COMITÉ DE DISCIPLINE - Ordre des ingénieurs du Québec
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COMITÉ DE DISCIPLINE - Ordre des ingénieurs du Québec
COMITÉ DE DISCIPLINE ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC Canada PROVINCE DE QUÉBEC N° : 22-03-0284 DATE : Le 14 mars 2005 ______________________________________________________________________ LE COMITÉ : Me Jean-Guy Gilbert Président Gérard Trépanier, ing. Membre Pierrette Marchand, ing. Membre ______________________________________________________________________ Alexandre R. Khayat, ingénieur, en sa qualités de syndic adjoint de l’Ordre des ingénieurs du Québec Partie plaignante c. Daniel Kumps, ingénieur Partie intimée ______________________________________________________________________ DÉCISION SUR CULPABILITÉ ______________________________________________________________________ [1] Le 26 septembre 2003, le syndic de l’Ordre des ingénieurs du Québec portait une plainte contre l’intimé, ainsi libellée: 1. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 4 décembre 1997, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps n’a pas tenu compte des conséquences de l'exécution de ses travaux sur la propriété de toute personne en émettant le plan RSO-1 Rév. 0, alors que ledit plan présentait une solution incomplète au problème d’instabilité affectant l’immeuble, contrevenant ainsi aux articles 2.01 et 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 2. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 11 mars 1998, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté une soumission qui n’était pas suffisamment explicite quant aux conséquences de ses travaux, contrevenant ainsi à l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 22-03-0284 PAGE : 2 3. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 8 juin 1998, l’ingénieur Daniel Kumps a déclaré dans un document intitulé «Programme de subvention à la rénovation» qu’il était l’entrepreneur général pour l’ensemble des travaux de rénovation relatifs à l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, alors que cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions ; 4. À Montréal, district de Montréal, entre le début du mois de juin et le ou vers le 25 juin 1998, l’ingénieur Daniel Kumps a omis d’assurer une surveillance adéquate des travaux de pieutage de l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, contrevenant ainsi aux articles 2.01 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 5. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 16 juillet 1998, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a annoté le plan RSO-1 Rév. 0 en y apposant la mention «Tel que construit» alors que cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 2.04 et 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions ; 6. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 30 septembre 1998, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté, en complément au plan RSO-1 Rév. 1, des calculs datés du 25 septembre 1998 qui étaient incomplets, contradictoires, ambigus ou insuffisamment explicites, contrevenant ainsi à l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs 7. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 6 octobre 1998, l’ingénieur Daniel Kumps a déclaré dans un document intitulé «Attestation de l’entrepreneur» avoir exécuté l’ensemble des travaux de rénovation relatifs à l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, alors que cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions; 8. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 3 novembre 1998, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a fait parvenir à monsieur André Belina de Ville de Montréal le plan RSO-1 Rév. 1 ainsi qu’une déclaration écrite affirmant la nécessité d’ajouter deux (2) pieux supplémentaires, alors que cette affirmation ne reflétait pas la réalité, contrevenant ainsi aux articles 2.04 et 3.02.08 du Code de déontologie des ingénieurs et 59.2 du Code des professions; 9. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 5 janvier 1999, dans le cadre d’un projet concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté, en complément au plan RSO-1 Rév. 2, des calculs datés de ce même jour qui étaient incomplets, 22-03-0284 PAGE : 3 contradictoires, ambigus ou insuffisamment explicites, contrevenant ainsi à l’article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 10. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 16 septembre 1999, l’ingénieur Daniel Kumps a émis, dans une lettre adressée à monsieur Pierre Grenier concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, des avis incomplets et/ou contradictoires qui n’étaient pas basés sur des connaissances suffisantes et d'honnêtes convictions, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 11. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 1er novembre 1999, l’ingénieur Daniel Kumps a émis, dans une lettre adressée à monsieur Pierre Grenier concernant l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, des avis incomplets et/ou contradictoires qui n’étaient pas basés sur des connaissances suffisantes et d'honnêtes convictions, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 12. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 12 avril 2000, l’ingénieur Daniel Kumps a présenté, relativement à l’immeuble portant le numéro civique 2507 Sheppard, une soumission qui était incomplète, contradictoire, ambiguë ou insuffisamment explicite et n’était pas basée sur des connaissances suffisantes, contrevenant ainsi aux articles 3.02.04 et 2.04 du Code de déontologie des ingénieurs ; 13. À Montréal, district de Montréal, l’ingénieur Daniel Kumps a tenu des propos contradictoires concernant les travaux de pieutage de l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard en affirmant d’une part, le ou vers le 13 août 2001 dans le cadre d’une rencontre avec le plaignant, que lesdits travaux avaient été confiés à un sous-traitant et en affirmant par ailleurs, le ou vers le 19 septembre 2002 dans le cadre d’un interrogatoire hors cour mené par Me Patrice Morin, que lesdits travaux avaient été effectués par les employés de Les Fondations Micropiles Inc., contrevenant ainsi aux articles 59.2 et 114 du Code des professions ; 14. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 13 août 2001 dans le cadre d’une rencontre avec le plaignant et le ou vers le 19 septembre 2002 dans le cadre d’un interrogatoire hors cour mené par Me Patrice Morin, l’ingénieur Daniel Kumps a tenu des propos contradictoires sur la fréquence de ses visites de surveillance des travaux de pieutage de l’immeuble portant les numéros civiques 2509 à 2515 rue Sheppard, contrevenant ainsi aux articles 59.2 et 114 du Code des professions ; [2] Le 28 avril 2004, lors d’une rencontre pour gestion d’instance, l’audition est fixée au 13, 14 et 15 juillet 2004. [3] Le 13 juillet 2004, lors de l’audition les parties sont présentes. 