Prise de vue

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Prise de vue
HAWAII
HAWAII
Prise de vue
Les îles Hawaii , le plus tardivement découvert des grands archipels du Pacifique (Cook, 1778), sont aussi originales par leurs aspects
physiques (climat très favorable à l'homme, énormes volcans basaltiques comme le Mauna Kea et le Mauna Loa, le plus grand volcan
actif du monde) que par leur histoire, la diversité de leur population et leur remarquable prospérité économique fondée sur leur
intégration aux États-Unis, dont elles constituent le cinquantième État (le seul non continental) depuis 1959. Les îles Hawaii, qui n'ont
guère plus d'un million d'habitants, occupent, au début du XXIe siècle, une position géopolitique considérable et s'affirment à la fois
comme le point nodal de l'influence américaine dans le Pacifique et comme un pont culturel entre l'Orient et l'Occident.
États-Unis : carte physique
Carte physique des États-Unis.
I - Un grand archipel volcanique
L'archipel des Hawaii est isolé au cœur du Pacifique nord, juste au sud du tropique du Cancer (entre 22 0 10′ et 180 55′ N), à quelque 3 850 km de la Californie à l'est, à 6 200 km du Japon à l'ouest et, vers le sud, à près de 3 900 km des Marquises d'où sont venus les
premiers colonisateurs polynésiens. Il s'allonge sur environ 650 km du nord-ouest au sud-est sur une puissante dorsale sous-marine
récente (30 millions d'années) qui se prolonge vers le nord-ouest jusqu'à Midway. Formé de huit îles principales dont sept habitées, il
couvre 16 706 km2 dont près des deux tiers pour la grande île d'Hawaii (10 458 km 2). Les autres, et en particulier Oahu qui regroupe les
trois quarts de la population, occupent des surfaces bien moindres (Maui 1 887 km 2, Oahu 1 574 km2, Kauai 1 433 km2).
Les îles Hawaii sont constituées par de grands volcans basaltiques, éteints et en partie démantelés par l'érosion à l'ouest et au
centre, mais encore actifs dans l'est de l'île d'Hawaii où se trouve le plus grand volcan actif du monde, le Mauna Loa (4 169 m), flanqué
à l'est du plus petit Kilauea (1 248 m), aux fréquentes et spectaculaires éruptions. C'est en effet à l'extrémité sud-est de l'archipel que
se situe le « point chaud » qui perce la plaque océanique du Pacifique et par où ont été et continuent à être émises les gigantesques
quantités de laves qui ont constitué la dorsale hawaïenne. L'énorme empilement des coulées de basaltes, fluides lorsqu'ils sont en
fusion, donne des cônes aux formes douces mais aux dimensions impressionnantes. Le Mauna Kea, point culminant de l'archipel (4 205
m), comme le Mauna Loa figurent parmi les montagnes les plus puissantes du globe si l'on considère qu'ils s'élèvent depuis un fond
marin à — 5 000 mètres ou — 6 000 mètres. Dans l'île d'Hawaii et dans l'est de Maui (volcan Haleakala, 3 055 m), ce sont les paysages
de construction volcanique qui l'emportent, même si quelques formes spectaculaires d'érosion apparaissent (vallée de Waipio au nord
de l'île d'Hawaii). Dans les autres îles au contraire, à part quelques petits cônes de scories aux formes très fraîches qui témoignent
d'une reprise très récente de l'activité (Diamond Head dominant Waikiki à Oahu), ce sont les paysages nés de la destruction des
édifices volcaniques par l'érosion et les affaissements tectoniques qui dominent, avec de véritables canyons (Waimea à Kauai), de
grandes falaises (nord de Molokai) et abrupts ( pali), plus ou moins verticaux sur des hauteurs considérables.
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Coulées de lave sur le Kilauea
Coulées de lave sur les flancs du volcan Kilauea, à Hawaii, États-Unis.
Les plaines sont réduites à un étroit liseré littoral discontinu, un peu plus large là où d'anciens récifs coralliens ont été légèrement
soulevés comme au sud-ouest d'Oahu, autour de la grande « ria » de Pearl Harbor. Mais on trouve aussi des plateaux faiblement
inclinés et offrant donc des possibilités de mise en valeur sur les flancs des volcans, par exemple entre deux édifices comme à Maui (
Wailuku) et à Oahu (Wahiawa). Les côtes basses sont protégées par des récifs frangeants et souvent des récifs barrières, très peu
développés dans l'île d'Hawaii où, à l'est notamment, la houle du Pacifique vient frapper directement les coulées basaltiques, donnant
falaises et plages de sable noir (Kalapana). Même à Oahu, les barrières coralliennes sont discontinues : au nord de l'île, les grands
systèmes de vagues qui déferlent sur la côte font de Sunset Beach, par exemple, l'un des hauts lieux du surf dans le monde.
