Hirsutisme
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Hirsutisme … une approche au poil! Jean-Patrice Baillargeon, MD, MSc Professeur titulaire Département de médecine Université de Sherbrooke Conflits d’intérêt Aucun en lien avec cette présentation Objectifs Au terme de la conférence, le participant sera en mesure de : • Rechercher au questionnaire et à l'examen physique les indices des diverses étiologies d'hirsutisme; • Procéder au bilan approprié en fonction des trouvailles cliniques afin de poser le bon diagnostic étiologique; • Proposer un plan de traitement adapté à la pathologie sous-jacente. Définitions • Hirsutisme: – Présence de poils terminaux, drus, chez les femmes suivant un patron masculin • Hyperandrogénisme / hyperandrogénie: – excès des hormones androgènes chez la femme • L’hirsutisme affecte 5-15%* des femmes peut être très incommodant et source d’une détresse importante Azziz R, Obstet Gynecol 2003;101:995 Diagnostic d’hirsutisme Score de Ferriman-Gallwey ≥ 8: Hatch R et al., Am J Obstet Gynecol 1981;140:815 Diagnostic d’hirsutisme • Score de Ferriman-Gallwey a ses limites: – Subjectif, non fiable si méthodes cosmétiques – Ne reflète pas le degré d’inconfort de la patiente: la décision d’intervenir dépendra de la patiente • Distinguer l’hirsutisme de l’hypertrichose: – Pilosité excessive de façon généralisée, sans patron masculin duvet et non poils terminaux – Héréditaire ou 2re à certains médicaments; non liée aux androgènes Causes de l’hirsutisme Questions • Quelle est la cause la plus fréquente d’hirsutisme en Amérique du Nord et probablement dans le monde? • Quel traitement serait recommandé chez une femme qui présente un hirsutisme incommodant qui persiste après au moins 6 mois de traitement avec un contraceptif oral? * Azziz R et al., JCEM 2004; 89:453 Causes d’hirsutisme • Hirsutisme idiopathique – sans évidence d’augmentation des niveaux de testostérone ni autre androgène – ≈ 4% des ♀ avec hirsutisme* – ↑ activité 5-réductase qui active la testostérone a/n follicule pileux (testostérone DHT) – génétiquement déterminée • Hyperandrogénisme: ↑ androgènes circulants * Azziz R et al., JCEM 2004; 89:453 I. Hyperandrogénisme gonadique A. Hyperandrogénisme ovarien (origine la plus fréquente de l’hyperandrogénisme) 1. Syndrome des ovaires polykystique (voir plus loin) (82%) 2. Hyperandrogénisme ovarien fonctionnel (isolé) (6,8%) 3. Troubles virilisants surrénaliens avec résidus ovariens (très rares) 4. Bloques stéroïdogéniques ovariens (très rares) 5. Syndromes de résistance extrême à l’insuline (HAIRAN, hyperandrogenic insulin-resistant acanthosis nigricans, 4%) 6. Néoplasies ovariennes (<0,2%) B. C. Hermaphrodisme vrai (<0,2%) Hyperandrogénisme lié à la grossesse II. Hyperandrogénisme surrénalien A. B. C. D. E. Adrénarche précoce (fonctionnelle et associée au SOPK) Hyperandrogénisme surrénalien fonctionnel (isolé ou associé au SOPK) Hyperplasie congénitale des surrénales (déficits enzymatiques, 2,8%) Syndrome de Cushing (très rare) Néoplasies surrénaliennes (voir plus loin, <0,2%) Syndrome des ovaires polykystiques • 82% de toutes les femmes avec hirsutisme* • Affecte 6-10% des femmes en âge de reproduction • Endocrinopathie la plus fréquente de la jeune femme * Azziz R et al., JCEM 2004; 89:453 Syndrome des ovaires polykystiques Critères diagnostiques révisés en 2006 par l’AE&PCOS Society*: 1. 