22-03-0284 [4] PAGE : 4 L’intimé est représenté par Me Michel Gendron et le plaignant par Me Simon Venne. [5] L’audition a duré 3 jours. [6] Cinq témoins furent entendus pour le poursuivant. [7] En défense, l’intimé a témoigné. [8] Le poursuivant a déposé quarante-huit pièces et l’intimé huit. [9] Une volumineuse jurisprudence a été déposée de part et d’autre. Preuve du poursuivant : [10] Le témoin David Pitts déclare : o Il est propriétaire du 2509 Sheppard et il a confié le mandat de gestionnaire à M. Pierre Grenier, qui n’est pas ingénieur, pour chercher des subventions à la Ville de Montréal dans le cadre de son Programme de revitalisation des quartiers centraux. M. Grenier devait voir aussi à retenir les services des ressources requises pour l’exécution de travaux d’arrêt de l’enfoncement de la maison de M. Pitts (S-16). o Il a acheté la résidence en 1981. o Monsieur Grenier a fait une demande de subvention pour le 2509-2515 Sheppard, un édifice de trois étages comprenant 5 logements vacants lors de la production de cette demande. (S-17) o Ladite demande est signée par M. P. Grenier et datée du 3 septembre 1996. o Il déclare qu’il a envoyé le 24 décembre 1998 une « lettre recommandée » aux intervenants de son projet (2509 Shepppard), à savoir L’équipe PCG, Les Fondations Micropiles inc., M. Jacques Chartrand, ing., Centre de rénovation et construction B.L. pour les informer que l’arrière de son bâtiment s’est enfoncé après l’exécution des travaux par Les Fondations Micropiles inc. 22-03-0284 PAGE : 5 o Il a rejoint monsieur Kumps qui lui a affirmé, après avoir inspecté le sous-sol de la maison et le 3e étage là où les portes ne s’ouvraient plus, que ces déficiences n’étaient pas dues aux travaux qu’il avait effectués. o Selon monsieur Pitts, les employés de monsieur Kumps ne travaillaient pas de façon professionnelle. o Il donne comme exemple le drain du plancher qui avait été brisé lors des travaux, a été remplacé par un drain français après de nombreuses demandes de celui-ci à messieurs Kumps et Grenier. o Il prévient celui-ci qu’il fera le paiement final à l’Équipe P.C.G. lorsque les travaux correctifs auront été réalisés à sa satisfaction et que, si dans les 30 jours les réparations ne sont pas faites, il prendra une action légale et engagera à leurs frais un entrepreneur indépendant pour faire les travaux requis. o Il affirme que les travaux de fondation ont été faits en juin 1998 et répartis sur 3 semaines. o Il avait parlé à M. Kumps 7 ou 10 jours avant l’envoi de la lettre datée du 21 décembre1998 (S19). o Il passait une fois par jour au chantier de sa maison et il a vu M. Kumps sur place quelques fois, soit 5 ou 6 fois. o Il a aussi vu sur place M. Grenier qui venait voir les travaux. o Il dépose une lettre datée du 21 juin 1999 de son locataire du 2513 A Sheppard, M. Greg Y. Maynard, qui lui transmettait une liste de déficiences observées dans son logement et reliées aux mouvements de la maison : le mur mitoyen au niveau de la cuisine a bougé ; la porte arrière se coince et elle doit continuellement être ajustée ; le plancher de la cuisine est très froid et beaucoup plus depuis les travaux effectués à la fondation ; la fenêtre fuit et le ciment au-dessus est fissuré ; la porte extérieure avant est ajourée et non étanche à l’eau. o Il reçoit de monsieur. G. Y. Maynard une 2e lettre datée d’avril 2000 pour l’informer de la détérioration rapide de son logement. Il y parle des mêmes déficiences que celles rapportées dans sa lettre précédente (S20), mais insiste sur le fait que les troubles prennent de plus en plus d’ampleur, que des fissures sont apparues dans les murs et qu’elles se propagent sans arrêt. o Ses locataires ont quitté en raison des problèmes de l’immeuble. o Il prend une action civile contre l’Équipe P.C.G. et Jacques Chartrand et Les Fondations Micropiles inc., et Daniel Kumps défendeurs. o Il a accepté à la demande de son avocat qu’une expertise soit faite dans le cadre de son action civile par l’architecte Laurent Jetté. 22-03-0284 PAGE : 6 o Il a obtenu de Inspec-sol inc. une étude sur la qualité du béton des murs de fondation du 2509 rue Sheppard à partir d’échantillons de béton prélevés à même les murs (sondage par carottage). o Le rapport, signé par Gervais Gagnon, ingénieur stagiaire et Robert Raymond, ingénieur, conclut que la qualité du béton des murs de fondation est, sud et ouest, est de qualité acceptable. o Par contre, la résistance et la qualité du béton du mur est sont inadéquates pour assurer la durabilité de l’ouvrage. o Il devait y avoir des travaux à être exécutés sur son l’immeuble suite à l’expertise de monsieur Goulet, ingénieur, en regard du redressement et la stabilisation sur pieux des murs de fondation de l’immeuble. o Ceux-ci ont été évalués à 82 000 $ par P. A. Rodrigue, ingénieur, le 19 juin 2001 et à 92 700 $ par le groupe Lévitech, le 9 avril 2002. o Dans les deux cas, les estimations ont été préparées à partir des plans et devis produits par M. François Goulet, ingénieur en structure. o Il indique que le coût final a atteint 120 000 $ en reconnaissant que ces derniers travaux avaient durablement redonné toute sa stabilité à sa maison. o Il indique que monsieur. J. Chartrand a préparé un plan des pieux (S-2) qui avait été requis par le mandataire du propriétaire, M. Grenier. o Lorsqu’il demande des précisions à M. Chartrand sur le fait qu’il y avait des pieux au centre et aucun sur les côtés, la réponse a été claire sur le mandat de J. Chartrand: « Je suis l’ingénieur, et pas vous (I am the engineer, you’re not) ». o Quant à la facture de P.C.G., elle concerne selon lui, la visite des lieux et les rencontres qu’il a eues avec J. Chartrand et Pierre Grenier; en plus de la production de plans et du rapport à la Ville de Montréal (S-2), des travaux à être effectués, des visites de chantier durant et à la fin des travaux. o Il précise que les travaux ont été réalisés en juin 1998 et qu’il furent terminés avant les vacances de la construction. o Il évoque le fait que l’arrêt des subventions pourrait expliquer les délais en regard des travaux de 1997 à 1998. o Il a rencontré monsieur Chartrand à deux ou trois reprises durant les travaux. o Selon lui c’est monsieur Chartrand qui a fait les plans de pieutage. o Il a rencontré monsieur Kumps durant le pieutage, environ 5 fois et par la suite en raison des problèmes survenus à l’immeuble. 22-03-0284 [11] [12] PAGE : 7 Le deuxième témoin est monsieur André Bélina qui déclare : o Il est la personne responsable des subventions pour la ville de Montréal. o Le programme de subventions existe depuis 1977. o Le programme est en perpétuelle évolution. o La ville de Montréal surveille et fait un suivi dans chacun des dossiers. o La lettre du 29 juillet 1997 (S-2) est accompagnée d’un plan avec 20 pieux. o Le coordonnateur du projet est monsieur Pierre Grenier. (S-3) o L’entrepreneur général est ‘’Les fondations Micropiles’’, suivant S-4. o Un plan (S-5), signé par l’intimé et accompagné de son sceau, modifie le nombre de pieux de 20 (du plan Chartrand) à 14. o Il y a eu une diminution de la subvention suite aux modifications apportées. (S8) o L’entrepreneur est ‘’ Les fondations Micropiles’’ suivant la pièce S-9 qui a été envoyée à la Régie du bâtiment du Québec par le coordonnateur Grenier. o Il y a eu une autre modification en relation avec les pieux puisque deux autres pieux ont été ajoutés et cette modification a été acceptée par la ville de Montréal. o L’entrepreneur atteste la fin des travaux. (S-11) o La ville refuse le paiement pour les deux pieux additionnels. (S-12) o La pièce S-13, est une lettre de l’intimé accompagnée de deux plans qu’il a signés et où il a apposé son sceau. o Il ne se souvient pas de la pièce S-42 qui est une lettre de l’intimé à Pierre Grenier Le troisième témoin est l’ingénieur François Goulet qui déclare au Comité : o Il est un ingénieur spécialisé en structure dans le domaine particulier de la restauration et de la rénovation de bâtiment. o Il connaît l’intimé depuis une douzaine d’années. 