William Sheller - Le Trident - Scène nationale de Cherbourg

Transcription

William Sheller - Le Trident - Scène nationale de Cherbourg
© Pierre Anthony Allard
William Sheller
Théâtre à l’Italienne
Jeudi 8 octobre I 20h45 I Chanson
Ouverture de billetterie 26 septembre
Tarif A
Saison 2009.2010
Saison 2009.2010
William Sheller
Composition chant et piano William Sheller
Lumières Jean Philippe Willocq
Son Laurent Buisson
Durée 1h50 avec entracte
1 Trident
William Sheller … Piano Solo
William Sheller est seul au piano sur la scène du Théâtre à l’Italienne. Le lieu et à peine assez
grand pour contenir ses notes de musique. Chansons légendaires ou nouvelles compositions, il
les raconte et elles se mélangent dans cette fabrique à frissons d’où il déroule le fil rouge de
chacune d’entre elles. Un concert ? Plutôt une veillée au coin du feu autour du piano.
« Une pendule arrêtée donne deux fois par jour l'heure exacte. Si vous courez après la mode, vous
avez une grande chance de ne jamais la rattraper. »
William Sheller aime citer ces propos prêtés à Padre Martini, professeur de musique de Mozart,
s'adressant à son élève prodige. Lui non plus ne court pas après la mode, mais sa musique indique
l’heure exacte depuis des années.
William Sheller est un électron libre, hors du temps, inclassable, un funambule qui suspend ses
émotions tantôt espiègles, tantôt sensuelles sur le fil d’une musique fragile et lumineuse.
¾ Dernier album de William Sheller : “Avatars” (Mercury Universal)
2 Trident
William Sheller - Parcours
Tout est clair… A 11 ans, William Sheller sait qu’il sera musicien. Le piano est son instrument. Son
maître de musique, Yves Margat, élève de Gabriel Fauré, le prépare au Prix de Rome. Mais il y a un
grain de sable. S’y dessinent les couleurs de l’Angleterre, des Beatles et, plus généralement, du
rock. William Sheller sera funambule, s’aventurant les yeux fermés sur une autre sphère que celle
de la musique classique, plus large, plus indéfinissable. N’a t-il pas avoué, un jour, avoir
l’impression d’être « un satellite de cette planète d’où je me sens étranger »…
Touche à tout singulièrement doué, il laisse l’inspiration le guider, cette petite (ou grande)
musique intérieure. A la fois homme du passé (« J’aurais aimé vivre au XVIIIe, siècle des lumières,
un grand chamboulement ») et garçon du futur (« La musique est toujours en avance sur les
autres arts. Elle respire l’ambiance. »)
Chez lui, chaque expérience en amène une autre, débouche sur une nouvelle aventure, peut-être
plus exaltante encore. Il se lance au milieu des années 60, en intégrant un groupe de rock. Effet
immédiat. L’une de ses compositions devient un tube. S’il compose une messe rock, c’est pour le
mariage d’une amie. Pourtant, elle arrive aux oreilles de Barbara, qui lui demande d’écrire les
orchestrations de son album La louve. Et le pousse à chanter.
En 1975, il sort donc son premier album. L’une des chansons, la plus anecdotique, la plus
parodique, grattée en cinq minutes, devient un succès sous le nom de Rock n’ dollars. C’est parti.
Les tubes s’enchaînent. Il ne s’en contente évidemment pas. Il compose des musiques de films et
même des spots publicitaires, pour la concision de l’exercice… C’est par accident – les instruments
de ses musiciens restent bloqués en douane – qu’il se met à jouer en piano solo. Un nouveau
tournant. Il s’essaye avec un quatuor. Sa carrière va ainsi avancer entre disques personnels et
expériences classiques.
Un album comme Univers (1987), à l’écriture « faussement archaïque sur des éléments rock » se
nourrit de ses multiples goûts musicaux, à cheval entre plusieurs « univers ». Ce qui n’empêche
pas des chansons comme Le nouveau monde ou Les miroirs dans la boue de passer en radio. Et
c’est parce qu’il estime manquer une chanson à son spectacle qu’il écrit, en tournée, dans une
chambre d’hôtel, le texte d’Un homme heureux, son plus gros succès, qui l’amène vers deux
Victoires de la musique.
Sheller en solitaire se vend à plus de 500 000 exemplaires. En profite t-il pour dérouler sa carrière
en solo derrière son piano, pour étirer sa veine mélancolique ? Bien sûr que non. En réaction, il
s’offre un disque de hard-rock (Albion, 1994) qui en laisse abasourdi plus d’un. Puis il revient à la
chanson pop (Les machines absurdes, 2000), compose pour le quatuor Parisii (2003), se fait
plaisir par un nouveau disque en piano solo (Epures, 2005). Et fête ses trente ans de chanson par
une tournée avec grand orchestre. Homme heureux, peut-être. Homme libre, sûrement.