II - Un climat tropical original
De par leur position au sud du tropique, les Hawaii ont un climat chaud, mais la chaleur est atténuée et uniformisée tout au long de
l'année par l'influence océanique. À Honolulu par exemple, la moyenne du mois le plus chaud ne dépasse pas 26,2 0C et celle du mois
le moins chaud 22,3 0C. Mais c'est surtout la répartition et le régime des pluies qui sont originaux. En premier lieu, la barrière des
montagnes volcaniques faisant face à l'alizé soufflant de l'est-nord-est donne naissance à une opposition entre versant au vent (
windward) et versant sous le vent (leeward), qui prend ici une très grande ampleur. Dans l'île de Kauai par exemple, alors qu'il tombe
plusieurs mètres de précipitations dans les districts du nord-est de l'île, et jusqu'à 15 mètres et plus (record du monde !) au sommet du
mont Waialeale (1 569 m), dans la plaine sous le vent, à quelques dizaines de kilomètres seulement des points les plus arrosés, on
descend à moins de 500 millimètres de pluie. On retrouverait des oppositions de même nature aussi bien à Oahu qu'à Maui, tandis que,
dans l'île d'Hawaii, la situation est un peu plus complexe du fait de la présence des « géants » Mauna Loa et Mauna Kea. En second
lieu, le régime des pluies est aux Hawaii, notamment sur les côtes sous le vent les moins arrosées, inverse du régime tropical classique : c'est l'été qui constitue la saison sèche, totalement sèche souvent, soit un régime proche de celui des Canaries ou rappelant celui du
monde méditerranéen.
Au total, le climat des Hawaii est certainement l'un de ceux qui offrent les conditions les plus agréables à l'homme et, dans le
monde tropical, celui peut-être qui garantit aux touristes les meilleures chances d'un séjour plaisant quelle que soit la saison. Certes, la
nature aux Hawaii n'est pas totalement exempte de brutalité. Si les éruptions volcaniques fréquentes sont plus un somptueux spectacle
qu'un danger réel, sauf parfois pour les cultures, l'onde de choc née des grands tremblements de terre de la périphérie du bassin
pacifique peut engendrer sur les rivages hawaiiens, à plusieurs milliers de kilomètres de distance, des séries de vagues catastrophiques
et meurtrières (tsunamis) contre lesquelles a été mis en place, d'ailleurs, un efficace système d'alerte à l'échelle de tout l'océan. En
général, les Hawaii ne sont pas affectées par les cyclones tropicaux, mais elles peuvent épisodiquement être frappées par des tornades
d'origine tempérée ou tropicale (cyclones Iwa en nov. 1982 et Iniki en déc. 1992, qui ont causé tous deux de grands dégâts dans l'île de
Kauai). Toutefois, ce ne sont là que des phénomènes assez rares associés à des phases d'activité d'El Niño et, si l'on ajoute au bilan
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positif pour l'homme l'absence dans l'archipel de toutes les plus grandes maladies endémiques du monde tropical, les Hawaii sont
certainement l'un des milieux naturels répondant le mieux au stéréotype du paradis insulaire.
C'est aussi l'isolement des Hawaii dans le Pacifique nord qui a donné à la végétation et à la faune naturelles de l'archipel leurs
caractères originaux. Avant l'arrivée des Européens, 96 p. 100 des espèces de plantes à fleurs, 98 p. 100 des insectes étaient
endémiques, c'est-à-dire n'existaient qu'aux Hawaii, résultat d'une longue évolution sur place d'espèces apportées par le hasard des
vents et des courants marins ou par l'intermédiaire des oiseaux, par exemple. Certes, flore et faune originelles ont été submergées par
les plantes et les animaux introduits, volontairement ou non, depuis le début des contacts avec le monde extérieur. Nombre d'espèces
ont disparu ; il en reste cependant assez pour faire des Hawaii un remarquable laboratoire d'étude des phénomènes d'évolution.