22-03-0284 PAGE : 8 o Il a travaillé avec l’intimé sur plusieurs chantiers. o Il a demandé au syndic de faire enquête, (S-27) considérant que la situation lui semblait inacceptable. o Il a accepté un mandat de M. David Pitts portant sur l’instabilité des fondations et de la charpente de son bâtiment sis au 2509-2515, rue Sheppard à Montréal après les travaux effectués par Les Fondations Micropiles. o En guise de contexte, son rapport présente un historique du bâtiment et les faits y afférents pour la période de 1997 au 7 août 2000. o Ces informations initiales lui ont été fournies par le propriétaire. o Il a examiné les lieux le 7 août 2000 . o Son rapport est déposé sous les cotes S-28 et S- 33. o Il a relevé la présence de plusieurs désordres apparents reliés à la charpente du bâtiment dont certains lui indiqueraient que le bâtiment bouge : béton poreux, fenêtres croches, parement de briques lézardé et signes d’affaissement de la façade arrière (est), affaissement des murs sud et nord (la structure en a été affectée), fissuration et portes coincées. o À l’extérieur du bâtiment : il a noté que le béton des murs de fondation des façades avant et arrière est poreux ; fenêtres croches, parement de briques lézardé et signe d’affaissement de la façade arrière ; évidence que le mur latéral sud serait en voie de s’affaisser. o À l’intérieur du bâtiment : il a remarqué qu’au sous-sol, l’avant ou l’arrière du mur latéral nord s’est affaissé ou s’affaissera peut-être encore et que la structure, les solives, poutres maîtresses et plancher, en a été affectée ; fissuration relevée au rez-de-chaussée, 2e et 3e étage avec indications que le bâtiment bouge (portes coincées, comptoir de cuisine affaissé), plusieurs fissures sont récurrentes ; plusieurs fissures seraient récentes selon le propriétaire. o Il a examiné trois plans signés et scellés par l’intimé titrés « Reprise en sousœuvre, 2509 Sheppard, Montréal – Les fondations Micropiles inc. », numérotés RSO-1 et portant respectivement les dates et les numéros de révision suivants : Rév. 0, 4 décembre 1997 ; Rév. 1, 25 septembre 1998 ; Rév. 2, 5 janvier 1999. o Il a observé que entre 1997 et 1998, les plans indiquent des localisations différentes pour les pieux destinés à soutenir les piliers de béton situés au sous-sol. o Il souligne que les plans les plus récents indiquent un pieu supplémentaire et un muret de soutènement dans l’angle nord-est des fondations de contour. 22-03-0284 PAGE : 9 o Il relate que la pointe des pieux et la poutre de reprise n’y sont pas décrites. o En ce qui regarde les mémos du 5 janvier 1999 et du 11 août 1999, il lui semble que les lectures de niveaux prises le 5 janvier 1999 sont douteuses (le point de repère stable, la borne fontaine, peut bouger ; constat d’erreurs d’élévation sur les points de repère PK posés sur les fondations). o Il se demande quelle sont les vraies valeurs d’élévation des points PK et du bench mark. o D’où la conclusion possiblement erronée que les fondations seraient stables ne reflèterait pas nécessairement la réalité. o Il souligne que les plans de l’intimé montrent un nombre de pieux inférieur à celui spécifié par le concepteur. o La localisation des pieux et des piliers a été changée. o Des plans récents indiquent un pieu et un muret supplémentaires. La pointe des pieux et la poutre de reprise n’y sont pas décrites. o Concernant les mémos de l’intimé, il met en doute la précision de ses relevés d’élévation et affirme que sa conclusion sur la stabilité des fondations et l’absence de mouvement différentiel ne reflèterait pas la réalité puisque le point de repère stable, la borne fontaine, aurait pu bouger et que des erreurs dans les élévations ont été faites. o Suivant son témoignage la conclusion de l’intimé à l’effet que le mur sud ne s’affaisse pas et que les dommages apparus sont dus à un effet de traction du bâtiment voisin au sud de celui de M. Pitts, est contraire à ses propres observations. o Il a constaté que c’est bel et bien le bâtiment de M.Pitts qui se serait affaissé par rapport à celui du voisin. o À l’automne 2000, il a échantillonné et examiné quatre (4) des pieux posés par l’intimé et son entreprise. o Deux de ces pieux se sont révélés non fonctionnels et non conformes. o L’un n’avait que 17 pouces de long, le faux pieu (mur ouest), et l’autre (mur est, près de la cheminée) étaient branlants et sont cassés à quatre (4) pieds de sa partie supérieure, laissant voir qu’ils n’avaient pas été remplis de béton mais de détritus divers. o Les deux autres pieux situés près d’un pilier intérieur, sous les poutres maîtresses nord et sud, mis à part la piètre qualité de leur soudure, ne 22-03-0284 PAGE : 10 semblaient pas à première vue défectueux et ils ont servi aux essais de chargement statique selon la norme ASTM D1143. o La charge totale d’essai appliqué aux pieux devait être de 50 000 lb et appliquée par paliers. o L’essai réalisé sur le pieu situé sous la poutre maîtresse sud s’est terminé à une charge de 5 520 lb (avant même la fin du chargement du premier palier de 12 500 lb), et celui réalisé sur le pieu situé sous la poutre maîtresse nord a été arrêté à une charge de 9 940 lb. o Dans les deux cas, chacun des pieux s’enfonçait rapidement au fur et à mesure que le vérin hydraulique poussait dessus et rien ne semblait indiquer que l’enfoncement cesserait à une profondeur voisine. o L’exercice devenant plutôt une pose de pieu, l’on a mis fin à l’essai. o Ces deux (2) pieux n’ont donc pas la capacité requise. o Une étude géotechnique réalisée par Quéformat Ltée a confirmé la présence de débris jusqu’à 2,7 m (8 pi 10 po) sous la surface, puis d’une couche d’argile jusqu’à une profondeur de 6,8 m (22 pi 4 po) sous la surface, suivie de la présence de silt. Le refus normalisé a été atteint à une profondeur de l’ordre de 13,7 m (44 pi 11 po) sous la surface. o Il conclut que les désordres récurrents observés dans le bâtiment ont plusieurs causes reliées à l’état de la structure du bâtiment, à l’inefficacité du système de pieux installés sous certaines parties des fondations du bâtiment alors que les pieux installés sous les autres parties sont dans bien des cas des apparences de pieux (leurres). o Selon l’échantillonnage des quatre (4) pieux, il conclut que la reprise en sousœuvre est de piètre qualité (soudures mal faites, déchets dans les pieux) et qu’il s’avère que des faux pieux ont été installés à certains endroits. o Il souligne de plus, qu’aucune mesure n’a été prise par les exécutants pour s’assurer que les pieux installés puissent supporter les charges de service prévues au Code National du Bâtiment. o Il termine en faisant cinq recommandations qui concernent la structure même du bâtiment. o La quatrième recommandation (qui a trait aux travaux réalisés par l’ingénieur D. Kumps) est à l’effet que ce bâtiment doit être repris en sous-œuvre de façon intégrale avec des pieux sur tout son périmètre et près des piliers intérieurs et que de nouveaux pieux doivent être ajoutés pour remédier à l’inefficacité voire même l’inutilité des pieux déjà installés. 22-03-0284 [13] PAGE : 11 Le poursuivant fait entendre comme quatrième témoin l’ingénieur Michel Lemieux à titre de témoin expert. [14] Celui-ci relate les faits suivants : o Il a assisté aux audiences dans le présent dossier. o Il a agi à titre d’expert à la demande de l’Ordre des ingénieurs suite à un contrat intervenu le 30 mai 2003. o Son rapport a été remis le 22 août 2003, à monsieur Alexandre Khayat, syndic adjoint et il se retrouve à la pièce S-37. o Son expertise a été élaborée sous forme de questions et réponses. o Il a consulté les pièces S-2-5-6-7-13-28-29-36-37-38(modifié)-39-40-41-42 et 43 o Il précise que dans certains cas, le bureau d’ingénieurs prépare des plans et devis détaillés, puis ce bureau (ou un gestionnaire de projets) lance un appel d’offres à des firmes spécialisées. o Par la suite, le bureau d’ingénieurs peut revoir les dessins d’atelier préparés par l’entrepreneur qui a obtenu le contrat et proposer, si nécessaire, des modifications aux dessins. o Lors de la réalisation du projet, le bureau d’ingénieurs, un laboratoire, ou l’entrepreneur lui-même supervise les travaux. o Le niveau de confiance le plus élevé est atteint dans le cas d’une supervision continue effectuée par le bureau d’ingénieurs ou un laboratoire indépendant. o Par souci d’économie, le client peut choisir un suivi à temps partiel, mais l’ingénieur reste responsable du choix des étapes et des moments où se fera l’inspection. o Il ajoute que dans certains cas, toujours selon le choix du client, le bureau d’ingénieurs prépare un schéma conceptuel des travaux à réaliser. o Le client va ensuite en appel d’offres et l’ingénieur au service de l’entrepreneur effectue les calculs et les dessins d’atelier basés sur le schéma conceptuel. o Il est souhaitable que le bureau d’ingénieurs puisse revoir et approuver les dessins d’atelier avant réalisation. La méthode de supervision des travaux est choisie de la même façon que mentionnée précédemment. 