Questionnaire de Dépression de Beck Etude psychométrique

Transcription

Questionnaire de Dépression de Beck Etude psychométrique
Questionnaire de Dépression de Beck
Etude psychométrique auprès d'une population âgée francophone
Jean Vézina et Philippe Landreville
Université Laval
Paul Bourque et Louis Blanchard
Université de Moncton
Résumé
Le Questionnaire de Dépression de Beck (QDB) fait l'objet
d'une
utilisation
clinique.
courante
en
recherche
et
en
milieu
Toutefois, ses qualités psychométriques auprès des
personnes âgées francophones n'ont pas encore été démontrées.
Cette étude présente les résultats des différentes mesures de
fidélité et de validité obtenus auprès de 643 personnes âgées
originaires du Québec et du Nouveau-Brunswick. Les qualités
psychométriques
sont
satisfaisantes
et
se
comparent
avantageusement à celles déjà obtenues chez des personnes
âgées américaines.
La
décision
d'utiliser
un
résultat
de
division plus bas ou plus élevé est discutée. L'étude aborde
également
la
question
de
l'utilité
du
QDB
comme
mesure
d'auto-évaluation des sentiments dépressifs auprès de cette
population.
Abstract
Psychometrics propreties of the Beck Depression Inventory are
questionable for elderly francophones. Consequently, the aim
of this study is to assess the reliability and the validity
of the French version of the BDI (Questionnaire de Dépression
de Beck: Bourque & Beaudette, 1982) for
this
group.
Six
hundred and forty-three French-speaking elders from Quebec
and
New-Brunswick
answered
the
BDI.
The
reliability
coefficients showed satisfactory internal consistency (.85),
split-half
reliability
(.76)
and
test-retest
correlation
(.74). A principal-components analysis yielded three factors
(somatic
complaints,
negative
view
of
the
self,
and
helplessness) accounting for 46.9% of the total variance. The
choice of an optimal cut-off scores and the use of the BDI
with the elderly are also discussed in this study.
Questionnaire de Dépression de Beck
Etude psychométrique auprès d'une population âgée francophone
Bien qu'il existe plusieurs instruments d'auto-évaluation de
la dépression, ceux-ci n'ont pas tous été développés ou validés
pour les personnes âgées (Weiss, Nagel
&
Aronson,
1986).
Les
intervenants francophones oeuvrant en milieu gériatrique butent,
par
conséquent,
instruments
voire
dont
sur
le
les
inexistantes,
double
qualités
ou
des
problème
d'utiliser
psychométriques
instruments
sont
validés
soit
des
douteuses,
auprès
d'une
population adulte, américaine par surcroît.
L'importance de faire une évaluation adéquate est justifiée à
la lumière des études épidémiologiques qui nous rappellent que la
dépression est le problème de santé mentale le plus fréquemment
rencontré chez la population âgée (Blazer & Williams, 1981). Il
est par ailleurs admis que la
dépression
gériatrique
est
mal
identifiée et qu'elle pourrait être encore plus prévalente que les
résultats ne le laissent supposer.
Deux récentes études appuient
cette affirmation. Rapp, Parisi, Walsh et Wallace (1988) trouvent
que moins de neuf pour cent des patients âgés dépressifs ont été
identifiés comme tels tandis que Koenig, Meador, Cohen et Blazer
(1988a) arrivent à un taux de détection inférieur à 30 pour cent.
Or, l'absence d'un dépistage adéquat prive les personnes âgées
d'une intervention rapide et efficace.
Un des nombreux problèmes auquel est confronté le clinicien
est
de
déterminer
si
les
présents
symptômes
découlent
du
vieillissement normal ou du syndrome de la dépression. Ainsi dans
les deux études précédentes, les sujets souffraient de problèmes
de santé qui pouvaient obscurcir les symptômes de la dépression.
Avoir des instruments de dépistage approprié résoudrait une partie
de ce problème. Ces instruments pourront
fonctions: 1- estimer la prévalence de
de
la
plus
jouer
dépression
trois
chez
la
population âgée, 2-faire le dépistage clinique et 3- évaluer les
changements
cliniques
lors
d'une
intervention
thérapeutique
(Gallagher, 1986).