2. Signes cliniques et/ou biochimiques d’hyperandrogénisme Oligo-anovulation ou ovaires polykystiques et exclusion des autres causes – hypoT4, hyper PRL, hyperplasie congénitale des surrénales, tumeurs à androgènes, syndrome de Cushing *recommandations de l’AE&PCOS, JCEM 2006;91:4237 Syndrome des ovaires polykystiques Hyperinsulinémie ↓ Production ↑ Production androSHBG gènes ovariens Relâche LH/FSH désordonnée Hyperandrogénisme Syndrome des ovaires polykystiques Anovulation Hyperandrogénisme ovarien fonctionnel ou idiopathique • ↑ des niveaux de testostérone circulants – sans prédominance surrénalienne (DHEAS normale ou légèrement augmentée) – sans oligo-anovulation ni ovaires polykystiques • HF ovarien/surrénalien isolé = 7% des cas* • Souvent associé à l’obésité: – Résistance à l’insuline ↑ insuline ↑ production de testostérone et ↓ SHBG ↑ testo. libre – ↑ conversion périphérique A4 testostérone * Azziz R et al., JCEM 2004; 89:453 Hyperandrogénisme ovarien fonctionnel ou idiopathique • Variante du SOPK avec même prédisposition génétique et physiopathologie – Études génétiques sur le SOPK révèlent: • 40% des sœurs des femmes avec SOPK ont un hyperandrogénisme ovarien • 50% d’entre elles n’ont pas d’oligo-anovulation Hyperandrogénisme ovarien fonctionnel Néoplasies ovariennes • Tumeurs ovariennes virilisantes et d’origine bénignes ou malignes • Rares: <0,2% • Suggestif si progression rapide et testostérone totale > 6,9 nmol/L (RIA, ≈4,0 nmol/L par LC/Ms-MS ?) • Dx: échographie ou CT-scan ovarien Hyperandrogénisme surrénalien fonctionnel • Production exagérée d’andro. surrénaliens – DHEAS = spécifique à la surrénale – Probablement fonctionnel et relié à l’obésité et la résistance à l’insuline (comme pour le SOPK) • HF surrénalien avec oligo-anovulation = SOPK * Azziz R et al., JCEM 2004; 89:453 Néoplasies surrénaliennes • Tumeurs surrénaliennes produisant des androgènes, pouvant mener au virilisme • Bénignes ou malignes (hab. très agressives) • Rares: <0,2% • Suggestif si DHEAS > 16 µmol/L • Parfois atypique avec prédominance de sécrétion de testostérone • Dx: CT-scan surrénalien, ou échographie Évaluation initiale Évaluation clinique • Histoire: – Hx pers.: DG ou macrosomie foetale – Hx fam.: DM2, mal. coronarienne précoce – Sx d’hyperandrogénisme • Acné, hirsutisme et alopécie (androgénique) • Rapidité d’évolution – Sx de virilisme • changement de la voix, ↑ masse musculaire, clitoromégalie – Sx spécifique au SOPK • Hx menstruelle et fertilité • évolution du poids, Sx diabète Évaluation clinique (2) • Histoire (suite): – Effets des traitements préalablement tentés • contraceptifs oraux – amélioreront tous les hyperandrogénismes, mais surtout d’origine ovarien et périphérique – Peu d’effet sur les tumeurs néoplasiques • Examen physique: – TA, IMC et tour de taille – Téguments: • acanthosis ( insuline) • Hirsutisme (score peu utile), acné et alopécie • vergetures/aspect Cushing, aspect acromégale Testostérone totale et libre toutes ou juste si hirsutisme modéré à sévère Testo. L>43 (RIA) ou >25 (LC/MS-MS) mmol/L Testo. T>6,9 nmol/L (RIA) Testo. T<6,9 nmol/L (RIA) DHEAS 17(OH)Pg <16 µmol/L >16 µmol/L <12 nmol/L >12 nmol/L (<10h et phase folliculaire) Tumeur ovarienne Tumeur surrénalienne Test à l’ACTH <300 nmol/L Imagerie SOPK Idiopathique >300 nmol/L Hyperplasie congénitale des surrénales Évaluation paraclinique • Testostérone, avant 10h AM – SHBG basse si obésité ou SOPK demander testostérone libre calculée • Pour SOPK: – TSH et PRL, FSH et LH si aménorrhée – Bilan métabolique: Bilan lipidique & HGPO 2h Plan de traitement Perte de poids et exercice • Perte de poids avec ou sans exercice chez les femmes avec surpoids et hyperandrogénisme: – de seulement 5-10% sont souvent suffisantes pour normaliser la testostérone libre • toute baisse de poids va aider… – niveaux de testostérone (et peut-être même de l’insuline) améliore l’hirsutisme – Pas de risque + autres bénéfices à long terme… – Intervention de 1re ligne Traitement: contraceptifs oraux Introduction Contraceptifs oraux • Mécanisme d’action: – Oestrogène: • supprime la sécrétion hypophysaire de FSH/LH • ↓ stéroïdogénèse ovarienne et ↑ SHBG – Meilleur contrôle de l’hyperandrogénisme si • plus haute dose d’œstrogène: Diane®-35 ou Yasmine® • progestatif avec faible activité androgénique: Diane®35, Yasmine®/Yaz® Introduction (2) Contraceptifs oraux • Traitement prévilégié pour le SOPK – Régularise cycle et ↓ risque de Ca endomètre – Améliore l’acné et l’hirsutisme • Effets secondaires: – Thrombophlébite & embolie pulmonaire: pire avec Yasmine®/Yaz® (RR=2,7 & 2,8 vs levonorgestrel*) ou Diane®-35 (OR=2,7 & 3,9 vs levonorgestrel**) – Hypertension & hypertriglycéridemie – Dysménorrhée et Sx GI Levonorgestrel = Alesse®, Aviane® *Jick SS et al. BMJ 2011; 342:2151 Parkin L et al. BMJ 2011; 342:2139 **WHO. Lancet 1995;346:1582 Vasilakis-Scaramozza C et al. Lancet 2001;358:1427 Contraceptifs oraux Maladies cardiovasculaires • Étude de cohorte danoise avec suivi pendant 15 ans de 1 626 158 femmes en santé • Chez les utilisatrices de CO à des doses de 30 à 40 μg d’EE, vs. non-utilisatrices: – – – – – Risque relatif d’AVC = 1.4 à 2.2 (1.95) RR d’infarctus du myocarde = 1.3 à 2.3 (2.04) Après ajustement pour les facteurs de risque Ø différence selon types de progestatifs Risques moindres pour CO à plus faibles doses Lidegaard Ø et al. NEJM 2012; 366:2257 En résumé Contraceptifs oraux • CO utiles pour contrôle de l’hyperandrogénisme et de l’irrégularité menstruelle • Ne prennent pas en charge l’insulinorésistance et le syndrome métabolique – Détériorent l’IR et la tolérance au glucose – TA et triglycérides chez certaines femmes – pourraient risques de DM2 et maladies CV (pertinent pour les femmes SOPK) Traitement: sensibilisateurs à l’insuline Généralités Sensibilisateurs à l’insuline • La metformine est la plus utilisée • TZD à long terme controversés – Risque de diminution de la masse osseuse – Classe C en grossesse • Aussi : analogues GLP-1, inhibiteurs DPP-IV • Ces agents traitent directement le point de départ présumé du développement du SOPK • Mais ils prennent justement du temps à agir Hirsutisme Sensibilisateurs à l’insuline N=10 Durée Rx = 6 mois patient’s selfassessments (visual analog sliding scale) Kelly CJ et al., Eur J Endocrinol 2002; 147:217 Harborne et al., JCEM 2003: 4116 Hirsutisme Sensibilisateurs à l’insuline Metformine, études prospectives avec N≥20 Citation N Study population Dose and follow up period Kolodziejczyk et al, 2000 35 Obese, Poland 1500 mg/day, 12 weeks Decreased Clinical scores Ibáňez et al, 2001 Loverro et al, 2002 35 Non-obese, Spain 37 Overweight and obese, Spain 1275 mg/day, 6 months Decreased FG scores 1500 mg/day, 6 months No change FG scores Çiçek et al, 2003 22 Obese & non-obese, Turkey 1700 mg/day, 6 months Decreased FG scores Kazerooni et al, 2003 Aruna et al, 2004 Kriplani et al, 2004 Ganie et al, 2004 Yilmaz et al, 2005 Gambineri et al, 2006 35 41 66 35 48 20 1500 mg/day, 8 weeks 1000 mg/day, 6 months 1500 mg/day, 6 months 1000 mg/day, 6 months 1700 mg/day, 6 months 1700 mg/day (plus diet), 6 & 12 months Meyer et al, 2007 20 Obese, Australia Obese & non-obese, Iran Obese & non-obese, India Obese & non-obese, India Obese & non-obese, India Non-obese, Turkey Obese, Italy Effect on Comments hirsutism Decreased No change No change Decreased Decreased Decreased FG scores Clinical scores FG scores FG scores FG scores FG scores 2000 mg/day, 6 months Decreased FG scores Adapté de Baillargeon JP et al. Medical Treatment. In Diagnosis and management of polycystic ovarian disease, Springer, pp. 209-232, 2009 En résumé Sensibilisateurs à l’insuline • Alternative aux contraceptifs oraux pour: – Contrôler adéquatement l’hirsutisme ± acné – Restaurer les ovulations • prévenir le cancer de l’endomètre • Traite la résistance à l’insuline et le syndrome métabolique: – Pourrait prévenir le DM2 et les maladies CV • Pas un médicament très puissant: – La réponse est inversement reliée à l’IMC* *Maciel GA et al., Fertil Steril 2004: 355-360 Traitement: anti-androgènes Introduction Anti-androgènes • Bloquent l’effet des androgènes directement au niveau des tissus, soit en – Bloquant le récepteur aux androgènes: • spironolactone (Aldactone®) • flutamide (Euflex®) • acétatate de cyprotérone (Androcur®) – Inhibant la 5-réductase: • finastéride (Propécia®, Proscar®) • Aucun prouvé supérieur pour le traitement de l’hirsutisme et de l’acné Introduction (2) Anti-androgènes • Contrindiqués en grossesse – Absence de virilisation du fœtus mâle – Doit