22-03-0284 PAGE : 12 o L’ingénieur Kumps a mentionné lors de son interrogatoire qu’il contrôlait les matériaux, la position des pieux, leur longueur effective, la qualité des soudures et les charges de blocage. o Par contre, il n’a pas mentionné le contrôle des essais de chargement, non plus que celui de l’intégrité des points de support existants. o Dans le cas présent, l’ingénieur de projet n’a fourni qu’un schéma conceptuel, donc la conception des pieux était la responsabilité de l’ingénieur Kumps. o L’ingénieur Kumps a établi une charge de travail qui semble démontrer qu’il a effectivement évalué l’aire tributaire propre à chacun des points d’appui ainsi que l’intensité des charges à reprendre au niveau du sous-sol. o Le témoin souligne que le dossier ne comprend pas de calculs à cet effet. o De plus, ni le dossier, ni les réponses de l’ingénieur Kumps lors de son interrogatoire n’indiquent si ce dernier a obtenu confirmation qu’aucun changement structural à l’intérieur du bâtiment ne viendra modifier le report des charges. o Même chose pour ce qui est de vérifier si les points d’appui du bâtiment en contact avec les têtes de pieux étaient adéquats pour la transmission des charges. o Selon le témoin, avant de proposer une réduction du nombre de pieux sous les appuis centraux, l’intimé devait s’assurer que la capacité de chaque pieu serait suffisante pour reprendre la charge déjà calculée et que le transfert des charges serait adéquat. o Les réponses de l’intimé à ce sujet lors de son interrogatoire après défense semblent appropriées. Toutefois, le dossier ne permet pas de savoir si l’ingénieur Kumps a pris en considération, comme il aurait dû le faire, l’état des points d’appui du bâtiment existant. o Lors de son interrogatoire, l’ingénieur intimé a indiqué qu’il existe un risque à procéder à une reprise en sous-œuvre qui n’inclut pas toutes les fondations du bâtiment. o Il n’est pas possible de savoir si le client a compris ce risque. o De plus, le fait qu’un autre ingénieur ait été impliqué dans le projet ne diminue pas la responsabilité de l’ingénieur Kumps face à son client. o Du point de vue purement technique, il est certain que la meilleure solution pour le bâtiment concerné était de supporter toute la structure, y compris les murs mitoyens. 22-03-0284 PAGE : 13 o Cependant, cette solution peut entraîner des problèmes aux bâtiments voisins, du fait que seule une partie de leur structure sera stabilisée. o Des tassements différentiels pourront alors se produire à l’intérieur de ces bâtiments et y causer de nouveaux désordres structuraux. o Il pourrait s’ensuivre des poursuites légales contre le propriétaire. o La décision de reprendre en sous-œuvre les murs mitoyens nécessite donc un accord préalable avec les voisins et la connaissance du comportement structural des bâtiments adjacents. o Tout en mentionnant qu’une reprise en sous-œuvre partielle représente toujours un risque, l’intimé souligne que cette solution offre des avantages économiques et que, statistiquement parlant, le risque est très faible. o Il n’est pas possible de déterminer à quelles statistiques l’ingénieur Kumps fait référence. o Selon le témoin, il n’existe pas de distinction entre dessin d’exécution, plan d’atelier et plan de conception. o Ces termes sont synonymes et désignent un document qui comprend la description détaillée des travaux à exécuter, la performance anticipée des ouvrages et la description des matériaux à utiliser. o Dans le cas présent, le dessin de base fourni à l’ingénieur Kumps n’était qu’un schéma conceptuel. o Les plans soumis au dossier répondent aux exigences du schéma conceptuel. o Cependant, le concept ne tenait pas compte de la problématique des murs mitoyens. o Selon le témoin, les plans de l’intimé ne sont par conséquent pas complets, car ils ne font pas état de la possibilité d’une meilleure solution pour le client, solution qui aurait suggéré le support des murs mitoyens et le recours à l’avis d’un avocat à ce sujet. o À cause de cette lacune, les plans de l’ingénieur Kumps ne sont pas conformes aux règles de l’art. o Toutefois, le dossier ne permet pas de savoir si le client, pour des raisons d’économie, souhaitait qu’on lui soumette un tel concept incomplet. o Si tel est le cas, l’ingénieur aurait dû lui expliquer les risques associés à une solution qui ne soit pas optimale. 22-03-0284 [15] PAGE : 14 o Finalement, les documents de l’intimé identifiés «tel que construit» laissent entendre qu’il a effectué tous les contrôles et inspections nécessaires à une telle affirmation. o Or, les travaux d’auscultation menés ultérieurement par un autre ingénieur ont démontré que les ouvrages construits n’étaient pas conformes à ceux décrits dans ces documents. Enfin le dernier témoin à être entendu, le syndic adjoint, monsieur Alexandre Khayat. o Il a rencontré l’intimé le 13 août 2001. o Il a interrogé l’intimé sur la question des faux pieux. o L’intimé a nié avoir eu une conversation avec l’ingénieur Goulet concernant les faux pieux. o L’intimé a déclaré au syndic adjoint que le pieu dédoublé était un pieu de subvention. o Selon lui l’intimé n’avait pas de notes de chantier ou de rapport de visite pour les cinq visites de chantier. o Il a fourni au syndic les pièces S-39 et S-41 soit des plans et des notes. o Il a aussi remis au syndic adjoint les pièces S-32-43-47-48. o Il a produit la pièce D-15. o Il déclare ne pas mettre en doute la compétence de l’intimé mais plutôt sa connaissance dans ce dossier. o Il ne l’a pas interrogé concernant les chefs 13-14 de la plainte. Preuve de l’intimé : [16] Me Gendron a fait entendre l’intimé qui a relaté les faits suivants : o Depuis 1992, il est associé à la compagnies Micropiles qui pose des pieux . o Le 31 juillet 1997 il a reçu une télécopie de l’ingénieur Chartrand accompagnée d’une lettre et d’un dessin, en plus d’une carte d’affaire. 22-03-0284 PAGE : 15 o Il a télécopié une lettre et un dessin au coordonnateur Grenier, sauf que les notes de S-41 ont seulement été remises au syndic adjoint. o Concernant la pièce S-11, il s’est identifié comme entrepreneur général pour rendre service au coordonnateur car celui-ci n’avait pas renouvelé sa licence. o C’est suite à une entente avec le coordonnateur Grenier qu’il fait parvenir à la ville de Montréal sa soumission suivant la pièce S-4 o Il a fait la démarche contenue dans la pièce S-13 auprès de la ville suite à la demande de Monsieur Grenier . o La pièce S-39 ( plan et notes personnelles) a été remise seulement au syndic adjoint. o Il a donné une opinion, à monsieur Pitts, sur l’état du bâtiment situé au sud ayant comme adresse civique le 2507. o Il a visité le bâtiment à deux reprises et suite à une observation visuelle, il a émis l’opinion que l’on retrouve à la pièce S-47. o Il a conclu que les problèmes de fondation peuvent influencer le mur mitoyen suite à des informations factuelles. o La soumission du voisin n’a pas été acceptée car celui-ci n’avait pas les moyens financiers nécessaires. o Il déclare que la compagnie Forage St-Eustache est un sous-traitant face à sa propre compagnie. o Il n’a pas fait la surveillance des travaux car selon lui c’était à l’ingénieur Chartrand que revenait cette obligation. o Il s’est rendu de 5 à 6 fois sur le chantier pour des visites d’assez longues durée. o Les visites quotidiennes se faisaient très rapidement; il ne s’agissait pas de surveillance, c’était plutôt des « visites d’entrepreneur ». o Il n’a pas rencontré monsieur Pitts sur les lieux; il ne faisait affaire qu’avec Grenier. o Selon lui, il était un sous-traitant et un sous-traitant ne parle pas au propriétaire. o Il a agi comme entrepreneur et non comme ingénieur. o Suivant son témoignage, son dossier professionnel est la soumission comme telle. 