III - Un archipel polynésien tardivement découvert
Les îles Hawaii constituent l'extrémité nord-est de l'immense aire d'extension du peuplement polynésien dans le Pacifique. Les
premiers colonisateurs semblent être arrivés des Marquises vers 600-700 après J.-C, peut-être plus tôt. Leur succédèrent plusieurs
vagues de migrants tahitiens, avec un dernier contact entre les îles de la Société et les Hawaii au XIIIe siècle, commémoré par les
voyages du catamaran traditionnel hokulea en 1976 et 1980. Depuis le XIIIe siècle, la civilisation polynésienne des Hawaii s'est
développée de façon autonome, avec un partage de l'archipel en petits royaumes rivaux, une structure sociale parfois dite féodale,
juxtaposant les castes de prêtres et de chefs ( ali'i) et le menu peuple des cultivateurs-soldats qui étaient tenanciers des nobles. Les
activités de subsistance – culture du taro inondé , pêche, élevage des porcs, etc. – ne différaient qu'assez peu de celles du reste des
îles hautes polynésiennes, mais laissaient assez de temps en tout cas pour une vie religieuse et sociale active, marquée par les danses
(hula) et les sports (surf, lutte, etc.). Au moment de leur découverte par les Européens, les îles Hawaii comptaient vraisemblablement
entre 220 000 et 240 000 habitants (même si certains avancent aujourd'hui des chiffres très supérieurs), qui ne connaissaient ni
l'écriture, ni les métaux, ni la poterie, ni la roue.
Hawaii
Les îles Hawaii.
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Récolte de taro à Hawaii
Connu à Hawaii depuis plus de mille ans, le taro inondé est aujourd'hui cultivé en petites parcelles.
C'est James Cook qui, dans son troisième voyage destiné à explorer le Pacifique du Nord-Est et la côte nord américaine, encore
inconnue entre la Californie et l'ouest de l' Alaska, découvrit les Hawaii le 18 janvier 1778, venant de Tahiti. Après plus de neuf mois de
campagne dans le Pacifique nord, il y revint à la fin de novembre 1778, accueilli à nouveau comme un dieu. Mais, forcé de séjourner
plus longtemps que prévu, Cook fut victime d'une échauffourée sur le rivage de la baie de Kealakekua (île d'Hawaii) le 14 février 1779.
Aperçues ensuite par Lapérouse, visitées par Vancouver, les îles Hawaii furent unifiées au tout début du XIXe siècle sous l'autorité d'un
monarque indigène, Kamehameha Ier, grâce aux techniques et aux conseillers européens. L'effondrement en 1819 de la religion
traditionnelle fondée sur le respect des tabous fut presque aussitôt suivi (1820) par l'arrivée des missionnaires puritains venant de
Nouvelle-Angleterre. Ceux-ci convertirent la régente et parvinrent un temps à établir une véritable théocratie puritaine, luttèrent contre la
pénétration catholique, d'où plusieurs interventions de la marine française, et inspirèrent une vaste réforme foncière ( Grand Mahele,
1849-1851, ou partage des terres attribuées en pleine propriété à la Couronne et au gouvernement, aux chefs et aux tenanciers) qui
devait, par la suite, permettre un transfert d'une grande partie du patrimoine foncier aux plantations et aux riches haoles (« Blancs »).
IV - Les grandes transformations de l'archipel au XIX e siècle
Entre 1830 et 1870, c'est le rôle de point d'escale et d'hivernage pour les flottes baleinières du monde entier – mais surtout de
Nouvelle-Angleterre – qui donna un premier essor économique à l'archipel. Le pas décisif fut franchi cependant en 1876 avec la
signature du traité de réciprocité entre les États-Unis et le royaume d'Hawaii, qui ouvrit le marché américain, notamment la Californie,
aux productions hawaiiennes, en particulier au sucre. On assista alors en quelques années à la prolifération des plantations de canne,
grâce notamment au développement à partir des années 1880 des grands systèmes d'irrigation permettant de mettre en valeur les
plaines et les bas plateaux sous le vent, secs mais ensoleillés. Le traité de réciprocité eut cependant une importance dépassant
largement le cadre économique : d'abord il accentuait fortement la vocation américaine de l'archipel qui n'avait cessé de s'affirmer
depuis l'annexion de la Californie par les États-Unis et la ruée vers l'or. Ensuite, les besoins en main-d'œuvre des plantations rendirent
plus évident encore un phénomène essentiel au XIXe siècle aux Hawaii, l'effondrement démographique de la population indigène. Il n'y
avait déjà plus que 71 000 Hawaiiens en 1853, mais, en 1900, on était tombé à 39 656, en y incluant quelque 9 850 métis ! Tout
développement économique reposait donc sur l'importation d'une main-d'œuvre extérieure à l'archipel. Mais, aux Hawaii, il y eut en
concurrence plusieurs conceptions de l'immigration, celle des planteurs voulant des coolies asiatiques dociles et bon marché, celle de la
monarchie voulant en profiter pour revitaliser la race indigène déclinante, celle des tenants de l'américanisation de l'archipel pour qui il
fallait des gens assimilables dans le creuset des États-Unis, de préférence des Blancs. Au total, de 1853 à 1933, arrivèrent ainsi par
vagues successives 46 000 Chinois (avant 1898), 180 000 Japonais (jusqu'en 1907 pour les hommes et 1924 pour les femmes), 115 000 Philippins (à partir de 1907), 7 900 Coréens, 17 500 Portugais des îles de l'Atlantique surpeuplées, 8 000 Espagnols, 5 900 Portoricains, 2 450 Océaniens, 2 450 Russes, 1 300 Allemands, 615 Norvégiens... Si certains sont rentrés chez eux à l'expiration de
leur contrat, si d'autres sont partis vers le continent américain (colonie japonaise de Californie), bon nombre sont restés et ont fait
souche dans l'archipel, d'où l'extraordinaire complexité de la population actuelle.
