Enquête sur les consommations de la communauté
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Enquête sur les consommations de la communauté
Document de synthèse Enquête sur les consommations de la communauté sénégalaise en Italie et le potentiel de commercialisation des produits typiques du Sénégal Sebastiano Ceschi Introduction La recherche présentée ici, insérée dans celle composant le Projet Fondazioni4Africa et réalisée par le CeSPI et Stretta di Mano avec la coordination du CeSPI, a exploré les dimensions de la demande et de l'offre de produits typiques sénégalais de type alimentaire, cosmétique et médical au sein du territoire et du marché italien. Le premier axe de recherche, ayant pour argument le marché potentiel de produits typiques sénégalais, a vu accomplir une enquête qualitative sur la sphère des consommations alimentaires, médicales et cosmétiques de la communauté sénégalaise en Italie. En adoptant une vision sensible aux contextes relationnels et socioculturels dans lesquels ces pratiques s'inscrivent, les activités de préparation et de consommation des repas, les choix par rapport à l'alimentation, l'organisation des achats et des critères adoptés pour la fourniture des produits, ont été prises en considération. Parallèlement, l'aspect des magasins, de la restauration et également de l'organisation d'évènements à base de produits typiques du Sénégal a fait l'objet d'une attention particulière à travers les interviews aux propriétaires de magasins de produits typiques, de gastronomie et aux traiteurs de produits sénégalais, leadership d'associations laïques et religieuses. Grâce surtout à cette seconde typologie, nous avons également essayé d'explorer les réactions et les goûts des italiens par rapport aux repas typiques sénégalais à l'occasion de la connaissance de cette cuisine. Ce premier axe s'est donc développé entièrement au sein de la population sénégalaise, en interpellant des émigrants différents en termes de sexe, d'âge, du temps de résidence en Italie, de la condition familiale et d'habitation. Plusieurs interviews semi-structurées ont été réalisées (37 en tout), dans différents territoires : en Lombardie, dans les provinces de Brescia, Crémone, Mantoue et Milan; en Emilie-Romagne, dans les provinces de Modène, Reggio Emilia et Rimini; en Toscane, dans les provinces d'Empoli et de Florence. Les interviews se sont déroulées à l'intérieur de logements occupés par des hommes seuls, par des familles et avec des personnes résidentes seules, comprenant plusieurs temporalités et générations : émigrants de longue résidence, émigrants récemment arrivés, fils d'émigrants nés ou arrivés en Italie à un jeune âge (ladite 'seconde génération'). Certains des interviewés, selon leurs caractéristiques professionnelles ou sociales, ont été considérés des 'témoins privilégiés' - c'est-à-dire en mesure de fournir un point de vue large et général par rapport à celui purement personnel : sénégalais en couple mixte, leaders d'associations, commerçants et restaurateurs de spécialités sénégalaises, entrepreneurs dans l'import/export alimentaire ou non. Pour ces personnes, les produits et les plats sénégalais ne constituent pas uniquement une dimension privée ou personnelle mais également un véhicule d'interaction avec les autres et avec la société environnante. Le second axe de recherche, en plus de l'analyse au sein de quelques entreprises sénégalaises ou africaines actives dans le secteur alimentaire, fut l'occasion de contacter, solliciter et recueillir l'intérêt de réalités commerciales et de distribution différentes actives sur le territoire italien. Avec cette seconde phase, l'on a souhaité à la fois recueillir des indications de cas, activités et études qui ont opéré pour créer des liaisons transnationales pour des produits alimentaires africains et à la fois sonder certains des principaux opérateurs du secteur alimentaire, pharmaceutique et cosmétique sur le marché italien. Les interviews ont interpellé quelques réalités de la grande distribution alimentaire, du monde du coopérativisme productif, des circuits du commerce équitable et bio, des industries et des structures du monde pharmaceutique et cosmétique afin de sonder l'intérêt et les perspectives d'alliances commerciales, d'identifier les points critiques et les conditions possibles, suggérer des opportunités pour des opérations et la constitution de réseaux commerciaux qui opèrent entre l'Italie et le Sénégal. Les ressources humaines de CeSPI impliquées dans les différentes activités liées à la partie de recherche sur les consommations et la commercialisation de produits typiques sénégalais ont été: Sebastiano Ceschi en qualité de coordinateur, Laura di Pasquale et Elisabetta Kustermann en qualité de chercheuses. Les analyses réalisées ont été ensuite discutées au cours de séminaires internes au CeSPI auxquels José Luis