Michel Troadec
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Les extraits de presse
ParuVendu, 6 au 12 novembre 2008, propos recueillis par Dominique Parravano
Anachronique Symphoman – William Sheller
Avec son allure de professeur de pensionnat anglais et ses images d’odeurs de greniers, d’encres
bleues et de gommes arabiques de notre enfance, William Sheller est un artiste hybride, aussi
singulier qu’insaisissable, fils spirituel de Mozart et de John Lennon, avec ces mots nobles et notes
sentimentales à la sensibilité baroque. Il est l’un des rares chanteurs français à avoir construit son
répertoire sur la base d’une exceptionnelle formation classique. Avec, en filigrane, le paradoxe
d’avoir connu son plus gros succès avec un piano-voix, Un homme heureux, alors que la majeure
partie de son œuvre s’articule autour de pop songs symphoniques. Plus de trente ans ont
désormais filé depuis Rock’n’Dollars, suivi de tubes imparables et d’inestimables tableautins de
grand maître, habillés des sonorités d’un tissu mélodique toujours de belle facture, d’une
ribambelle de chansons buissonnières glanées sur les chemins de traverse du solitaire itinéraire…
Rencontre avec cet artiste discret à l’ouïe délicate et savante qui n’en finit pas d’inventer et de se
renouveler, dont les chansons se hissent très au-dessus des usages courants des variétés, refusant
les catégories et plaçant haut Stravinsky, les Beatles et Pierre Boulez.
Rares sont les chanteurs de variété à se lancer dans des œuvres musicales classiques. Certaines
de vos compositions étaient programmées à côté d’œuvres de Mozart, Berlioz et Ravel, en
janvier, au Théâtre du Châtelet, pour le dixième anniversaire de l’Orchestre OstinatO. Un
souvenir ?
Au Châtelet, j’ai surtout aimé participer à ce concert célébrant les dix ans de ce jeune orchestre
qu’est OstinatO. J’en garde de bons souvenirs. Je souhaite faire de la distraction intelligente. Pour
moi, la frontière est ténue entre le savant et le populaire. J’aime jouer avec l’émotionnel issu des
différents genres. Je ne pastiche rien, je me nourris de tout.
Comment réagissent les mélomanes ?
Certains comprennent tandis que d’autres sont éternellement condescendants. Tout cela m’amuse.
Est-ce la raison pour laquelle vous n’avez jamais tranché et que vous restez inclassable ? Car,
ne pensez-vous pas que la liberté de passer d’un genre à l’autre est mieux acceptée à présent et
davantage à l’étranger. Procol Harum, Pink Floyd, les Beatles, ont mélangé les genres…
Je tiens à garder mon intégrité artistique. J’aime les mélanges des genres. C’est plus enrichissant
et exaltant. J’aime les bouillons de culture. Tout cela est quand même très français mais cela
bouge. On manque d’ouverture d’esprit dans la musique. Elle est plus sectaire que les Beaux-Arts.
L’art est ambigü, instinctif, il n’est pas toujours là où on l’attend, il pose des questions, interpelle.
L’artiste devrait cultiver l’ambiguïté tout en gardant des repères pour entraîner l’auditeur ou le
spectateur vers des chemins différents de ses habitudes.
Avez-vous de nouveaux projets dans le domaine « classique », l’écriture d’un opéra ?
Oui, j’aimerais écrire un opéra. J’en rêve ! Pour le livret, j’ai le nez plongé dans les Christmas Carols
de Dickens. Je voudrais mélanger des voix lyriques et des voix de chanteurs de variété sans que ce
soit une comédie musicale.
Vous sortez Avatars, un album « concept » où vous proposez en chansons de prendre part à un
monde, sorte d’eldorado, de pays de cocagne : « Un univers où tout abonde, d’un éternel été,
une vie où se confondent rêve et réalité, où ne reste à trouver que le simple et long bonheur
d’aimer ». Pour quelle raison ? Est-ce parce qu’on vous a trop souvent reproché d’être
mélancolique ?
Oui, un peu, c’est vrai. Je me promène dans des mondes virtuels et on s’aperçoit que l’être humain
recommence toujours les mêmes erreurs, les mêmes errements et égarements. L’homme est
désespérément incurable ! Alors, j’ai eu l’idée de proposer de prendre part à un monde dont les
images sont idéales puisque transcendées par sa propre imagination. Quitte à ne plus être soimême au final que le reflet de son propre avatar ? D’entrée, la promesse est ronflante, on nous y
offre de tout et pour tous.
Cet album est moins intimiste que le précédent avec des mélodies plus alertes…
Ah oui ! J’avais envie de pouvoir le chanter sous la douche avec plus de guitares, de saxo ! J’y ai
mêlé des partitions qui attendaient de se rencontrer dans un coin de mon disque dur. J’avais envie
de mélodies bien dessinées. C’est amusant comme on est rapidement dans le registre du visuel
quand on tente de parler de musique !
Et, une fois encore, c’est bien léché et abouti…
Oui et c’est du boulot ! En musique, j’aime que cela soit léché mais que l’auditeur ait une
impression de facilité, de fluidité C’est peut-être à force d’avoir regardé travailler quand j’étais
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jeune dans les coulisses de l’opéra tous ces compagnons, tous ces hommes de l’art. Mon grandpère m’a légué le goût du travail abouti. La musique, comme le théâtre ou le cinéma, est un art
« potentiel ». Il leur faut un interprète pour se révéler. Et puis, il faut écouter jusqu’au bout une
œuvre musicale pour la juger, attendre la mélodie, une note, celle d’après. Comme au théâtre, une
réplique, puis une autre. C’est un vrai travail d’artisan.
Une fois encore, vous contez en filigrane la cruauté de l’existence et les amours laborieuses. Ce
sont vos thèmes de prédilection ?
Oui, je suis un peu imprégné de l’époque et de ce que j’ai vécu. Je suis pétri de plein de choses et
j’observe mes contemporains. Sur cet album, j’ai beaucoup travaillé sur l’image.