22-03-0284 PAGE : 16 Le droit : [17] Le Comité croit nécessaire de reproduire les articles pertinents du Code de déontologie des ingénieurs : 2.01. Dans tous les aspects de son travail, l'ingénieur doit respecter ses obligations envers l'homme et tenir compte des conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne. 2.04. L'ingénieur ne doit exprimer son avis sur des questions ayant trait à l'ingénierie, que si cet avis est basé sur des connaissances suffisantes et sur d'honnêtes convictions 3.02.04. L'ingénieur doit s'abstenir d'exprimer des avis ou de donner des conseils contradictoires ou incomplets et de présenter ou utiliser des plans, devis et autres documents qu'il sait ambigus ou qui ne sont pas suffisamment explicites. 3.02.08. L'ingénieur ne doit pas recourir, ni se prêter à des procédés malhonnêtes ou douteux, ni tolérer de tels procédés dans l'exercice de ses activités professionnelles. [18] Les articles du Code des professions sont les suivants : 59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession. 114. Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée conformément à l'article 90, un inspecteur, un enquêteur ou un expert, dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une 22-03-0284 PAGE : 17 vérification ou à une enquête tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document. [19] Le Comité accorde une importance particulière à ces articles qui touchent à la quiddité même du droit disciplinaire. [20] L’intégrité du professionnel et ses devoirs envers le public sont des aspects essentiels à sa démarche professionnelle. [21] Les deux parties ont déposé une volumineuse jurisprudence dont le Comité a pris connaissance. [22] Me Simon Venne a déposé la jurisprudence suivante : o Guilbault c. Bergeron (Ingénieurs) 22-93-0011 o Alaurent c. Derome (ingénieurs) 22-96-0014-15-16 o Alaurent c. Roy (ingénieurs) 22-97-0003 o Roy c. Alaurent, Tribunal des professions, 540-07-000015-982 o Alaurent c. Nadeau (ingénieurs) 22-00-0028 o Guilbault c. Husar (ingénieurs) 22-93-0003 o Lalibet. c. Kupin (ingénieurs) 22-96-0006 o Tremblay c. Dionne (ingénieurs) 22-02-0256 o Le Groupe Icogec inc. c. Ville de Charlemagne et Ordre des ingénieurs C.S. 705-17-000012-979 o Tribunal des professions 1981 D.D.C.P. 368 o Tribunal des professions 1987 D.D.C.P. 299 o Tribunal des professions 500-07-000305-007 o Pauline c. Desautels 1997 D.D.O.P. 34 o Notaires c. Laurier 1996 D.D.O.P. 102 22-03-0284 [23] PAGE : 18 o Coutu c. Tribunal des professions C.S. 500-05-042780-989 o Gervais c. De Nino 26-99-00763 o Gervais c. De Nino Tribunal des professions 500-07-000303-002 o Brochu c. Fortin Tribunal des professions 755-07-000005-003 o Law society of Alberta c. Krieger S.C.R. 28275, 10 octobre 2002 o Breton c. Ordre professionnelle des travailleurs sociaux C.S. 755-05001835-014 o Tribunal des professions 1986 D.D.C.P. 157 o C.S.S.T. c. Tribunal des professions C.S. 500-17-014338-035 o Tribunal des professions 500-07-000386-023 o Guilbault c. Bélanger (ingénieurs) 22-01-0003 Me Gendron représentant l’intimé a déposé la jurisprudence et la doctrine suivante : o Ayotte c. Gingras 1995 D.D.O.P. 189 o Ingénieurs c. Lévy 1991 D.D.C.P.278 o Comité discipline ingénieurs 1980 D.D.C.P. 173 o Comité infirmières 1979 D.D.C.P. 89 o Développements récents en droit disciplinaire et professionnel 1999, Barreau du Québec. o La discipline professionnelle au Québec, Sylvie Poirier o Morin c. Terjanian (dentistes) 14-2001-00943 o Gingras c. Savoie (arpenteurs-géomètres) 04-2000-000217 o Biron c. Champoux Paillé Tribunal des professions 500-07-000301-006 o Chao c. White ( avocats) 06-02-01739 o Mandron c.Boulos Tribunal des professions 500-07-000084-966 22-03-0284 [24] PAGE : 19 Le Comité a séparé chacun des chefs en relation avec les articles correspondants du Code des professions et à ceux du Code de déontologie des ingénieurs : Art. 114 et 59.2 du Code des professions: o chef 13, l’affirmation sur les travaux en sous-traitance (13 août 2001 et 19 septembre 2002); o chef 14, propos contradictoires sur les visites de surveillance (13aout 2001 et 19 septembre 2002); Art. 3.02.04 du Code de déontologie : o chef 1, plan RSO-1 Rév.0 ( 4 décembre 1997); o chef 2, soumission 11 mars 1998 ; o chef 6, calculs complémentaires incomplets (30 septembre 1998); o chef 9, calculs incomplets au plan RSO-1Rév. du 5 janvier 1999; o chef 10, lettre du 16 septembre avis incomplet; o chef 11 lettre 1 novembre 1999, avis incomplet; o chef 12, soumission incomplète du 12 avril 2000; Art. 2.01 du Code de déontologie : o chef 1, plan RSO-1 Rév.0 du 4 décembre 1997; o chef 4, non surveillance des travaux; Art. 3.02.08 du Code de déontologie : o chef 3, programme de subvention à la rénovation faussement à titre d’entrepreneur général; o chef 5, annotation tel que construit sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16 juillet 1998; o chef 7, attestation de l’entrepreneur du 6 octobre1998; o chef 8, affirmations quant aux deux pieux supplémentaires du 3 novembre 1998; 22-03-0284 PAGE : 20 2.04 du Code de déontologie; [25] o chef 4, la surveillance des travaux en juin 1998; o chef 5, annotation tel que construit sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16 juillet 1998; o chef 8, affirmations concernant les deux pieux supplémentaires; o chef 10, lettre septembre en relation avec les connaissances suffisantes; o chef 11, lettre du 1 novembre en relation avec les connaissances suffisantes; o chef 12, la soumission du 12 avril 2000; Le Comité croit utile de présenter une certaine chronologie des évènements principaux de ce dossier : 1) Le 3 septembre 1996, engagement du coordonnateur, monsieur Grenier par le propriétaire monsieur Pitts. S-16 2) La demande de subvention à la ville de Montréal du 3 septembre 1996. S-17 3) Le 28 mai 1997, la demande est admissible. S-18 4) Le 29 juillet 1997, lettre et croquis de l’ingénieur Chartrand à la Ville de Montréal. S-2 5) Le 31 juillet 1997, télécopie de l’ingénieur Chartrand à l’intimé, lui demandant une estimation pour la pose des pieux. S-40 6) Le 8 août 1997, une télécopie de l’intimé à l’ingénieur Chartrand pour la soumission. S-44 7) Le 30 octobre 1997, la facturation de l’ingénieur Chartrand au coordonnateur Grenier. 8) Le 30 octobre 1997, la facturation du coordonnateur Grenier à monsieur Pitts. 9) Le 1 décembre 1997, la lettre de l’ingénieur Chartrand à la Ville de Montréal. S-3 22-03-0284 PAGE : 21 10) Le 4 décembre 1997, les plans de l’intimé qui ont été approuvés par l’ingénieur Chartrand au mois de mars 1998 et reçus à la Ville de Montréal au mois de juin 1998. S-5 11) Le 8 décembre 1997, l’intimé transmet les plans d’atelier à l’ingénieur Chartrand. S-45 12) Le 9 mars 1998, il y a approbation des plans de l’intimé par l’ingénieur Chartrand. 