Rhi-Sausi, Andrea Stocchiero, Petra Mezzeti et Anna Ferro ont participé. Principaux résultats Habitudes alimentaires et transformations dans le temps • A travers les interviews dans les logements où vivent seulement des hommes avec d'autres compatriotes, modèle d'établissement qui domine encore dans l'immigration sénégalaise en Italie, on a pu constater une organisation collective, tant bien par rapport aux achats de nourriture et au choix des plats à consommer que dans la préparation et la consommation des repas. Les émigrants versent des parts égales, se mettent facilement d'accord sur les aliments à consommer, ils s’alternent pour faire les courses et pour la préparation de la nourriture, ils mangent ensemble. Bien qu'exprimant une nette préférence pour les repas sénégalais, qu'ils continuent à consommer le soir et les week-ends lorsqu'ils ont plus de temps à disposition, les besoins quotidiens les poussent également à consommer des plats italiens, plus simples et plus rapides à préparer, plus économiques et avec des ingrédients plus faciles à trouver. Pour cette cible, la nourriture sénégalaise reste celle choisie alors que celle italienne est une nécessité, bien qu'elle soit souvent appréciée. Dans tous les cas, la provenance de la nourriture, mais surtout les modes de préparation et de consommation communautaire renforcent les liens internes avec les colocataires et les autres sénégalais et resserrent le lien symbolique avec la patrie. • Les interviews aux personnes arrivées récemment en Italie et sans permis de séjour ont démontré comment, au cours de la première phase d'adaptation au nouveau contexte marquée par la condition d'irrégularité/clandestinité, les besoins liés à la nourriture passent momentanément au second plan pour ces nouveaux émigrants. Bien qu'appréciant les plats de leur tradition, les conditions (temps, disponibilités économiques, possibilités de faire les courses, capacités culinaires) ne sont pas toujours présentes pour recréer le modèle alimentaire sénégalais dans le nouveau contexte de vie. Ceci signifie que c'est en avançant en termes de processus de stabilisation et d'intégration que les meilleures conditions se créent pour consommer des produits typiques sénégalais. • Dans les familles sénégalaises, les tâches domestiques liées à la nourriture reviennent aux femmes. L'arrivée des femmes a généralement conduit à un vif retour aux modèles alimentaires sénégalais, puisque la cuisine est une compétence totalement féminine au Sénégal que ce soit d'un point de vue pratique et symbolique, et que les émigrants hommes apprennent presque toujours par nécessité les rudiments de la cuisine sénégalaise une fois qu'ils se retrouvent à l'étranger. Les familles sans enfants (donc les couples sénégalais) apparaissent donc comme la cible qui consomme la nourriture sénégalaise le plus fréquemment. • La présence d'enfants en âge d'être scolarisés au sein des familles sénégalaises transforme les habitudes alimentaires, en introduisant une cuisine plus mixte. S'ils ont été élevés en Italie, les enfants, plus en contact avec la culture et la nourriture italienne par le biais de l'école, les médias et la publicité, induisent les parents à satisfaire à leurs requêtes. Les familles avec enfants tendent donc à adopter des modèles alimentaires plus mixtes et avec une alternance de plats provenant des deux cuisines. Toutefois, la cuisine et le mode de consommer les repas sont considérés comme des éléments importants du patrimoine des pratiques et des valeurs liées à la propre appartenance qui doit être transmise aux enfants. Ainsi, le 'manger sénégalais' et les éléments éducatifs inscrits dans cet acte (la consommation collective et solidaire, la division équitable de la nourriture et l'attribution des morceaux les meilleurs aux invités et aux anciens) restent un des piliers d'un modèle culturel intériorisé à passer de génération en génération, également, et peut-être surtout, à l'étranger. • Les interviews réalisées directement auprès de jeunes adolescents sénégalais, le plus souvent ayant grandi en Italie, montrent une cohabitation positive de repas sénégalais et italiens. A la différence de la cible des hommes en logements communs, pour les enfants des émigrants les deux alimentations semblent être appréciées de façon égale et leur double présence dans la diète familiale est nettement appréciée. Même si parfois il y a eu des invités dans la famille, il ne semble pas que ces enfants aient exercé une fonction de diffusion de la cuisine sénégalaise auprès de leurs camarades italiens. • Certains sénégalais interrogés, moyennement jeunes et sans partenaire stable, ont choisi d'habiter en-dehors du cercle des compatriotes, en prenant un petit appartement seuls ou en collocation avec des italiens du même âge. Pour ces émigrants "célibataires", la connaissance de la cuisine italienne apparaît approfondie et appréciée et elle semble prévaloir dans la diète quotidienne, également pour des raisons de commodité, de rapidité et de rapport qualité-prix. Toutefois aucun d'eux ne renonce à la préparation de repas sénégalais et à l'achat, bien que peu fréquent, de produits typiques. Le rapport avec la cuisine sénégalaise et ses goûts et rites de préparation reste qualitativement fort et relance chez ces personnes le lien avec le Sénégal, en marquant de nouveau une appartenance qui serait autrement faible et non montrée dans d'autres cadres. 