Le Beck Depression Inventory (BDI) est sans doute l'un des
inventaires le plus largement utilisé en recherche et en clinique
(Gallagher,
l'inventaire
Nies
&
Thompson,
original
(Beck,
1982).
Ward,
Depuis
la
Mendelson,
publication
Mock
&
de
Erbaugh,
1961) et de sa version revisée (Beck, Rush, Shaw & Emery, 1979),
plusieurs travaux ont étudié ses qualités psychométriques dont on
trouve une recension critique complète dans Beck, Steer et Garbin
(1988).
Ces
auteurs
estiment
consistance
interne
et
temporelle.
La
validité
qu'il
que
cet
instrument
démontre
concomitante
de
une
cet
a
bonne
une
bonne
stabilité
inventaire
avec
d'autres instruments de mesure de la dépression est élevée et sa
validité discriminante est également admise. Dans les études ayant
insisté sur la validité de structure, trois facteurs reviennent
régulièrement: des attitudes négatives envers soi, des difficultés
de performance et des plaintes somatiques (Beck et al., 1988).
Des critiques ont cependant été formulées sur sa validité de
contenu. Cet inventaire refléterait la dépression telle qu'elle
était conceptualisée au moment de son élaboration en 1961 et, par
conséquent,
ne
correspondrait
plus
entièrement
aux
critères
présentement
en
usage
(Vredenburg,
Krames
&
Flett,
1985).
En
outre, certains se questionnent sur l'utilité du BDI pour une
population âgée du fait que plusieurs des items le composant, et
notamment les items somatiques, pourraient être confondus avec le
vieillissement
normal
(Gallagher,
1986;
West
et
al.,
1986;
Yesavage, Brink, Rose, Lum, Huang, Adey, & Leirer, 1983). Ceci
aurait
pour
conséquence
d'identifier
comme
dépressives
des
personnes âgées qui ne le sont pas ou en d'autres mots avoir des
faux positifs.
A notre connaissance, seulement trois études américaines ont
vérifié
les
qualités
population âgée.
psychométriques
La première étude
du
BDI
(Gallagher
auprès
et
d'une
al.,
1982)
obtient un coefficient alpha de .91, tandis que la corrélation
test-retest est de .90.
La seconde
(Gallagher,
Breckenridge,
Steinmetz & Thompson, 1983) traite de la validité concomitante du
BDI en examinant son degré de congruence par rapport au Research
Diagnostic Criteria (RDC: Spitzer, Endicott & Robins, 1978).
Les
résultats suggèrent que le BDI est un instrument de dépistage
utile pour identifier les personnes de plus de 60 ans qui sont
cliniquement dépressives. Une seule étude a porté sur sa structure
factorielle avec les personnes âgées.
Zemore et Eames (1979)
trouvent deux principaux facteurs: un premier facteur général de
dépression
cognitive.
et
un
second
constitué
par
des
On peut toutefois questionner
la
items
valeur
de
de
nature
cette
structure considérant la grandeur de l'échantillon et que 48 des
79 sujets (61%) provenaient d'une institution.
A la lumière de ces rares études, il apparaît que le BDI
pourrait s'avérer adéquat comme instrument de dépistage
dépression
auprès
des
personnes
âgées
américaines.
de
Bien
la
que
plusieurs travaux de validation de la version française du BDI ont
été effectués auprès d'une population adulte, dont entre autres,
ceux de Pichot et Lempérière (1964) ainsi que Gauthier, Morin,
Thériault et Lawson (1982) pour la version originale et celui de
Bourque et Beaudette (1982) pour la version revisée, aucune étude
n'a
vérifié
les
qualités
psychométriques
du
BDI
auprès
de
personnes âgées francophones. La présente étude veut partiellement
combler cette lacune en se proposant, en premier lieu, d'estimer à
l'aide de trois indices la fidélité de la version française du
BDI, soit le Questionnaire de Dépression de Beck (QDB: Bourque &
Beaudette, 1982), et en second lieu, d'en établir la validité
concomitante, de structure et discriminante.