13) Le 11 mars 1998, une soumission de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-42 14) Le 8 juin 1998, des documents en relation avec les coûts provenant de l’intimé adressés à Ville de Montréal pour la soumission et un document du 6 octobre 1998 soit l’attestation de l’intimé comme entrepreneur général. S-4 15) Le 25 juin 1998, la facturation de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-46 16) Le permis accordé par la ville au propriétaire monsieur Pitts. S-6 17) Le 15 juillet 1998, lettre de l’ingénieur Chartrand à la ville de Montréal. S-7 18) Le15 juillet 1998, demande de réduire le nombre de pieux d’où la diminution du montant de la subvention. S-8 19) Le 16 juillet 1998, l’intimé adresse une télécopie à monsieur André Bélina en y joignant deux plans. S-13 20) Le16 juillet 1998, document de la Régie du bâtiment ou l’intimé est identifié comme l’entrepreneur. S-9 21) Le 30 septembre 1998, télécopie de l’intimé au coordonnateur avec des plans du 25 septembre 1998. S-41 22) Le 2 octobre 1998, document adressé à la Ville de Montréal pour deux pieux supplémentaires. S-10 23) Le 6 octobre 1998, l’intimé s’adresse à qu’entrepreneur général. S-11 la Ville de Montréal en tant 24) Le 30 octobre 1998, document de la Ville de Montréal concernant la diminution de la subvention. S-12 22-03-0284 PAGE : 22 25) Le 3 novembre 1998, document télécopie de l’intimé à André Bélina pour une demande de pieux supplémentaires. S-13 26) Le 21 décembre 1998, lettre du propriétaire Pitts au coordonnateur Grenier soulignant son insatisfaction. S-19 27) En janvier 1999, l’intimé remet des plans, des dessins et des calculs au syndic adjoint. 28) Le 5 janvier 1999, une télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-30 29) Le 11 août 1999, une télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier. S-31 30) Le 16 septembre1999, télécopie de l’intimé au coordonnateur Grenier, rejetant la faute sur l’immeuble voisin. S-32 et S-47 31) Le 1er novembre 1999, lettre de l’intimé au coordonnateur Grenier confirmant que la maison du voisin doit être stabilisée. S-32 32) Le 12 avril 2000, lettre de l’intimé au coordonnateur Grenier pour la pose 23 pieux chez le voisin de l’immeuble de monsieur Pitts. S-43 33) Le 5 septembre 2000, lettre de l’avocat du propriétaire monsieur Pitts. S-22 34) Le 4 mai 2001, demande d’enquête au syndic de la part de l’ingénieur Goulet. S27 35) Le 18 juillet 2001, étude de la compagnie Inspect-Sol qui démontre la faiblesse du béton. S-25 36) Le 9 avril 2002, soumission pour les travaux de redressement par la compagnie Levitech. S-26 [26] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux articles du Code de déontologie précités aux paragraphes 17 et 18 en posant les gestes suivants : o en signant et scellant le plan RSO-1 Rév.0-4 décembre 1997 (solution incomplète) ; o en produisant une soumission en mars 1998 (insuffisamment explicite) ; o en se déclarant faussement entrepreneur général en juin 1998 ; 22-03-0284 PAGE : 23 o en omettant d’assurer la surveillance des travaux en juin 1998 ; o en annotant « tel que construit » sur le plan RSO-1 Rév.0 du 16 juillet 1998 ; o en présentant des calculs complémentaires incomplets au plan RSO-1 Rév. 1 vers le 30 septembre 1998 ; o en attestant sur formulaire de l’entrepreneur avoir exécuté l’ensemble des travaux vers le 6 octobre1998 (ne reflétait pas la réalité) ; o en déclarant par écrit, plan RSO-1 Rév. 1 à l’appui, avoir besoin de 2 pieux supplémentaires (ne reflétait pas la réalité) ; o en présentant des calculs incomplets au plan RSO-1 Rév. 2 vers le 5 janvier 1999 ; o en exprimant des avis incomplets non fondés sur d’honnêtes convictions dans une lettre datée du ou vers le 16 septembre 1999 ; o en exprimant des avis incomplets non fondés sur d’honnêtes convictions dans une lettre datée du ou vers le 1er novembre 1999 o en présentant une soumission vers le 12 avril 2000 non fondée sur des connaissances suffisantes et insuffisamment explicite ; o en faisant des affirmations contradictoires sur les travaux en sous-traitance vers le 13 août 2001 et vers le 19 septembre 2002 ; o en tenant des propos contradictoires sur les visites de surveillance vers le 13 août 2001 et vers le 19 septembre 2002. [27] Quant à l’intimé, il considère que, manifestement pour lui, Jacques Chartrand était l’ingénieur en structure pour le projet du 2509 (S-40 et S-2). [28] Il explique avoir fait les travaux pour Monsieur P. Grenier car celui-ci n’avait pas renouvelé sa demande de licence d’entrepreneur. 22-03-0284 [29] PAGE : 24 Quant aux avis que lui a demandé Monsieur Grenier de PCG sur l’immeuble voisin, il explique qu’il est entrepreneur et qu’à ce titre, il ne fait pas d’études. Il regarde l’état de l’immeuble et des fondations et il envoie une lettre à monsieur P. Grenier lui disant ce qu’il en pense. [30] Concernant l’absence de surveillance de la pose des pieux, il soutient qu’il n’a pas fait de surveillance car il est l’entrepreneur sur ce projet. Il considère que c’est l’ingénieur Jacques Chartrand qui devait faire la surveillance. [31] En contre-interrogatoire mené par le procureur du syndic, il a déclaré s’être comporté plus comme un entrepreneur que comme un ingénieur. [32] La prétention de l’intimé soulève la question suivante : même si l’intimé devait être sous l’autorité de l’ingénieur Chartrand, aurait-il pu se prévaloir de son rôle d’entrepreneur ou de sous-traitant pour pouvoir se libérer des devoirs et obligations que lui impose le Code de déontologie des ingénieurs ? [33] Ou encore, un ingénieur propriétaire d’une entreprise, telle la compagnie Micropiles qui appartient à l’intimé, de ce fait, peut-il être dégagé de sa propre responsabilité en tant qu’ingénieur eu égard à la protection du public et aux exigences de son Code de déontologie ? [34] Dans les faits, est-ce que l’intimé était soumis au Code de déontologie des ingénieurs ? 22-03-0284 [35] PAGE : 25 Le Comité désire citer quelques passages de la jurisprudence et de la doctrine qui lui ont été remise par les parties pour expliciter sa position et la décision qui en découle. [36] Une citation d’ordre général sur la conduite du professionnel est nécessaire à cet égard et l'Honorable L'Heureux-Dubé de la Cour Suprême du Canada mentionnait dans l'affaire Roberge c. Bolduc : ‘’Il se peut fort bien que la pratique professionnelle soit le reflet d'une conduite prudente et diligente. On peut, en effet, espérer qu'une pratique qui s'est développée parmi les professionnels relativement à un acte professionnel donné témoigne d'une façon d'agir prudente. Le fait qu'un professionnel ait suivi la pratique de ses pairs, peut constituer une forte preuve d'une conduite raisonnable et diligente, mais ce n'est pas déterminant. Si cette pratique n'est pas conforme aux normes générales de responsabilité, savoir qu'on doit agir de façon raisonnable, le professionnel qui y adhère peut alors, suivant les faits de l'espèce, engager sa responsabilité.’’ 1 [37] À l’autre extrême, cette position de l’honorable juge Taschereau de la Cour Suprême du Canada : ‘’La loi n'exige pas qu'un homme prévoie tout ce qui est possible. On doit se prémunir contre un danger à condition que celui-ci soit assez probable, qu'il entre ainsi dans la catégorie des éventualités normalement prévisibles. Exiger davantage et prétendre que l'homme prudent doit prévoir toute possibilité, quelle que vague qu'elle puisse être, rendrait impossible toute activité pratique.’’ [38] Quant à la valeur de la signature de l’ingénieur nous reprenons les propos du Comité de discipline dans le dossier Roy2 : ‘’ Si l’on veut donner à la profession d’ingénieur la place qui lui revient, force est de conclure que lorsque l’ingénieur utilise son titre, c’est qu’il a de façon 1 2 1991 1 R.C.S.374 22-97-0003 22-03-0284 PAGE : 26 professionnelle vérifié ce qui doit être vérifié et que par conséquent les gens qui traitent avec lui peuvent se fier à ses déclarations’’ [39] Dans le même sens, le Comité partage la réflexion du Comité lors de la décision dans le dossier Dionne3 : ‘’En effet, de l’avis du comité, il n’y a pas deux (2) sortes de signature lorsque l’on est ingénieur. En d’autres termes, il n’y a pas une signature « officielle » lorsque vient le temps de signer et sceller des plans et une autre « dite administrative », comme on semble l’invoquer dans le contexte particulier du présent dossier. La signature d’un ingénieur est toujours la même. En chaque occasion, elle doit être un gage de qualité. La signature de l’ingénieur doit aussi être un gage de fiabilité. La signature de l’ingénieur doit enfin être un gage de crédibilité. C’est cette signature de l’ingénieur qui engendre la confiance auprès de ses pairs et du public en général. Lorsqu’un ingénieur, à ce titre, appose sa signature sur un document, il s’engage non seulement professionnellement, mais aussi sur le plan déontologique. En effet, il apparaît au comité qu’un ingénieur consciencieux, respectueux de ses obligations tant professionnelles que déontologiques, a l’obligation, indépendamment de ses responsabilités contractuelles, de relever et dénoncer toute anomalie ou irrégularité qu’il constate ou devrait constater selon son expérience et son expertise, pour que les correctifs appropriés soient apportés. Le public est en droit de s’attendre à ce genre d’attitude et de comportement de l’ensemble des ingénieurs du Québec.’’ [40] Concernant l’affirmation ‘’plan tel que construit’’ le Comité se réfère à la décision Roy du Tribunal des professions :4 ‘’Cet argument n'a aucun mérite et il est rejeté. Comme l'exprime fort bien le Comité de discipline, la stipulation "plan tel que construit" trompe celui à qui il est destiné si la mention est fausse comme c'est ici le cas.’’ 3 4 22-02-0256 p 21 540-07-000015-982 22-03-0284 [41] PAGE : 27 Le Comité en regard de l’article 2.04 du Code se réfère à l’ouvrage de Me François Vandenbroek5 : “ L’avis visé par l’article 2.04 du Code de déontologie peut être l’expression spontanée par l’ingénieur de ce qu’il pense sur une question ayant trait à l’ingénierie dans le cadre d’un séminaire ou d’une conférence. Il peut s’agir également d’une “ opinion donnée à titre consultatif en réponse à une question ”, notamment à titre de témoin expert. Dans tous les cas, l’avis devra être basé sur des “ connaissances ” assurées par la formation universitaire requise ou satisfaisant aux autres critères d’admission à l’exercice énoncés à la section IV de la Loi sur les ingénieurs. C’est à l’ingénieur qu’incombe la responsabilité de tenir ses connaissances constamment à jour, entre autres par sa participation à des activités de formation continue. Pour être qualifiées de “ suffisantes ” au sens de l’article 2.04, ces connaissances devront habituellement être complétées par une solide expérience dans le domaine de pratique duquel relève la question posée. Il est également requis que l’ingénieur ait une connaissance suffisante du cas soumis ou du dossier invoqué et qu’il se limite strictement à sa spécialisation lorsqu’il se prononce ou exprime son opinion’’ [42] Notre interprétation concernant la distinction entre la faute disciplinaire et la faute technique correspond à la définition suggérer par Me Ouellet6 : ‘’En outre la faute disciplinaire réside en principe dans la violation d’une règle d’éthique inspirée par des sentiments d’honneur et de courtoisie, une faute purement technique, erreur, maladresse, négligence, qui peut entraîner une responsabilité civile, ne sera pas considérée comme une faute disciplinaire en l’absence de texte précis.’’ [43] De même nous partageons l’opinion de Me Goulet lorsqu’il s’exprime sur le même principe en y ajoutant la notion de d’incompétence :7 ‘’ En matière d’incompétence, le rôle dévolu à l’instance disciplinaire est cependant limité. Il ne consiste pas à décider, d’une façon générale, de la compétence d’un intimé, sur une certaine période. Comme la faute doit être caractérisée, la plainte doit porter sur un cas spécifique et impliquer plus qu’une simple erreur technique’’ ‘’ Par la gravité qu’elle implique, l’incompétence doit être distinguée de l’erreur technique pouvant entraîner une responsabilité civile, la faute disciplinaire n’étant pas relié à l’occurrence d’un dommage. Ont ainsi été considérés fautes 5 Les éditions Juruméga, 1993 p. 49 Droit administratif canadien et québécois p 209 7 Droit disciplinaire des corporations professionnelles, éd. Blais p 65 6 22-03-0284 PAGE : 28 disciplinaires, les comportements suivants : ‘’ la maladresse hors de l’ordinaire’’ : ‘’ l’ignorance outrée’’ et l’insouciance impardonnable’’ : le laxisme : mais aussi le manque de diligence dans le suivi d’un dossier. On pourrait également y inclure le défaut de mettre ses connaissances professionnelles à jour.’’ [44] En ce qui concerne les champs d’application de l’action disciplinaire, le Comité de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec s’exprimait ainsi dans le dossier Roussel :8 ‘’ Déjà en 1980, le Tribunal des professions ciblait le champ de l’action disciplinaire professionnelle : « En thèse générale, les fautes disciplinaires se rattachent à des actes de la vie professionnelle que l’Ordre a l’obligation de contrôler et, en principe, les actes de la vie civile ou politique n’entrent pas dans le cadre de la juridiction disciplinaire. C’est l’enseignement de René Savatier. Cependant, la doctrine reconnaît que certains faits de la vie privée, même s’ils sont étrangers à l’activité professionnelle proprement dite, peuvent faire l’objet d’une action disciplinaire lorsqu’ils sont de nature à compromettre la dignité et l’honneur du corps professionnel ou s’ils causent scandale. C’est par exception que l’instance disciplinaire possède le pouvoir de juger des actes qui ne sont pas reliés à l’exercice de la profession. Le droit de prendre des mesures disciplinaires en rapport avec des actes extra-professionnels complete donc au Comité de discipline lorsqu’il s’agit d’actes qui sont susceptibles de mettre sérieusement en doute la moralité d’un membre de la profession, ces actes étant alors considérés comme dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession’’ Dans Tribunal-avocat, le professionnel plaidait que les paroles qui lui étaient reprochées à l’égard des membres des tribunaux avaient été prononcées dans l’exercice de son droit de parole comme citoyen et non pas dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat. Le Tribunal des professions a réitéré que « …le champ de l’action disciplinaire ne se borne pas aux seuls actes de la vie professionnelle proprement dite; que les actes de la vie privée sont susceptibles de sanctions disciplinaires s’ils portent atteinte à la dignité de la profession Plus récemment, le Tribunal des professions rappelait ce qui suit : « C’est ainsi que certaines activités ou certains comportements de la vie privée peuvent être l’objet d’une sanction disciplinaire lorsqu’ils sont de nature à compromettre l’honneur ou la dignité de la profession. À cet égard, les gestes posés dans une « capacité de professionnel » sont tout autant de la compétence 8 20-97-00158 22-03-0284 PAGE : 29 d’un ordre professionnel, et donc de son comité de discipline, que ceux posés dans l’exercice d’une activité professionnelle. » Après plusieurs citations, le Tribunal reprend : « Le lien entre l’exercice de la profession et les agissements d’un professionnel est parfois ténu mais cela n’empêche pas qu’il s’agisse d’agissements sur lesquels le Comité de discipline a compétence. Ainsi le Tribunal des professions affirme ce qui suit en rapport avec une radiation imposée en vertu de l’article 55.1 du Code des professions qui exige un lien avec l’exercice de la profession : « Il ne s’agit pas de savoir si les gestes fautifs ont été commis à l’occasion de l’exercice de la profession, mais de vérifier, entre autres, s’ils touchent à l’essence même de la profession, à la raison d’être de celle-ci. Compte tenu du rôle de l’avocat, de sa fonction au sein de l’administration de la justice, être trouvée coupable de complot en vue de commettre un acte criminel et de fraude envers le gouvernement a certainement un lien avec l’exercice de la profession, si ténu soit-il. » La doctrine est également conforme à cette interprétation : « En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il n’est pas nécessaire de prouver qu’un acte fautif a été perpétré dans l’exercice de la profession, ou à l’occasion de l’exercice de la profession. » L’auteur est d’avis que la compétence du Comité de discipline est acquise si le simple statut de professionnel est en cause, en contribuant à la commission de l’infraction, ou si la « crédibilité en tant que professionnel est sérieusement entachée par la perpétration de l’acte fautif. » [45] La Juge Rayle dans le dossier ‘’ Jean Coutu’’ 9 donnait une interprétation semblable du domaine d’application du droit disciplinaire : ‘’ Même lorsqu’il s’adonne à des activités commerciales, le pharmacien conserve son sarrau de professionnel de la santé. Il n’est pas pharmacien ou commerçant. Il est l’un et l’autre. L’essence de la dualité.’’ [46] Le juge Verrier de la même cour s’exprimait ainsi :10 ‘’Comme le souligne l’avocat de l’intervenant en page 6 de ses notes et autorités, L’ordre des ingénieurs a sur l’exercice de la profession un large contrôle qu’il soit 9 500-05-042780-989 705-17-000012-979 10 22-03-0284 PAGE : 30 question de la tenue des dossiers, de la publicité, de la conciliation des comtes et des relations entre confrères ou avec l’Ordre. De l’avis du Tribunal il s’agit de disposition d’ordre public et le professionnel ne peut s’en exonérer ou s’y soustraire en constituant une personne morale. « Les pouvoirs du délégataire, en l’occurrence la société, ne peuvent excéder ceux du déléguant. » Décision : [47] Le Comité analyse chacun des chefs en regard de la preuve soumise et du droit ci-haut cité. [48] Concernant le chef 1, il faut souligner que le plan RSO-1 Rév.0 a été signé et scellé par l’intimé. [49] Il ressort de la preuve et plus particulièrement du témoin expert Lemieux que ce plan est incomplet. [50] Le témoin Goulet partage l’opinion du témoin Lemieux en y observant et analysant les modifications faites à ce plan à trois reprises. [51] Le Comité considère cette preuve comme non contredite. [52] Et le Comité constate qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur technique mais d’un acte dérogatoire au sens de son paragraphe 44 déjà cité. [53] De plus le Comité souligne que l’apposition du sceau engage la responsabilité professionnelle de son auteur, tel que relaté au paragraphe 40 déjà cité. [54] Quant au chef 2, le Comité partage l’opinion de l’expert Lemieux à l’effet que la soumission est vraiment très sommaire et qu’elle aurait dû contenir de plus amples informations. 22-03-0284 [55] PAGE : 31 L’intimé n’a pas exprimé dans ce document de façon explicite toutes les conséquences de ses travaux sur l’immeuble. [56] Le Comité en réfère à la notion de droit à l’avant dernier alinéa de son paragraphe 40, de même qu’à son deuxième alinéa de son paragraphe 44. [57] Le chef 3 concerne son identification à titre d’entrepreneur général auprès de la ville de Montréal. [58] Il a fait cette déclaration pour rendre service au coordonnateur Grenier qui avait perdu sa licence. [59] Le Comité considère que le geste posé l’a été par un ingénieur au nom de sa compagnie et qu’il s’agit d’une fausse déclaration. [60] Le Comité considère cette déclaration comme un acte dérogatoire s’appuyant sur les paragraphes 45, 46 et 47 déjà cités. [61] Quant au chef 4, il est à souligner que les plans de l’ingénieur Chartrand étaient très sommaires et ne pouvaient permettre à un entrepreneur de procéder aux travaux. [62] L’intimé a fait les plans pour les travaux de pieutage. [63] Il a signé et scellé les plans. [64] Il a engagé sa responsabilité d’ingénieur et il avait l’obligation de surveillance à tout le moins de ses propres travaux. [65] La preuve révèle de façon prépondérante qu’il n’a pas mis les efforts nécessaires à la bonne réalisation des travaux. 22-03-0284 PAGE : 32 [66] Le Comité se réfère à son paragraphe 47 déjà cité. [67] Quant au chef 5, la preuve ne révèle pas de mauvaise foi de la part de l’intimé. [68] Le Comité ne déclare pas que la mauvaise foi est nécessaire pour qu’il y ait acte dérogatoire. [69] Dans les circonstances particulières de ce dossier, la preuve n’est pas prépondérante à l’effet qu’au moment où l’intimé a écrit cette phrase, celle-ci ne correspondait pas à la réalité du moment, car c’est de lui-même qu’il a corrigé la situation par la suite. [70] Pour les chefs 6 et 9, le Comité en vient à la conclusion que les actes dérogatoires n’ont pas été prouvés de façon prépondérante. [71] De plus le libellé des deux chefs ne correspond pas à la preuve car ces notes et ces calculs n’accompagnaient pas les plans le 30 septembre 1998 et le 5 janvier 1999. [72] Ces notes et ces calculs ont été remis par l’intimé au syndic adjoint en cours d’enquête. [73] L’expert Lemieux a pris connaissance de ces documents et les a qualifiés d’indéchiffrables. [74] Le syndic adjoint ne les a pas compris non plus. [75] Il aurait été pourtant facile de demander des explications à l’intimé. [76] Le chef 7 est semblable au chef 3 et pour les mêmes raisons, il y a acte dérogatoire. 22-03-0284 [77] PAGE : 33 De plus, en juillet 1998, en relation avec la Régie du bâtiment, la même affirmation a été produite. [78] Le Comité considère que la preuve concernant le chef 8 a été établie de façon prépondérante. [79] La preuve révèle l’inutilité de deux pieux. [80] Le témoin Goulet a été très clair sur ce point, il y avait effectivement des pieux (2) de subvention. [81] En ce qui concerne le chef 10, en regard de la lettre du 16 septembre 1999 au coordonnateur Grenier, la preuve révèle que cette opinion n’est basée sur aucun document ou étude. [82] Suite à une visite des lieux, l’intimé donne cet avis sans autre analyse. [83] De plus, il tente de démontrer au coordonnateur que la raison des troubles à l’immeuble de monsieur Pitts serait l’ immeuble voisin et non ses propres travaux. [84] En ce qui regarde le chef 11, il n’est que la suite logique du précédent. [85] Selon l’intimé, le responsable des troubles de l’immeuble de monsieur Pitts est l’immeuble voisin. [86] Cette conclusion de l’intimé n’est basée sur aucun document ou étude quelconque. [87] Le chef 12 est la soumission pour la rénovation de la maison voisine. 22-03-0284 [88] PAGE : 34 Cette soumission est basée sur une visite des lieux en fonction d’observations factuelles. [89] Aucune autre démarche n’a été entreprise par l’intimé pour s’assurer de la qualité et de la véracité de sa position ou de son interprétation de la situation. [90] Les trois chefs, 10, 11 et 12, démontrent un laxisme inacceptable de la part du professionnel. [91] Le Comité réfère au paragraphe 42 de sa décision. [92] En ce qui regarde les chefs 13 et 14 de la plainte, le Comité en vient à la conclusion que la preuve n’est pas persuasive et convaincante. [93] Le Comité ne met pas en doute la qualité du témoignage du syndic adjoint, mais les circonstances des deux volets concernant les interrogatoires hors cour à l’intérieur d’un dossier civil ou l’intimé est impliqué, laisse le Comité perplexe sur le fait de recevoir cette preuve. [94] Le Comité ne croit pas qu’il est de son devoir d’intervenir dans ce cas-ci, vu les nombreuses interprétations que le Comité pourrait déduire de l’analyse des paroles de l’intimé lors de ses interrogatoires au niveau civil. [95] Le Comité entendra les parties sur l’aspect des condamnations multiples lors des représentations sur la sanction. 22-03-0284 PAGE : 35 Pour ces motifs le Comité de discipline : [96] ACQUITTE l’intimé des actes dérogatoires reprochés aux chefs 5-6-9-13 et 14 de la plainte. [97] DÉCLARE l’intimé coupable des actes dérogatoires reprochés aux chefs 1-2-3- 4-7-8-10-11 et 12 de la plainte. [98] Le tout frais à suivre. __________________________________ Me Jean -Guy Gilbert __________________________________ Gérard Trépanier, ingénieur __________________________________ Pierrette Marchand, ingénieure Me Simon Venne Procureur(e) de la partie plaignante Me Michel Gendron Procureur(e) de la partie intimée Date d’audience : 13-14 et 15 juillet 2004