Je voulais qu’en peu de mots, on voie des images, on ressente des ambiances. Tout artiste est
témoin de son temps.
La nostalgie est très présente dans cet album avec le titre Félix et moi, entre autres. Ëtes-vous
nostalgique ?
Comme tout le monde, un petit peu, sur certaines périodes de ma vie, notamment l’adolescence
Dans cette chanson je retrace la nostalgie des illusions d’ados où « rien n’y a changé si ce n’est
seulement que l’eau n’y est plus si claire… »
Et, que pensez-vous de l’époque où on exploite la nostalgie de manière mercantiliste, où le
passé se conjugue à toutes les sauces ?
Cette nostalgie-là est différente et m’effraie. C’est un manque de projection dans l’avenir On
retient les murs pour ne pas qu’ils tombent ! C’est affligeant ! La jeunesse vit et écoute de la
musique qui a été faite il y a 40 ans ! On recycle, faute de prendre le risque de créer.
L’atmosphère de vos chansons ne respire pas beaucoup la gaieté. Vous aimez la mélancolie
c’est un état émotionnel créatif pour vous ?
Peut-être ai-je été traumatisé par le tube Rock’n’dollars et son « Donnez-moi madame s’il vous
plaît du ketchup pour mon hamburger » ! Cette chanson m’a permis de m’installer dans le
paysage artistique mais on attendait toujours le type qui allait chanter en larges pantalons et qui
ferait rigoler. Je ne le regrette pas mais ça m’a enfermé dans un style dont j’ai voulu sortir. J’ai un
penchant mélancolique effectivement. J’aime la mélancolie, mais il ne faut pas la confondre avec
la tristesse. Elle a quelque chose de plus sensuel. C’est un état émotionnel propice à la création,
un sentiment entre deux eaux. Il faut rester en deçà du bonheur pour se préserver un espace
d’espoir, sinon c’est un cul-de-sac.
Dans la chanson Jet Lag, vous dites que ce ne sont pas les êtres qui vous manquent, c’est le
besoin que l’on avait d’eux. C’est un tableau cruel et lucide des relations humaines ?
C’est atroce mais c’est vrai ! C’est du vécu !
N’êtes-vous pas un peu misanthrope par moment ?
Oui, c’est vrai. Souvent, je suis fâché avec le genre humain et plus ça va, pire c’est !
Vous analysez l’humain contemporain dans cet album et même souvent comme un
entomologiste !
C’est tout à fait ça et j’adore ça ! L’être humain est passionnant pour un artiste comme moi. J’ai
relu Machiavel, il n’y a pas si longtemps, et rien n’a changé !
Vous abordez aussi le thème fellinien de l’artiste finissante, dans Music hall. Belle chanson sur
la solitude de l’artiste…
Oui, je venais de lire L’envers du Music Hall de Colette où elle nous fait glisser derrière le rideau et
nous intéresse à la condition des artistes. Entre misère et amour pour l’univers du spectacle, elle
dresse de sa plume quelques portraits de ses compagnons de tournée. Et du coup, j’ai eu l’idée de
cette chanson où on se demande si l’artiste finissante devra encore demain « … partir à l’aube
dans le fond d’un mauvais train », enfumée dans la solitude de son compartiment, après son
spectacle, dans un vieux théâtre ou cabaret un peu défraîchi.
L’artiste qui vit dans sa solitude, c’est un peu vous, non ?
La musique mène à la solitude. La solitude m’est indispensable pour créer.
De plus, vous avez un côté Pierrot lunaire, l’anti-star, qui vit dans son univers, à la campagne, à
l’écart du showbiz…
Il y a deux manières de concevoir le métier d’artiste : le vedettariat ou la création, le paraître ou
l’être. Il faut choisir si l’on veut être musicien ou faire de la promo, alimenter la presse people ou
se concentrer sur sa création. Je me contente de réapparaître de temps en temps dans les médias
pour présenter mon travail. Je n’ai pas envie de faire la vedette ! Entre-temps, je vis des aventures
musicales qui m’intéressent. La foule me fait un peu peur sauf sur scène parce qu’il se passe
quelque chose de fort avec le public.
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Vos chansons sont d’ailleurs souvent peuplées de maisons vides, de femmes absentes. Vous
ressemblez à ce personnage ?
C’est ressemblant, oui. Des maisons vides, il y en a beaucoup. J’ai besoin de vide, de silence total.
Il y a des moments où ce n’est pas drôle à assumer, mais c’est comme ça qu’on vit le mieux avec
moi. Je m’y suis fait. C’est dur de vivre avec quelqu’un. Ce n’est pas facile de partager sa vie.
Chanter, raconter des petites histoires avec une musique narrative, c’est ce que vous préférez ?
Tout à fait. Ce qui prime, c’est la musique. Les mots sont souvent un pensum. Quand j’écris mes
chansons, j’enregistre d’abord toute la musique et après, je mets un texte. Une mélodie ne se
conçoit pas, elle tombe dans la tête. J’aime chanter, raconter des petites histoires avec une
musique narrative.
On vous sent plus compositeur que chanteur…
Composer est mon métier de base. Quand Barbara m’a dit : « Tu devrais chanter », je lui ai
répondu : « Je n’ai pas de voix ». Elle a rétorqué : « Tu n’es pas un chanteur, tu es un diseur ». Je
m’écris donc du sur-mesure ! Je me sens avant tout artisan. Quand je compose, je « sens » des
images. D’ailleurs, quand j’écoute de la musique, je dessine des choses abstraites, des ombres
portées. Chaque note a une couleur pour beaucoup de musiciens ; ensuite, l’écriture vient coller des
mots, illustrer ces images ; C’est un travail d’horlogerie.