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V - Les Hawaii, territoire des États-Unis
Les dernières décennies du XIXe siècle sont marquées par une distorsion de plus en plus accentuée entre la vie politique de l'archipel,
qui reste centrée sur la monarchie indigène, même devenue constitutionnelle, et la réalité de l'évolution économique et humaine, qui
concentre le pouvoir économique aux mains des étrangers blancs ( haoles) et qui submerge les indigènes sous les vagues successives
d'immigrants. Contestée à plusieurs reprises déjà, la royauté, représentée en l'occurrence par la reine Liliuokalani, ne put faire face en
1893 à une nouvelle insurrection soutenue par le consul des États-Unis et quelques troupes. Même si le gouvernement américain refusa
dans un premier temps l'annexion des Hawaii que lui proposaient les insurgés, ceux-ci attendirent simplement un changement politique
sur le continent en instaurant une république (1893-1898). La victoire à Washington des républicains et le déclenchement de la guerre
contre l'Espagne, qui mettait en valeur l'importance stratégique des Hawaii dans le Pacifique, leur donnèrent raison, et, en 1898, les
Hawaii devenaient un territoire des États-Unis, administré pour l'essentiel par le Congrès de Washington et par un gouverneur nommé
par le président.
L'affirmation définitive du destin américain des Hawaii se traduisit d'abord par le renforcement considérable de la puissance des
plantations, avec deux piliers essentiels : la canne à sucre, qui, dès 1931, atteignit le million de tonnes de sucre brut, le dixième de la
consommation américaine, et l'ananas pour la fabrication de conserves à partir des années 1910, pour laquelle les Hawaii acquirent un
quasi-monopole qui dura jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : les Hawaii fournissaient encore 74 p. 100 de la
production mondiale de conserves d'ananas en 1950. La canne à sucre était produite dans le cadre de grandes plantations de plusieurs
milliers d'hectares, qui elles-mêmes étaient regroupées, d'une part, au sein de l'Hawaiian Sugar Planters' Association (H.S.P.A.) qui
gère toujours une station expérimentale de réputation mondiale et, d'autre part, sous la dépendance de cinq grosses sociétés (Big Five)
basées à Honolulu, qui contrôlaient en commun les transports vers la Californie (Matson Navigation Co.), le raffinage du sucre (Crockett
dans la baie de San Francisco), mais aussi toutes les grandes activités économiques et services de l'archipel. Une partie des
plantations d'ananas appartenait directement à de grands producteurs continentaux (Libby's, Del Monte, etc.), le reste à des sociétés
locales (Dole). La domination économique des Big Five dans les îles Hawaii était d'ailleurs le reflet de la domination, au sein d'une
société fortement hiérarchisée et paternaliste, d'une aristocratie haole dont l'ossature était formée par les descendants des
missionnaires puritains arrivés dans la première moitié du XIXe siècle. Cette société coloniale n'était cependant pas figée : l'éducation
publique, par la généralisation de la pratique de l'anglais et par la promotion des valeurs fondamentales de la civilisation américaine,
rencontra un très vif succès auprès des fils et petits-fils d'immigrés orientaux nés aux Hawaii, donc citoyens américains et désireux de
s'américaniser au maximum ; parallèlement, leur poids électoral commença à s'accroître de façon considérable dans les années 1930,
au détriment notamment des Hawaiiens et des métis.
