438 Marie-Christine Jean-Tremblay

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438 Marie-Christine Jean-Tremblay
INTRODUCTION
Dans le cadre de la formation initiale des maîtres à l’Université de Montréal, nous avions la
possibilité de faire notre troisième stage à l’étranger. L’objectif d’un stage étant de s’exercer sur
le terrain, d’apprendre et de réfléchir sur son acte d’enseigner a été amplement atteint au cours de
l’enseignement à une classe de quarante-cinq élèves pendant deux mois au Sénégal. Remplie
d’émotions et d’expériences extraordinaires, cette aventure m’a permis de répondre aux critères
d’évaluation de l’Université de Montréal. Pour en faire le point, je vais vous présenter un rapport
de stage qui présentera mes habiletés et compétences développées durant mon cheminement à
l’étranger. Premièrement, je décrirai le milieu scolaire dans lequel j’enseignais, deuxièmement,
j’expliquerai les compétences fondamentales d’un stage à l’étranger, troisièmement, je résumerai
les évaluations de mes superviseurs, quatrièmement, je présenterai les démarches que j’ai
entreprises pour aider les élèves en difficultés, cinquièmement, je préciserai la difficulté majeure
du système d’éducation au Sénégal, sixièmement je ferai le point sur mon adaptation au milieu
scolaire et finalement je glisserai quelques lignes sur ma famille d’accueil.
DESCRIPTION DU MILIEU SCOLAIRE
Pour commencer, j’aimerais décrire le milieu scolaire dans lequel j’étais appelée à enseigner.
Située dans le quartier de Baback centre, l’école a été construite en 1995. Depuis sa construction
où on ne comptait qu’une classe, il y a eu un agrandissement à douze classes pour accueillir trois
cent soixante et un élèves lorsque monsieur Diallo a pris le poste de directeur. L’école se trouvait
dans une région désertique à vingt minutes d’où j’habitais. Il n’y avait pas d’électricité dans les
classes. Nos outils pédagogiques consistaient à un tableau à craies ainsi qu’un cahier d’exercices
et un crayon par élèves s’il prenait soin de ne pas le perdre ou de l’abîmer. Ceux-ci étaient assis
deux par deux à des tables de travail qui la plupart du temps sont instables et désuètes. Bref, dans
un environnement étranger où le climat et la culture sont dissemblables à ceux du Québec,
j’enseignais à une classe de quarante-cinq élèves de CM, classe de cinquième année du primaire.
COMPÉTENCES FONDAMENTALES D’UN STAGE À L’ÉTRANGER
Placée dans un contexte scolaire extrêmement différent de celui du Québec, pour réussir le stage
au Sénégal, j’ai dû développer deux compétences fondamentales : échanger culturellement et
faire preuve d’une bonne adaptation au contexte local. Pour y parvenir, j’ai dû remettre en
question mes interventions globales en éducation. Dans l’environnement étranger, nous sommes
appelés à réfléchir constamment sur nos décisions. Nous devons nous assurer en permanence que
nos gestes sont appropriés dans l’environnement sénégalais. Prenons en exemple, le fait que les
Sénégalais utilisent la correction physique pour résoudre un comportement inapproprié. On
l’utilise fréquemment dans les familles pour punir les enfants face à la désobéissance et, bien que
ce soit interdit par le ministère de l’Éducation, dans les écoles aussi. Par conséquent, les élèves se
frappent entre eux pour régler des conflits. En rapport avec cette technique de résolution de
chicanes, j’ai dû trouver une façon d’intervenir qui ne brimerait pas les croyances des enfants,
mais qui en même temps me permette d’être capable de comprendre la situation. C’est un long
processus de réflexion au pourquoi et au comment de l‘intervention. Je ne punissais pas un enfant
qui en frappait un autre en ayant une bonne raison, c’est-à-dire d’insulter un autre, de mentir, de
voler, de lâcher un gaz, etc. Appliquer cette nouvelle compétence à réfléchir sur chaque
intervention dans toutes les écoles du Québec améliorerait la conduite des enfants. Chaque
enseignant devrait réfléchir autant pour intervenir auprès d’un enfant, car bien qu’ils vivent dans
la même culture des élèves, chaque enfant a vécu une enfance particulière et il a acquis des
connaissances différences sur certains principes, alors il est important de s’assurer d’utiliser la
meilleure intervention ou plan d’interventions pour le développement de ce dernier.
