les portes ne s’ouvraient plus, que ces
déficiences n’étaient pas dues aux travaux qu’il avait effectués.
o
Selon monsieur Pitts, les employés de monsieur Kumps ne travaillaient pas de
façon professionnelle.
o
Il donne comme exemple le drain du plancher qui avait été brisé lors des
travaux, a été remplacé par un drain français après de nombreuses demandes
de celui-ci à messieurs Kumps et Grenier.
o
Il prévient celui-ci qu’il fera le paiement final à l’Équipe P.C.G. lorsque les
travaux correctifs auront été réalisés à sa satisfaction et que, si dans les 30
jours les réparations ne sont pas faites, il prendra une action légale et engagera
à leurs frais un entrepreneur indépendant pour faire les travaux requis.
o
Il affirme que les travaux de fondation ont été faits en juin 1998 et répartis sur 3
semaines.
o
Il avait parlé à M. Kumps 7 ou 10 jours avant l’envoi de la lettre datée du 21
décembre1998 (S19).
o
Il passait une fois par jour au chantier de sa maison et il a vu M. Kumps sur
place quelques fois, soit 5 ou 6 fois.
o
Il a aussi vu sur place M. Grenier qui venait voir les travaux.
o
Il dépose une lettre datée du 21 juin 1999 de son locataire du 2513 A
Sheppard, M. Greg Y. Maynard, qui lui transmettait une liste de déficiences
observées dans son logement et reliées aux mouvements de la maison : le mur
mitoyen au niveau de la cuisine a bougé ; la porte arrière se coince et elle doit
continuellement être ajustée ; le plancher de la cuisine est très froid et
beaucoup plus depuis les travaux effectués à la fondation ; la fenêtre fuit et le
ciment au-dessus est fissuré ; la porte extérieure avant est ajourée et non
étanche à l’eau.
o
Il reçoit de monsieur. G. Y. Maynard une 2e lettre datée d’avril 2000 pour
l’informer de la détérioration rapide de son logement. Il y parle des mêmes
déficiences que celles rapportées dans sa lettre précédente (S20), mais insiste
sur le fait que les troubles prennent de plus en plus d’ampleur, que des fissures
sont apparues dans les murs et qu’elles se propagent sans arrêt.
o
Ses locataires ont quitté en raison des problèmes de l’immeuble.
o
Il prend une action civile contre l’Équipe P.C.G. et Jacques Chartrand et Les
Fondations Micropiles inc., et Daniel Kumps défendeurs.
o
Il a accepté à la demande de son avocat qu’une expertise soit faite dans le
cadre de son action civile par l’architecte Laurent Jetté.
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o
Il a obtenu de Inspec-sol inc. une étude sur la qualité du béton des murs de
fondation du 2509 rue Sheppard à partir d’échantillons de béton prélevés à
même les murs (sondage par carottage).
o
Le rapport, signé par Gervais Gagnon, ingénieur stagiaire et Robert Raymond,
ingénieur, conclut que la qualité du béton des murs de fondation est, sud et
ouest, est de qualité acceptable.
o
Par contre, la résistance et la qualité du béton du mur est sont inadéquates
pour assurer la durabilité de l’ouvrage.
o
Il devait y avoir des travaux à être exécutés sur son l’immeuble suite à
l’expertise de monsieur Goulet, ingénieur, en regard du redressement et la
stabilisation sur pieux des murs de fondation de l’immeuble.
o
Ceux-ci ont été évalués à 82 000 $ par P. A. Rodrigue, ingénieur, le 19 juin
2001 et à 92 700 $ par le groupe Lévitech, le 9 avril 2002.
o
Dans les deux cas, les estimations ont été préparées à partir des plans et devis
produits par M. François Goulet, ingénieur en structure.
o
Il indique que le coût final a atteint 120 000 $ en reconnaissant que ces
derniers travaux avaient durablement redonné toute sa stabilité à sa maison.
o
Il indique que monsieur. J. Chartrand a préparé un plan des pieux (S-2) qui
avait été requis par le mandataire du propriétaire, M. Grenier.
o
Lorsqu’il demande des précisions à M. Chartrand sur le fait qu’il y avait des
pieux au centre et aucun sur les côtés, la réponse a été claire sur le mandat de
J. Chartrand: « Je suis l’ingénieur, et pas vous (I am the engineer, you’re not) ».
o
Quant à la facture de P.C.G., elle concerne selon lui, la visite des lieux et les
rencontres qu’il a eues avec J. Chartrand et Pierre Grenier; en plus de la
production de plans et du rapport à la Ville de Montréal (S-2), des travaux à
être effectués, des visites de chantier durant et à la fin des travaux.
o
Il précise que les travaux ont été réalisés en juin 1998 et qu’il furent terminés
avant les vacances de la construction.
o
Il évoque le fait que l’arrêt des subventions pourrait expliquer les délais en
regard des travaux de 1997 à 1998.
o
Il a rencontré monsieur Chartrand à deux ou trois reprises durant les travaux.
o
Selon lui c’est monsieur Chartrand qui a fait les plans de pieutage.
o
Il a rencontré monsieur Kumps durant le pieutage, environ 5 fois et par la suite
en raison des problèmes survenus à l’immeuble.
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[11]
[12]
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Le deuxième témoin est monsieur André Bélina qui déclare :
o
Il est la personne responsable des subventions pour la ville de Montréal.
o
Le programme de subventions existe depuis 1977.
o
Le programme est en perpétuelle évolution.
o
La ville de Montréal surveille et fait un suivi dans chacun des dossiers.
o
La lettre du 29 juillet 1997 (S-2) est accompagnée d’un plan avec 20 pieux.
o
Le coordonnateur du projet est monsieur Pierre Grenier. (S-3)
o
L’entrepreneur général est ‘’Les fondations Micropiles’’, suivant S-4.
o
Un plan (S-5), signé par l’intimé et accompagné de son sceau, modifie le
nombre de pieux de 20 (du plan Chartrand) à 14.
o
Il y a eu une diminution de la subvention suite aux modifications apportées. (S8)
o
L’entrepreneur est ‘’ Les fondations Micropiles’’ suivant la pièce S-9 qui a été
envoyée à la Régie du bâtiment du Québec par le coordonnateur Grenier.
o
Il y a eu une autre modification en relation avec les pieux puisque deux autres
pieux ont été ajoutés et cette modification a été acceptée par la ville de
Montréal.
o
L’entrepreneur atteste la fin des travaux. (S-11)
o
La ville refuse le paiement pour les deux pieux additionnels. (S-12)
o
La pièce S-13, est une lettre de l’intimé accompagnée de deux plans qu’il a
signés et où il a apposé son sceau.
o
Il ne se souvient pas de la pièce S-42 qui est une lettre de l’intimé à Pierre
Grenier
Le troisième témoin est l’ingénieur François Goulet qui déclare au Comité :
o
Il est un ingénieur spécialisé en structure dans le domaine particulier de la
restauration et de la rénovation de bâtiment.
o
Il connaît l’intimé depuis une douzaine d’années.
