Nombres 21, 4
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Nombres 21, 4
Dimanche Judica 5ème du Carême 25 mars 2012 Nombres 21, 4-9 Alice Duport L’épisode se situe pendant l’Exode, alors que les Israélites approchent du pays promis. Ils se heurtent à des populations hostiles. Aaron est mort. Le temps paraît long et quand il faut faire un détour supplémentaire si près du but, l’impatience se fait sentir. « Le peuple perdit courage (eu le souffle court) en chemin. Il se mit à critiquer Dieu et Moïse » Le récit de l’Exode est une suite de critiques du peuple, dès que le succès n’est pas immédiat Ex 5, 20ss, avant même le passage de la Mer des Joncs Ex 14, 11ss, puis dans le désert à cause de la soif, de la faim, de la nostalgie du confort de la vie en Egypte, où malgré la servitude, les marmites étaient pleines, Ex 15, 24 ; Ex 16, 2ss. L’impatience du peuple ou son découragement, ne sont pas en soit condamnables. Ce que Dieu punit, c’est de retourner à dessein la confession de foi première v.7. Le Dieu qui libère devient le Dieu qui fait mourir. Dieu punit les Israélites en envoyant des serpents brûlants (TOB, NBS), venimeux (FC). Deux mots différents sont employés en hébreu, comme pour marquer une gradation dans la dangerosité du reptile. Le serpent ou la vipère deviennent serpent ailé, un fléau qui s’abat sans merci sur tout le peuple, une image du malin comme dans la Genèse. « Il mourut un grand nombre de gens en Israël. » Dieu ordonne à Moïse de faire un serpent d’airain et de l’accrocher en hauteur, sur une perche. Quiconque lèvera les yeux vers ce serpent sera guéri. La procédure tient d’un rituel magique connu: le mal est représenté, et son antidote prend la même forme. Nous savons par ailleurs que le serpent, enroulé sur une perche, est un symbole de guérison répandu dans le Proche Orient antique. Nous en avons gardé la trace dans le Caducée des médecins et personnels de santé. Il semble, selon 2 Rois 18, 4, que le serpent d’airain de Moïse ait été conservé et vénéré. C’est Ezéchias, combattant l’idolâtrie, qui le fera détruire. Pour la prédication, quelques pistes : Elle peut comporter une partie de narration. Les histoires bibliques sont de moins en moins connues, surtout un tel épisode. Il est bon de situer le texte dans « l’Histoire Sainte » de l’Exode, d’autant plus qu’il conviendra ensuite d’en faire une lecture symbolique ou analogique. Selon Jean 3, 14, la lecture analogique serait celle de Jésus lui-même : « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle ». C’est en tout cas l’interprétation de la communauté johannique. Une prédication pour le 5ème dimanche du Carême peut se permettre de faire le lien entre la représentation du serpent élevé par Moïse au désert, et Jésus élevé sur la croix. Une accroche possible pourrait être la cause du fléau : le peuple d’Israël murmure contre Dieu. Est-il possible d’avoir une vie de foi heureuse et confiante, quand on râle tout le temps ? Que dans certaines situations humaines, nous perdions patience, c’est normal. Dans une situation de précarité qui dure, voire de maladie pénible, nous pouvons perdre courage, avoir le souffle court, et même, comme dans certains Psaumes, crier à Dieu notre impatience et notre découragement. Mais attention aux râleurs, aux perpétuels mécontents, et même au nostalgiques du passé. En Egypte, les marmites étaient pleines, comme autrefois (il y a 30 ans ??), dans la paroisse (à l’époque du pasteur Untel, un homme !), c’était (forcément !) mieux. L’insatisfaction, le mécontentement, la nostalgie morbide ne mènent pas au bonheur et à la vie, mais resserrent le cœur et coupent du Dieu vivant. Celui qui réclame tout le temps ne laisse pas de place à la reconnaissance et à la louange. Pour les Israélites, le Dieu qui les a libéré de l’esclavage (cf le Décalogue) est devenu le Dieu qui les fait mourir dans le désert. Les cailles et la manne, le pain de vie est devenu « pain de misère ». Dieu est rendu responsable des petits et des grands malheurs qui touchent l’individu et l’Eglise. L’humain est prompt à mettre sur le dos de Dieu tout ce qui va mal, la maladie, la crise mondiale, les tremblements de terre et la sécheresse. Le croyant, sans être aveugle, saura rester reconnaissant pour les petites et les grandes joies de la vie. « Compte les bienfaits de Dieu…. » au lieu de l’accuser de tous les maux de la terre ! Le croyant est celui ou celle qui fait confiance à Dieu, dans le bonheur comme dans le malheur. Le mal frappe les humains. Il est là, incontournable. Il frappe à l’aveugle les bons et les méchants. Il est sournois comme un serpent, rampant, il se faufile là où on ne l’attend pas. Personne n’est à l’abri du malheur, et donc de la mort. Attention à ne pas faire le lien entre le péché du peuple et le châtiment de Dieu. Oui, le salaire du péché, c’est la mort. Mais il me semble que 1) cela ne peut plus se dire ainsi aujourd’hui ; 2) qu’il n’est pas nécessaire d’être assaillis de serpents venimeux pour prendre conscience de sa faute ! Pour être sauvé des serpents, et donc de la mort… il suffit de lever les yeux vers le signe planté par Moïse. Les serpents rampent. Il est facile d’imaginer les regards tournés vers le sol, la peur d’être mordu. Quel courage faut-il pour lever les yeux, accepter de faire confiance à Dieu et à son serviteur et lever le regard vers le serpent d’airain. Il s’agit là, il me semble, d’une vraie démarche spirituelle. Dans le malheur, nous sommes invités à regarder vers Celui qui nous offre la vie, le Christ vivant. Notre tendance naturelle est de nous enfermer dans ce qui nous peine : je suis triste, je tourne en rond dans ma déprime. Mes seules préoccupations sont le médecin, le kiné, les résultats de labo, le rendez-vous suivant. Qu’il est difficile aussi de quitter le bord d’une tombe pour se remettre à vivre ! Le Christ en croix nous offre la vie. A quiconque met en lui sa confiance, il offre la vie éternelle, la vie en abondance. La foi, c’est lever les yeux vers ce Seigneur et lui faire confiance. Il faut sortir des circuits fermés qui ne mènent à rien, savoir lâcher prise sur nos soucis, nos angoisses, nos peurs paralysantes. La vie est au pris de cette confiance. Pour arracher les Israélites aux serpents venimeux, il fallait un serpent sur un bâton, élevé pour que tous puissent le voir et être sauvés de la mort. Pour nous sauver de la mort, Dieu a accepté que son Fils soit élevé sur le bois de la croix. C’est la mort qui a été crucifiée, et ce symbole de mort, la croix, est devenue pour les chrétiens, l’image de leur salut et de la vie en abondance, réconciliée avec Dieu.