une perspective africaine sur le renforcement des capacités

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une perspective africaine sur le renforcement des capacités
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Renforcement des capacités des pays du Sud: rhétorique et réalité
RMF 28
Une perspective africaine sur le
renforcement des capacités
Par Naomi Pardington et Mélanie Coyne
Quelle est la signification du renforcement des capacités
institutionnel (RCI) pour les ONG dans le Sud ? A quels défis
du RCI font-elles face ? Et d’importance capitale, quels en
sont les impacts sur les populations bénéficiaires ?
L’agence Africa Humanitarian Action
(AHA) a son siège social à Addis Ababa, et
elle opère dans onze pays en Afrique. 1 Le
RCI représente pour nous une amélioration
des structures et des mécanismes de
gouvernance d’une organisation, de ses
pratiques de gestion, son efficacité à
mobiliser les ressources, sa coordination
et son soutien aux ressources humaines,
le standard des prestations rendues, ses
relations extérieures, l’évaluation et le
suivi... La liste est loin d’être exhaustive.
Le renfort des capacités est impératif si
les ONG africaines veulent améliorer
leur durabilité et leur responsabilité, et
afin de gagner plus d’indépendance.
Ceci devient plus important alors que la
communauté humanitaire internationale
s’embarque en période de réforme. Il
est essentiel que les organisations du
Sud soient à la pointe du changement
afin d’établir un rapport plus équitable
avec leurs homologues du Nord. AHA
considère les ONG africaines non seulement
comme des organisations de mise en
œuvre des fonds reçus, mais comme des
acteurs-clés pour la transformation. Ce
sont leur savoir local, leurs compétences
et leur expérience qui les met dans une
position unique pour répondre aux divers
besoins des populations bénéficiaires.
engagement durable. Malheureusement,
les fonds ne sont souvent accordés
qu’à court terme et ils sont liés à des
programmes particuliers de prestations
de services, ce qui laisse peu d’espace de
manœuvre pour le RCI et le développement
des organisations. Ainsi, par exemple,
AHA – qui est à présent le quatrième
partenaire actif du HCR par importance
– est soumise à des coûts opérationnels
de 5% imposés par l’agence. De telles
contraintes ont un impact direct sur les
capacités des ONG africaines à répondre
effectivement à leurs besoins de RCI. Les
donateurs doivent être plus responsables
et plus généreux, non seulement en ce qui
concerne les sommes données mais aussi
la manière dont les fonds sont alloués.
Un processus à double sens
Il n’existe pas d’option à petit prix
Il existe une tendance au sein du débat sur
le renforcement des capacités à assumer
que c’est quelque chose ‘fait’ pour les
organisations autochtones par leurs
partenaires du Nord, afin d’améliorer
leur efficacité dans les prestations de
services et dans leur développement.
Il existe une implication tacite que les
organisations africaines sont des acteurs
passifs dans ce processus et qu’il y a des
carences de capacités inhérentes à leurs
organisations. Ceci représente une vision
limitée des organisations africaines et
manque à reconnaitre leurs capacités.
La revue des pratiques existantes,
l’identification des carences et des
faiblesses, le recrutement, la rétention et
la formation du personnel aux normes
requises, ainsi que l’amélioration des
systèmes de communication coûtent
cher aux ONG du Sud. La formulation
de propositions, le développement de
nouveaux secteurs de programmes et
l’amélioration des mécanismes de suivi et
d’évaluation prennent du temps. Lorsque
l’expertise extérieure est requise, ou
que le personnel doit se déplacer pour
participer à des activités de formation,
des coûts additionnels sont encourus.
Le renforcement des capacités est un
processus à long terme qui demande un
Les grandes agences internationales ont
aussi besoin de renforcer leurs capacités
et les ONG du Sud sont positionnées
de manière unique pour leur faciliter
la sensibilisation aux contextes locaux
et à la gouvernance locale, à leur faire
prendre conscience de l’importance d’une
approche participative et d’améliorer
leur capacité à lier les secours d’urgence
à court terme au développement à long
terme. Malheureusement, les occasions
de tels contacts sont rares. Durant l’année
dernière, AHA a été représentée à une
gamme de réunions diverses, d’ateliers et
de conférences, souvent comme la seule
organisation africaine prenant part, et
quelquefois comme la seule organisation du
Sud. Ceci est un reflet regrettable du statut
courant des rapports entre les partenaires
du Nord et du Sud, en particulier au
moment où la ‘prise de possession’,
le ‘partenariat’, les ‘développements
communautaires’ et la ‘durabilité’ sont
encouragés de toutes parts. AHA souhaite
voir une plus grande représentation et
un engagement actif des acteurs du Sud
et des acteurs africains aux forums, aux
réseaux et aux groupes de travail.
Les liens Sud-Sud sont tout aussi
importants et demandent des subventions.
Dans le cadre de son engagement
au renforcement des capacités et
à l’amélioration des capacités des
organisations du Sud à répondre aux crises
humanitaires, AHA œuvre de concert avec
d’autres au renforcement des rapports
Sud-Sud entre les organisations. En tant
que membre du Programme de l’Overseas
Development Institute’s Civil Society
Partnerships2, AHA aide à la promotion
d’une plus grande participation de la
part des partenaires du Sud, ainsi qu’à
établir un réseau global de pratiques
communautaires pour les groupes de
réflexion, les instituts de recherches
politiques et les organisations similaires
œuvrant au développement international.
Les nombreuses contraintes financières
et logistiques auxquelles font face les
ONG autochtones pour le renforcement
des capacités perdureront tant que les
organisations du Sud restent assujetties à
des agendas reposant sur des projets. AHA
est parvenue à surmonter ces obstacles
avec un succès croissant depuis treize ans.
Cependant, nos efforts et ceux de pareils
acteurs humanitaires du Sud ne peuvent
porter fruit à moins qu’il ne produise de
changement au niveau international. En fin
de compte, ce sont les populations touchées
qui gagneront à posséder des organisations
locales plus solides et plus capables.
Pour plus de renseignements, veuillez
contacter Naomi Pardington, AHA’s
Communications and Outreach Officer
: [email protected].
1. www.africahumanitarian.com
2. www.odi.org.uk/cspp