Le surréalisme, c’est ce qui vous correspond le plus ?
Oui, je me sens proche du surréalisme. J’ai un attachement particulier pour Eluard, Cocteau Prévert
ou à l’opposé, Valéry, voire carrément Anna de Noailles. J’aime les mots à double sens, les phrases
à double entendement. Et aussi, le côté déjanté de Dali, de Magritte.
Depuis votre enfance, vous êtes immergé dans des bains culturels multiples. Comment vous
êtes-vous déterminé dans vos choix artistiques car votre père était un musicien de jazz
américain, votre famille maternelle française travaillait dans le théâtre, vous avez vécu un peu
aux Etats-Unis, votre grand-mère était ouvreuse au Théâtre des Champs-Elysées, et votre
grand-père décorateur à l’Opéra Garnier ? Rien que ça !
Mon père était un musicien de jazz américain, ma famille maternelle française travaillait dans le
théâtre. A l’âge de trois ans, je suis parti vivre aux Etats-Unis où j’ai côtoyé, avec mes parents les
plus grands jazzmen. A sept ans, je suis rentré en France. Ma grand-mère, ouvreuse au théâtre des
Champs-Elysées, et mon grand-père, décorateur à l’Opéra Garnier, m’ont permis d’assister à des
centaines de spectacles, côté scène comme côté coulisses. J’ai même été contrôleur au Théâtre
des Champs-Elysées. C’est d’abord la musique classique qui m’a attiré et j’ai été formé par un
élève de Gabriel Fauré. Jusqu’au jour où une amie m’a fait découvrir les Beatles et où je suis entré
dans un groupe de rock.
Avez-vous envie d’écrire pour d’autres ?
Oui, des artistes comme Françoise Hardy, Isabelle Boulay ou Johnny Hallyday.
Johnny !
Ah oui ! Il a une telle puissance, force et énergie. J’ai aimé sa période Rythm and Blues. J’aurais
envie de lui écrire du rock. C’est quelqu’un de très intéressant. J’aurais vraiment aimé faire du rock
à un haut niveau.
Etes-vous satisfait de votre parcours ?
J’ai fait mon boulot correctement, je pense. Je ne suis pas mécontent de ce que j’ai fait. Cela me
satisfait d’avoir la chance de faire un métier que j’aime, de vivre de ma plume et de ma musique
Je suis fier de rester dans la mémoire des gens. Ça me rend heureux.
A l’époque, vous avez fait entendre votre différence avec de la chanson à texte et la luxuriance
des arrangements anglo-saxons. Une pop tranquille à la française mais sans la candeur de
Berger, le sentimentalisme de Souchon ou l’extraversion de Sanson…
Tout à fait, bien que j’ai toujours eu le sentiment d’avoir fait partie de la même famille qu’eux.
Demain, le chanteur s’éclipsera-t-il derrière le compositeur ?
Sûrement mais c’est embêtant de se dire qu’on s’arrête.
Pour finir, Gainsbourg a déclaré que la chanson de variété était un art mineur par rapport à la
musique classique ou à la peinture qui exigent une initiation, un apprentissage. Qu’en pensezvous ?
Je ne pense pas qu’il y ait de hiérarchie à établir. La chanson est peut-être un art mineur par
rapport aux Beaux-Arts mais elle est un bon vecteur pour la poésie contemporaine. Par exemple,
on connaîtrait moins bien Aragon si ses poèmes n’avaient pas été mis en chanson. Et puis, on
présente la peinture comme des « Beaux-Arts » alors qu’il y a beaucoup de mauvaises peintures et
d’affreux bâtiments en architecture !
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Rolling Stone, novembre 2008, interview réalisée par Philippe Barbot
Ce matin, Monsieur William est fatigué, mais satisfait. Dehors, il pleut des hallebardes, l’orage
inonde jusqu’au perron de sa maison et un journaliste squatte son salon mais il n’en a cure. Car
cette fois, ça y est, son disque est terminé. Hier, il est rentré de Londres avec, sous le bras, le
précieux CD enfin masterisé. Trois ans déjà qu’il a entrepris l’écriture et l’enregistrement de cet
album, une quête harassante qui a vu défiler moult musiciens dans plusieurs studios et même
subi le remplacement de l’ingénieur du son. Le résultat s’intitule Avatars, première œuvre
discographique de William Sheller depuis Epures, voici quatre ans. Un disque qui risque de
surprendre plus d’un amateur frileux du créateur d’Un homme heureux. Cette fois, plus de piano
solitaire ni de gammes intimes pour tourments égrenés, mais une véritable symphonie rock, une
comédie musicale pop aux explosions à la fois organiques et électriques, avec ruissellements de
cordes et solos de guitares, cuivres branques et breaks de batterie, chœurs distordus et effets
stéréo. Quelque chose comme un mélange de Sgt Pepper’s et de Pet Sounds, avec des bouts de
Tommy dans les coins.