VI - La Seconde Guerre mondiale et l'accession au rang d'État
La situation stratégique des Hawaii dans le Pacifique nord, reconnue depuis longtemps, avait amené les États-Unis à faire de Pearl
Harbor, à l'ouest d'Honolulu dans l'île d'Oahu, la base navale essentielle pour la flotte du Pacifique . C'est donc tout naturellement là que
les Japonais choisirent de frapper à l'aube du 7 décembre 1941. Placées brutalement au cœur de l'actualité, les Hawaii devaient rester
pendant toute la guerre du Pacifique la base logistique fondamentale pour la lutte contre le Japon, où séjournèrent par centaines de
milliers marins, aviateurs et soldats, mais aussi ouvriers des arsenaux. L'archipel retrouva d'ailleurs en partie cette activité fiévreuse lors
des guerres de Corée et du Vietnam.
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Attaque de Pearl Harbor
Des navires de l'U.S. Navy en feu à Pearl Harbor après l'attaque surprise japonaise de décembre 1941, attaque qui fit entrer les États-Unis dans la
guerre.
Les conséquences de la Seconde Guerre mondiale ont été considérables. Outre l'apport économique des activités militaires,
l'archipel cessa d'être un monde clos et dut s'ouvrir de plus en plus largement aux influences et aux idées venant du continent. Cela se
traduisit, par exemple, par le développement sur les plantations, juste après la guerre, de syndicats puissants et combatifs affiliés au
syndicat des dockers du continent (I.L.W.U.). En quelques années, le système « paternaliste » classique des plantations disparut,
l'I.L.W.U. devint l'interlocuteur direct des sociétés sucrières, et les ouvriers agricoles des Hawaii devinrent les mieux payés du monde.
Cela ne fut possible que grâce à une mécanisation intégrale des opérations, qui, des années 1930 aux années 1980, ramena l'emploi
dans les plantations et usines sucrières de quelque 50 000 à 7 000 personnes, pour une production tournant toujours autour de 1 million
de tonnes de sucre brut. En revanche, l'industrie de l'ananas, où la mécanisation des plantations ne put être poussée aussi loin et qui se
trouva à la fois moins protégée sur le marché américain et directement concurrencée sur les marchés mondiaux par de nouveaux
producteurs asiatiques et africains, connut une situation difficile aboutissant peu à peu au retrait des grandes sociétés du continent et à
l'abandon d'une grande partie des surfaces cultivées.
La Seconde Guerre mondiale est également responsable d'une accélération considérable de l'évolution politique, sociale et raciale
de l'archipel. Les descendants d'immigrés orientaux, et plus spécialement les Japonais, firent preuve avec éclat, sur les champs de
bataille d'Italie en particulier, de leur loyalisme à l'égard des États-Unis. Les anciens combattants comme D. K. Inouye jouèrent un rôle
essentiel dans la promotion politique des habitants d'ascendance japonaise, qui, dans les années 1950, renversèrent la domination
républicaine de l'Hawaii des planteurs et la remplacèrent par une large prépondérance démocrate. En même temps, Chinois, Japonais,
Coréens profitaient pleinement des ouvertures nouvelles de l'économie hawaiienne vers les activités tertiaires (commerce, immobilier,
assurances, transports) et connaissaient ainsi une promotion sociale correspondant à leur nouveau poids financier (Chinois, par
exemple). Ces transformations allaient en fait dans le sens d'une conformité croissante au modèle continental et d'une intégration de
plus en plus poussée dans l'ensemble américain. La conséquence logique en fut l'accession des Hawaii au rang de cinquantième État
des États-Unis (en même temps que l'Alaska), après référendum, le 21 août 1959. Seule vota non à l’intégration une partie de la
minorité des métis hawaiiens, qui protestait ainsi, comme elle le fait aujourd’hui encore, contre leur dépossession politique en 1893 et
1898 et contre leur marginalisation sociale.