1 • Chez toutes les différentes cibles interrogées, nous avons donc pu rencontrer la présence des deux cuisines, celle provenant du pays d'origine et celle trouvée dans le contexte du point d'attache. Les groupes d'hommes car elles oscillent entre les saveurs traditionnelles et les besoins pratiques de la vie, les familles car elles sont impliquées à travers leurs enfants dans un processus de médiation avec la société accueillante, les secondes générations et les sénégalais 'seuls' car ils sont ouverts à la séparation des cultures également par rapport à la nourriture et qu'ils sont plus attentifs à la diète personnelle et à prendre soin de leur corps, tous les sénégalais touchés par notre recherche ont souligné des modèles alimentaires mixtes, qui se distinguent ni par une renonciation à la cuisine sénégalaise, ni par le refus de celle italienne, également après une certaine ancienneté dans notre Pays. • Au Sénégal, comme dans les contextes d'immigration, la préparation de repas typiques sénégalais et leur consommation à l'occasion de partage du repas représentent des éléments d'importance vitale dans les relations quotidiennes de la population, ressoudant ainsi la sociabilité, la solidarité et l'appartenance commune à la communauté. Pour les émigrants, à travers la nourriture typique et les repas 'rituels' la cohésion sociale et culturelle se renforce et l'être 'sénégalais' s'affirme. Une étude sur ce sujet1 soutient que le repas traditionnel constitue une occasion et un espace de mémoires très significatif pour les émigrants du Sénégal, qui ont l'opportunité de se sentir partie de la même communauté nationale également grâce à l'action de manger ensemble 'à la sénégalaise'. La nourriture et les boissons typiques agissent donc comme un puissant démarqueur d'identité, une identité réalisée et pratiquée de façon continue par les individus, représentant avant tout un puissant facteur d'identification 'interne' du groupe, évident à toutes les occasions rituelles (fêtes religieuses et laïques, initiatives des associations, célébrations de baptêmes, etc.) au cours desquelles la communauté se réunit pour être ensemble et consommer les plats traditionnels. • Au cours de certaines de ces occasions, tout comme dans le cadre des rapports privés entre les personnes, la nourriture typique représente un véhicule significatif de rapport et d'échange avec les italiens. D'une certaine façon les plats sénégalais ont la faculté d'évoquer directement la vie au Sénégal, incarnant les atmosphères et représentant un condensé de celle-ci. A travers cette capacité de représentation et de rappel détenue par la nourriture, les émigrants racontent aux italiens leurs lieux d'origine et leur environnement social, en fait ils se présentent et parlent de leur provenance. Dans ce sens, la seconde fonction de la cuisine et des produits sénégalais est celle de la présentation/promotion de leur propre appartenance culturelle à l'extérieur, celle d'un langage capable de résumer le goût et les traditions de leurs lieux d'origine. La nourriture est donc une partie importante également d'une identité sénégalaise externe et représentée 'pour les autres', une identité de 'performance'. • En général, les interviews n'ont pas fait ressortir de forte interaction avec la population italienne de la part des émigrants sénégalais, en particulier parmi les hommes en collocation. Si les 'célibataires' et les familles avec enfants tendent à plus développer des rapports externes avec les habitants du lieu (travail, école, services) par rapport aux groupes d'hommes, plus repliés sur la vie communautaire, au sein des maisons sénégalaises les occasions d'invitation d'amis italiens et d'offre de plats typiques sénégalais ne semblent pas très fréquentes. Dans tous les cas, lorsque ceci a eu lieu, surtout dans les familles avec Gasparetti, F., Food and Migration. The cultural meaning of food and its polyvalent role in the construction of identity among Senegalese migrant in Italy, unpublished paper 2009. des enfants et dans les cohabitations mixtes, les invités italiens ont apprécié les plats africains et les personnes interrogées ont remarqué combien certains plats sénégalais vont à l'encontre des goûts des italiens. • A travers les interviews de deux couples mixtes italo-sénégalais (invertis l'un par rapport à l'autre en