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o
Il a travaillé avec l’intimé sur plusieurs chantiers.
o
Il a demandé au syndic de faire enquête, (S-27) considérant que la situation lui
semblait inacceptable.
o
Il a accepté un mandat de M. David Pitts portant sur l’instabilité des fondations
et de la charpente de son bâtiment sis au 2509-2515, rue Sheppard à Montréal
après les travaux effectués par Les Fondations Micropiles.
o
En guise de contexte, son rapport présente un historique du bâtiment et les
faits y afférents pour la période de 1997 au 7 août 2000.
o
Ces informations initiales lui ont été fournies par le propriétaire.
o
Il a examiné les lieux le 7 août 2000 .
o
Son rapport est déposé sous les cotes S-28 et S- 33.
o
Il a relevé la présence de plusieurs désordres apparents reliés à la charpente
du bâtiment dont certains lui indiqueraient que le bâtiment bouge : béton
poreux, fenêtres croches, parement de briques lézardé et signes d’affaissement
de la façade arrière (est), affaissement des murs sud et nord (la structure en a
été affectée), fissuration et portes coincées.
o
À l’extérieur du bâtiment : il a noté que le béton des murs de fondation des
façades avant et arrière est poreux ; fenêtres croches, parement de briques
lézardé et signe d’affaissement de la façade arrière ; évidence que le mur
latéral sud serait en voie de s’affaisser.
o
À l’intérieur du bâtiment : il a remarqué qu’au sous-sol, l’avant ou l’arrière du
mur latéral nord s’est affaissé ou s’affaissera peut-être encore et que la
structure, les solives, poutres maîtresses et plancher, en a été affectée ;
fissuration relevée au rez-de-chaussée, 2e et 3e étage avec indications que le
bâtiment bouge (portes coincées, comptoir de cuisine affaissé), plusieurs
fissures sont récurrentes ; plusieurs fissures seraient récentes selon le
propriétaire.
o
Il a examiné trois plans signés et scellés par l’intimé titrés « Reprise en sousœuvre, 2509 Sheppard, Montréal – Les fondations Micropiles inc. », numérotés
RSO-1 et portant respectivement les dates et les numéros de révision
suivants : Rév. 0, 4 décembre 1997 ; Rév. 1, 25 septembre 1998 ; Rév. 2, 5
janvier 1999.
o
Il a observé que entre 1997 et 1998, les plans indiquent des localisations
différentes pour les pieux destinés à soutenir les piliers de béton situés au
sous-sol.
o
Il souligne que les plans les plus récents indiquent un pieu supplémentaire et
un muret de soutènement dans l’angle nord-est des fondations de contour.
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o
Il relate que la pointe des pieux et la poutre de reprise n’y sont pas décrites.
o
En ce qui regarde les mémos du 5 janvier 1999 et du 11 août 1999, il lui
semble que les lectures de niveaux prises le 5 janvier 1999 sont douteuses (le
point de repère stable, la borne fontaine, peut bouger ; constat d’erreurs
d’élévation sur les points de repère PK posés sur les fondations).
o
Il se demande quelle sont les vraies valeurs d’élévation des points PK et du
bench mark.
o
D’où la conclusion possiblement erronée que les fondations seraient stables ne
reflèterait pas nécessairement la réalité.
o
Il souligne que les plans de l’intimé montrent un nombre de pieux inférieur à
celui spécifié par le concepteur.
o
La localisation des pieux et des piliers a été changée.
o
Des plans récents indiquent un pieu et un muret supplémentaires. La pointe
des pieux et la poutre de reprise n’y sont pas décrites.
o
Concernant les mémos de l’intimé, il met en doute la précision de ses relevés
d’élévation et affirme que sa conclusion sur la stabilité des fondations et
l’absence de mouvement différentiel ne reflèterait pas la réalité puisque le point
de repère stable, la borne fontaine, aurait pu bouger et que des erreurs dans
les élévations ont été faites.
o
Suivant son témoignage la conclusion de l’intimé à l’effet que le mur sud ne
s’affaisse pas et que les dommages apparus sont dus à un effet de traction du
bâtiment voisin au sud de celui de M. Pitts, est contraire à ses propres
observations.
o
Il a constaté que c’est bel et bien le bâtiment de M.Pitts qui se serait affaissé
par rapport à celui du voisin.
o
À l’automne 2000, il a échantillonné et examiné quatre (4) des pieux posés par
l’intimé et son entreprise.
o
Deux de ces pieux se sont révélés non fonctionnels et non conformes.
o
L’un n’avait que 17 pouces de long, le faux pieu (mur ouest), et l’autre (mur est,
près de la cheminée) étaient branlants et sont cassés à quatre (4) pieds de sa
partie supérieure, laissant voir qu’ils n’avaient pas été remplis de béton mais de
détritus divers.
o
Les deux autres pieux situés près d’un pilier intérieur, sous les poutres
maîtresses nord et sud, mis à part la piètre qualité de leur soudure, ne
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semblaient pas à première vue défectueux et ils ont servi aux essais de
chargement statique selon la norme ASTM D1143.
o
La charge totale d’essai appliqué aux pieux devait être de 50 000 lb et
appliquée par paliers.
o
L’essai réalisé sur le pieu situé sous la poutre maîtresse sud s’est terminé à
une charge de 5 520 lb (avant même la fin du chargement du premier palier de
12 500 lb), et celui réalisé sur le pieu situé sous la poutre maîtresse nord a été
arrêté à une charge de 9 940 lb.
o
Dans les deux cas, chacun des pieux s’enfonçait rapidement au fur et à mesure
que le vérin hydraulique poussait dessus et rien ne semblait indiquer que
l’enfoncement cesserait à une profondeur voisine.
o
L’exercice devenant plutôt une pose de pieu, l’on a mis fin à l’essai.
o
Ces deux (2) pieux n’ont donc pas la capacité requise.
o
Une étude géotechnique réalisée par Quéformat Ltée a confirmé la présence
de débris jusqu’à 2,7 m (8 pi 10 po) sous la surface, puis d’une couche d’argile
jusqu’à une profondeur de 6,8 m (22 pi 4 po) sous la surface, suivie de la
présence de silt. Le refus normalisé a été atteint à une profondeur de l’ordre de
13,7 m (44 pi 11 po) sous la surface.
o
Il conclut que les désordres récurrents observés dans le bâtiment ont plusieurs
causes reliées à l’état de la structure du bâtiment, à l’inefficacité du système de
pieux installés sous certaines parties des fondations du bâtiment alors que les
pieux installés sous les autres parties sont dans bien des cas des apparences
de pieux (leurres).
o
Selon l’échantillonnage des quatre (4) pieux, il conclut que la reprise en sousœuvre est de piètre qualité (soudures mal faites, déchets dans les pieux) et
qu’il s’avère que des faux pieux ont été installés à certains endroits.
o
Il souligne de plus, qu’aucune mesure n’a été prise par les exécutants pour
s’assurer que les pieux installés puissent supporter les charges de service
prévues au Code National du Bâtiment.
o
Il termine en faisant cinq recommandations qui concernent la structure même
du bâtiment.
o
La quatrième recommandation (qui a trait aux travaux réalisés par l’ingénieur
D. Kumps) est à l’effet que ce bâtiment doit être repris en sous-œuvre de façon
intégrale avec des pieux sur tout son périmètre et près des piliers intérieurs et
que de nouveaux pieux doivent être ajoutés pour remédier à l’inefficacité voire
même l’inutilité des pieux déjà installés.
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PAGE : 11
Le poursuivant fait entendre comme quatrième témoin l’ingénieur Michel
Lemieux à titre de témoin expert.