VII - Les transformations récentes de l'économie hawaiienne
Les Hawaii, seul État non continental des États-Unis, ne sont ni le plus petit (47 e rang) ni le moins peuplé (39 e rang), mais leur
originalité vient de leur niveau de vie élevé, puisqu'en 2005, avec un revenu par habitant de 30 040 dollars, l'archipel arrivait au 20 e rang
des États américains. Cette prospérité, évidente pour le visiteur, même si pour le coût de la vie Honolulu arrive en tête des grandes
métropoles américaines, est directement liée à une profonde transformation de l'économie de l'archipel, passée de la primauté des
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plantations à une domination écrasante des services. En 2004, l'emploi dans le secteur primaire (pêche, agriculture, y compris
conserveries d'ananas et sucreries) n'excédait pas 12 000 personnes, soit 2 p. 100 du total, dans le secteur secondaire (y compris la
construction) 60 000 (10 p. 100) et dans le tertiaire 528 000 (90 p. 100).
Ce dernier chiffre traduit bien la tertiarisation de l'économie hawaiienne et l'évolution des grands secteurs d'activité depuis la
Seconde Guerre mondiale .
Hawaii : sources de revenus
Principales sources de revenus des îles Hawaii (en millions de dollars).
Dans le secteur agricole, le fait majeur des dernières décennies, c’est l’effondrement des plantations. Malgré la remarquable
productivité atteinte grâce notamment à une mécanisation très poussée, les coûts de la main-d’œuvre se sont révélés prohibitifs face à
la concurrence internationale dans le contexte de la libéralisation mondiale des échanges. Pour la canne à sucre, on est tombé de 88 110 hectares produisant 1 059 735 tonnes de sucre brut en 1980 encore, à seulement 21 366 hectares (8 053 hectares récoltés, la
canne poussant en deux ans aux Hawaii) et 261 000 tonnes de sucre en 2003. Seules subsistent la grosse plantation appartenant à
Alexander & Baldwin, l’un des anciens Big Five, dans le centre de Maui, et à Kauai, la petite unité de la vieille dynastie familiale des
Robinson. Pour l’ananas, dont, on l’a vu, le recul a été plus précoce, on est passé de 31 040 hectares en 1957 à 6 475 hectares en
2003, et le déclin se poursuit. Ces reculs massifs ne sont que partiellement compensés par l’essor d’autres cultures commerciales (
ananas pour la vente de fruits frais, noix de macadamia, papayes, fleurs et plantes ornementales pour le continent) et par la
modernisation d’activités anciennes (café, fruits et légumes pour le marché local, élevage bovin). En fait aujourd’hui, la principale
ressource « agricole » de l’archipel pourrait bien être la culture clandestine du cannabis, pour laquelle les Hawaii arriveraient au second
rang des États américains !
Au total, les activités agricoles légales ne représentent aujourd’hui, en y incluant la valorisation industrielle des sucreries et
conserveries d’ananas, que 1 p. 100 du P.N.B. de l’État, bien loin des 9,3 p. 100 de 1959, et même des 4,8 p. 100 de 1986. C’est bien
peu par rapport aux bases militaires et plus encore au tourisme (cf. tableau).
VIII - Tourisme, bases militaires et transferts financiers : les
fondements de la prospérité économique
Du fait de leur situation au cœur même d'un Pacifique nord dont l'importance géopolitique et économique ne cesse de croître, les Hawaii
sont devenues véritablement la clef de voûte du système stratégique américain, le siège du haut commandement des forces armées
des États-Unis dans le Pacifique, et la base d'une puissante flottille de sous-marins nucléaires. Cette fonction militaire des Hawaii
signifie la présence en permanence dans l'archipel de près de 50 000 militaires et autant de membres de leurs familles, le maintien de
20 000 emplois civils dans les arsenaux et les bases, et une injection massive de dollars à tous les niveaux.
Depuis une trentaine d'années cependant, c'est le tourisme qui s'est affirmé comme première ressource économique de l'archipel,
et son poids n'a cessé de se renforcer au fil des ans, malgré quelques fluctuations liées à celles de l'économie américaine et de la
conjoncture internationale. Les Hawaii sont devenues un des très grands foyers touristiques du monde, avec, en 2005, plus de 7 millions de visiteurs y ayant séjourné au moins une nuit. Ce formidable essor du tourisme a deux causes, en dehors de la séduction
insulaire : d'une part, le développement de l' aviation (Honolulu est aujourd'hui au 20e rang des grands aéroports américains, avec 22 © Encyclopædia Universalis France
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millions de passagers en 2005), d'autre part, l'appartenance aux États-Unis, qui fait des Hawaii une destination à l'intérieur du plus
grand marché touristique du monde. La clientèle américaine continue d'ailleurs à fournir la majorité des touristes (4 573 000 personnes,
66 p. 100 du total en 2004), mais ils ne sont plus seuls. La clientèle japonaise (1 482 000 personnes) joue un rôle d’autant plus
considérable que le visiteur nippon dépense en moyenne 252 dollars par jour de séjour (il reste surtout à Waikiki) contre 148 dollars
pour l’Américain de Californie, par exemple. Le Canada (217 000 personnes), l’Australie et la Nouvelle-Zélande (132 000 personnes),
voire les pays européens (115 000 personnes) ne sont pas à négliger.