ÉVALUATIONS PAR L’ENSEIGNANT ASSOCIÉ ET LE SUPERVISEUR
Ensuite, j’ai été évalué par mon enseignant associé et un superviseur sénégalais qui m’ont
observé à travers mon cheminement. Je vous présente ici les commentaires enrichissants qui ont
été émis. Selon eux, j’ai su agir en tant que professionnelle en étant assidue, ponctuelle ainsi
qu’en maîtrisant les savoirs pédagogiques. Également, j’ai réussi à m’insérer harmonieusement
dans l’équipe pédagogique de l’école d’accueil par ma disponibilité, mon écoute, mon sens de
partage des idées et mon esprit d’initiative. En addition, j’ai participé à la correction des
évaluations, aux réunions du personnel de l’école et j’ai fait de la remédiation pour des élèves du
CM2. Pour faire suite à plusieurs échanges sur les difficultés d’apprentissage, j’ai transmis des
documents pédagogiques sur la dyslexie, les stratégies d’apprentissage sur la lecture et l’écriture,
l’aménagement de la classe et les formes de regroupement à mon enseignant associé. Ainsi, ce
dernier a jugé que je m’engageais pleinement dans une démarche de développement
professionnel. Finalement, ils ont jugé important de spécifier les points suivants : enseignement
interdisciplinaire, prise entière des responsabilités pour la pratique de classe, rigueur dans les
interventions, compréhension de la culture sénégalaise sans jugement de valeur, bon pilotage des
situations d’enseignements et bonne planification des apprentissages en respectant les fiches
sénégalaises tout en ajoutant des approches pédagogiques québécoises.
TRAVAIL AVEC LES ÉLÈVES EN DIFFICULTÉS
Au début du stage, j’ai utilisé une évaluation zonale pour sérier la classe en groupes de niveaux.
De cette façon, j’ai pu cibler les difficultés graves des élèves pour travailler des objectifs précis et
pertinents en remédiation. Dès la première semaine, j’ai fait avec eux un contrat d’apprentissage
pour qu’ils exercent l’autorégulation sur leurs difficultés. En effet, les élèves sont plus motivés à
travailler quand ils savent le pourquoi d’une tâche intellectuelle. Par la suite, j’ai constaté que la
majeure partie des élèves voulaient travailler leur français. Donc, chaque semaine, je concevais
des situations d’apprentissages pour aider les jeunes en français oral, écrit et en lecture. Pour
constater la progression des apprentissages des élèves, j’ai fait une évaluation formative (voir en
annexe 1) à la mi-stage pour constater les progrès des élèves et ainsi ajuster mon enseignement.
DIFFICULTÉS SCOLAIRES MAJEURES DES ÉLÈVES
Plus de la moitié des jeunes étaient en difficultés graves. La difficulté majeure des élèves était de
s’exprimer oralement en français. Le français oral doit être maîtrisé tout d’abord avant de
commencer à écrire et à lire. On peut faire une analogie avec un enfant d’un an, il ne peut pas
apprendre à courir avant de marcher. Le problème est que le français n’est pas leur langue
maternelle ni pour les élèves et ni pour les enseignants. Donc, il est plus facile même pour les
enseignants de communiquer en wolof, la langue nationale. Ils veulent préserver leur langue
également, donc les enseignants parlent aussi souvent le wolof que le français avec les élèves. J’ai
réussi à me mettre dans leur peau et si j’avais une classe où je retrouverais la moitié des élèves
qui ont de la difficulté avec un problème en mathématiques, il est plus logique de l’expliquer en
wolof pour s’assurer de leur compréhension réelle étant donné que le français est un obstacle à la
compréhension mathématique. L’éducation sénégalaise rencontre une grande quantité de
difficultés à cause de la langue d’enseignement différente de la maternelle. De plus, je m’assurais
lors de mon enseignement et même avec les collègues de bien articuler, de parler lentement et
d’utiliser des synonymes plus simples de certaines expressions incomprises pour avoir une bonne
communication avec les élèves et les enseignants. De ce fait, j’ai entretenu des bonnes relations
pédagogiques entre stagiaire-élèves, élèves-stagiaire et maîtres-stagiaire.