fonction du sexe du composant italien) et de traiteurs et propriétaires de magasins alimentaires gastronomiques/rôtisseries sénégalais, il est ressorti qu'il existe un indice d'appréciation assez large parmi la clientèle et les amis italiens pour certains plats typiques, surtout les plus simples et les moins épicés. Les appréciations des invités des couples mixtes et des participants aux repas organisés par des associations ou préparés par des femmes pour des réceptions, tout comme le pourcentage non indifférent de clients italiens dans les magasins de gastronomie sénégalaise, démontrent que s'il était valorisé de façon appropriée, ce type de cuisine pourrait gagner du terrain au sein de la clientèle et du marché de la nourriture ethnique en Italie. • Par rapport aux produits médicaux et cosmétiques, nous trouvons quelques articles très diffusés et plus ou moins omniprésents dans les différentes habitations explorées. Il s'agit du beurre de karité et des racines de khel (contre l'impression de fatigue), qui se trouvent également dans les maisons des hommes, la cible certainement la moins sensible aux préceptes des soins du corps. D'autres produits cosmétiques provenant de l'Afrique sont utilisés plus souvent par les femmes et par les émigrants 'célibataires', tels que les éponges en fibre naturelle pour le bain (ndiampe), les crèmes et les huiles pour le corps, le tamarin, menthol et garance. Bien moins demandés que ceux alimentaires, les produits cosmétiques africains sont relativement utilisés surtout par les femmes, alors que ceux d'ordre plus médical sont peu diffusés et souvent remplacés par des produits pharmaceutiques de type allopathique. Les achats, le rapport avec les fournisseurs et les commerçants sénégalais • Même si nous trouvons une prévalence différente entre les deux cuisines nationales (de celle sénégalaise pour les couples sans enfants et de la part des hommes qui vivent avec leurs compatriotes, mixte à part égale pour les familles avec enfants et dans le cas d'hommes seuls, de celle italienne pour les jeunes seuls), tous les émigrants interrogés achètent plus ou moins fréquemment des produits de provenance africaine. Dans certains cas, ces produits sont achetés assez souvent auprès de petits revendeurs 'ethniques' non loin du lieu d'habitation, dans d'autres cas la fourniture se fait hebdomadairement ou tous les quinze jours dans les villes plus grandes et dans les magasins plus importants, gérés pour la plupart par des chinois, ou bien dans certains supermarchés avec des rayons de produits extra-européens, comme par exemple Coop, Esselunga, Tosano. Bien qu'étant attentifs à la limitation des dépenses qui caractérise toutes les personnes interrogées, à côté des aliments italiens, nous trouvons toujours des aliments et des ingrédients typiques utilisés soit pour cuisiner des plats sénégalais que pour relever des plats italiens. • Il ressort des interviews certains ordres de grandeur par rapport à la part du budget consacrée à l'achat d'aliments typiques. Pour les hommes en collocation qui, comme évoqué plus haut, gèrent le budget sous forme de caisse commune, les produits typiques semblent représenter un quart de la dépense consacrée à la caisse et un tiers de celle proprement alimentaire. Dans la famille cette part se révèle plus importante, étant autour de 50% de la dépense alimentaire totale, soulignant également une fréquence d'achat hebdomadaire contre celle bihebdomadaire des hommes. L'achat de produits typiques par les hommes et les femmes qui vivent seuls se fait généralement tous les mois. Globalement, on remarque comment l'achat d'aliments typiques influence de façon assez importante le budget qui est prédisposé dans les caisses sénégalaises pour les courses. 2 • L'information qui est ressortie est donc que, même si les proportions et les rythmes sont différents, les produits typiques sont requis et achetés de façon assez large et diffuse par la population sénégalaise. En outre, la part de nourriture provenant des magasins ethniques ne semble pas avoir diminué suite à la crise économique, car les produits africains sont souvent considérés essentiels et non pas superflus. Le fort mimétisme alimentaire des communautés émigrantes, toujours plus proches des consommations de nourriture italienne et avec une part plutôt minoritaire d'achats consacrée aux aliments dits 'ethniques', a été décrété dans les conclusions d'une cartographie récente et étendue des achats alimentaires des émigrants en Italie2. Si le fait d'acheter des aliments d'origine italienne résulte important pour 31% des étrangers alors que seuls 8,5% d'entre eux indiquent comme prioritaire le produit de leur propre pays, on peut supposer que la communauté sénégalaise résulte, par rapport à d'autres, une communauté encore fortement orientée vers les aliments, les saveurs et les plats du pays d'origine. • En ce