Quand on lui fait remarquer que l’ensemble sonne très opéra rock à la mode sixties, Monsieur
William esquisse un sourire : « Il y a tant de musiciens aujourd’hui qui passent leur temps à imiter
Oasis… Mieux vaut replonger à la source, surtout quand, comme moi, on a vécu cette période. » A
l’époque, milieu des années soixante, tout frais émoulu du Conservatoire, le futur William Sheller
se destinait sagement à une carrière de compositeur classique. Jusqu’au jour où il entend une
chanson des Beatles intitulée A Hard Day’s night. Coup de foudre : « Cette musique, c’était tout ce
dont je rêvais confusément : » Adieu solfège, contrepoint, harmonie, voilà notre Mozart en herbe
qui rejoint un groupe de rock, lucidement baptisé The Worst, pour entreprendre une tournée des
bases américaines de l’Otan : « On était sacrément mauvais, on reprenait les Beatles, les Animals
ou le Spencer Davis Group, devant un parterre de GI’s plus ou moins avinés. Moi je chantais et
tapais dans un tambourin, il y avait un gars qui jouait d’un orgue Farfisa rose bonbon, au son
épouvantable mais idéal pour reproduire le riff de 96 Tears de Question Mark. Le week-end, il y
avait deux ou trois prostituées qui mettaient de l’ambiance, on avait droit au soldat bourré qui
redemandait Yesterday pour la cinquième fois, et de l’autre côté un énorme sergent black
menaçait : « Si vous rejouez ça, je vous pète la gueule ! » C’est là que je me suis aperçu que le
rock, ça ne s’apprenait pas au conservatoire… »
Aujourd’hui, dans la cave-studio de Monsieur William non loin des ordinateurs et de la console de
mixage, est soigneusement rangée l’intégrale des partitions des Beatles… juste à côté de la
collection complète des cassettes vidéo de Mr Bean, de Tex Avery ou de la série Absolutely
Fabulous. C’est que Monsieur William a de multiples facettes. L’homme qui a pondu My Year Is A
Day, le tube 67 du groupe américain les Irresistibles, serait-il le même que celui qui écrit,
enregistre et fait jouer oratorios et concertos ?
Quel rapport entre le compositeur de la musique du film Erotissimo et celui de Lux Aeterna, une
messe en latin ? Et que peuvent avoir en commun le chanteur yéyé qui publia voici quarante ans
une scie intitulée Rock’n’dollars (un tantinet inspirée, il l’avoue volontiers, du Monkberry Moon
Delight de Paul Mc Cartney) et l’artiste pianiste qui se produit parfois sur scène entouré d’un
orchestre symphonique ? Cette apparente dichotomie ne date pas d’hier : « J’ai toujours fureté
dans les musiques qui m’intéressaient. A mes débuts, mon idéal musical devait ressembler à une
sorte de croisement d’Elvis et de Wagner. Quand sont apparus des groupes comme Procol Harum,
accompagné par le London Symphony Orchestra, ou Pink Floyd, époque Atom Heart Mother, j’ai
compris que j’étais sans doute dans le vrai. Je me suis dit qu’en tant que compositeur, il me fallait
m’ouvrir, m’adresser à tout le monde. Il est plus difficile d’être un artiste accessible qu’un génie
incompris. Mon ambition n’a jamais été d’avoir un buste en bronze dans un square, avec un pigeon
qui te chie sur la tête. »
Depuis, William le conquérant na cessé d’alterner variétés classiques et musiques classieuses, pop
pimpante et heroic fantasy chansons « nobles et sentimentales » et aventures expérimentales. A
l’image de cet iconoclaste album intitulé Albion, en 1994, étonnant condensé de rock bruitiste,
boudé à l’époque par le public et devenu aujourd’hui disque « culte », comme on dit chez les
soldeurs. Ou de cet Excalibur, sidérante tranche de science-fiction punk, illustrée par le dessinateur
Philippe Druillet, il y a une vingtaine d’années.
Il faut dire que Monsieur William, c’est lui qui l’affirme, est tombé dedans quand il était petit. Né
d’un père américain et d’une mère française, après une courte enfance aux Etats-Unis dans un
bled de l’Ohio, il a été élevé à Paris par ses grands-parents, tous deux employés au théâtre du
Châtelet. A six ans, il gambadait dans les cintres et batifolait dans les coulisses ; à onze ans, il
avait décidé d’être musicien : « Grâce à cette enfance, la musique a toujours été pour moi
synonyme de féerie. Un enchantement une magie, mais qui doit résister au temps. Mon grandpère, qui était décorateur et charpentier, me disait : « Tu vois, on fabrique une chaise pour pouvoir
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s’asseoir dessus pendant trois cents ans. Si un jour elle ne te plaît plus, hop, tu la mets au grenier.