[14]
Celui-ci relate les faits suivants :
o
Il a assisté aux audiences dans le présent dossier.
o
Il a agi à titre d’expert à la demande de l’Ordre des ingénieurs suite à un contrat
intervenu le 30 mai 2003.
o
Son rapport a été remis le 22 août 2003, à monsieur Alexandre Khayat, syndic
adjoint et il se retrouve à la pièce S-37.
o
Son expertise a été élaborée sous forme de questions et réponses.
o
Il a consulté les pièces S-2-5-6-7-13-28-29-36-37-38(modifié)-39-40-41-42 et
43
o
Il précise que dans certains cas, le bureau d’ingénieurs prépare des plans et
devis détaillés, puis ce bureau (ou un gestionnaire de projets) lance un appel
d’offres à des firmes spécialisées.
o
Par la suite, le bureau d’ingénieurs peut revoir les dessins d’atelier préparés
par l’entrepreneur qui a obtenu le contrat et proposer, si nécessaire, des
modifications aux dessins.
o
Lors de la réalisation du projet, le bureau d’ingénieurs, un laboratoire, ou
l’entrepreneur lui-même supervise les travaux.
o
Le niveau de confiance le plus élevé est atteint dans le cas d’une supervision
continue effectuée par le bureau d’ingénieurs ou un laboratoire indépendant.
o
Par souci d’économie, le client peut choisir un suivi à temps partiel, mais
l’ingénieur reste responsable du choix des étapes et des moments où se fera
l’inspection.
o
Il ajoute que dans certains cas, toujours selon le choix du client, le bureau
d’ingénieurs prépare un schéma conceptuel des travaux à réaliser.
o
Le client va ensuite en appel d’offres et l’ingénieur au service de l’entrepreneur
effectue les calculs et les dessins d’atelier basés sur le schéma conceptuel.
o
Il est souhaitable que le bureau d’ingénieurs puisse revoir et approuver les
dessins d’atelier avant réalisation. La méthode de supervision des travaux est
choisie de la même façon que mentionnée précédemment.
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o
L’ingénieur Kumps a mentionné lors de son interrogatoire qu’il contrôlait les
matériaux, la position des pieux, leur longueur effective, la qualité des soudures
et les charges de blocage.
o
Par contre, il n’a pas mentionné le contrôle des essais de chargement, non plus
que celui de l’intégrité des points de support existants.
o
Dans le cas présent, l’ingénieur de projet n’a fourni qu’un schéma conceptuel,
donc la conception des pieux était la responsabilité de l’ingénieur Kumps.
o
L’ingénieur Kumps a établi une charge de travail qui semble démontrer qu’il a
effectivement évalué l’aire tributaire propre à chacun des points d’appui ainsi
que l’intensité des charges à reprendre au niveau du sous-sol.
o
Le témoin souligne que le dossier ne comprend pas de calculs à cet effet.
o
De plus, ni le dossier, ni les réponses de l’ingénieur Kumps lors de son
interrogatoire n’indiquent si ce dernier a obtenu confirmation qu’aucun
changement structural à l’intérieur du bâtiment ne viendra modifier le report
des charges.
o
Même chose pour ce qui est de vérifier si les points d’appui du bâtiment en
contact avec les têtes de pieux étaient adéquats pour la transmission des
charges.
o
Selon le témoin, avant de proposer une réduction du nombre de pieux sous les
appuis centraux, l’intimé devait s’assurer que la capacité de chaque pieu serait
suffisante pour reprendre la charge déjà calculée et que le transfert des
charges serait adéquat.
o
Les réponses de l’intimé à ce sujet lors de son interrogatoire après défense
semblent appropriées. Toutefois, le dossier ne permet pas de savoir si
l’ingénieur Kumps a pris en considération, comme il aurait dû le faire, l’état des
points d’appui du bâtiment existant.
o
Lors de son interrogatoire, l’ingénieur intimé a indiqué qu’il existe un risque à
procéder à une reprise en sous-œuvre qui n’inclut pas toutes les fondations du
bâtiment.
o
Il n’est pas possible de savoir si le client a compris ce risque.
o
De plus, le fait qu’un autre ingénieur ait été impliqué dans le projet ne diminue
pas la responsabilité de l’ingénieur Kumps face à son client.
o
Du point de vue purement technique, il est certain que la meilleure solution
pour le bâtiment concerné était de supporter toute la structure, y compris les
murs mitoyens.
22-03-0284
PAGE : 13
o
Cependant, cette solution peut entraîner des problèmes aux bâtiments voisins,
du fait que seule une partie de leur structure sera stabilisée.
o
Des tassements différentiels pourront alors se produire à l’intérieur de ces
bâtiments et y causer de nouveaux désordres structuraux.
o
Il pourrait s’ensuivre des poursuites légales contre le propriétaire.
o
La décision de reprendre en sous-œuvre les murs mitoyens nécessite donc un
accord préalable avec les voisins et la connaissance du comportement
structural des bâtiments adjacents.
o
Tout en mentionnant qu’une reprise en sous-œuvre partielle représente
toujours un risque, l’intimé souligne que cette solution offre des avantages
économiques et que, statistiquement parlant, le risque est très faible.
o
Il n’est pas possible de déterminer à quelles statistiques l’ingénieur Kumps fait
référence.
o
Selon le témoin, il n’existe pas de distinction entre dessin d’exécution, plan
d’atelier et plan de conception.
o
Ces termes sont synonymes et désignent un document qui comprend la
description détaillée des travaux à exécuter, la performance anticipée des
ouvrages et la description des matériaux à utiliser.
o
Dans le cas présent, le dessin de base fourni à l’ingénieur Kumps n’était qu’un
schéma conceptuel.
o
Les plans soumis au dossier répondent aux exigences du schéma conceptuel.
o
Cependant, le concept ne tenait pas compte de la problématique des murs
mitoyens.
o
Selon le témoin, les plans de l’intimé ne sont par conséquent pas complets, car
ils ne font pas état de la possibilité d’une meilleure solution pour le client,
solution qui aurait suggéré le support des murs mitoyens et le recours à l’avis
d’un avocat à ce sujet.
o
À cause de cette lacune, les plans de l’ingénieur Kumps ne sont pas conformes
aux règles de l’art.
o
Toutefois, le dossier ne permet pas de savoir si le client, pour des raisons
d’économie, souhaitait qu’on lui soumette un tel concept incomplet.
o
Si tel est le cas, l’ingénieur aurait dû lui expliquer les risques associés à une
solution qui ne soit pas optimale.
22-03-0284
[15]
PAGE : 14
o
Finalement, les documents de l’intimé identifiés «tel que construit» laissent
entendre qu’il a effectué tous les contrôles et inspections nécessaires à une
telle affirmation.
o
Or, les travaux d’auscultation menés ultérieurement par un autre ingénieur ont
démontré que les ouvrages construits n’étaient pas conformes à ceux décrits
dans ces documents.
Enfin le dernier témoin à être entendu, le syndic adjoint, monsieur Alexandre
Khayat.
o
Il a rencontré l’intimé le 13 août 2001.
o
Il a interrogé l’intimé sur la question des faux pieux.
o
L’intimé a nié avoir eu une conversation avec l’ingénieur Goulet concernant les
faux pieux.
o
L’intimé a déclaré au syndic adjoint que le pieu dédoublé était un pieu de
subvention.
o
Selon lui l’intimé n’avait pas de notes de chantier ou de rapport de visite pour
les cinq visites de chantier.
o
Il a fourni au syndic les pièces S-39 et S-41 soit des plans et des notes.
o
Il a aussi remis au syndic adjoint les pièces S-32-43-47-48.
o
Il a produit la pièce D-15.
o
Il déclare ne pas mettre en doute la compétence de l’intimé mais plutôt sa
connaissance dans ce dossier.
o
Il ne l’a pas interrogé concernant les chefs 13-14 de la plainte.