qui concerne le ravitaillement, certains points critiques ont émergé. Le premier problème concerne les distances qu'il est parfois nécessaire de parcourir pour rejoindre les magasins suffisamment achalandés. Le second est le nombre restreint de magasins gérés par des sénégalais, qui détermine l'absence d'un rapport direct avec les négociants compatriotes et donc l'instauration d'un rapport de familiarité, de confiance et de partage autour de l'acte d'achat. Environ 80% des magasins de produits africains appartiennent à des chinois et le reste appartient à différentes nationalités asiatiques ou africaines. Ceci implique, selon de nombreuses personnes, que généralement les produits sont de moyenne/basse qualité par rapport à ceux qui se trouvent au Sénégal, qu'il n'y a pas la certitude de la provenance réelle du Sénégal de certains produits, tels que par exemple l'huile de palme ou du gombo, et qu'il n'y a aucune garantie en termes de bonne conservation et de péremption. En outre, les prix finissent par être moyennement hauts et augmentés par l'intermédiation des réseaux commerciaux chinois, qui profitent de l'absence de concurrence de la part d'autres voies d'importation. • Il existe un cas singulier d'un groupe d'achat né au sein d'une association d'émigrants sénégalais du nord de l'Italie qui se fournit tant bien auprès d'un grossiste chinois (en offrant un véritable service de courses et de livraison à domicile pour les associés) que par le biais des membres de l'association qui voyagent depuis le Sénégal et ramènent régulièrement des produits typiques qui sont ensuite revendus. L'achat au gros garantit une certaine variété et disponibilité de produits et surtout des prix avantageux, en respectant ainsi l'esprit solidaire qui anime les intentions de l'association ; l'arrivée directe depuis le Sénégal de produits tels que l'huile de palme, le beurre d'arachides, le couscous de mil et le café touba complète le ravitaillement en garantissant des aliments originaux et souvent élaborés de façon naturelle, au goût typiquement africain. • Nous pouvons donc affirmer que, face à une demande prononcée de produits typiques de la part de la communauté sénégalaise, l'offre commerciale existante dans les territoires analysés est suffisamment achalandée pour couvrir les principaux besoins, mais qu'il existe de grandes marges d'amélioration. Qualité et prix améliorés, bonne conservation et Enquête Nomisma-Demetra (commissionnée par Coldiretti) sur les achats alimentaires de la population étrangère, 2007 certification de la provenance, plus grande ramification de la distribution et présence de produits plus rares ou parfois introuvables et, surtout mais non moins important, le partage de la même origine entre client et fournisseur, sont les terrains sur lesquels miser pour le développement d'un réseau de commercialisation sénégalaise. • Certaines interviews ont concerné des commerçants de nationalité sénégalaise ou africaine, en tant que propriétaires de magasins alimentaires ethniques, de rôtisseries/ de magasins alimentaires gastronomiques, et traiteurs sénégalais et en tant que propriétaires de magasins de coiffure et de produits africains de type cosmétique. En ce qui concerne les entreprises actives dans le secteur alimentaire, avec la vente de produits ou de plats sénégalais, il est clairement ressorti comment, à partir du moment où l'offre se profile comme qualitativement satisfaisante d'un point de vue du goût, de la qualité, des prix et du rapport, la réponse de la communauté sénégalaise par rapport à l'offre de nourriture provenant de compatriotes est forte et plutôt constante. Les commerçants ont une importante base de clientèle sénégalaise sur laquelle compter. Que ce soit en qualité d'acheteurs de produits à cuisiner qu'en qualité de consommateurs de plats déjà préparés, les clients sénégalais sont décrits comme fidèles et très bien disposés. D'autre part, nous avons eu vent de la vitalité de circuits informels de vente de plats sénégalais par quelques femmes qui cuisinent à la maison et portent le repas à leurs compatriotes sur le lieu de travail. • Un autre élément d'attention concerne l'intérêt de la clientèle italienne réelle et potentielle pour la nourriture sénégalaise. Si certains produits spécifiques adaptables dans d'autres recettes pourraient être du goût d'un créneau de la clientèle italienne (par exemple le riz cassé deux fois, le mil, les boissons avec les fruits de la savane), la fréquentation et l'achat plus généralisé de produits alimentaires sénégalais pour des repas typiques à préparer ensuite à la maison semble être un fait rare, pratiqué par une petite minorité et qui n'est pas destiné à se développer beaucoup (à cause des difficultés de préparation, le manque d'expérience et la difficulté de la découverte, la force de la tradition de la cuisine italienne, etc.). En revanche, l'offre