L'infrastructure hôtelière est impressionnante tant par la quantité que par la qualité : 72 600 chambres en 2004, dont un peu plus de
36 000 à Oahu (presque toutes dans l'énorme complexe touristique de Waikiki), et plus de 36 600 chambres dans les autres îles, dont
18 500 à Maui (grands complexes de Lahaina-Kaanapali et de Kihei-Wailea), 10 000 dans l'île d'Hawaii et 8 000 à Kauaï. Les Hawaii
bénéficient d'une intense activité touristique toute l'année.
Les autres activités économiques des Hawaii sont le plus souvent nées de la prospérité d'une population à haut niveau de vie et
largement ouverte sur le monde extérieur : un peu d'industrie (raffinage pétrolier, impression de tissus hawaiiens, constructions), un
commerce et des services très actifs. Quant aux grandes sociétés hawaiiennes (Big Five), elles sont devenues de très puissants
groupes internationaux largement implantés aux États-Unis et dans le monde entier (Castle & Cooke, Amfac), mais qui ont de ce fait
perdu en partie leur spécificité insulaire, voire ont disparu au sein de groupes continentaux. Seul le groupe Alexander & Baldwin a
conservé son enracinement insulaire. En revanche, les investissements étrangers, notamment japonais, se sont considérablement
développés, dans les secteurs touristique, foncier (golf) et immobilier notamment, même si la période de stagnation économique du
Japon, à la fin des années 1990, a entraîné un retrait important des investisseurs nippons. Surtout, on assiste aujourd'hui, dans les îles
autres qu'Oahu, à l'arrivée de nombreux riches retraités du continent, qui achètent des maisons pour profiter, comme en Floride, du
calme, des avantages climatiques et de la beauté des paysages.
La priorité écrasante des services dans l'économie des Hawaii a eu pour conséquence première l'accentuation des déséquilibres
régionaux au profit d'Oahu, où sont les bases militaires, et de Waikiki : en 1965, 82,7 p. 100 de la population vivaient à Oahu (9,5 p. 100
de la surface de l'archipel). Depuis cette date, le développement de grands ensembles touristiques dans les autres îles a permis, malgré
la disparition de nombreuses plantations, de renverser un peu la tendance, et Oahu ne représentait plus, en 2000, que 72,3 p. 100 de la
population résidente (militaires compris). Ensuite, l'intégration de plus en plus poussée de l'archipel dans l'ensemble américain et
pacifique se traduit bien sûr par une dépendance accrue à l'égard du monde extérieur. Les Hawaii importent massivement du continent
denrées alimentaires et produits manufacturés, et attirent investisseurs et spéculateurs du continent mais aussi du Japon. Elles ne
contrôlent ni la politique militaire américaine ni l'évolution des marchés « producteurs » de touristes qui les font vivre. Il serait cependant
tout à fait excessif d'y voir simplement une fragilité dangereuse pour l'avenir.
IX - Honolulu
L'agglomération de Honolulu, avec plus de 800 000 habitants (372 000 hab. dans la ville proprement dite), est, au début du XXIe siècle,
de loin la plus grosse ville de l'archipel (la capitale de l'île d'Hawaii, Hilo, deuxième agglomération, ne dépasse guère 49 000 hab.), mais
aussi de tout le Pacifique insulaire tropical, sur lequel elle exerce une forte attraction. Née, dès la fin du XVIIIe siècle, de la possibilité
d'ouvrir à travers la barrière corallienne un petit port accessible aux bateaux européens, Honolulu s'est développée dans la plaine sous
le vent du sud-est d'Oahu, montant à l'assaut des planèzes du versant sud-ouest de la chaîne de Koolau, s'insinuant dans les vallées et
débordant aujourd'hui largement sur le versant au vent au pied des Pali (Kaneohe-Kailua).
Honolulu est aujourd'hui une ville tripolaire, avec, au centre ( downtown), le quartier des affaires dominé par les grandes tours de
bureaux, flanqué à l'est du quartier administratif avec l'ancien palais royal et le nouveau capitole et à l'ouest de la Chinatown
entièrement rénovée et des installations portuaires.