Mais si un siècle après on manque de chaises, il faut qu’on puisse la ressortir et s’en resservir. La
musique, c’est pareil. »
Depuis, Monsieur William façonne ses chaises musicales avec la conscience d’un artisan
scrupuleux. Tout ça parce qu’un beau jour, une duchesse brune prénommée Barbara a dit à un
blanc-bec qui grattait du papier à musique, « Tu devrais chanter ! » Résultat, près de quarante
ans de photos souvenirs, qui ont vu défiler en vrac une maman folle et un vieux rock’n’roll, des
filles boréales et un coureur automnal, des miroirs boueux et des dépressions hivernales, autant de
courts métrages fiers et fous, peaufinés par un éternel amoureux transi à la lyrique mélancolie :
« On me taxe souvent de romantisme, mais le romantisme, ça n’est pas les petits oiseaux et les
cheveux dans le vent. C’est la folie, l’expression de la noirceur de l’âme. Quelque chose entre
Chopin et Sid Vicious… »
Dans une pièce trône un quart de queue Yamaha, surmonté d’un poster de… Milou. C’est sur ce
piano que notre petit reporter du clavier fait ses gammes, esquisse ses mélodies et qu’il a
composé la chanson qui le symbolise sans doute le mieux aux yeux du public, l’inévitable Un
homme heureux ; « J’ai trimballé la mélodie pendant deux ans. Un soir à Périgueux, au cours d’une
tournée, les musiciens m’ont réclamé un morceau nouveau. J’ai écrit le texte dans la chambre
d’hôtel. Il partait d’une remarque que je m’étais faite : souvent, les vieux couples finissent par se
ressembler. Moi, je vivais une période de solitude, je me demandais pourquoi ce qu’il y a de bon
n’arrivait qu’aux autres… J’ai tiré le fil et la chanson est venue. Je n’imaginais pas un tel succès
mais je sentais que je tenais un truc assez solide pour rester dans l’oreille, faire partie de la vie
des gens, de leurs souvenirs. C’est émouvant pour un compositeur de chansons… »
A l’origine, la chanson a été enregistrée presque à la sauvette, tout au bout d’un disque live
intitulé Sheller en solitaire. Une des meilleures ventes de l’énergumène : « Tout le monde a trouvé
étonnant qu’un petit disque enregistré en public, avec un type seul au piano, remporte un tel
succès. Mais, il n’y a pas de miracle, c’est le résultat d’années de travail. L’idée m’est venue dix
ans avant, un soir à Bruxelles. Mes musiciens étaient restés bloqués à la frontière et j’ai dû donner
le concert tout seul. Le public, loin de s’ennuyer, en redemandait… Un concert en solo réclame à la
fois de la rigueur et de la fantaisie. Il ne faut jamais oublier le côté spectacle. »
Rigueur et fantaisie, à l’image de ce tout nouvel album, sur la pochette duquel il pose grimé en
toutou moustachu, sanglé dans une redingote très XIXè siècle, à la façon des portraits bizarres du
peintre américain Travis A. Louic. Le dernier avatar d’un Sheller qui a toujours cultivé look étrange,
entre Tintin et Elton John, et discrétion exemplaire. Depuis quelques années, il vit au cœur de la
Sologne, dans une villa nichée au milieu d’un parc, avec potager clos et lapins qui cavalent sur le
gazon. Dans le salon, décoré d’originaux de Bilal, Moebius ou Druillet, trône un gigantesque écran
plat de télévision perpétuellement branché sur la chaîne Mosaïque. « Comme ça, je peux grappiller
ce que je veux, c’est comme en musique, j’aime fouiner. Je ne suis pas forcément le solitaire
taciturne qu’on décrit parfois, même si ma carte, au tarot, c’est l’ermite. Avec mes copains, j’adore
rigoler. Mais c’est vrai que je ne fréquente pas le monde du show-bizz et que les potins people ne
me passionnent pas. Je préfère inventer mes propres histoires. »
Des histoires, Avatars, le nouvel album en fourmille. Comme un grand conte musical, un recueil
aux enluminures sonores bourrées de clins d’yeux aux classiques de la pop anglaise : ici une
guitare à la Harrison, là des cors façon « Orchestre du Sergent Poivre », ailleurs une ligne de
basse que n’aurait pas reniée John Entwistle. Onze morceaux intrigants et variés, reliés par divers
bruitages et intermèdes, qui racontent l’épopée mystérieuse d’une Lady Eloïse aux lourds secrets,
la légende du triste Tristan, les souvenirs du copain Félix ou les aventures du chat Spyder, avec
une profusion d’arrangements et de détails acoustiques qui laissent l’auditeur aussi pantois qu’un
gamin devant les contes d’Andersen. On y croise des dames endimanchées et des chevaliers
rouillés, des veilleurs de nuits glauques, des artistes de music-hall et des danseurs de camping,
ça batifole de rock symphonique en fox-trot bastringue, de fanfares pop en juke-box ivres. Une
sorte de condensé du savoir-faire de Sheller, symphoman et homme orchestre, rocker lyrique et
raconteur pop, machiniste absurde et pianiste futuriste, virtuose et équilibriste, jongleur et bateleur,
chanteur à la voix blanche dans un univers polychrome.