de plats tous prêts, bien faits et fiables d'un point de vue de l'hygiène, semble recueillir une réponse plus convaincue de la part de la clientèle autochtone qui fréquente les traiteurs et apprécie beaucoup l'offre des sociétés de gastronomie. Donc si la plus grande diffusion de magasins de produits typiques avait comme clientèle de référence principale celle des sénégalais et des africains, une offre gastronomique capable de respecter les normes de légèreté, goût et hygiène pourrait attirer l'attention des consommateurs italiens orientés vers la nourriture ethnique. • Les commerçants et les travailleurs autonomes sénégalais du secteur alimentaire déplorent l'absence de grossistes et de chaînes de distribution gérées par des compatriotes. Les fournisseurs au gros auxquels ils s'adressent sont encore une fois chinois et subissent euxaussi quelques remontrances par rapport à la qualité et à la provenance de la nourriture à cuisiner. Pour ces personnes interrogées également, l'existence de voies d'approvisionnement alternatives, avec des filières commerciales authentiquement sénégalaises, seraient nettement préférables à celles actuellement pratiquées. • Il est ressorti des interviews auprès des coiffeurs et des magasins de produits cosmétiques que généralement les sénégalais, ou plutôt les femmes sénégalaises, sont rarement présentes dans ce secteur en tant que propriétaires, à la différence des femmes nigériennes ou d'autres nationalités africaines. Les sénégalaises sont également sousreprésentées par rapport aux autres africaines du point de vue de la clientèle, surtout pour ce qui est des coiffeurs, ces dernières préférant se faire coiffer par des amies et des connaissances et par des coiffeurs informels de la communauté. Ce sont souvent les voies informelles à couvrir une part importante de la demande également en ce qui concerne les produits. Toutefois, la demande de produits pour le soin du corps est élevée parmi les femmes sénégalaises interrogées et une amélioration de l'offre existante aurait probablement des effets positifs sur la demande, provoquant ainsi un passage de l'informel au formel. L'intérêt des acteurs italiens, les points critiques et les possibilités futures de commercialisation • Les interviews de la seconde phase ont interpellé certains acteurs de la grande distribution organisée italienne (GDO) et du monde de la coopération, de la recherche, du biologique et de l'équitable et durable du secteur alimentaire, pharmaceutique et cosmétique. Les entretiens avec les responsables et les directeurs visaient à vérifier les conditions, l'organisation, les réglementations et les espaces de croissance pour les produits d'origine africaine/sénégalaise au sein des structures commerciales du territoire italien interpellées par la recherche. • Par rapport au secteur du "food", les problématiques existantes sont différentes. Les caractéristiques de périssement des produits alimentaires imposent, par exemple, une organisation correcte et efficace au départ pour pouvoir être dans les temps sur le marché de destination et de devoir prédisposer la documentation d'exportation nécessaire pour la douane dans de brefs délais en fournissant tous les certificats d'analyse nécessaires pour pouvoir sortir du seul marché interne sénégalais (au maximum de celui limitrophe) et de pouvoir les exporter en Europe. Ces opérations ont souvent besoin de temps longs également pour des produits connus et déjà présents sur le marché européen. • A ce propos, on souligne le cas de l'importation de poisson frais sénégalais en Italie mise en œuvre sous l'égide de la COOP Italie par un entrepreneur sénégalais soutenu par le Ministère de la Pêche. Une série de difficultés rencontrées pour ce type d'opérations émerge du cas de ce projet commercial : le manque de structures adaptées au Sénégal pour "regrouper le fruit de la pêche" et le préparer pour l'envoi; la fréquence insuffisante de vols de ligne et la disponibilité d'espace pour charger la marchandise; réussir à maintenir le flux de poisson approprié également durant le Ramadan et la période des pluies; la limite de l'envoi uniquement de certaines espèces de poissons appréciées par les palais italiens. D'un autre côté, cette entreprise présente également des éléments de "positivité réplicable" : support du partenaire technique et du client final (la Coop) durant la phase de démarrage de l'activité pour la collecte et la conservation du frais pour l'envoi international selon les procédés de la loi et les normes de la douane ; l'importance de l'élément 'solidarité' en termes de volonté de créer une activité continue et porteuse de bénéfices sociaux diffus ; la progression constante et continue de quantités envoyées qui ont permis un autofinancement progressif ; enfin la traçabilité. • Particulièrement par rapport à la GDO (Grande Distribution Organisée), les sujets