Preuve de l’intimé :
[16]
Me Gendron a fait entendre l’intimé qui a relaté les faits suivants :
o
Depuis 1992, il est associé à la compagnies Micropiles qui pose des pieux .
o
Le 31 juillet 1997 il a reçu une télécopie de l’ingénieur Chartrand accompagnée
d’une lettre et d’un dessin, en plus d’une carte d’affaire.
22-03-0284
PAGE : 15
o
Il a télécopié une lettre et un dessin au coordonnateur Grenier, sauf que les
notes de S-41 ont seulement été remises au syndic adjoint.
o
Concernant la pièce S-11, il s’est identifié comme entrepreneur général pour
rendre service au coordonnateur car celui-ci n’avait pas renouvelé sa licence.
o
C’est suite à une entente avec le coordonnateur Grenier qu’il fait parvenir à la
ville de Montréal sa soumission suivant la pièce S-4
o
Il a fait la démarche contenue dans la pièce S-13 auprès de la ville suite à la
demande de Monsieur Grenier .
o
La pièce S-39 ( plan et notes personnelles) a été remise seulement au syndic
adjoint.
o
Il a donné une opinion, à monsieur Pitts, sur l’état du bâtiment situé au sud
ayant comme adresse civique le 2507.
o
Il a visité le bâtiment à deux reprises et suite à une observation visuelle, il a
émis l’opinion que l’on retrouve à la pièce S-47.
o
Il a conclu que les problèmes de fondation peuvent influencer le mur mitoyen
suite à des informations factuelles.
o
La soumission du voisin n’a pas été acceptée car celui-ci n’avait pas les
moyens financiers nécessaires.
o
Il déclare que la compagnie Forage St-Eustache est un sous-traitant face à sa
propre compagnie.
o
Il n’a pas fait la surveillance des travaux car selon lui c’était à l’ingénieur
Chartrand que revenait cette obligation.
o
Il s’est rendu de 5 à 6 fois sur le chantier pour des visites d’assez longues
durée.
o
Les visites quotidiennes se faisaient très rapidement; il ne s’agissait pas de
surveillance, c’était plutôt des « visites d’entrepreneur ».
o
Il n’a pas rencontré monsieur Pitts sur les lieux; il ne faisait affaire qu’avec
Grenier.
o
Selon lui, il était un sous-traitant et un sous-traitant ne parle pas au propriétaire.
o
Il a agi comme entrepreneur et non comme ingénieur.
o
Suivant son témoignage, son dossier professionnel est la soumission comme
telle.
22-03-0284
PAGE : 16
Le droit :
[17]
Le Comité croit nécessaire de reproduire les articles pertinents du Code de
déontologie des ingénieurs :
2.01.
Dans tous les aspects de son travail, l'ingénieur doit respecter ses
obligations envers l'homme et tenir compte des conséquences de
l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la santé et la
propriété de toute personne.
2.04.
L'ingénieur ne doit exprimer son avis sur des questions ayant trait à
l'ingénierie, que si cet avis est basé sur des connaissances suffisantes et sur
d'honnêtes convictions
3.02.04.
L'ingénieur doit s'abstenir d'exprimer des avis ou de donner des conseils
contradictoires ou incomplets et de présenter ou utiliser des plans, devis
et autres documents qu'il sait ambigus ou qui ne sont pas suffisamment
explicites.
3.02.08.
L'ingénieur ne doit pas recourir, ni se prêter à des procédés malhonnêtes
ou douteux, ni tolérer de tels procédés dans l'exercice de ses activités
professionnelles.
[18]
Les articles du Code des professions sont les suivants :
59.2.
Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la
dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni
exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une
charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou
l'exercice de sa profession.
114.
Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du
comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée
conformément à l'article 90, un inspecteur, un enquêteur ou un expert,
dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code,
de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de
refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une
22-03-0284
PAGE : 17
vérification ou à une enquête tenue en vertu du présent code ou de
refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document.
[19]
Le Comité accorde une importance particulière à ces articles qui touchent à la
quiddité même du droit disciplinaire.
[20]
L’intégrité du professionnel et ses devoirs envers le public sont des aspects
essentiels à sa démarche professionnelle.
[21]
Les deux parties ont déposé une volumineuse jurisprudence dont le Comité a
pris connaissance.
[22]
Me Simon Venne a déposé la jurisprudence suivante :
o
Guilbault c. Bergeron (Ingénieurs) 22-93-0011
o
Alaurent c. Derome (ingénieurs) 22-96-0014-15-16
o
Alaurent c. Roy (ingénieurs) 22-97-0003
o
Roy c. Alaurent, Tribunal des professions, 540-07-000015-982
o
Alaurent c. Nadeau (ingénieurs) 22-00-0028
o
Guilbault c. Husar (ingénieurs) 22-93-0003
o
Lalibet. c. Kupin (ingénieurs) 22-96-0006
o
Tremblay c. Dionne (ingénieurs) 22-02-0256
o
Le Groupe Icogec inc. c. Ville de Charlemagne et Ordre des ingénieurs
C.S. 705-17-000012-979
o
Tribunal des professions 1981 D.D.C.P. 368
o
Tribunal des professions 1987 D.D.C.P. 299
o
Tribunal des professions 500-07-000305-007
o
Pauline c. Desautels 1997 D.D.O.P. 34
o
Notaires c. Laurier 1996 D.D.O.P. 102
22-03-0284
[23]
PAGE : 18
o
Coutu c. Tribunal des professions C.S. 500-05-042780-989
o
Gervais c. De Nino 26-99-00763
o
Gervais c. De Nino Tribunal des professions 500-07-000303-002
o
Brochu c. Fortin Tribunal des professions 755-07-000005-003
o
Law society of Alberta c. Krieger S.C.R. 28275, 10 octobre 2002
o
Breton c. Ordre professionnelle des travailleurs sociaux C.S. 755-05001835-014
o
Tribunal des professions 1986 D.D.C.P. 157
o
C.S.S.T. c. Tribunal des professions C.S. 500-17-014338-035
o
Tribunal des professions 500-07-000386-023
o
Guilbault c. Bélanger (ingénieurs) 22-01-0003
Me Gendron représentant l’intimé a déposé la jurisprudence et la doctrine
suivante :
o
Ayotte c. Gingras 1995 D.D.O.P. 189
o
Ingénieurs c. Lévy 1991 D.D.C.P.278
o
Comité discipline ingénieurs 1980 D.D.C.P. 173
o
Comité infirmières 1979 D.D.C.P. 89
o
Développements récents en droit disciplinaire et professionnel 1999,
Barreau du Québec.