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HAWAII
Deuxième pôle, vers l'ouest-nord-ouest, au-delà de l'aéroport international situé à 6 km environ du centre, commence l'énorme
complexe militaire de Pearl Harbor, au-delà duquel, à l'extrémité sud-ouest de l'île, se trouvent les activités industrielles (raffinage
pétrolier) de Barbers' Point.
Enfin, à l'est, à 4 km du centre, le vieux village indigène de Waikiki au pied du cône de Diamond Head est devenu l'impressionnant
complexe touristique dominé par les grands buildings hôteliers du front de mer. Au-delà, vers l’est, jusqu’au petit cône volcanique de
Koko Head, se succèdent lotissements et ensembles résidentiels.
X - Une société pluriethnique
La population des Hawaii comptait, au recensement de 2000, 1 211 534 personnes, comprenant, il est vrai, 100 000 militaires et
dépendants (dont la durée de séjour est de trois ans en moyenne). Ce qui est frappant dans cette population, pour des raisons
historiques déjà évoquées, c'est son hétérogénéité. Le groupe le plus important est celui des Caucasiens (Blancs) avec 32,7 p. 100 au
total, suivi des Japonais (22,44 p. 100), des Philippins (18,98 p. 100), des Hawaiiens (8,91 p. 100), des Chinois (6,29 p. 100). Mais 25,8 p. 100 des habitants déclarent plusieurs origines ethniques, ce qui témoigne d’un métissage de plus en plus important, rendant les
classifications difficiles. Ces mélanges sont le signe du développement d'une véritable société multiraciale aux Hawaii, version insulaire
du melting-pot américain, qui a pu se développer dans le contexte de la prospérité de l'archipel et dans l'acceptation des valeurs
fondamentales de la civilisation américaine.
Cela ne signifie certes pas la disparition totale des spécificités ethniques, ni des stéréotypes qualifiant chaque groupe aux yeux des
autres, ni des inégalités de réussite économique et sociale. Qu'il suffise de rappeler que, par le biais du commerce, de l'instruction, de la
politique, les Orientaux, Chinois, Japonais ou Coréens, ont remarquablement su s'insérer dans le nouveau contexte de la société
hawaiienne tandis que d'autres groupes, métis d'Hawaiiens, voire Portugais, réussissaient souvent moins bien et voyaient ainsi leur
position relative se dégrader. Cependant, la diversité même des origines et l'importance des mélanges ne laissent à aucune ethnie la
possibilité de devenir vraiment dominante. Même en politique, la domination japonaise s'est largement atténuée depuis l'élection d'un
métis d'Hawaiien, au poste de gouverneur, en 1986, remplacé depuis par un Philippin, puis une Caucasienne.
En fait, la diversité ethnique des Hawaii est devenue un atout considérable dans les rôles que tend de plus en plus à jouer l'archipel
dans le Pacifique, celui d'une vitrine de la civilisation américaine et celui de pont culturel entre l'Orient et l'Occident. Le développement
de la recherche, de l'université, de l'East West Center matérialisent aujourd'hui cette ambition.
Christian HUETZ DE LEMPS
Bibliographie
Altas of Hawaii, Univ. Press, Honolulu, 3e éd. 1998
G. DAWS, Shoal of Time : A History of the Hawaiian Islands , ibid., 1974
DEPARTMENT OF BUSINESS, ECONOMIC DEVELOPMENT AND TOURISM, Annual Data Book (statistiques d'Hawaii), Honolulu (publ. depuis
1962)
L. FUCHS, Hawaii Pono : A Social History, Harcourt, Brace & World, New York, 1961
C. HUETZ DE LEMPS, Les Îles Hawaii, étude de géographie humaine, thèse, Bordeaux, 1977, 5 vol. ; « De la primauté des plantations à
l'économie de services : l'exemple des Hawaii », in Îles tropicales, C.R.E.T., univ. Bordeaux-III, coll. Îles et Archipels, no 8, Bordeaux, 1987
Melting pot et salad bowl. Le fragile équilibre de la société pluriethnique des îles Hawaii , Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2007
R. S. KUYKENDALL, The Hawaiian Kingdom, Univ. Press, 3 vol., 1938-1967
A. W. LIND, Hawaii's People, ibid., 1980
J. R. MORGAN, Hawaii. A Geography, Westview Press, Boulder (Colo.), 1983
R. C. SCHMITT, Demographic Statistics of Hawaii, Univ. Press, 1968.
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