interpellés ont d'un côté démontré de se sentir "intrigués" par la possibilité d'offrir des produits nouveaux avec des caractéristiques particulières, d'un autre côté, toutefois, ils se rendent compte que pour des produits de ce type, une ouverture identitaire vers l'Autre de la part de la société serait nécessaire, mais pour le moment problématique. Les nouveaux produits sénégalais, donc, auraient besoin d'une activité promotionnelle nette parmi les consommateurs et leur commercialisation demanderait donc un effort financier non indifférent. En outre, ils seraient placés sur le marché après une procédure de certification éco-solidaire qui devrait être bien gérée dans le pays. • Il ressort qu'à l'heure actuelle la chaîne logistique du Sénégal vers l'Europe reste le monopole des français et se présente plus compétitive et efficace par rapport à d'autres solutions. En effet ce sont des sociétés françaises qui s'occupent de la manutention des marchandises à utiliser et à travers elles les marchandises arrivent du Sénégal en Europe. De cette façon, il est possible de bénéficier d'économies d'échelle et d'une certaine sécurité quant aux départs et au respect des dates de livraison. Ceci n'exclut pas, toutefois, une possibilité d'importation directe dans le futur où une structure/filtre en Italie (correspondant à une similaire - sous forme de coopérative - au Sénégal pour réaliser au mieux chaque activité sur place pour devenir un fournisseur de confiance) deviendrait également le centre de conception des flux de marchandise avec des études comparatives et ajournées périodiquement une fois le marché de référence créé. On ne peut pas parler, en revanche, de l'offre de "typicité" qui est distribuée à travers les activités de propriété chinoise, car nous sommes dans certains cas dans la limite de la légalité pour les canons de qualité des produits, conservation et de documentation sanitaire. • Du point de vue du prix, il a été répété que celui qui devra être établi pour la vente au consommateur, en plus de fournir un profit pour la GDO, doit pouvoir se maintenir en ligne avec des produits similaires en qualité et donc ne pas dépasser une certaine tranche commerciale. Le concept de 'créneau" - qui indique des produits avec des prix d'arrivée bien plus hauts que la moyenne - dans le secteur du food est seulement envisageable pour des produits "gourmets", qui aient cependant une diffusion "culturelle" déjà forte sur le territoire. Autrement, comme annoncé, il faudrait investir des ressources dans la promotion à travers des campagnes d'information à large rayon, qui incluent également des "dégustations". Le choix 'éthique' de la COOP d'essayer de restreindre le prix final de vente au consommateur pour pouvoir permettre à tous de s'approcher de ce type de produits, bien que réduisant la marge de profit pour tous les acteurs impliqués afin d'offrir un prix de vente modéré au client final, permet également de pouvoir programmer de plus grandes quantités pouvant être acquises par les producteurs à moyen/long terme. • En déplaçant l'attention sur le secteur des produits sénégalais de type cosmétique et curatif, ce qui émerge fortement est la tendance en considérable augmentation des produits que nous pouvons identifier comme "not food": c'est-à-dire tout ce qui peut reconduire au bien-être du corps et de la "maison". Dans le scénario actuel caractérisé par des "pandémies" récurrentes, l'opportunité d'introduire des herbes/tisanes/savons qui puissent éliminer les germes ou fortifier les défenses immunitaires devient importante également du point de vue de l'exploitation commerciale. Selon les préposés de ce secteur, la possibilité d'avoir des articles disponibles avec une matière première "nouvelle et naturelle" sera un plus commercial important et dans cette optique le potentiel de certains produits typiques "sénégalais" (tels que le Thouray, un mélange d'herbes, de fleurs et d'huile essentielle fermenté pour parfumer les intérieurs) est tangible. • Au rayon herboristerie/parfumerie/parapharmacie, en plus de la confirmation des thèmes déjà soulignés par la GDO (importance de la logistique pour pouvoir contenir les coûts et obtenir un produit intègre et compétitivité du prix par rapport à des produits similaires d'une autre origine), les Certifications éco/équitables et solidaires accompagnées d'analyses qui supportent l'entrée de produits encore jamais importés en Italie/Europe, sont à évaluer de manière plus consistante. En outre, le packaging devient protagoniste pour ce cadre d'activités : il doit avoir en plus d'un aspect fascinant esthétiquement parlant, une partie qui permette au client de pouvoir voir physiquement le produit. Nous avons rencontré plus de difficultés et réticences avec les maisons pharmaceutiques contactées, restées sur un discours d'achat de matières premières et dans tous les cas liées à