Méthode
Sujets
L'échantillon
global
de
la
présente
étude
comprend
643
personnes francophones âgées de plus de 65 ans. Cet échantillon,
faisant partie d'une plus vaste étude,
groupes
dont
l'un
Brunswick (N.-B.).
provient
du
Québec
est
et
constitué
l'autre
du
de
deux
Nouveau-
Les 327 sujets (97 hommes et 230 femmes)
venant du Québec ont une moyenne d'âge de 71.7 ans et les 316
sujets (124 hommes et 193 femmes) du N.-B. ont une moyenne d'âge
de 73.9 ans. La méthode de l'échantillonnage accidentel a été
utilisée pour le Québec et celle de l'échantillonnage stratifié
proportionnel pour le N.-B.
L'état matrimonial des deux échantillons se répartit de la
manière suivante.
Pour le Québec, 54% des sujets sont mariés, 35%
sont veuf ou veuves, 8% sont célibataires et 3% sont soit divorcés
ou séparés. Pour le N.-B., 65.2% sont mariés, 27.5% sont veufs ou
veuves, 6.9% célibataires et .3% sont divorcés ou séparés.
comparant
cette
répartition
matrimoniale
à
celle
En
fournie
Statistique Canada (1986), il est possible d'affirmer
par
que
ces
données sont comparables à celles du dénombrement de chacune de
ces provinces ce qui assure, sur cette variable tout au moins, un
minimum de représentativité des sujets.
Une
description
plus
détaillée de l'échantillon se trouve dans Bourque, Blanchard et
Vézina (sous-presse).
Mesure
La
version
Dépression
de
française
Questionnaire
Beaudette,
QDB
au
divers
1982),
de
Le
décrivant
&
le
utilisée comme mesure d'intensité des sentiments dépressifs.
items
Bourque
soit
été
21
(QDB:
BDI,
a
comprend
Beck
du
symptômes
associés
sentiment dépressif: la dysphorie, le découragement, le sentiment
d'échec,
l'insatisfaction,
punition,
suicidaire,
la
l'autodépréciation,
les
pleurs,
culpabilité,
le
l'auto-accusation,
l'irritabilité,
le
sentiment
de
l'idéation
retrait
social,
l'indécision, l'image corporel, l'inhibition pour le travail, les
troubles du sommeil, la fatigabilité, la perte d'appétit, la perte
de poids, les préoccupations somatiques et finalement la perte de
libido.
Les items se présentent sous la forme de quatre propositions
parmi lesquelles le sujet doit faire un choix.
Des scores variant
de
0
(absence
de
symptôme)
à
3
(symptôme
présent
de
façon
intensive) sont attribués à chaque proposition selon le degré de
gravité du symptôme.
La sommation des items varie entre 0 et 63.
Beck et al. (1988) proposent d'inscrire les résultats dans les
catégories suivantes: de 0 à 9, absence de dépression; de 10 à 18,
de légèrement à modérément dépressif; de 19 à 29, de modérément à
gravement dépressif et de 30 à 63, gravement dépressif.
Afin d'estimer la validité concomitante du BDI, les sujets
étaient invités à répondre à l'Echelle de Dépression Gériatrique
(EDG: Bourque, Blanchard & Vézina, sous-presse). L'EDG
est
la
version française du Geriatric Depression Scale (Yesavage et al.,
1983) qui a été spécialement développé pour une population âgée.
Il comprend 30 items se répondant par un oui ou
un
non.
Un
résultat inférieur à 10 indique une absence de dépression, de 11 à
20 un état légèrement dépressif et de 21 à 30 un état modérément à
gravement dépressif.
Procédure
Les sujets sont tous des personnes âgées volontaires
l'enquêteur rencontre individuellement à leur domicile.
de
l'entrevue,
les
sujets
complètent
une
fiche
que
Au début
signalétique
recueillant diverses informations telles que leur âge, leur statut
matrimonial, leur revenu, etc., après avoir signé un formulaire de
consentement qui assure que les renseignements obtenus demeureront
confidentiels.