o
La discipline professionnelle au Québec, Sylvie Poirier
o
Morin c. Terjanian (dentistes) 14-2001-00943
o
Gingras c. Savoie (arpenteurs-géomètres) 04-2000-000217
o
Biron c. Champoux Paillé Tribunal des professions 500-07-000301-006
o
Chao c. White ( avocats) 06-02-01739
o
Mandron c.Boulos Tribunal des professions 500-07-000084-966
22-03-0284
[24]
PAGE : 19
Le Comité a séparé chacun des chefs en relation avec les articles
correspondants du Code des professions et à ceux du Code de déontologie des
ingénieurs :
Art. 114 et 59.2 du Code des professions:
o
chef 13, l’affirmation sur les travaux en sous-traitance (13 août 2001 et
19 septembre 2002);
o
chef 14, propos contradictoires sur les visites de surveillance (13aout
2001 et 19 septembre 2002);
Art. 3.02.04 du Code de déontologie :
o
chef 1, plan RSO-1 Rév.0 ( 4 décembre 1997);
o
chef 2, soumission 11 mars 1998 ;
o
chef 6, calculs complémentaires incomplets (30 septembre 1998);
o
chef 9, calculs incomplets au plan RSO-1Rév. du 5 janvier 1999;
o
chef 10, lettre du 16 septembre avis incomplet;
o
chef 11 lettre 1 novembre 1999, avis incomplet;
o
chef 12, soumission incomplète du 12 avril 2000;
Art. 2.01 du Code de déontologie :
o
chef 1, plan RSO-1 Rév.0 du 4 décembre 1997;
o
chef 4, non surveillance des travaux;
Art. 3.02.08 du Code de déontologie :
o
chef 3, programme de subvention à la rénovation faussement à titre
d’entrepreneur général;
o
chef 5, annotation tel que construit sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16 juillet
1998;
o
chef 7, attestation de l’entrepreneur du 6 octobre1998;
o
chef 8, affirmations quant aux deux pieux supplémentaires du 3
novembre 1998;
22-03-0284
PAGE : 20
2.04 du Code de déontologie;
[25]
o
chef 4, la surveillance des travaux en juin 1998;
o
chef 5, annotation tel que construit sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16 juillet
1998;
o
chef 8, affirmations concernant les deux pieux supplémentaires;
o
chef 10, lettre septembre en relation avec les connaissances suffisantes;
o
chef 11, lettre du 1 novembre en relation avec les connaissances
suffisantes;
o
chef 12, la soumission du 12 avril 2000;
Le Comité croit utile de présenter une certaine chronologie des évènements
principaux de ce dossier :
1) Le 3 septembre 1996, engagement du coordonnateur, monsieur Grenier par le
propriétaire monsieur Pitts. S-16
2) La demande de subvention à la ville de Montréal du 3 septembre 1996. S-17
3) Le 28 mai 1997, la demande est admissible. S-18
4) Le 29 juillet 1997, lettre et croquis de l’ingénieur Chartrand à la Ville de Montréal.
S-2
5) Le 31 juillet 1997, télécopie de l’ingénieur Chartrand à l’intimé, lui demandant
une estimation pour la pose des pieux. S-40
6) Le 8 août 1997, une télécopie de l’intimé à l’ingénieur Chartrand pour la
soumission. S-44
7) Le 30 octobre 1997, la facturation de l’ingénieur Chartrand au coordonnateur
Grenier.
8) Le 30 octobre 1997, la facturation du coordonnateur Grenier à monsieur Pitts.
9) Le 1 décembre 1997, la lettre de l’ingénieur Chartrand à la Ville de Montréal. S-3
22-03-0284
PAGE : 21
10) Le 4 décembre 1997, les plans de l’intimé qui ont été approuvés par l’ingénieur
Chartrand au mois de mars 1998 et reçus à la Ville de Montréal au mois de juin
1998. S-5
11) Le 8 décembre 1997, l’intimé transmet les plans d’atelier à l’ingénieur Chartrand.
S-45
12) Le 9 mars 1998, il y a approbation des plans de l’intimé par l’ingénieur
Chartrand.
13) Le 11 mars 1998, une soumission de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-42
14) Le 8 juin 1998, des documents en relation avec les coûts provenant de l’intimé
adressés à Ville de Montréal pour la soumission et un document du 6 octobre
1998 soit l’attestation de l’intimé comme entrepreneur général. S-4
15) Le 25 juin 1998, la facturation de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-46
16) Le permis accordé par la ville au propriétaire monsieur Pitts. S-6
17) Le 15 juillet 1998, lettre de l’ingénieur Chartrand à la ville de Montréal. S-7
18) Le15 juillet 1998, demande de réduire le nombre de pieux d’où la diminution du
montant de la subvention. S-8
19) Le 16 juillet 1998, l’intimé adresse une télécopie à monsieur André Bélina en y
joignant deux plans. S-13
20) Le16 juillet 1998, document de la Régie du bâtiment ou l’intimé est identifié
comme l’entrepreneur. S-9
21) Le 30 septembre 1998, télécopie de l’intimé au coordonnateur avec des plans du
25 septembre 1998. S-41
22) Le 2 octobre 1998, document adressé à la Ville de Montréal pour deux pieux
supplémentaires. S-10
23) Le 6 octobre 1998, l’intimé s’adresse à
qu’entrepreneur général. S-11
la Ville de Montréal en tant
24) Le 30 octobre 1998, document de la Ville de Montréal concernant la diminution
de la subvention. S-12
22-03-0284
PAGE : 22
25) Le 3 novembre 1998, document télécopie de l’intimé à André Bélina pour une
demande de pieux supplémentaires. S-13
26) Le 21 décembre 1998, lettre du propriétaire Pitts au coordonnateur Grenier
soulignant son insatisfaction. S-19
27) En janvier 1999, l’intimé remet des plans, des dessins et des calculs au syndic
adjoint.
28) Le 5 janvier 1999, une télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-30
29) Le 11 août 1999, une télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-31
30) Le 16 septembre1999, télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier, rejetant la
faute sur l’immeuble voisin. S-32 et S-47
31) Le 1er novembre 1999, lettre de l’intimé au coordonnateur Grenier confirmant que
la maison du voisin doit être stabilisée. S-32
32) Le 12 avril 2000, lettre de l’intimé au coordonnateur Grenier pour la pose 23
pieux chez le voisin de l’immeuble de monsieur Pitts. S-43
33) Le 5 septembre 2000, lettre de l’avocat du propriétaire monsieur Pitts. S-22
34) Le 4 mai 2001, demande d’enquête au syndic de la part de l’ingénieur Goulet. S27
35) Le 18 juillet 2001, étude de la compagnie Inspect-Sol qui démontre la faiblesse
du béton. S-25
36) Le 9 avril 2002, soumission pour les travaux de redressement par la compagnie
Levitech. S-26
[26]
Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux articles du Code de
déontologie précités aux paragraphes 17 et 18 en posant les gestes suivants :
o en signant et scellant le plan RSO-1 Rév.0-4 décembre 1997
(solution incomplète) ;
o en produisant une soumission en mars 1998 (insuffisamment
explicite) ;
o en se déclarant faussement entrepreneur général en juin 1998 ;
22-03-0284
PAGE : 23
o en omettant d’assurer la surveillance des travaux en juin 1998 ;
o en annotant « tel que construit » sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16
juillet 1998 ;
o en présentant des calculs complémentaires incomplets au plan
RSO-1 Rév. 1 vers le 30 septembre 1998 ;
o en attestant sur formulaire de l’entrepreneur avoir exécuté
l’ensemble des travaux vers le 6 octobre1998 (ne reflétait pas la
réalité) ;
o en déclarant par écrit, plan RSO-1 Rév. 1 à l’appui, avoir besoin
de 2 pieux supplémentaires (ne reflétait pas la réalité) ;
o en présentant des calculs incomplets au plan RSO-1 Rév. 2 vers
le 5 janvier 1999 ;
o en exprimant des avis incomplets non fondés sur d’honnêtes
convictions dans une lettre datée du ou vers le 16 septembre
1999 ;
o en exprimant des avis incomplets non fondés sur d’honnêtes
convictions dans une lettre datée du ou vers le 1er novembre
1999
o
en présentant une soumission vers le 12 avril 2000 non fondée
sur des connaissances suffisantes et insuffisamment explicite ;
o en faisant des affirmations contradictoires sur les travaux en
sous-traitance vers le 13 août 2001 et vers le 19 septembre
2002 ;
o en tenant des propos contradictoires sur les visites de
surveillance vers le 13 août 2001 et vers le 19 septembre 2002.