ADAPTATION GÉNÉRALE AU COURS DU STAGE
Pour m’adapter à l’absence d’outils pédagogiques présents au Québec, j’ai dû créer du matériel
pédagogique. Avec les ressources matérielles que j’ai pu trouver à la boutique du village, je
pouvais utiliser ma créativité pour permettre aux élèves de mieux visualiser la matière. J’ai coupé
des supports à œufs de sorte à illustrer les fractions, par exemple. J’ai pu représenter des quarts,
des tiers, des huitièmes, des neuvièmes, des demies, etc. Cela a permis aux jeunes de mieux
comprendre le concept de la fraction ainsi que leurs additions et soustractions. En outre, j’avais
apporté plusieurs cartons de couleurs, des crayons-feutres de couleur, des ciseaux, des crayons à
l’encre et du papier collant. Donc, j’ai pu décorer la classe à ma guise. Pour faire le retour sur une
activité d’apprentissage, j’affichais dans la classe avec les élèves les points importants à retenir
(voir annexe 2). Aussi, j’ai instauré mon propre système d’émulation grâce à un système plastifié
que j’avais apporté du Québec. Ceci me permettait de bien gérer le fonctionnement du groupe.
Ça fonctionnait par un système de pointage (voir annexe 3). Chaque élève pouvait amasser des
points quotidiennement sur une base individuelle s’il respectait les règles de vie affichées dans la
classe. À la fin de la semaine, une récompense leur était offerte pour encourager les bonnes
conduites. Durant les activités pilotées par mon enseignant associé, je me promenais dans la
classe et je distribuais des mots d’encouragement sur des papiers en forme de cœur. De ce fait, ils
étaient motivés et j’ai pu capter l’attention des élèves inattentifs et ⁄ou faibles. Ceci permettait
aussi à mon collègue de constater qu’encourager les élèves provoque une motivation qui
maximise les apprentissages. Par contre, pour pratiquer le travail d’équipe, j’évaluais le
comportement global de la classe en sondant les élèves avec un bonhomme content, neutre ou
triste. Je leur demandais de me répondre en levant la main ‹‹Qui pense qu’on a tous passé une
belle journée ?›› en leur montrant le bonhomme content, ‹‹Qui pense qu’on a passé une moins
belle journée ?›› en leur présentant le bonhomme neutre, ‹‹Qui pense qu’on n’a pas passé une
belle journée ?›› en leur pointant le bonhomme triste. J’avais ensuite le dernier mot pour le bilan
quotidien, le choix du bonhomme, et je l’affichais sur un calendrier du stage (voir annexe 4) et à
la fin des deux mois qu’on a passé ensemble, j’ai organisé une journée récompense, une chasse au
trésor et une expérience scientifique, pour les féliciter du bon comportement global de toute la
classe pendant mon stage.
FAMILLE D’ACCUEIL
Pour finir de résumer mon stage, j’aimerais écrire un paragraphe spécial pour ma famille
d’accueil. Une famille de douze m’a accueillie les bras grands ouverts comme leur propre fille et
sœur. Ils ont su s’occuper de moi à la merveille. Dès mon arrivée, je faisais partie de la famille et
je me sentais la bienvenue. Une mère exceptionnelle a pris soin de me prêter une chambre que je
partageais avec une petite sœur géniale pendant deux mois. Elle s’assurait que mes besoins soient
comblés. Bref, je n’ai jamais manqué de rien. Je veux les remercier du fond du cœur pour leur
partage, de la joie de vivre et de leur confiance en la vie. Sans eux, un stage en enseignement au
Sénégal n’aurait pas été possible.
CONCLUSION
En conclusion, ce stage a été réussi haut la main. Évidemment, j’ai développé des compétences
uniques à un stage à l’étranger et j’ai été encadrée concrètement par des enseignants sénégalais,
j’ai pu pleinement répondre aux critères d’évaluation du stage 3 de la formation des maîtres. Dans
le cadre d’un stage de coopération internationale comme celui-ci, j’ai appris tant sur ma future
profession, mais également dans ma vie de citoyenne de ce monde. J’ai axé ce rapport sur mon
enseignement en adaptation scolaire. En tant que future enseignante dans ce domaine, j’ai appris
au Sénégal à m’adapter à toutes situations particulières et à apprendre à réfléchir concrètement
sur les différentes interventions possibles. Plusieurs séances de remédiation m’ont permis d’aider
des élèves grandement en difficulté tout en montrant une approche pédagogique québécoise aux
enseignants sénégalais qui ne connaissaient pas l’orthopédagogie. Qui sait, un jour peut-être
auront-ils une formation initiale des maîtres plus avancés en termes de sciences de l’éducation ?
Marie-Christine Jean-Tremblay
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