Par la suite, l'enquêteur présente une copie du
QDB au sujet et finalement l'EDG.
Afin de s'assurer que le sujet
comprend bien, l'enquêteur lui lit chaque item à haute voix et
note sa réponse verbale.
L'administration du QDB est reprise après quatre semaines
avec un sous-échantillon de 51 sujets québécois et de 54 sujets
néo-brunswickois.
Résultats
Le progiciel SPSS-X (Norusis, 1985) a servi à l'analyse des
données recueillies.
Trois mesures de fidélité ont été calculées:
la consistance interne, la fidélité test-retest et le test moitiémoitié.
Les données du QDB ont aussi été soumises à une analyse
factorielle pour vérifier la validité de structure. Le QDB a été
mis en relation avec l'EDG pour la validité concomitante et les
résultats
de
ce
dernier
ont
servi
à
déterminer
le
degré
de
spécificité du QDB.
Statistiques descriptives
Les hommes et les femmes québécois ont obtenu une moyenne
respective de 8.18 et 8.00, alors que les hommes et les femmes
nouveau-brunswickois obtiennent une moyenne de 3.56 et de 4.80.
Pour les deux échantillon réunis, la moyenne des hommes est de
5.57 tandis que la moyenne pour les femmes est de 6.84.
Fidélité
La consistance interne telle que mesurée par le coefficient
Alpha standardisé de Cronbach correspond à .88 pour les sujets
venant du Québec, à .73 pour ceux du N.-B. et à .85 pour les deux
échantillons
réunis.
Le
test
moitié-moitié
de
Spearman-Brown
révèle un coefficient de .75, .74 et de .76 respectivement.
Les
coefficients de corrélation de Pearson entre le test et le retest
effectué après quatre semaines, correspondent à .85, .79 et .82 (p
<.001) pour le Québec, le N.-B. et les deux échantillons réunis.
Ces résultats démontrent que la cohérence interne, l'homogénéité
ainsi que la stabilité temporelle de l'instrument sont bonnes. Le
Tableau 1 résume les différents indices
de
fidélité
des
deux
échantillons de l'étude et les compare à ceux de Gallagher et al.
(1982) obtenus auprès d'une population âgée américaine.
Insérez le Tableau 1 ici
Validité concomitante et de structure
La corrélation entre le résultat du QDB et de l'EDG est de
.62 (p < .001). Afin de décrire la structure du QDB, les 21 items
ont
été
soumis
à
une
analyse
factorielle
en
composantes
principales avec rotation varimax. Pour l'interprétation, seuls
les facteurs qui ont obtenu une valeur propre minimale de 1.0 ont
été considérés, tandis que seuls les items ayant une saturation
d'au moins .30 ont été retenus dans les facteurs. Une première
analyse
factorielle
expliquant
composition
46.9%
très
de
a
extrait
la
variance.
conjecturale,
quatre
facteurs
Cependant,
il
en
n'était
principaux
raison
pas
de
sa
possible
d'interpréter le quatrième facteur. Les items ont donc été soumis
à une deuxième analyse factorielle, identique à la première, sauf
que les items ont été contraints à trois facteurs principaux. Le
Tableau 2 illustre la composition de ces facteurs.
Insérez le Tableau 2 ici
Le premier facteur qui explique à
lui
seul
25.9%
de
la
variance, se rapporte en majeure partie à la composante somatique
de la dépression.
variance,
Le deuxième facteur expliquant 9.3% de la
correspond
essentiellement
à
une
attitude
négative
envers soi, alors que le troisième facteur qui explique 6.8% de la
variance, regroupe des items de résignation.
Distribution et spécificité
Les scores obtenus au QDB ont également été distribués en
fonction
des
différents
niveaux
de
dépression,
tel
qu'il
est
suggéré par Beck et al. (1988). Cependant, devant le peu de sujets
(n
=
5)
ayant
obtenu
un
résultat
supérieur
à
30
(gravement
dépressif), il a été jugé préférable de regrouper en une seule
catégorie
les
modérément
dépressif
au
Tableau 3 en illustre la répartition.
pour le Québec et le N.-B.
sont
gravement
dépressif.