« Ecrire des chansons, c’est inventer des personnages. On a des images dans la tête, il faut
trouver les mots pour les exprimer, les tordre, zut, y a une patte en trop, c’est bancal, alors on
recommence. Il faut coller à la musique, être cruciverbiste et orfèvre, c’est ce qui me fait transpirer
le plus. Je ne suis pas auteur mais je mets un point d’honneur à écrire mes textes. Parfois, on m’en
envoie, mais ils sont souvent écrits à travers la vision qu’on a de moi. Style, il a chanté Un homme
heureux et Mon hôtel, alors on va lui faire Un hôtel heureux… une chanson ça se construit comme
une maison : d’abord les fondations, puis les murs et enfin les accessoires, la décoration. Quand
on chante il faut ajouter une part de théâtre, être schizophrénique, endosser ses personnages. C’est
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toute la différence entre un Brel qui vivait littéralement ses chansons et, disons, France Gall, qui
les chantait et c’était sympa… » Dans la mythologie hindoue, le mot « avatar » signifie
« métamorphose ». Finalement, il n’a pas beaucoup changé, Monsieur William, malgré ses divers
Univers et autres Ailleurs. Le blondinet en baskets rouges de l’époque du Carnet à spirales est
certes devenu un artiste respectable primé aux Victoires de la Musique et décoré du titre de
chevalier des Arts et Lettres (« La croix du Mérite national, on a voulu aussi me la décerner, mais
il fallait aller l’acheter soi-même, alors par flemme j’ai décliné… »). Mais il a su garder intacte sa
passion pour la musique, toute la musique. Entre deux morceaux des Artic Monkeys, son dernier
groupe préféré, il lui arrive d’écouter, lui le compositeur féru de Stravinsky, de Fauré et de Boulez,
les disques de… Marilyn Manson. Ses petits-enfants, qu’il va souvent chercher à l’école le jeudi,
sont-ils au courant ? L’intemporel Monsieur William est aussi un sacré grand-père. Comme il dit :
« Rock et classique, c’est la même terre. Quand je passe de l’un à l’autre, je n’ai pas l’impression
de changer de pays. Si je n’avais pas choisi la musique, j’aurais aimé être ethnologue. La musique
et l’ethnologie, c’est la même chose : un regard sur la vie. »
La Tribune, le vendredi 31 octobre 2008, J.-C. C.
William Sheller et ses avatars
Le grand William est de retour. Et c’est du bon, du très bon Sheller. Celui qu’on aime. Capable de
fusionner son influence classique avec le meilleur de la variété pour offrir aujourd’hui 12 titres aux
styles éclectiques, conçus comme autant d’avatars (un avatar étant, dans la mythologie
hindouiste, l’incarnation de la divinité suprême sur terre). Avec son attaque symphonique, ses
violons très présents… Avatars, le premier titre, résume à lui seul le savoir-faire de William Sheller.
On glisse ensuite vers un style plus rock. Jet Lag, sonne même étrangement comme du… ACDC.
D’autres morceaux – aux accents des Beatles (Sheller les adore) – se révèlent nettement plus
influencés par la pop des 70’s. Se glissent aussi ici des ballades intimistes, telle Félix et Moi. Le
piano, que Sheller maîtrise à la perfection, est omniprésent sur Blackmail. Music-hall laisse éclater
son sens de la mélodie. Au final, ces Avatars s’imposent comme un véritable melting-pot du savoir
faire de William Sheller. De quoi combler les fans et conquérir les néophytes.
Aujourd’hui-leparisien, le 30 octobre 2008, Emmanuel Marolle
C’est l’air Sheller. Un visage marqué par le temps, des fripes d’adolescent : bermuda, baskets,
chemisette XXL. « Je me suis toujours habillé comme ça, c’est ma jeunesse, les années 1960
rétorque l’intéressé, amusé. Et puis, à 62 ans, j’ai envie d’être à l’aise. Regardez Polnareff dans son
truc de cuir l’an passé, c’était pas terrible. »
William Sheller a peut-être pris un petit coup de vieux. Mais son esprit bouillonne comme un jeune
homme. A l’image d’Avatars, nouvel album, sorti lundi, où il renoue avec son rock symphonique
entre guitares électriques et cordes classiques, après une escapade seul au piano le temps
d’Epures en 2004. « Oh, mais ça, c’était juste une parenthèse, un brouillon fait à la maison,
tempère-t-il. Parce que sinon, je veux sortir du piano-cercueil, de l’artiste mélancolique et de
L’Homme heureux. Ce tube, c’est un boulet en or. J’en ai un peu marre. ». Le musicien dégage ainsi
une nonchalance de revenu de tout, veillant à ne « s’enfermer dans rien ». « Il y a un vrai
ralentissement de la création aujourd’hui. On essaie de produire à peu de frais la même chose que
ce que le voisin a vendu. Il n’y a plus d’aventure, à part des gens comme Camille. Sinon, on tente
juste de tenir les murs pour que ça ne s’écroule pas. »
Sheller vogue loin de cela. Son album a coûté cher mais sa maison de disques le suit. « Je fais
partie des dinosaures pour elle.
[…] Pour un peu, il passerait presque pour un vieux bougon anachronique quand il parle de
l’enregistrement d’Avatars. « Moi, j’aime écrire la musique chez moi, puis réunir plein de musiciens
et enregistrer tous ensemble en studio. Mais en France, ce n’est plus possible. Il n’y a plus de
maintenance. J’étais consterné. Tout le monde fait ses disques chez soi et n’utilise plus de vrais
studios. Moi, ça, ce n’est pas mon truc. »
Sheller n’en est pas pour autant réactionnaire. Au contraire. Les Avatars de son album ne sont pas
loin de ceux qui circulent sur les mondes virtuels du Web. « Internet est un outil fascinant, qui m’a
permis de récupérer des vieux trucs à moi que j’avais perdus, des enregistrements pirates que l’on
pouvait télécharger. J’ai également mis en ligne tous mes anciens clips puisqu’ils ne passent plus
à la télé. Et puis les mondes virtuels, j’en parlais déjà dans mon album Univers en 1987. Certains
textes étaient alors pris pour des trucs fachos. Aujourd’hui, ces mêmes chansons ont inspiré des
vidéos à des mômes que l’on peut voir sur Dailymotion. Cela me rassure. J’ai le sentiment d’être
plus compris qu’à l’époque. »
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Le Monde, le 25 octobre 2008, Sylvain Siclier
William Sheller et la pop cultivée
Rencontre avec le chanteur pour la sortie d’ Avatars
L’exercice de la promotion n’est pas le passe-temps préféré de William Sheller. Mais quand il faut
y aller, autant prendre le temps de la conversation, sans chronomètre en main. Trois ou quatre
rendez-vous par jour, un peu de temps passé à Paris, ville que Sheller a quittée en 2001 pour aller
vivre en Sologne. Pour ces rencontres, le chanteur, pianiste, orchestrateur, auteur et compositeur a
ses habitudes au restaurant La Rotonde, à Montparnasse. En fond de salle, une table, une alcôve.