[27]
Quant à l’intimé, il considère que, manifestement pour lui, Jacques Chartrand
était l’ingénieur en structure pour le projet du 2509 (S-40 et S-2).
[28]
Il explique avoir fait les travaux pour Monsieur P. Grenier car celui-ci n’avait pas
renouvelé sa demande de licence d’entrepreneur.
22-03-0284
[29]
PAGE : 24
Quant aux avis que lui a demandé Monsieur Grenier de PCG sur l’immeuble
voisin, il explique qu’il est entrepreneur et qu’à ce titre, il ne fait pas d’études. Il regarde
l’état de l’immeuble et des fondations et il envoie une lettre à monsieur P. Grenier lui
disant ce qu’il en pense.
[30]
Concernant l’absence de surveillance de la pose des pieux, il soutient qu’il n’a
pas fait de surveillance car il est l’entrepreneur sur ce projet. Il considère que c’est
l’ingénieur Jacques Chartrand qui devait faire la surveillance.
[31]
En contre-interrogatoire mené par le procureur du syndic, il a déclaré s’être
comporté plus comme un entrepreneur que comme un ingénieur.
[32]
La prétention de l’intimé soulève la question suivante : même si l’intimé devait
être sous l’autorité de l’ingénieur Chartrand, aurait-il pu se prévaloir de son rôle
d’entrepreneur ou de sous-traitant pour pouvoir se libérer des devoirs et obligations que
lui impose le Code de déontologie des ingénieurs ?
[33]
Ou encore, un ingénieur propriétaire d’une entreprise, telle la compagnie
Micropiles qui appartient à l’intimé, de ce fait, peut-il être dégagé de sa propre
responsabilité en tant qu’ingénieur eu égard à la protection du public et aux exigences
de son Code de déontologie ?
[34]
Dans les faits, est-ce que l’intimé était soumis au Code de déontologie des
ingénieurs ?
22-03-0284
[35]
PAGE : 25
Le Comité désire citer quelques passages de la jurisprudence et de la doctrine
qui lui ont été remise par les parties pour expliciter sa position et la décision qui en
découle.
[36]
Une citation d’ordre général sur la conduite du professionnel est nécessaire à cet
égard et l'Honorable L'Heureux-Dubé de la Cour Suprême du Canada mentionnait dans
l'affaire Roberge c. Bolduc :
‘’Il se peut fort bien que la pratique professionnelle soit le reflet d'une conduite
prudente et diligente. On peut, en effet, espérer qu'une pratique qui s'est
développée parmi les professionnels relativement à un acte professionnel donné
témoigne d'une façon d'agir prudente. Le fait qu'un professionnel ait suivi la
pratique de ses pairs, peut constituer une forte preuve d'une conduite
raisonnable et diligente, mais ce n'est pas déterminant. Si cette pratique n'est
pas conforme aux normes générales de responsabilité, savoir qu'on doit agir de
façon raisonnable, le professionnel qui y adhère peut alors, suivant les faits de
l'espèce, engager sa responsabilité.’’ 1
[37]
À l’autre extrême, cette position de l’honorable juge Taschereau de la Cour
Suprême du Canada :
‘’La loi n'exige pas qu'un homme prévoie tout ce qui est possible. On doit se
prémunir contre un danger à condition que celui-ci soit assez probable, qu'il entre
ainsi dans la catégorie des éventualités normalement prévisibles. Exiger
davantage et prétendre que l'homme prudent doit prévoir toute possibilité, quelle
que vague qu'elle puisse être, rendrait impossible toute activité pratique.’’
[38]
Quant à la valeur de la signature de l’ingénieur nous reprenons les propos du
Comité de discipline dans le dossier Roy2 :
‘’ Si l’on veut donner à la profession d’ingénieur la place qui lui revient, force est
de conclure que lorsque l’ingénieur utilise son titre, c’est qu’il a de façon
1
2
1991 1 R.C.S.374
22-97-0003
22-03-0284
PAGE : 26
professionnelle vérifié ce qui doit être vérifié et que par conséquent les gens qui
traitent avec lui peuvent se fier à ses déclarations’’
[39]
Dans le même sens, le Comité partage la réflexion du Comité lors de la décision
dans le dossier Dionne3 :
‘’En effet, de l’avis du comité, il n’y a pas deux (2) sortes de signature lorsque
l’on est ingénieur.
En d’autres termes, il n’y a pas une signature « officielle » lorsque vient le temps
de signer et sceller des plans et une autre « dite administrative », comme on
semble l’invoquer dans le contexte particulier du présent dossier.
La signature d’un ingénieur est toujours la même.
En chaque occasion, elle doit être un gage de qualité.
La signature de l’ingénieur doit aussi être un gage de fiabilité.
La signature de l’ingénieur doit enfin être un gage de crédibilité.
C’est cette signature de l’ingénieur qui engendre la confiance auprès de ses
pairs et du public en général.
Lorsqu’un ingénieur, à ce titre, appose sa signature sur un document, il s’engage
non seulement professionnellement, mais aussi sur le plan déontologique.
En effet, il apparaît au comité qu’un ingénieur consciencieux, respectueux de ses
obligations tant professionnelles que déontologiques, a l’obligation,
indépendamment de ses responsabilités contractuelles, de relever et dénoncer
toute anomalie ou irrégularité qu’il constate ou devrait constater selon son
expérience et son expertise, pour que les correctifs appropriés soient apportés.
Le public est en droit de s’attendre à ce genre d’attitude et de comportement de
l’ensemble des ingénieurs du Québec.’’
[40]
Concernant l’affirmation ‘’plan tel que construit’’ le Comité se réfère à la décision
Roy du Tribunal des professions :4
‘’Cet argument n'a aucun mérite et il est rejeté. Comme l'exprime fort bien le
Comité de discipline, la stipulation "plan tel que construit" trompe celui à qui il est
destiné si la mention est fausse comme c'est ici le cas.’’