Le
Les niveaux de dépression
respectivement
les
suivants:
absence de dépression, 66% et 85%; de légère à modérée, 27% et
13%, enfin, de modérée à grave, 7% et 2%. On constate pour les
deux
échantillons
réunis
que
dépressifs, 20% le sont de
75%
des
légèrement
sujets
à
ne
modérément
sont
et
pas
5%
de
modérément à gravement dépressifs.
Insérez le Tableau 3 ici
Il a déjà été fait mention que la présence d'items somatiques
pouvaient
limiter
le
pouvoir
du
QDB
à
discriminer
vieillissement normal avec le syndrome de la
entre
dépression.
le
Ceci
aurait comme conséquence d'identifier incorrectement une personne
âgée non dépressive comme étant dépressive. Dans le but d'estimer
le
degré
de
sensibilité
(correctement
classifier
les
sujets
déprimés) et de spécificité (correctement identifier les sujets
normaux),
différents
résultats
de
division
comparés. Les sujets ont été classés
comme
du
non
QDB
ont
dépressifs
été
ou
dépressifs en fonction du résultat obtenu sur l'EDG et en suivant
la recommandation de Yesavage et al. (1983). Les sujets ayant
obtenu un résultat égal ou supérieur à 11 sur l'EDG ont
été
catégorisés comme dépressifs. Le Tableau 4 montre les différents
degré de spécificité et de sensibilité selon trois scénarios.
Insérez le Tableau 4 ici
En utilisant le résultat de division suggéré de 10 sur le
QDB, le degré de spécificité est 85.7% (440/513) alors que le
degré
de
sensibilité
est
de
66.9%
(85/127).
Le
degré
de
spécificité augmente à 93.2% (478/513) alors que la sensibilité
diminue à 51.2% (65/127) en employant un résultat de division de
12 tandis qu'une spécificité de 96.9% (497/513) et une sensibilité
de 44.9% (57/127) sont obtenus avec un résultat de division de 14.
Discussion
Il est important pour les intervenants travaillant dans le
champ
de
la
psycho-gérontologie
de
se
doter
d'instruments
d'évaluation fiables et valides, compte tenu de la prévalence de
la dépression chez les personnes âgées et surtout en raison de la
difficulté de bien identifier celles qui sont dépressives. Une
mauvaise évaluation aurait une conséquence évidente soit de priver
la personne âgée dépressive d'un traitement approprié. Cette étude
avait pour but d'estimer certaines qualités psychométriques du QDB
(Bourque & Beaudette, 1982) auprès d'une population exclusivement
âgée
et
francophone.
Le
présent
exercice
indique
que
cet
instrument possède une cohésion interne, une homogénéité et une
stabilité dans le temps, satisfaisantes pour cette population.
Les
résultats
appuient
également
les
données
obtenues
par
Gallagher et al. (1982, 1983) auprès d'échantillons américains de
personnes âgées.
La validité concomitante est satisfaisante si on prend en
considération que les deux instruments diffèrent dans le contenu
et la forme. Des études additionnelles devront
validité
avec
d'autres
instruments
de
vérifier
dépression.
Les
cette
trois
facteurs dégagés se rapprochent, indépendamment des dénominations
que les auteurs veulent bien leurs attribuer, de ceux normalement
retrouvés auprès d'étudiants universitaires (Bourque & Beaudette,
1982), d'adultes cardiaques (Campbell, Burgess & Finch, 1984) ou
de patients psychiatriques (Lester & Beck, 1977) mais diffèrent de
ceux de Zemore et Eames (1979). Dans ce dernier cas, le peu de
sujets
et
la
provenance
majoritairement
institutionnelle
des
sujets âgés expliquent l'absence de concordance entre les deux
études. La structure factorielle de cette étude confirme que la
dépression gériatrique est un construit multidimensionnel et est
similaire à d'autres groupes (Dessonville, Gallagher, Thompson,
Finnell & Lewinsohn, 1982) mais dont la particularité réside dans
la primauté des items somatiques.