des achats centralisés par la maison "chef de groupe" (dans le cas des multinationales) et donc privées de la possibilité de décider indépendamment sur le territoire italien. • En ce qui concerne le rayon Bio en Italie le contact avec l'AIAB (l'organisme promoteur de la certification biologique dans chaque secteur) a fait ressortir, d'un côté, comment il est possible que dans le futur nous ayons toujours plus de produits d'origine non "occidentale" dans le secteur du bien-être, à cause également de la campagne en cours de publicité/progrès sur les fruits et légumes à Km0 ; d'un autre côté, que toute sorte de certification au Sénégal est entre les mains des français. A ce sujet, la création d'un organisme certificateur d'origine sénégalaise reconnu dans les circuits mondiaux a été envisagée, organisme qui aurait des coûts nettement inférieurs par rapport à l'Organisme certificateur français (correspondant à notre AIAB). En outre, pour les produits sénégalais, la certification BIO unie à celle FAIR TRADE ou même seule, fournirait un meilleur retour économique aux mêmes producteurs. Indications et perspectives d'action Par rapport aux indications ressorties à l'état actuel de l'enquête, nous énumérons ci-dessous des lignes de conduite et des stratégies possibles d'action pour la promotion des produits sénégalais, de leur consommation et du protagonisme commercial de la communauté dans ce secteur. • • • • Améliorer qualitativement l'offre existante. En favorisant le fait de trouver des produits de base et en réduisant le coût, en fournissant plus d'informations et de garanties sur l'origine, la qualité et la conservation de la nourriture à acheter, en insérant dans l'emballage des instructions en français et wolof et des éléments sur le packaging qui rappellent le Sénégal. Aider à la création de magasins de quartier sénégalais capables d'unir à la vente de nourriture également une fonction de point d'appui et de rencontre pour la communauté, des lieux de commerce et de sociabilité accueillants et familiers. Développer l'offre de gastronomie sénégalaise toute prête. Il semble possible de promouvoir l'achat de plats tous prêts de tradition sénégalaise, en fournissant également des services de vente à emporter et livraison à domicile, en misant sur des plats cuisinés de façon légère et avec une basse valeur calorique. Soutenir le protagonisme social, commercial et d'entreprise des émigrants sénégalais en Italie. Le lien pratique et symbolique entre les femmes sénégalaises et la nourriture a été • • • • l'un des aspects les plus fortement présents dans la recherche, alors que souvent les femmes sont plus pénalisées que leurs compatriotes hommes pour plusieurs raisons en ce qui concerne l'accès à des opportunités de démarrage d'activités pour elles. Démarrer la construction d'une école de cuisine sénégalaise. On pourrait penser à la faisabilité d'un projet de démarrage d'un Centre pour l'alimentation et l'art culinaire sénégalais, tenu par des femmes qui seront formées pour enseigner tant bien la cuisine traditionnelle que les versions modernes et influencées de la cuisine africaine. Promouvoir la constitution de centres de distribution alimentaire sénégalais au gros sur le territoire italien. Des consortiums de commerçants et des coopératives sénégalaises de vente au gros pourraient s'offrir comme terminaux ou activer leurs propres réseaux de producteurs et exportateurs de produits sénégalais et s'offrir comme fournisseurs au réseau croissant de magasins de vente au détail. La caractéristique de la filière entièrement sénégalaise et les aspects éthico-politiques liés au support solidaire des réseaux des producteurs locaux au Sénégal donnerait à ces réalités une légitimité supplémentaire et un consentement interne à la population sénégalaise résidant en Italie, qui a tendance à être très sensible au thème du développement de son pays. Réfléchir à la possibilité de créer une "marque" d'origine sénégalaise. A travers le support provenant des certifications concernées (Fair Trade), soutenir une marque qui fonctionne soit comme élément de plus grand impact dans la partie initiale de la promotion, soit comme reconnaissance immédiate de "naturel et bon", de filière courte ("du producteur au consommateur") et de produit à valeur nutritive élevée à coût réduit. Élaborer des modèles possibles de filière pour les producteurs alimentaires basés sur la production, la transformation et la conservation sur place. Il serait souhaitable d'organiser des partenariats commerciaux et des réseaux transnationaux d'acteurs adaptés pour favoriser la croissance des capacités de production et de transformation au Sénégal, le large emploi de main d'œuvre sur place, la création de réseaux solidaires coordonnés de producteurs organiquement liés avec des voies d'importation et avec des réseaux de distribution sur le territoire italien.