3
4
22-02-0256 p 21
540-07-000015-982
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[41]
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Le Comité en regard de l’article 2.04 du Code se réfère à l’ouvrage de Me
François Vandenbroek5 :
“ L’avis visé par l’article 2.04 du Code de déontologie peut être l’expression
spontanée par l’ingénieur de ce qu’il pense sur une question ayant trait à
l’ingénierie dans le cadre d’un séminaire ou d’une conférence. Il peut s’agir
également d’une “ opinion donnée à titre consultatif en réponse à une question ”,
notamment à titre de témoin expert. Dans tous les cas, l’avis devra être basé sur
des “ connaissances ” assurées par la formation universitaire requise ou
satisfaisant aux autres critères d’admission à l’exercice énoncés à la section IV de
la Loi sur les ingénieurs. C’est à l’ingénieur qu’incombe la responsabilité de tenir
ses connaissances constamment à jour, entre autres par sa participation à des
activités de formation continue. Pour être qualifiées de “ suffisantes ” au sens de
l’article 2.04, ces connaissances devront habituellement être complétées par une
solide expérience dans le domaine de pratique duquel relève la question posée. Il
est également requis que l’ingénieur ait une connaissance suffisante du cas
soumis ou du dossier invoqué et qu’il se limite strictement à sa spécialisation
lorsqu’il se prononce ou exprime son opinion’’
[42]
Notre interprétation concernant la distinction entre la faute disciplinaire et la faute
technique correspond à la définition suggérer par Me Ouellet6 :
‘’En outre la faute disciplinaire réside en principe dans la violation d’une règle
d’éthique inspirée par des sentiments d’honneur et de courtoisie, une faute
purement technique, erreur, maladresse, négligence, qui peut entraîner une
responsabilité civile, ne sera pas considérée comme une faute disciplinaire en
l’absence de texte précis.’’
[43]
De même nous partageons l’opinion de Me Goulet lorsqu’il s’exprime sur le
même principe en y ajoutant la notion de d’incompétence :7
‘’ En matière d’incompétence, le rôle dévolu à l’instance disciplinaire est
cependant limité. Il ne consiste pas à décider, d’une façon générale, de la
compétence d’un intimé, sur une certaine période. Comme la faute doit être
caractérisée, la plainte doit porter sur un cas spécifique et impliquer plus qu’une
simple erreur technique’’
‘’ Par la gravité qu’elle implique, l’incompétence doit être distinguée de l’erreur
technique pouvant entraîner une responsabilité civile, la faute disciplinaire n’étant
pas relié à l’occurrence d’un dommage. Ont ainsi été considérés fautes
5
Les éditions Juruméga, 1993 p. 49
Droit administratif canadien et québécois p 209
7
Droit disciplinaire des corporations professionnelles, éd. Blais p 65
6
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disciplinaires, les comportements suivants : ‘’ la maladresse hors de l’ordinaire’’ :
‘’ l’ignorance outrée’’ et l’insouciance impardonnable’’ : le laxisme : mais aussi le
manque de diligence dans le suivi d’un dossier. On pourrait également y inclure
le défaut de mettre ses connaissances professionnelles à jour.’’
[44]
En ce qui concerne les champs d’application de l’action disciplinaire, le Comité
de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec s’exprimait ainsi dans le
dossier Roussel :8
‘’ Déjà en 1980, le Tribunal des professions ciblait le champ de l’action disciplinaire
professionnelle :
« En thèse générale, les fautes disciplinaires se rattachent à des actes de la vie
professionnelle que l’Ordre a l’obligation de contrôler et, en principe, les actes de
la vie civile ou politique n’entrent pas dans le cadre de la juridiction disciplinaire.
C’est l’enseignement de René Savatier.
Cependant, la doctrine reconnaît que certains faits de la vie privée, même s’ils
sont étrangers à l’activité professionnelle proprement dite, peuvent faire l’objet
d’une action disciplinaire lorsqu’ils sont de nature à compromettre la dignité et
l’honneur du corps professionnel ou s’ils causent scandale.
C’est par exception que l’instance disciplinaire possède le pouvoir de juger des
actes qui ne sont pas reliés à l’exercice de la profession. Le droit de prendre des
mesures disciplinaires en rapport avec des actes extra-professionnels complete
donc au Comité de discipline lorsqu’il s’agit d’actes qui sont susceptibles de
mettre sérieusement en doute la moralité d’un membre de la profession, ces
actes étant alors considérés comme dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la
profession’’
Dans Tribunal-avocat, le professionnel plaidait que les paroles qui lui étaient
reprochées à l’égard des membres des tribunaux avaient été prononcées dans
l’exercice de son droit de parole comme citoyen et non pas dans le cadre de
l’exercice de la profession d’avocat. Le Tribunal des professions a réitéré que
« …le champ de l’action disciplinaire ne se borne pas aux seuls actes de la vie
professionnelle proprement dite; que les actes de la vie privée sont susceptibles
de sanctions disciplinaires s’ils portent atteinte à la dignité de la profession
Plus récemment, le Tribunal des professions rappelait ce qui suit :
« C’est ainsi que certaines activités ou certains comportements de la vie privée
peuvent être l’objet d’une sanction disciplinaire lorsqu’ils sont de nature à
compromettre l’honneur ou la dignité de la profession. À cet égard, les gestes
posés dans une « capacité de professionnel » sont tout autant de la compétence
8
20-97-00158
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d’un ordre professionnel, et donc de son comité de discipline, que ceux posés
dans l’exercice d’une activité professionnelle. »
Après plusieurs citations, le Tribunal reprend :
« Le lien entre l’exercice de la profession et les agissements d’un professionnel
est parfois ténu mais cela n’empêche pas qu’il s’agisse d’agissements sur
lesquels le Comité de discipline a compétence. Ainsi le Tribunal des professions
affirme ce qui suit en rapport avec une radiation imposée en vertu de l’article
55.1 du Code des professions qui exige un lien avec l’exercice de la profession :
« Il ne s’agit pas de savoir si les gestes fautifs ont été commis à l’occasion de
l’exercice de la profession, mais de vérifier, entre autres, s’ils touchent à
l’essence même de la profession, à la raison d’être de celle-ci.
Compte tenu du rôle de l’avocat, de sa fonction au sein de l’administration de la
justice, être trouvée coupable de complot en vue de commettre un acte criminel
et de fraude envers le gouvernement a certainement un lien avec l’exercice de la
profession, si ténu soit-il. »
La doctrine est également conforme à cette interprétation :
« En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il
n’est pas nécessaire de prouver qu’un acte fautif a été perpétré dans l’exercice
de la profession, ou à l’occasion de l’exercice de la profession. »
L’auteur est d’avis que la compétence du Comité de discipline est acquise si le
simple statut de professionnel est en cause, en contribuant à la commission de
l’infraction, ou si la « crédibilité en tant que professionnel est sérieusement
entachée par la perpétration de l’acte fautif. »
[45]
La Juge Rayle dans le dossier ‘’ Jean Coutu’’
9
donnait une interprétation
semblable du domaine d’application du droit disciplinaire :
‘’ Même lorsqu’il s’adonne à des activités commerciales, le pharmacien conserve
son sarrau de professionnel de la santé. Il n’est pas pharmacien ou commerçant.
Il est l’un et l’autre. L’essence de la dualité.’’
[46]
Le juge Verrier de la même cour s’exprimait ainsi :10
‘’Comme le souligne l’avocat de l’intervenant en page 6 de ses notes et autorités,
L’ordre des ingénieurs a sur l’exercice de la profession un large contrôle qu’il soit
9
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10
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question de la tenue des dossiers, de la publicité, de la conciliation des comtes
et des relations entre confrères ou avec l’Ordre. De l’avis du Tribunal il s’agit de
disposition d’ordre public et le professionnel ne peut s’en exonérer ou s’y
soustraire en constituant une personne morale. « Les pouvoirs du délégataire, en
l’occurrence la société, ne peuvent excéder ceux du déléguant. »
Décision :
[47]
Le Comité analyse chacun des chefs en regard de la preuve soumise et du droit
ci-haut cité.