être combiné à un moyen de contraception efficace, hab. contraceptif oral • Hépatotoxicité: tous sauf la spironolactone – Rare, habituellement réversible – Surveiller bilan hépatique avant le début du Rx, puis à chaque visite (aux 3-6 mois) Agents Anti-androgènes • Spironolactone: – 100 mg bid, puis diminuer selon réponse – Surveiller K avant le début du Rx, puis 2 sem. plus tard et à chaque visite (aux 3-6 mois) – Peut causer de l’irrégularité menstruelle – Peu coûteux • Acétate de cyprotérone: – 50 mg die, 10 jours par mois afin d’induire les menstruations – sinon, peut causer irrégularité menstruelle Agents Anti-androgènes • Flutamide: – 250 mg die, puis diminuer selon réponse – Aurait un meilleur profil métabolique dans le SOPK – Plus coûteux • Finastéride: – 1 mg die – Aurait moins d’effet 2re, surtout hépatique (?) – Plus récent, moins connu – Beaucoup plus coûteux Indications Anti-androgènes • En monothérapie: – Hirsutisme idiopathique – Hirsutisme post-ménopausique • En association avec CO/sensibilis. à l’insuline – – – – contraception requise (CO) hyperandrogénisme aussi présent hirsutisme sévère: plus rapide et plus efficace persistance d’un hirsutisme incommodant après ≥6 mois de traitement avec un CO Méta-analyse des études d’efficacité Anti-androgènes Score Ferriman-Gallwey Swiglo BA et al., JCEM 2008; 93:1153 Méthodes cosmétiques • Requis avec le traitement pharmacologique: – La production d’un poil terminal est irréversible, jusqu’à remplacement du follicule pileux – Photoépilation est le plus efficace: laser & lumière pulsée – Électrolyse, épilation, etc… • Hydrochloride d’eflornithine: – Crème Vaniqa®, appliquée 2 fois par jour – Prend 2 mois avant d’agir, cesser après 4 mois si Ø effet – Coût: 80$/30g, dure 4-6 semaines CONCLUSION Messages clés 1. L’hirsutisme est fréquent et très incommodant pour les patientes: une prise en charge optimale est importante 2. La cause la plus fréquente est fonctionnelle, surtout le SOPK; mais penser aux tumeurs 3. Plusieurs outils sont disponibles et une combinaison est + efficace si sévère/persistant 4. Penser aussi aux risques métaboliques à long terme dans le SOPK: considérer la metformine Suivi des patientes Suivi des patientes Fréquence du suivi • Première visite de suivi: – 3-6 mois, 3 mois si spironolactone – Attention aux attentes irréaliste: • Cycle d’un poil = 6 mois – donc: peu d’effet avant 3 mois, effet maximal à 6 mois • Follicule pileux stimulé par testo. pour produire poil terminal = irréversible (jusqu’à son atrésie) – donc: méthodes cosmétiques seront toujours nécessaires, mais poils seront plus minces et pousseront moins vite – électrolyse ou laser seront plus efficaces • Par la suite: suivi à long terme, ≈ 1 fois/année *Maciel GA et al., Fertil Steril 2004: 355-360 Mesure de la testostérone (5) • Testostérone non-liée à la SHBG (“bioactive”): – Mesure de la testostérone après précipitation de la testostérone liée à la SHBG = testostérone libre + liée à l’albumine – Hypothèse sous-jaçente non démontrée et probablement peu pertinente chez les femmes – Technique de précipitation peu reproductible; non acceptée par plusieurs biochimistes Suivi des patientes Paramètres à suivre • Effets secondaires des médicaments (Cf Rx) • Effets cliniques des médicaments – Sur l’hyperandrogénisme: • • • • Attention aux attentes irréalistes Score Ferriman-Gallwey peu utile (méthodes cosmétiques) Se fier surtout à la satisfaction de la patiente Testostérone libre calculée (& progestérone re phase menstruelle) – Sur les saignements menstruels et les risques d’hyperplasie ou carcinome de l’endomètre (surtout si patiente obèse) *Maciel GA et al., Fertil Steril 2004: 355-360 Suivi des patientes Paramètres à suivre • Effets cliniques des médicaments (suite) – Sur les aspects métaboliques: • • • • Poids des patientes Bilan lipidique Glycémie à jeun (± A1c) Répéter HGPO si ↑ GJ (± A1c) ou aux 5 ans (surtout si patiente obèse) *Maciel GA et al., Fertil Steril 2004: 355-360