Ce constat soulève une fois de plus certaines réserves à
propos
du
pouvoir
discriminant
de
cet
inventaire
auprès
des
personnes âgées (Dessonville et al., 1982). Il a été démontré
qu'en utilisant les résultats usuels de division que le QDB avait
un degré satisfaisant de spécificité (absence de faux positifs)
mais même sous cette condition 14.3%
des
personnes
âgées
non
dépressives seraient classées comme dépressives. Une explication
plausible de ces faux positifs viendrait de l'inclusion d'items de
nature somatique dans le QDB.
Pour
cette
raison,
il
serait
recommandé d'utiliser une division plus élevée lorsque le QDB est
administré à une population âgée. Ceci dans le but d'éviter que
l'acquiescement naturel à ces items ne viennent gonfler de façon
indue le résultat et d'inscrire comme dépressive une personne âgée
qui ne l'est pas. Les faux positifs diminuent d'ailleurs à 3%
lorsqu'on utilise un résultat de division de 14 et plus.
Mais la décision d'employer un résultat de division varie en
fonction de l'objectif que nous voulons atteindre et doit faire
l'objet
d'une
attention
particulière
(Koenig,
Meador,
Blazer, 1988b). Si l'objectif est d'éviter d'inclure
dépressifs
des
sujets
âgés
normaux
alors
la
décision
Cohen
dans
&
les
devrait
pencher en faveur d'un résultat de division élevé. Mais ceci n'est
pas sans conséquence. On remarque en effet que la sensibilité
diminue de 67% avec un résultat de division standard de plus de 10
à 44.8% avec une division basée sur un résultat de 14 et plus.
C'est donc dire que 22.2% des vrais sujets âgés dépressifs ne
seront pas identifiés comme tels.
Il est souvent mentionné qu'il est primordial de distinguer
les
symptômes
somatiques
qui
accompagnent
le
vieillissement
normal, de ceux qui sont associés à la dépression comme entité
clinique
(Gallagher,
1986).
Nous
croyons
qu'une
partie
de
la
solution à ce problème réside avant tout dans un changement dans
la
pratique
des
intervenants.
Trop
souvent,
en
effet,
les
symptômes somatiques de la dépression sont ignorés au profit du
vieillissement
normal.
Considérant
que
la
dépression
est
un
problème de santé mentale sérieux et ne pas identifier les sujets
âgés
véritablement
dépressifs
pourrait
avoir
des
conséquences
néfastes, il est alors préférable d'augmenter la sensibilité donc
d'abaisser le résultat de division. Ceci aura certes pour effet
d'inclure
davantage
de
faux
positifs,
mais
ils
pourront
être
reclassifiés à la condition toutefois que ce dépistage soit suivi
d'une évaluation clinique rigoureuse. Une pratique qui ne semble
pas être encore très établie.
L'utilisation du QDB avec cette population comporte certaines
limites
additionnelles.
D'abord
l'administration
du
QDB
est
limitée aux individus coopératifs, lettrés et ne souffrant pas
d'une condition par laquelle la mauvaise compréhension des items
viendrait fausser les réponses (Snaith, 1981).
De plus, pour
compléter le questionnaire, le sujet doit considérer simultanément
quatre suggestions de réponses parmi lesquelles il doit faire un
choix ce qui pour certaines personnes âgées, s'avère un exercice
exigeant.
A
cet
égard,
l'EDG
avec
ses
choix
de
réponse
dichotomique offre un avantage pratique important sur le QDB.
Finalement, il est possible de dégager le pourcentage
de
personnes âgées dépressives francophones. Quoique le QDB n'est pas
un outil de diagnostic, Gallagher et al. (1983) ont trouvé que le
BDI est fortement lié aux critères
de
dépression
établis
par
Spitzer et al. (1978). Les résultats de la présente étude révèlent
que 5% des sujets âgés francophones de plus de 65 ans sont de
modérément à gravement dépressifs. Ce pourcentage est similaire à
ceux avancés par d'autres auteurs (Blazer, Hughes & George, 1987;
Gurland,
1976;
Weissman
&
Myers,
1978)
qui
ont
utilisé
des
critères diagnostiques spécifiques.