[48]
Concernant le chef 1, il faut souligner que le plan RSO-1 Rév.0 a été signé et
scellé par l’intimé.
[49]
Il ressort de la preuve et plus particulièrement du témoin expert Lemieux que ce
plan est incomplet.
[50]
Le témoin Goulet partage l’opinion du témoin Lemieux en y observant et
analysant les modifications faites à ce plan à trois reprises.
[51]
Le Comité considère cette preuve comme non contredite.
[52]
Et le Comité constate qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur technique mais d’un
acte dérogatoire au sens de son paragraphe 44 déjà cité.
[53]
De plus le Comité souligne que l’apposition du sceau engage la responsabilité
professionnelle de son auteur, tel que relaté au paragraphe 40 déjà cité.
[54]
Quant au chef 2, le Comité partage l’opinion de l’expert Lemieux à l’effet que la
soumission est vraiment très sommaire et qu’elle aurait dû contenir de plus amples
informations.
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[55]
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L’intimé n’a pas exprimé dans ce document de façon explicite toutes les
conséquences de ses travaux sur l’immeuble.
[56]
Le Comité en réfère à la notion de droit à l’avant dernier alinéa de son
paragraphe 40, de même qu’à son deuxième alinéa de son paragraphe 44.
[57]
Le chef 3 concerne son identification à titre d’entrepreneur général auprès de la
ville de Montréal.
[58]
Il a fait cette déclaration pour rendre service au coordonnateur Grenier qui avait
perdu sa licence.
[59]
Le Comité considère que le geste posé l’a été par un ingénieur au nom de sa
compagnie et qu’il s’agit d’une fausse déclaration.
[60]
Le Comité considère cette déclaration comme un acte dérogatoire s’appuyant
sur les paragraphes 45, 46 et 47 déjà cités.
[61]
Quant au chef 4, il est à souligner que les plans de l’ingénieur Chartrand étaient
très sommaires et ne pouvaient permettre à un entrepreneur de procéder aux travaux.
[62]
L’intimé a fait les plans pour les travaux de pieutage.
[63]
Il a signé et scellé les plans.
[64]
Il a engagé sa responsabilité d’ingénieur et il avait l’obligation de surveillance à
tout le moins de ses propres travaux.
[65]
La preuve révèle de façon prépondérante qu’il n’a pas mis les efforts
nécessaires à la bonne réalisation des travaux.
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[66]
Le Comité se réfère à son paragraphe 47 déjà cité.
[67]
Quant au chef 5, la preuve ne révèle pas de mauvaise foi de la part de l’intimé.
[68]
Le Comité ne déclare pas que la mauvaise foi est nécessaire pour qu’il y ait acte
dérogatoire.
[69]
Dans les circonstances particulières de ce dossier, la preuve n’est pas
prépondérante à l’effet qu’au moment où l’intimé a écrit cette phrase, celle-ci ne
correspondait pas à la réalité du moment, car c’est de lui-même qu’il a corrigé la
situation par la suite.
[70]
Pour les chefs 6 et 9, le Comité en vient à la conclusion que les actes
dérogatoires n’ont pas été prouvés de façon prépondérante.
[71]
De plus le libellé des deux chefs ne correspond pas à la preuve car ces notes et
ces calculs n’accompagnaient pas les plans le 30 septembre 1998 et le 5 janvier 1999.
[72]
Ces notes et ces calculs ont été remis par l’intimé au syndic adjoint en cours
d’enquête.
[73]
L’expert Lemieux a pris connaissance de ces documents et
les a qualifiés
d’indéchiffrables.
[74]
Le syndic adjoint ne les a pas compris non plus.
[75]
Il aurait été pourtant facile de demander des explications à l’intimé.
[76]
Le chef 7 est semblable au chef 3 et pour les mêmes raisons, il y a acte
dérogatoire.
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[77]
PAGE : 33
De plus, en juillet 1998, en relation avec la Régie du bâtiment, la même
affirmation a été produite.
[78]
Le Comité considère que la preuve concernant le chef 8 a été établie de façon
prépondérante.
[79]
La preuve révèle l’inutilité de deux pieux.
[80]
Le témoin Goulet a été très clair sur ce point, il y avait effectivement des pieux
(2) de subvention.
[81]
En ce qui concerne le chef 10, en regard de la lettre du 16 septembre 1999 au
coordonnateur Grenier, la preuve révèle que cette opinion n’est basée sur aucun
document ou étude.
[82]
Suite à une visite des lieux, l’intimé donne cet avis sans autre analyse.
[83]
De plus, il tente de démontrer au coordonnateur que la raison des troubles à
l’immeuble de monsieur Pitts serait l’ immeuble voisin et non ses propres travaux.
[84]
En ce qui regarde le chef 11, il n’est que la suite logique du précédent.
[85]
Selon l’intimé, le responsable des troubles de l’immeuble de monsieur Pitts est
l’immeuble voisin.
[86]
Cette conclusion de l’intimé n’est basée sur aucun document ou étude
quelconque.
[87]
Le chef 12 est la soumission pour la rénovation de la maison voisine.
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[88]
PAGE : 34
Cette soumission est basée sur une visite des lieux en fonction d’observations
factuelles.
[89]
Aucune autre démarche n’a été entreprise par l’intimé pour s’assurer de la
qualité et de la véracité de sa position ou de son interprétation de la situation.
[90]
Les trois chefs, 10, 11 et 12, démontrent un laxisme inacceptable de la part du
professionnel.
[91]
Le Comité réfère au paragraphe 42 de sa décision.
[92]
En ce qui regarde les chefs 13 et 14 de la plainte, le Comité en vient à la
conclusion que la preuve n’est pas persuasive et convaincante.
[93]
Le Comité ne met pas en doute la qualité du témoignage du syndic adjoint, mais
les circonstances des deux volets concernant les interrogatoires hors cour à l’intérieur
d’un dossier civil ou l’intimé est impliqué, laisse le Comité perplexe sur le fait de
recevoir cette preuve.
[94]
Le Comité ne croit pas qu’il est de son devoir d’intervenir dans ce cas-ci, vu les
nombreuses interprétations que le Comité pourrait déduire de l’analyse des paroles de
l’intimé lors de ses interrogatoires au niveau civil.
[95]
Le Comité entendra les parties sur l’aspect des condamnations multiples lors des
représentations sur la sanction.
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Pour ces motifs le Comité de discipline :
[96]
ACQUITTE l’intimé des actes dérogatoires reprochés aux chefs 5-6-9-13 et 14
de la plainte.
[97]
DÉCLARE l’intimé coupable des actes dérogatoires reprochés aux chefs 1-2-3-
4-7-8-10-11 et 12 de la plainte.
[98]
Le tout frais à suivre.
__________________________________
Me Jean -Guy Gilbert
__________________________________
Gérard Trépanier, ingénieur
__________________________________
Pierrette Marchand, ingénieure
Me Simon Venne
Procureur(e) de la partie plaignante
Me Michel Gendron
Procureur(e) de la partie intimée
Date d’audience : 13-14 et 15 juillet 2004