« C’est un bon rythme. On ne se retrouve pas à se demander si ce que l’on vient de dire n’était pas
une réponse à celui qui précédait ou qui suivra. Et sur la durée, il y a toujours des perles. On m’a
demandé à propos des chansons Tristan et La Longue Echelle avec ses personnages prisonniers
dans un livre, si tout cela n’avait pas un rapport avec la perte de la littérature… Mais où va-t-on,
là ? » Mimique de celui qui sera toujours étonné de la sur-interprétation de ses textes.
Tristan, La Longue Echelle, ce sont deux des douze chansons de l’album Avatars, à paraître le 27
octobre. Un nouveau Sheller studio, trois ans après Epures, « enregistré chez moi, avec mon piano
et la qualité qu’il a, quelque chose de brut », six ans après Les Machines absurdes, qui marquait
son entrée dans le nouveau siècle pour « voir ce qu’était le sample, le travail avec l’informatique ».
Avec ces cordes et cuivres, beaucoup de guitares, des rythmiques, des tourbillons de voix, Avatars
met en relief la part pop et rock qui a structuré la pensée musicale de Sheller. Le son anglais des
années 1960 et 1970, des Beatles, de Procol Harum, des Moody Blues, les expérimentations de
King Crimson… « il y a cette écriture d’une époque qui se découvrait au jour le jour dans
l’expérimentation, le mélange. Il y avait une telle soif de faire plus avant-garde que le copain, de
trouver des sons ! Un nouveau truc chaque semaine. »
Né le 9 juillet 1946, Cité des fleurs, dans le 17è arrondissement de Paris, William Hand – il prendra
pour nom de scène Sheller au milieu des années 1960 – a étudié la musique classique. Piano,
classes d’écriture (contrepoint, fugue, harmonie), composition, de Bach à la musique sérielle. Et
très vite, le choc des Beatles. Classique et pop dans la tête et les doigts.
« C’est Barbara qui m’a poussé à chanter », répète-t-il régulièrement. Rock’n’dollards, Photossouvenirs, en 1975, Dans un vieux rock’n’roll, Le Carnet à spirales, en 1976, J’me gênerai pas pour
dire que j’t’aime encore, Fier et fou de vous, en 1978 imposent des mélodies qui s’inscrivent dans
la mémoire.
Ecrire « à la table »
« Je croix être un musicien aventureux, aventurier », dit William Sheller. Il va voir ailleurs. Il
compose des musiques de film, délaisse les orchestrations pour le solo piano et voix, écrit des
formes symphoniques ou concertantes, vire un coup vers le hard-rock, un coup vers le quatuor à
cordes… Le 25 janvier, au Théâtre du Châtelet, à Paris, sa Symphonie Sully était au même
programme que Mozart, Berlioz ou Ravel (Le Monde du 26 janvier).
Difficile de mettre Sheller dans une case toute faite. « Ah si, il y a l’image du romantique, du
solitaire mélancolique au piano qui est venue avec la chanson Un homme heureux (en 1991). En
concert, si je ne la chante pas c’est le goudron et les plumes. C’est un point de repère pour le
public, je ne m’en plains pas. Mais ce n’est qu’une petite partie de moi. Et quand j’ai quitté Paris,
j’ai été intronisé Sheller l’ermite. »
Il a appris à écrire « à la table », en entendant la musique dans sa tête avant de la noter sur une
partition, mais il s’est mis de longue date au logiciel informatique de composition. Avatars est né
de son observation des sites relationnels ou de réalité virtuelle comme MySpace ou Second Life.
« Ces gens qui s’inventent des vies, des rencontres, qui ont des « amis » que j’ai observés avec un
petit œil d’ethnologue ». Et les techniques de manipulation du son les plus en pointe lui sont
certes familières, « mais, dit-il, je préfèrerais toujours des musiciens qui jouent ensemble lors des
séances d’enregistrement. Et sans ce clic qu’on vous met dans les oreilles pour être pile sur le
tempo. La musique cela doit bouger imperceptiblement pour qu’il y ait une vie, un souffle, une
respiration. Même sur scène il y a des clics maintenant ».
Sheller n’est pas un adepte du « c’était mieux avant », mais se sent décalé quand une grande
partie des musiques d’aujourd’hui se font « en référence à… » Il y a eu le retour à la pop, après le
retour de la soul, le retour du rock… trop souvent dans la citation pas assumée, genre c’est tombé
du ciel ». De ce qu’il regarde et écoute sur Internet, il retient surtout un son global, très formaté.
Trois accords façon pop anglaise, des arabesques vocales pour le R’n’B, des synthés années 1970
et 1980 pour la techno. « Je n’ai pas l’impression que la jeune génération crée la musique de son
époque, ni l’expression du présent. Mais peut-être sommes-nous dans une impasse où la création
ne peut se faire qu’à partir du pastiche.
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