En conclusion et malgré les limites énoncées, les résultats
obtenus dans cette étude sont favorables à son utilisation comme
outil de dépistage préliminaire de la dépression gériatrique.
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Notes des auteurs:
Cette étude a été rendue possible
grâce
accordé par le Conseil de recherches
en
au
soutien
sciences
financier
humaines
du
Canada (492-87-0011).
Les demandes de tirés à part doivent être adressées à:
requests for reprints should be sent to:
Jean Vézina, Ph.D. Ecole de psychologie, Université Laval, SteFoy, Québec, G1K 7P4.
Mot clés:
Personnes âgées, fidélité, validité, dépression, QDB
Key words:
Elderly, reliability, validity, depression, BDI
Tableau 1
Indices psychométriques comparatifs du Questionnaire de Dépression
de Beck en fonction des différents échantillons
Indices de
Echantillon
Fidélité
Québec
N.-B.
Réunis
Etats-Unis1
n
323
317
640
159
Consistance internea
.87
.77
.85
.91
Moitié-moitiéb
.75
.74
.76
.84
Test-retestc
.85
.79
.74
.90
Source.
Gallagher,
D.,
Nies,
G.,
&
Thompson,
L.W.
(1982).
Reliability of the Beck Depression Inventory with older adults.
Journal of Consulting and Clinical Psychology, 50 (p. 153).
Note. aAlpha de Cronbach, bSpearman-Brown, cPearson
Tableau 2
Résumé de l'analyse factorielle du QDB avec l'échantillon total
Facteurs
1
2
3
% de la
Valeur
variance
propre
25.6
5.4
9.3
6.8
1.9
1.4
Item
Saturation
17 fatigabilité
.69
15 inhibition pour le travail
.64
18 perte d'appétit
.63
16 troubles du sommeil
.62
20 préoccupations somatiques
.56
13 indécision
.52
19 perte de poids
.48
21 perte de libido
.39
7 autodépréciation
.82
3 sentiment d'échec
.73
14 image corporelle
.69
11 irritabilité
.66
8 auto-accusation
.43
9 idéation suicidaire
.66
6 sentiment de punition
.65
5 culpabilité
.64
2 découragement
.48
1 dysphorie
.47
4 insatisfaction
.40
12 retrait social
.38
10 les pleurs
.31
Tableau 3
Moyennes (M) et pourcentages (%) selon les différents niveaux de
dépression chez les deux échantillons
Niveaux de dépression
Absence de
Légèrement à
Modérément à
dépression
modérément
gravement
(0 à 9)
(10 à 18)
(19 à 63)
M
%
M
%
M
%
Québec
4.60
66
12.86
27
25.88
7
N.-B.
2.53
85
12.02
13
25.33
2
Réunis
3.44
75
12.59
20
25.77
5
Tableau 4
Classification des sujets en fonction de différents résultats de
division du QDB
EDGQDB
Non dépressif
Dépressif
Total
10 et plus
73
85
158
9 et moins
440
42
482
Total
513
127
640
Spécificité
Sensibilité
85.7%
66.9%
12 et plus
35
65
100
11 et moins
478
62
540
Total
513
127
640
Spécificité
Sensibilité
93.2%
51.2%
14 et plus
16
57
73
13 et moins
497
70
567
Total
513
127
640
Spécificité
96.9%
Sensibilité
44.9%
Biographies
Jean Vézina is an Associate Professor in the School of Psychology
at
Laval
University.
His
research
interests
are
in
clinical
gerontology, especially depression and stress.
Philippe
Landreville
is
a
doctoral
student
in
the
Psychology at Laval University.
He received the Norcem
Paul
Professor
Bourque
is
an
Associate
School
of
in
the
Department
of
in
the
Department
of
Psychology at the University of Moncton
Michel
Blanchard
is
a
masters
student
Psychology at the University of Moncton

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